Dossier – La Bosse des Maths

Dossier d’Ahn Tuan dans l’épisode #27.

 

Alors que je m’apprêtais à faire mon footing, je voulais joindre l’utile à l’agréable et j’ai donc pioché dans les liens de Podcast Science pour trouver un podcast à écouter.

Je suis donc tombé sur “La tête au carré” et un épisode intitulé : “La Bosse des Maths“. De quoi vraiment éveiller ma curiosité. Après écoute, je vous conseille vivement cet épisode précis dont je vais grandement m’inspirer pour mon dossier de ce soir.

La bosse des maths … cette expression est vraiment ancrée dans la langue française. Mais savez-vous d’où elle vient ? En fait, c’est à la phrénologie qu’on doit cet abus de langage. La phrénologie, c’est cette pseudo-science du XIXeme siècle qui établissait une relation entre la forme du cerveau et nos capacités intellectuelles. Quelqu’un de très gentil ou d’honnête avait donc un crâne de forme différente à quelqu’un de méchant. Imaginez le délit de faciès !

Frantz Gall, inventeur de cette pseudo-science avait alors identifié le front comme le siège des nombres : de là était née la croyance qu’une bosse des maths existait vraiment et qu’on n’en était pas tous pourvu. De quoi traumatiser des milliers d’enfants devant les tables de multiplication. Mais vous l’aurez compris, ce n’est que pure affabulation due à une méconnaissance de notre cerveau. La bosse des maths n’existe pas ou plutôt, on a tous le sens des nombres.

Je suis d’ailleurs conscient que cette affirmation peut choquer les plus récalcitrants aux mathématiques mais c’est un fait scientifique démontré. On a tous le sens des maths. On partage d’ailleurs ce sens avec de nombreux animaux, ce qui prouverait l’existence d’une aire cérébrale dédiée et très ancienne.

En effet, prenez les poissons par exemple. Vous vous demandez bien sûr comment on a pu démontrer qu’ils savent compter. Vous allez voir, le protocole est très simple (un article dessus ici). Les poissons sont des animaux sociaux, ils ont l’habitude de se déplacer en bancs, en groupe pour se protéger des prédateurs.

On a donc placé un de ces poissons dans un aquarium avec de chaque côté de la vitre deux bancs de taille différente. Systématiquement, le cobaye allait vers le banc contenant le plus de ses congénères. Après s’être assuré qu’aucun autre facteur que le nombre ne pouvait influer sur la décision du poisson, on a alors confirmé que le poisson savait compter.

Bien sûr, s’il peut distinguer 12 poissons de 22, il est bien plus difficile pour lui de choisir entre 12 et 13 de ses congénères. Cette capacité à discerner avec précision les quantités s’appelle l’acuité numérique.

Chez l’Homme, cette acuité se développe au cours de la petite enfance. Elle est d’ailleurs grandement facilitée par notre culture numérique. En effet, si savoir évaluer les quantités est indéniablement un plus pour survivre, nous avons développé un système numérique qui permet de précisément distinguer chaque nombre.

Grâce aux chiffres, plus de difficulté à discerner les nombres 2934 et 2935 par exemple. Chose impossible pour les animaux. Enfin, plus de difficulté, ça dépend pour qui. Vous vous rappelez que j’ai dit qu’on avait tous le sens des nombres. Et bien, ce n’est pas entièrement vrai. Comme sa cousine, la dyslexie pour les lettres, il existe bel et bien la dyscalculie pour les nombres.

Malheureusement, ce trouble est bien moins compris que la dyslexie. Toutefois, il n’en est pas moins fréquent. Imaginez la détresse de ceux qui en souffrent. Pour vous donner une idée, en voici quelques symptômes :

  • Difficultés à comprendre le concept du temps et à estimer le temps qui passe. Souvent en retard ou en avance.
  • Difficulté avec les tables de multiplication, de soustraction, d’addition, de division, en calcul mental, etc.
  • Incapacité à lire une suite de nombres, ou peut l’inverser lorsqu’il le répète, comme dire 56 pour 65.

Heureusement la recherche avance, notamment en France avec le logiciel : La course aux nombres développé par l’INSERM-CEA, que vous pouvez télécharger gratuitement et qui permet d’améliorer la condition des petits dyscalculiques de 4 à 8 ans.

Maintenant, voyons comment le sens des nombres apparaît dans notre cerveau. Grâce à l’imagerie médicale, on a pu constater que des circuits neuronaux dans les deux hémisphères s’activaient lorsqu’on manipulait des nombres. Plus fort encore, on a pu voir que les circuits étaient spécifiques à des nombres donnés. Par exemple, si vous pensez au nombre 3, des zones uniques de votre cerveau vont s’activer et ne le seront pas à l’évocation du nombre 4 par exemple.

De plus, ces neurones des nombres sont entourés de neurones liés à la représentation dans l’espace. Cette relation entre nombre et espace est fascinante. C’est elle qui nous permet réellement d’appréhender les mathématiques.

En effet, on a tous, par exemple cette représentation de la ligne numérique. Les nombres sont comme sur une flèche avec les petits à gauche et les grands à droite. Cette représentation spatiale est alors très utile pour amener des concepts qui n’existent pas dans la nature : les nombres négatifs par exemple.

Il suffit juste de les imaginer encore plus à gauche sur notre ligne numérique. Ca a l’air facile comme ça mais de grandes batailles entre mathématiciens de génies se sont produites à cause de ces nombres négatifs. Pour la petite histoire, ils n’ont été communément acceptés qu’au début du XIXème siècle ! Et cette bataille, tous les enfants la vivent encore de nos jours lors de l’apprentissage des mathématiques. Nombres négatifs, fractions, nombres imaginaires, tous ces concepts qui n’existent bien sûr par dans la nature ont été inventés par l’Homme pour appréhender le monde.

On comprend alors pourquoi la représentation spatiale a été aussi primordiale pour comprendre ces principes mathématiques. Sans cette structure cérébrale, les maths seraient bien pauvres.

Ah j’ai commencé ce dossier par casser le mythe de la bosse des maths, je vais finir en brisant une autre légende urbaine. Il n’y a pas de différences génétiques et physiologiques dans l’appréhension des mathématiques pour les hommes et pour les femmes. C’est tout simplement une idée reçue qui est vraiment tenace ! Bien sûr, si dès le plus jeune âge, on vous dit que de toute façon, vous serez mauvais en maths, vous finissez fatalement par le devenir réellement. Faute à ce stéréotype sexuel.

Pour tout vous dire, quand j’étais en primaire, j’avais énormément de mal avec les maths. Maintenant, je fais des études dans ce domaine là. C’est bien la preuve que rien n’est joué d’avance.

 

 

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