Les Horloges Géologiques

Dossier présenté dans l’épisode #71.

Un paléontologue est comme un détective arrivant après coup sur les lieux du crime. Pour savoir précisément quand des événements se sont produits, il se fonde sur les traces laissées par des processus liés au temps.
Pour étudier l’évolution, on n’a pas besoin d’une simple horloge qui donne l’heure qu’il est, comme un cadran solaire ou une montre, mais il faut quelque chose qui ressemble plus à un chronomètre qu’on peut faire redémarrer.
Il faut que l’horloge évolutive soit à zéro à un certain moment pour qu’on puisse calculer le temps qui s’est écoulé depuis un point de départ.
Les horloges radioactives pour dater les roches ignées (volcaniques) sont justement mises à zéro au moment où la roche se forme par solidification de la lave en fusion.
De plus il existe toute une panoplie d’horloges naturelles, recouvrant un spectre très large d’échelles de temps, dont la gamme de sensibilité se recouvre parfois et cela est une très bonne chose car on peut alors vérifier l’exactitude de chacune avec une autre.
Il existe des horloges radioactives qui pourraient mesurer des fractions de seconde, mais pour ce qui a trait  à l’évolution, les horloges les plus rapides dont les paléontologues ont besoin mesurent des siècles, ou éventuellement des décennies. A cette extrémité du spectre des horloges naturelles, on trouve la datation au carbone et la dendrochronologie (dendron= l’arbre/ Chronos= le temps/ Logos= l’étude. Donc la dendrochronologie est la science de la datation des arbres) très utile en archéologie.
A l’autre extrémité du spectre se trouvent des horloges capables de mesurer des centaines de millions, voire des milliards d’années.

Les cernes des arbres

Nous allons tout d’abord évoquer la dendrochronologie. Cette technique de datation est très précise, puisqu’elle a littéralement une précision à l’année près.
Son principe est simple, et plus ou moins connu par tous, puisque tout le monde a sûrement entendu dire que les cernes des arbres (c’est à dire les cercles concentriques que l’on voit en coupant un tronc) indiquent l’âge de l’arbre. Plus jeune,  je me suis souvent demandé si ce n’était pas encore une de ces vieilles légendes urbaines. Et il se trouve que le jour où je me suis décidé à la vérifier, j’ai été heureux de constater que cela était vrai!

Un arbre vivant produit du bois du côté interne de sa couche de cambium (J’aime bien donner l’origine des mots, car souvent ça aide à les mémoriser. Ici, Cambium vient du latin cambio qui signifie “j’échange” et le cambium est un tissu végétal qui marque la limite entre le bois et l’écorce)
Cela entraine donc l’augmentation de son diamètre. Généralement les arbres produisent leur bois entre le début du printemps et la fin de l’été.
Si on observe les cernes, on remarquera qu’il y a une partie claire et une partie plus sombre. La partie claire correspond au début de la saison, où la disponibilité de l’eau est à son maximum. Ainsi les cellules de xylème (ici, xylème = le bois) qui sont produites à cette période ont un large diamètre et une paroi cellulaire mince.
Par contre le bois produit à la fin de la saison a des cellules plus petites et une paroi cellulaire plus épaisse, ce qui donne la couleur plus foncée. Une fois la saison de production de bois terminé, le cambium stoppe sa production de cellules et rentre dans un état de dormance jusqu’au début du printemps suivant.
Ainsi une année est représentée par un cerne possédant une partie sombre et une partie claire (il faut noter toutefois que je parle là d’un principe général, dans une région où la différence entre les saisons est fortement marquée et pour une espèce d’arbre, comme les conifères, où cette différence entre partie claire et partie sombre est bien marquée. Mais pour certaines espèces cette différence n’est pas si évidente et il faut parfois avoir recourt au microscope pour observer les cellules)

Mais la croissance d’un cerne dépend beaucoup des conditions météo, qui varient d’une année sur l’autre. Grosso modo, les sécheresses retardent la croissance, et une bonne année en pluie va l’accélérer. Donc d’une année sur l’autre l’épaisseur d’un cerne ne va pas être la même, et le schéma des cernes larges et minces dans une région donnée, résultant d’une séquence particulière de bonnes et mauvaises années, est suffisamment caractéristique pour qu’on puisse les reconnaître d’un arbre à l’autre. Cette empreinte constitue une sorte de code-barre.

Grâce à ces codes-barres qui identifient donc un espace de temps donné, dans une région donnée, on peut alors, à rebours, établir les empreintes de cernes caractéristiques de temps antérieurs.
Par exemple en prenant un arbre vivant aujourd’hui et ayant 50 ans, en observant ses motifs de cernes, on en déduit à quoi ressemblent les motifs de cernes sur les 50 dernières années. Admettons que l’on possède une carotte d’un arbre quelconque de la même région qui a été établi il y a 30 ans alors que cet arbre avait alors 60 ans (Pour effectuer de la dendrochronologie, on n’abat pas les arbres pour observer leur tronc, tout cela se fait bien sûr en respect de la nature. Ce sont donc des carottes qui sont extraites)

Comme cette carotte date d’il y a 30 ans, le motif de cernes sur les 20 dernières années avant le carottage, doit se retrouver sur les 20 premières années de notre arbre moderne (qui a 50 ans). Ainsi cela donne le motif sur les 40 années précédant la naissance de notre arbre moderne. On a alors le motif de cernes représentatif de la région sur 90 ans. Et ainsi par suite de chevauchements de restants d’arbres pétrifiés, ou de bois utilisé dans des constructions anciennes, on peut établir le motif de cernes caractéristique d’une région donné.

Théoriquement, s’il se trouvait suffisamment de forêts pétrifiées pour accompagner en une chaîne continue notre voyage vers le passé, on pourrait remonter jusqu’à plusieurs millions d’années. Au lieu de dire “cet arbre date du Jurassique” on pourrait dire “cet arbre date de l’an 151 432 657 avant JC!”
Mais dans la pratique il n’existe pas de chaine ininterrompue et avec la dendrochronologie on remonte à seulement 11’500 ans.

Les cernes des arbres ne sont pas tout à fait le seul système qui promet une datation précise à l’année près.
Les varves sont des couches de sédiments déposées dans les lacs glaciaires (Nord de l’Europe, Scandinavie). Comme les cernes des arbres, elles varient selon les saisons. Durant l’été, la sédimentation est plus active à cause de l’alimentation par les eaux de fontes des glaciers. Cela dépose une couche claire. Par contre l’hiver c’est une couche foncée qui se dépose.
Ces 2 couches forment une varve. On peut donc y appliquer le même principe.

Les récifs coralliens eux aussi ont des cernes annuels de croissance, exactement comme les arbres.

Les horloges radioactives

Contrairement aux cernes des arbres, les horloges radioactives ne sont précises que dans une marge d’erreur à peu près proportionnelle à l’échelle de temps concernée.
Généralement la marge d’erreur est d’environ 1%.
Pour comprendre comment fonctionnent les horloges radioactives, il faut d’abord comprendre ce qu’est un isotope radioactif.
Il existe environ cent éléments, un peu plus si on compte ceux que l’on décèle uniquement en laboratoire, un peu moins si on ne compte que ceux que l’on trouve dans la nature. Chaque élément possède son atome caractéristique.
Trois types de particules entrent dans la composition de l’atome: Les électrons et celles qui forment le noyau et qui sont presque de la même taille, les protons et neutrons.
Le nombre de protons est fixe pour un élément donné, et égal à celui des électrons. Ce nombre est ce qu’on appelle le nombre atomique et il caractérise un élément. L’élément ayant pour numéro atomique 1 est l’hydrogène, le 2 est l’hélium, le 3 le lithium, le 4 le béryllium, le 5 le bore, le 6 le carbone, le 7 l’azote, le 8 l’oxygène, ainsi de suite jusqu’à des nombres comme le 92 qui est le nombre atomique de l’uranium.

(Petite phrase mnémotechnique pour retenir la 2e ligne de la classification des éléments: “Lili Bêche Bien Chez Notre Oncle François Nestor” ==> Li Be B C N O F Ne)
A la différence des protons, les neutrons ne permettent pas d’identifier un élément. Ainsi les atomes d’un même élément pourront se présenter sous différentes versions, qu’on appelle des “isotopes”. Pour un élément donné, le nombre de protons reste donc constant, et c’est le nombre de neutrons qui varie.
Certains éléments comme le fluor n’ont qu’un seul isotope qui se rencontre dans la nature. Le nombre atomique du fluor est le 9 et son nombre de masse 19 (la masse des électrons étant négligeable devant celles des protons et neutrons, le nombre de masse correspond donc au nombre d’éléments du noyau, c’est à dire le nombre de protons et de neutrons) On en déduit donc que le noyau d’un atome de fluor est composé de 9 protons, et 10 neutrons.
D’autres éléments ont un grand nombre d’isotopes: le plomb en a 5 qu’on rencontre couramment. Tous ont le même nombre de protons, qui est 82 le numéro atomique du plomb, mais leur nombre de masse varie entre 202 et 208.
Le carbone a lui 3 isotopes que l’on rencontre dans la nature: Le plus commun est le carbone 12 (6 protons 6 neutrons), mais il y a aussi le carbone 13, qui est très très rare donc on n’en parlera pas plus, et le carbone 14 qui est relativement rare et connu pour faire des datations.
Mais l’information importante à savoir pour comprendre le principe des horloges radioactives est que certains isotopes sont stables et d’autres instables. Pour le plomb, le Plomb 204, le Plomb 206, le Plomb 207 et le Plomb 208 sont stables, alors que le Plomb 202 est instable.
“Instable” veut dire que le noyau de l’atome peut se transformer spontanément en un autre atome à tout moment. “Instable” ici est synonyme de “radioactif”. Il existe plusieurs types de radioactivité. Il y a d’abord ceux qui transforment un neutron en proton, ou l’inverse, un proton en un neutron.
Cette modification n’entraîne pas de changement du nombre de masse, puisque proton et neutron ont sensiblement la même masse. Mais par contre le nombre atomique est modifié, donc l’atome devient un élément différent. Si un neutron se transforme en proton, le numéro atomique augmente alors que si un proton se transforme en neutron, il diminue.
Par exemple le sodium 24 (11p+13n) se transforme en magnésium 24 (12p+12n)

Puis il y a aussi un type de radioactivité pour lequel un atome éjecte une particule, qu’on appelle particule alpha, et qui est composée de deux protons et deux neutrons (on appelle cela la radioactivité alpha) Cela signifie que le nombre de masse diminue de 4, et le numéro atomique de 2.
Un exemple de radioactivité alpha est la transformation de l’isotope Uranium 238 (92p + 146n) en thorium 234 (90p + 144n)

Et maintenant autre point crucial: Chaque isotope radioactif à un rythme de décroissance qui lui est propre. Certains rythmes sont plus lent que d’autres, mais quoi qu’il en soit, il se font toujours de façon exponentielle. C’est à dire que ce n’est pas une quantité fixe qui se transforme en un temps donné, mais une proportion fixe. Et la mesure que l’on préfère utiliser pour le taux de décroissance est celle de la “demi-vie”, c’est à dire le temps qu’il faut pour que la moitié des atomes se transforment. Et cette demi-vie reste la même quelle que soit la quantité d’atomes restants. (d’où le terme “exponentielle”)
Pour donner quelques exemples, la demi-vie du rubidium 87 est de 49 milliards d’années et celle du fermium 244 de 3,3 millisecondes. Cela illustre la gamme d’horloges radioactives disponibles.
La demi-vie du carbone 15 est de 2,4 secondes, donc elle n’a pas d’utilité pour des datations anciennes, mais la demi-vie du carbone 14 est  de 5730 ans, ce qui est parfait pour  effectuer des datations sur des temps archéologiques.
Un isotope très utilisé est le potassium 40, qui a une demi-vie de 1,26 milliards d’années. Il décroit en argon 40 (qui se situe en dessous dans le tableau de Mendeleiev (K=19, Ar=18).
On appelle donc cette horloge, l’horloge potassium-argon.
Donc si on imagine que l’on a une certaine quantité de potassium dans un espace fermé et qu’il n’y a pas d’argon au départ. Au bout de quelques centaines de millions d’années, un scientifique découvre cet espace fermé et mesure les proportions relatives des deux éléments potassium 40 et argon 40.
En connaissant la demi-vie, d’après les proportions trouvées mais également en supposant qu’il n’y avait pas d’argon au départ, on peut estimer le temps qui s’est écoulé depuis le début du processus.

Comme toutes les horloges radioactives qu’utilisent les géologues, l’horloge potassium-argon ne fonctionne qu’avec les roches ignées (qui vient du matin ignis qui signifie “le feu”)
Pourquoi? Parce-que les roches ignées se solidifient à partir de roche en fusion (magma souterrain pour le granit, lave des volcans pour le basalte). Cette solidification se fait sous forme de cristaux, et plusieurs d’entre eux contiennent des atomes de potassium, dont une certaine proportion sont des atomes radioactifs de potassium 40.
Au moment où la roche en fusion se solidifie, il y a donc du potassium 40 mais surtout, il n’y a pas d’argon, et cela est très important car c’est ce qui permet de mettre l’horloge à 0, et donc de connaître à partir de quel moment le “chronomètre” a commencé à défiler. S’il y avait eu de l’argon, il n’aurait pas été possible d’utiliser cette horloge sans connaître les quantités initiales d’argon et de potassium (ce qui n’est pas possible)
L’horloge est donc “à zéro” dans le sens où il n’y a pas d’argon.
Par la suite, la quantité d’argon qui s’accumule est une mesure du temps qui s’est écoulé depuis que la roche s’est formée. Mais cette quantité n’a de sens que si elle est exprimée comme le rapport entre le potassium 40 et l’argon 40. Quand l’horloge était à zéro, ce rapport était de 100% en faveur du potassium 40. Au bout de 1,26 milliards d’années, ce rapport sera de 50 – 50. Au bout de 1,26 milliards d’années de plus, la moitié du potassium restant se sera converti en argon 40, et le rapport sera de 25% de potassium contre 75% d’argon, et ainsi de suite.
Ainsi lorsque les géologues mesurent le rapport potassium/argon dans une roche ignée qu’ils ramassent aujourd’hui, ils peuvent en déduire depuis quand la roche a commencé à se cristalliser en partant de son état de fusion.
L’explication concerne l’horloge potassium/argon, mais les roches ignées contiennent de nombreux isotopes radioactifs, et le fonctionnement est exactement le même. De plus, étant donné que les horloges radioactives couvrent une large gamme de temps, l’une peut être utilisée pour vérifier l’autre.

Mais alors comment dater des fossiles? En effet, on ne trouve quasiment jamais de fossiles dans les roches ignées. Les fossiles se forment dans des roches sédimentaires comme le calcaire ou le grès, qui ne sont pas de la lave solidifiée. Ce sont des couches de boue, de limon ou de sable qui se sont déposées peu à peu au fond d’une mer, ou d’un lac. Le sable ou la boue se compacte avec le temps et durcit sous forme de roche, et les cadavres qui sont pris dans la boue ont alors une petite chance de se fossiliser.
Le problème des roches sédimentaires est qu’elles ne peuvent pas être datées par radioactivité. Elles contiennent probablement du potassium 40 ou d’autres éléments radioactifs qui pourraient servir d’horloge. Mais ces horloges ne sont d’aucune utilité car elles ne se mettent pas bien à zéro, ou plutôt elles s’y mettent à des moments différents les unes des autres. Les particules de sable qui sont compactés pour faire du grès peuvent avoir été concassées à l’origine à partir de roches ignées, mais ces roches ignées se sont toutes solidifiées à des moments différents. Donc chaque grain de sable à une horloge qui s’est mise à zéro à son propre moment, et un moment qui a probablement eu lieu longtemps avant que la roche sédimentaire ne se soit formée.
Les roches sédimentaires qui contiennent les fossiles ne sont donc pas utilisables pour la datation.
Le mieux que l’on puisse faire, c’est de dater les roches ignées se trouvant à proximité de la roche sédimentaire, ou enfouies à l’intérieur.

Tout autour du monde on trouve des couches de roches sédimentaires qui présentent de grandes similitudes, et qui correspondent par conséquent à la même période. Ces couches avaient été identifiées bien avant la découverte des datations radioactives, et on leur avait donné des noms comme: Cambrien, Ordovicien, Silurien, Dévonien, Carbonifère, Permien etc… (Une phrase pour retenir les périodes de l’ère primaire ou paléozoïque est: Cambrone Ordonna Silence et Dévouement à ses Carabiniers Permissifs) Toutes ces périodes se reconnaissent à l’œil nu dans toutes les parties du monde, car elles sont similaires et contiennent les mêmes types de fossiles.
Les géologues connaissent donc depuis longtemps l’ordre dans lequel ces sédiments ainsi nommés se sont déposés. Simplement ils ne savaient pas quand!
On savait que les fossiles du Cambrien, étaient plus anciens que ceux de l’Ordovicien. Et dans ces mêmes couches, les géologues distinguent aussi des sous-divisions. Par exemple: Jurassique supérieur, Jurassique moyen, Jurassique inférieur.
Comme l’ordre relatif des strates est bien connu et que le même ordre se retrouve tout autour du monde, on peut se servir des roches ignées qui sont juste au-dessus ou juste au dessous des strates sédimentaires, ou qui y sont encastrées, pour dater ces strates, et donc les fossiles qu’elles renferment. On sait ainsi d’après les datations des roches ignées que l’on a trouvé associées à des roches du Dévonien, que cette période a commencé il y a environ 410 millions d’années, et s’est terminée il y a environ 360 millions d’années. On ajoute un peu de raffinement en évaluant la position du fossile dans la strate. Un fossile gisant près du haut sera plus récent que ceux gisant près du bas.
Faisons à présent une petite remarque sur les horloges radioactives, qui constituent un argument de poids en faveur de l’ancienneté de la Terre: On dénombre 150 isotopes stables et 158 isotopes instables. Sur les 158 instables, 121 ont soit quasiment disparu de la Terre, soit existent encore car ils se renouvellent constamment. Or si l’on regarde les 37 qui n’ont pas disparu, on remarque que chacun d’eux, sans exception, à une demi-vie supérieure à 700 millions d’années. Et si l’on regarde les 121 qui ont disparu, chacun d’entre eux sans exception a une demi-vie inférieur à 200 millions d’années. On comprend donc que les seuls isotopes que l’on trouve sur la Terre sont ceux dont la demi-vie est suffisamment longue pour avoir survécu sur une très vieille planète.

 

Le carbone

Le carbone est l’élément qui semble le plus indispensable à la vie, de par sa capacité à former des chaînes, des anneaux et différentes autres architectures moléculaires complexes.
C’est par les plantes qu’il entre dans le réseau alimentaire, et plus précisément par la photosynthèse, processus par lequel les plantes produisent des sucres, à partir d’eau, de l’énergie de la lumière du soleil, et du dioxyde de carbone absorbées.
Tout le carbone présent dans tous les êtres vivants vient en fin de compte du dioxyde de carbone de l’atmosphère, par l’intermédiaire des plantes.
La plus grande partie du dioxyde de carbone de l’atmosphère est faite de carbone 12, qui n’est pas radioactif. Mais quelques-unes de ces molécules (1 sur 1 billion = mille milliards) sont constituées de carbone 14 qui lui, est radioactif. Les plantes par contre ne font pas la différence entre carbone 12 et carbone 14, elles absorbent donc du carbone 14 en même temps que du carbone 12, et intègrent donc ces 2 types de carbone dans leurs sucres. Ainsi le carbone 14 se répand rapidement, à l’échelle des temps biologiques,  dans la chaine alimentaire, et tous les êtres vivants, que ce soient les plantes, les herbivores ou les carnivores, ont la même proportion de carbone 12 et carbone 14, qui est celle de l’atmosphère.
Et donc, à la mort de la créature vivante, l’horloge pour la datation se met à zéro, car à cet instant, elle se coupe de la chaîne alimentaire et donc de l’afflux de nouveau carbone 14.
A mesure que les siècles passent, la quantité de carbone 14 diminue progressivement, jusqu’à que la quantité soit trop infime pour qu’on puisse la mesurer. Mais si cette créature est retrouvée et testée avant ce moment, alors la proportion de carbone 14 et d’azote 14 serviront à la dater.
Il faut noter aussi que pour que cela fonctionne, il faut qu’il y est un stock de carbone 14 qui se renouvelle continuellement. Sinon il est évident que tout le carbone 14 de l’atmosphère aurait disparu depuis longtemps de la Terre. Et effectivement c’est le cas, puisqu’il est continuellement fabriqué dans un processus se réalisant en deux étapes: Dans un premier temps, les rayons cosmiques frappent les atomes de l’atmosphère, et éjectent des neutrons. Dans une deuxième étape, certains de ces neutrons vont alors frapper les noyaux d’azote 14 (qui est le gaz le plus répandu de l’atmosphère) et en éjecter un proton. L’atome d’azote, conserve donc le même nombre de masse, 14, mais a perdu un proton: il n’a plus 7 protons et 7 neutrons, mais 6 protons et 8 neutrons: On a donc du carbone 14.
Le rythme auquel s’effectue cette conversion est à peu près constant au cours des siècles, mais “à peu près” seulement (Plusieurs facteurs peuvent influencer les concentrations, plus ou moins localement, comme des essais ou des catastrophes nucléaires)


Heureusement, au tout début de ce podcast nous avons vu une technique de datation, précise à l’année près, qui se réalise avec les arbres, qui sont des êtres vivants. Cela implique donc que grâce à la dendrochronologie, on peut calibrer la datation au carbone 14 et en déduire les fluctuations du stock de carbone 14 dans l’atmosphère, et ainsi obtenir des résultat encore plus précis.

Et pour finir ce dossier, rien de tel que l’exemple le plus célèbre de datation au carbone 14 (mais également certainement le plus sujet au débat…): J’ai nommé le Suaire de Turin! Tout le monde connait la légende qui tourne autour de ce morceau de tissu qui porte la marque d’un homme barbu (non, ce n’est pas un membre des ZZ Top) Beaucoup de gens espèrent qu’il s’agit de la marque de Jésus.

Il est cité pour la première fois dans l’histoire, en 1350. Donc rien de tel que la datation au carbone 14 pour dater la mort du lin qui le compose.

Le Vatican a  autorisé le prélèvement d’une bandelette qui fut divisée en 3 parties chacune étant envoyée à un grand laboratoire spécialisé dans la datation au carbone: l’un se trouvant à Oxford, un autre dans l’Arizona et le troisième à Zurich, afin de travailler dans des conditions complétement indépendantes.

Oxford a donné une date d’environ 1200 après JC, Zurich 1274 et l’Arizona 1304. En tenant compte de marges d’erreurs normales, cela est tout à fait compatible avec la date de 1350 pour la première apparition du Suaire de Turin dans l’histoire…

Bien évidemment, la controverse n’est pas finie, puisque certains remettent en cause la datation, non pas au niveau de la technique, mais au niveau de contamination qu’aurait pu subir le Suaire, notamment lors d’un incendie qui a eu lieu en 1532. Difficile d’évaluer si effectivement il y a eu contamination. On pourrait penser que le Suaire était bien protégé, et qu’une contamination n’aurait pas donné des dates si cohérentes, mais cela est une autre question, et je ne m’avancerai pas plus loin dans le débat…

sources: “Le plus grand spectacle du monde” – Richard Dawkins
http://www.globecanada.ca/globe/francais/activites/dendrochronologie.cfm

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