Dossier: L’effet Placebo

Dossier présenté par Alan dans l’épisode #19

Un placebo, qu’est-ce que c’est ?

Placebo (piqué sur Flickr: http://www.flickr.com/photos/jabbarman/454672996/#/ )Ce qu’on appelle un « Placebo », c’est, en gros,

  • soit un faux médicament (donc sans substance active particulière, un morceau de sucre ou un comprimé de farine, par exemple)
  • soit une intervention médicale simulée (simulacre d’intervention chirurgicale, traitement par radiations, etc.)

Si le patient qui a reçu ces traitements simulés se sent mieux après les avoir reçu, on parle « d’effet Placebo ».

Le placebo agit non seulement sur des signes subjectifs (douleur, anxiété, dépression, etc.), mais également sur des signes mesurables, biologiques (diminution d’œdèmes, d’acidité gastrique, du taux de cholestérol, du nombre de globules rouges) et cliniques (fréquence cardiaque, pression artérielle.)

Le champ du placebo est assez vaste : du traitement de la douleur à celui de la dépression, si on présente un placebo comme un relaxant musculaire, les muscles vont se relâcher. Le même placebo avec la description contraire pourra tendre le muscle. Le café décafféiné réveille si l’on ne sait pas qu’il est décafféiné. Des placebos d’alcool intoxiquent à bon marché, des placebos d’allergènes provoquent des réactions allergiques. Il y a même des placebo contre le mal de mer !

Un truc marrant, c’est que plus le placebo est cher et plus il est efficace. Les injections sont plus efficaces que les médicaments. Les capsules marchent mieux que les tablettes. Les capsules aux couleurs chaudes fonctionnement mieux comme stimulants alors que celles aux couleurs froides font de meilleurs calmants. Et dans tous les cas, la relation soignant/soigné et le niveau de confiance accordé au thérapeute sont déterminants pour que la magie du Placebo ait lieu…

Un peu d’histoire

« Placebo » signifie « Je plairai » en latin. La première mention du terme remonte à une traduction de la Bible en latin par Jérôme-de-Stridon (ou St-Jérôme), qui a vécu au Ve siècle… Le concept n’est pas nouveau nouveau donc…

Le terme apparaît dans le sens médical dès 1785 dans des publications américaines. Mais les scientifiques n’ont commencé à s’intéresser au phénomène sérieusement que dans le courant du siècle passé. Une étude publiée en 1955 dans le Journal of American Medical Association par Henry Beecher, de l’Université Harvard, indiquait que chez 35% des patients, la douleur était soulagée par la prise d’un comprimé de sucre ou une injection de sérum physiologique. Et on parlait de douleurs postopératoires, pas de douleurs imaginaires !

Comment ça marche ? Que se passe-t-il dans le cerveau ?

Prenons l’exemple de la douleur :
Quand on parle d’analgésiques, c’est-à-dire de substances capables de supprimer la douleur, ce qu’il faut comprendre, c’est que ces substances n’agissent jamais sur la cause de la douleur. Si on se casse une jambe, la morphine n’aura aucun effet sur la jambe. La morphine agit au niveau du cerveau, en bloquant les circuits de la douleur. C’est comme si elle coupait le câble qui véhicule le message « n’oublie pas que ta jambe est cassée, arrête de poser ton poids dessus et appelle l’ambulance ! »

A l’université de Turin, Fabrizio Benedetti a montré que l’analgésie obtenue avec un placebo est supprimée si l’on administre au patient de la naloxone, une substance qui bloque les récepteurs cérébraux de la morphine et donc également des opiacés naturels produits par l’organisme. En d’autres termes, on peut bloquer, de manière mécanique, l’effet analgésique du placebo comme on peut bloquer l’effet analgésique de la morphine. Le placebo agit donc véritablement au niveau des circuits neurologiques de la douleur.

Et pour ceux qui doivent voir pour croire, en 2005, une étude scandinave réalisée à l’aide d’un scanner tomographique à positrons (PETscan) a montré que le placebo antidouleur active les mêmes zones cérébrales que celles qui sont stimulées par l’analgésie par les opiacés. CQFD. Dans environ 35% des cas, le cerveau humain, cette merveille de la nature, est capable de déclencher un effet analgésique comparable à celui des drogues les plus puissantes. Et sans effet secondaires ! On fait d’ailleurs appel aux mêmes mécanismes lorsqu’on utilise l’hypnose comme technique d’anesthésie. Mais bon, c’est un autre sujet qui pourrait faire l’objet d’un dossier à lui tout seul…

L’effet placebo dans d’autres champs que la douleur est moins bien étudié, mais on commence quand même à en comprendre les mécanismes. Ce sont souvent les récepteurs de la dopamine qui sont impliqués :

  • Les placebos avec un effet anti-dépresseur agissent sur les mêmes zones du cerveau que les anti-dépresseurs pharmaceutiques, avec, en plus, une action sur le cortex préfrontal (action que les géants de la pharma devraient peut-être étudier si ce n’est pas encore le cas…)
  • La caféine « placebo » augmente la libération bilatérale de dopamine dans le thalamus.

 

Et l’homéopathie dans tout ça ?

Au risque de décevoir ses fans, l’homéopathie est en contradiction totale avec les principes fondamentaux de la chimie et de la physique contemporaines et la communauté scientifique considère que l’homéopathie n’est en fait qu’une manifestation de l’effet placebo. D’ailleurs, à ce jour, aucune étude clinique n’a démontré la supériorité de l’homéopathie sur la placebo.
Pour ma part, je me sers de l’homéopathie comme déclencheur du placebo. Je ne suis pas encore assez zen pour maîtriser le déclenchement du processus, spécialement quand j’ai un rhume, ce qui me rend grincheux par-dessus le marché. Et, dans mon cas (je suis dans les 35% de Beecher), les petites granules de sucre à CHF 7.00 enclenchent le processus presque à chaque coup, même si je sais que ce n’est pas la substance active qui agit (et pour cause, elle est indétectable dans les granules !), mais le placebo. Merveilleux, non ? J’ai longtemps pensé que j’avais un peu trop d’imagination, mais non, la science vient de confirmer que je ne suis pas un cas unique: une étude publiée le 22 décembre 2010,  confirme que l’effet placebo peut être efficace même lorsque les sujets savent a priori qu’on leur administre un médicament sans substance active.

Mais encore ? L’effet Nocebo

Si on revient sur terre, ce dont on parle en fait, avec le placebo, c’est de la phénoménale puissance réparatrice du cerveau humain. Le problème, c’est que le placebo, positif, (« Je plairai ») a également son pendant négatif, le nocebo (« Je nuirai »). Utilisant exactement les mêmes mécanismes, le nocebo peut faire beaucoup de mal et même conduire jusqu’à la mort. Il n’était pas rare dans les sociétés traditionnelles que la malédiction d’un sorcier se réalise. Mon dossier est assez long, je ne vais pas développer davantage, mais on pourrait imaginer un autre dossier spécifiquement dédié au nocebo et au shamanisme…

En attendant, le sujet a inspiré Lucile et je vous invite à vous précipiter sur le site pour découvrir son illustration géniale, où des m&m’s en perte de sens de la vie décident de se recycler en placebo pour servir à quelque chose!

Références, liens externes :

 

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