Les mathématiques de la formation des bouchons

Post invité: voici un dossier de Cyril, le frère de Franck que nous avons eu le plaisir de recevoir dans l’épisode 94

L’automobile est le moyen de transport le plus utilisé aujourd’hui, mais la surexploitation des infrastructures entraîne des congestions, des bouchons qui sont de vrais fléaux et que nous allons donc chercher à éviter et donc à prévoir. Tout d’abord, il va nous falloir une modélisation physique de la route, puis à partir de cette modélisation on va essayer de comprendre voir de prévoir les embouteillages.

Définir un bon modèle

Tout d’abord, posons le problème, on va s’intéresser à une route droite à une seule voie, la modélisation d’un autoroute à 3 voies avec voie d’insertion et sortie est un petit cauchemar que nous n’aborderons pas. Sur noter route, on va s’intéresser à des grandeurs comme le flux en voiture par seconde, la densité en voiture donc en voiture par mètre et à l’abscisse sur la route, cela correspond à la distance entre un point et une origine arbitraire sur notre route.
En gros, ça donne :

On va maintenant délimiter un tronçon, c’est-à-dire une portion de route comprise entre deux abscisses. Le nombre de voitures sur ce tronçon est égal à sa densité en voiture multipliée par sa longueur, le nombre de voitures par mètre fois le nombre de mètres. Ainsi, la variation du nombre de voitures au cours du temps, car c’est cette variation qui nous intéresse, est égale à la variation de la densité multipliée par la longueur du tronçon, mais cette variation est aussi égale à la différence entre le flux de voiture entrant et le flux de voiture sortant, c’est le nombre de voitures qui sont entrées moins le nombre de voitures qui sont sorties. Donc finalement notre variation du nombre de voitures est égale d’un coté à la variation de la densité fois l’intervalle de longueur, et d’un autre coté à la différence des flux.

L’équation

Cette égalité est la représentation discrète de l’équation aux dérivées partielles : la somme de la dérivée partielle de la densité par rapport au temps et de la dérivée partielle du flux par rapport à la distance est nulle.

Cette équation est à la base de notre étude car les fonctions qui la vérifieront seront caractéristiques de notre trafic et car elle nous montre bien l’existence d’un lien entre le flux et la densité. Ce lien est la modélisation que l’on recherche, c’est-à-dire une expression du flux en fonction de la densité. Ce sont les trois mathématiciens, Lighthill Witham et Richards qui nous fournissent ce modèle, c’est le modèle LWR : Le flux étant égal à la vitesse maximale fois la densité fois un moins la densité divisée par la densité maximale.

Maintenant qu’on a un modèle, il va falloir le valider. Pour cela, j’ai fait une série de mesures de flux et de densité sur la route, et en reportant les résultats que j’ai obtenus sur le graphique LWR on obtient des résultats assez satisfaisant qui vont nous permettre d’utiliser ce modèle.

On va donc pouvoir résoudre notre équation aux dérivées partielles, génial, non ? Alors pour la résoudre numériquement on va appliquer une méthode des différences finies en cherchant par approximation les dérivées à des taux d’accroissement, on applique donc les formules de Taylor et… Mais non, je rigole ! En fait, je vais vous passer la résolution de ce petit monstre mathématiques et on va juste s’intéresser aux résultats. Donc quand on résout cette équation on obtient des solutions qui possèdent des droites spatiotemporelles sur lesquelles elles sont constantes.

Les ondes cinématiques

 

Je trouve aussi que ce graphique est plutôt joli.

Ces droites sont la représentation d’ondes cinétiques qui vont parcourir le trafic, ce ne sont pas de méchants trucs incompréhensibles, ces ondes vous les connaissez. Je prends un exemple, imaginez qui vous roulez dans un trafic dense, mais fluide, donc y a du monde, mais on de ne se gène pas, et à un instant, une voiture pile puis redémarre. Bon, la voiture qui la suit va devoir freiner brusquement elle aussi, celle d’après aussi et ainsi de suite. Et alors qu’il n’y aura plus aucune raison, la voiture source de l’onde aura redémarré depuis longtemps, des voitures en amont de celle-ci seront amenées à s’arrêter. C’est la manifestation la plus courante des ondes cinématiques du trafic.

Un petit exemple en vidéo :

 

Ces ondes qu’on arrive enfin à visualiser, si si, je vous assure vous y arrivez, sont à l’origine des bouchons. En fait, il faut imaginer qu’à la place d’un flux constant, vous envoyez à l’encontre de l’onde un flux de voiture accélérant, quand cette fille de voiture va rencontrer l’onde cinétique, elles vont subir une très forte variation de vitesse et vont donc propager l’onde, voire même augmenter son amplitude, créant ainsi un bouchon. Pour se figurer la chose, il suffit d’imaginer la porte d’entrée de la cantine d’un collège à midi, tous les enfants courent vers la porte pour entrer le premier, ils poussent dans tous les sens et résultat personne ne passe, la, c’est exactement pareil, la forte décélération subie par notre flux constant de voiture propage l’onde de choc et entretient le bouchon.

Prévoir les embouteillages

Mais alors aurions-nous réussi ? Saurions-nous prévoir les embouteillages ? Hélas… Non! Car la visualisation de ces ondes en temps réel et à grande échelle c’est un peu comme chercher une aiguille alors qu’on n’a pas la motte de foin. Mais rassurez-vous, tout ça n’a pas servi à rien, en effet si cette étude ne nous permet pas de prévoir les embouteillages, elle nous permet d’établir une bonne stratégie de réponse face aux bouchons. En effet pour résorber un bouchon il suffit de ne pas permettre la propagation de l’onde cinématique. Un exemple, si je parle et que vous m’entendez c’est parce que l’air entre moi et le micro transmet l’onde sonore de ma voix. En revanche si on me plaçait sous une cloche vide d’air, j’aurais beau m’égosiller vous n’entendriez rien, et bien là c’est pareil, si on empêche la propagation de l’onde de choc, le bouchon va se résorber et pour ça, il « suffit » de ralentir les voitures en amont du bouchon, ainsi elles ne subiront qu’une faible variation de vitesse et tendront à faire disparaître notre onde trouble-fête, et donc nous verrons revenir un trafic fluide et bien plus agréable pour nos départs en vacances !

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