La science des introvertis

Cet été, j’ai eu le temps de me mettre à jour dans mes podcasts. En écoutant le dernier Place de la Toile de la saison (en passant, c’est une excellente émission de Xavier Delaporte sur France Culture, qui s’intéresse aux liens entre technologies et société qu’il est vivement recommandé de podcaster), j’ai eu l’occasion d’entendre une interview de Clive Thomson, un journaliste tech canadien qui réfléchit beaucoup sur les questions numériques et qui cassait pour l’occasion quelques idées reçues sur les formes de communication numérique qui nuiraient à la communication en face à face. Il n’arrêtait pas de répéter que la science avait découvert ceci et cela au sujet des introvertis et de leur rapport aux technologies en citant un livre de Susan Cain.

Cela a titillé en moi aussi bien l’introverti que le fan de sciences : la science a-t-elle effectivement quelque chose à dire sur les introvertis? Qui est cette Susan Cain? En tout cas un truc est sûr, au sujet des nouvelles technologies, c’est qu’elles vous simplifient parfois pas mal la vie. Je me trouvais au bord de la Baltique à mille milles de toute librairie anglophone et paf, 30 secondes après avoir dégainé ma liseuse 3G, j’étais en train de feuilleter ma nouvelle acquisition intitulée “Quiet: The Power of Introverts in a World That Can’t Stop Talking” (ou Silencieux: le pouvoir des introvertis dans un monde qui ne peut s’arrêter de parler)”. J’en ai eu pour mon argent car il s’agit en fait de 3 livres en 1. Un ouvrage de self-help typiquement américain (genre comment gérer vos gosses introvertis sans faire de dégâts), bof. Une espèce de journal initiatico-intime où l’auteure raconte son propre parcours d’introvertie dans un monde où l’extraversion règne en norme, rebof. Et enfin, un bon bouquin de science populaire, représentant des années de recherche et d’enquête soigneusement documentées et agréablement présentées (même si on sent que c’est son premier essai du genre. J’ai quand même eu peu mal aux yeux en lisant que les souris et les rats étaient des mammifères primitifs, par exemple, entre autres boulettes du genre…)

C’est bien sûr de ce 3e aspect du livre que nous allons parler. J’y ai appris un nombre de trucs incroyables, que je soupçonnais sans doute intuitivement pour certains d’entre eux mais sans les avoir vraiment considérés sous cet angle, comme par exemple, que les bureaux en open-space réduisent la productivité et affectent la mémoire. Que les entreprises qui fonctionnent le mieux ne sont pas celles dont les patrons charismatiques écrasent tout le monde de leur égo gigantesque. Qu’introversion et timidité n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Que l’extraversion n’a pas toujours été la norme. Que 30-50% de la population américaine est introvertie malgré les apparences et préférerait souvent lire un bon bouquin peinard plutôt que de socialiser à tours de bras. Que certaines cultures, notamment orientales, valorisent l’introversion…

Une petite mise en garde s’impose, bien sûr, les travaux présentés dans ce livre ne sont pas de la physique newtonienne. Amateurs de sciences dures, il est encore temps de fuir. Les travaux en psycho, s’ils respectent rigoureusement la démarche et la rigueur scientifique, sont si complexes dans leurs postulats et dans le nombre de variables influençant leurs résultats que de nouveaux faits ou de nouveaux éclairages peuvent plus souvent encore que dans d’autres domaines les remettre en question. Ce que vous lirez ici n’est pas à graver dans le marbre.

L’idéal extraverti

L’introversion, dans la lignée de la sensibilité, du sérieux et de la timidité, est devenue selon l’expression de l’auteure, un trait de personnalité de seconde zone, quelque part entre la déception et la pathologie. Les introvertis vivant dans une culture qu’elle appelle “de l’idéal extraverti” sont un peu comme des femmes dans un monde d’hommes, marginalisés à cause d’une composante essentielle de leur identité. L’extraversion est un style de personnalité extrêmement attirant, mais c’est également devenu un standard oppressant auquel la plupart d’entre nous pensent devoir se conformer. L’idéal extraverti a été documenté dans de nombreuses recherches, bien que cela n’ait jamais constitué un corpus regroupé sous cette bannière-là. Les gens bavards par exemple, sont jugés plus intelligents, plus présentables, plus intéressants et plus désirables en tant qu’amis. La rapidité d’élocution est aussi importante que le volume: nous considérons les locuteurs rapides comme plus compétents et plus appréciables que les locuteurs plus lents.  Même le mot “introverti” est stigmatisé. Et pourtant, sans introvertis, nous n’aurions pas la Loi Universelle de la Gravitation, ni la Théorie de la Relativité Générale, les Nocturnes de Chopin, (à) la Recherche du Temps Perdu, Peter Pan, 1984, E.T., Google, Harry Potter. Qu’on ait besoin d’être au calme pour bien travailler ou pas, la plupart d’entre nous travaillons au sein d’organisations qui insistent pour que nous travaillions en équipes, dans des bureaux sans murs, pour des employeurs qui valorisent “les compétences interpersonnelles” par-dessus tout. Pour progresser dans nos carrières, nous devons assurer notre propre promotion sans vergogne.

Qu’entend-on exactement par extraverti et introverti?

Pour définir intro- et extraversion, l’auteure part du concept popularisé par le psychiatre suisse-allemand Carl Gustav Jung en 1921 dans ses types psychologiques: Jung voyait l’introversion et l’extraversion comme les briques de base de la personnalité: les introvertis sont attirés par le monde intérieur des idées et des émotions. Les extravertis sont attirés  par la vie sociale et les activités. Les introvertis se concentrent sur le sens qu’ils donnent aux événements qui les entourent, les extravertis plongent au coeur des événements eux-mêmes. Les introvertis rechargent leurs batteries en étant seuls tandis que les extravertis ressentent le besoin de les recharger lorsqu’ils ne socialisent pas assez. Le fameux test de personnalisé Myers-Briggs Indicator, massivement utilisé aux Etats-Unis, est basé sur la typologie de Jung. On notera au passage que si le test lui-même et ses indicateurs sont évidemment controversés dans la communauté scientifique, l’axe Introversion-Extraversion a été reconnu en 1991 par l’Académie Nationale des Sciences (américaine) comme jouissant d’une forte validité. Et les psychologues modernes semblent tomber d’accord sur le fait qu’ introvertis et extravertis diffèrent quant au niveau de stimulation extérieure dont ils ont besoin pour fonctionner de manière optimale. Les introvertis se sentent “juste bien” avec un niveau réduit de stimulation, par exemple en buvant un verre avec un(e) ami(e), en jouant aux mots croisés, en lisant un livre. Les extravertis se sentent dans leur élément quand ils rencontrent de nouvelles personnes, prennent des risques ou mettent la musique à fond. L’auteure y va de quelques raccourcis, histoire de fixer rapidement le décor:

Les extravertis ajoutent de la vie aux dîners, rient volontiers à vos blagues. Ils tendent à être affirmés, dominants et ont un grand besoin de compagnie. Ils pensent à haute-voix, ont les pieds bien sur terre, préfèrent parler à écouter, sont rarement à court de sujets de conversation et occasionnellement disent des choses qu’ils ne pensaient pas. Ils sont à l’aise avec le conflit, mais pas avec la solitude. Les introvertis, en revanche, peuvent être doués de bonnes compétences sociales, apprécier les fêtes et les réunions de travail, mais après un petit moment, souhaiteraient être chez eux, dans leur pyjama. Ils préfèrent consacrer leur énergie sociale à leurs amis, collègues et famille. Ils écoutent plus qu’ils ne parlent. Réfléchissent avant de parler et ont souvent l’impression de s’exprimer mieux par écrit que par oral. Ils n’aiment pas trop le conflit. Beaucoup tiennent en horreur les conversations sur la pluie et le beau temps et apprécient les discussions profondes.

Mais attention à ne pas confondre introversion et timidité: tous les introvertis ne sont pas nécessairement timides. La timidité est une peur de la réprobation ou de l’humiliation publique, tandis que l’introversion est une préférence pour les environnements qui ne sont pas sur-stimulants. La timidité est intrinsèquement pénible. L’introversion pas. On peut être introverti sans être timide du tout, comme Bill Gates par exemple qui semble totalement imperturbable face à l’opinion des autres. Enfin, la plupart des introvertis sont hyper-sensibles. Ou plutôt, on ne sait pas combien d’introvertis sont hyper-sensibles mais on sait que 70% des hyper-sensibles sont introvertis. La première partie du livre raconte comment et quand l’extraversion est devenue une norme aux Etats-Unis. C’est très intéressant, mais je vous propose de zapper. Concentrons-nous sur la partie suivante.

L’introversion, innée ou acquise?

L’introversion a-t-elle un fondement génétique? C’est la question que se sont posé des chercheurs. Notamment Jerome Kagan, un ponte de la  psychologie du développement, octogénaire, et toujours actif! Il a consacré sa longue carrière à étudier le développement émotionnel et cognitif chez les enfants. Il a réalisé une série d’études longitudinales qui lui ont permis de suivre les mêmes personnes de leur naissance à leur vie adulte, tout en documentant les aspects de leur physiologie et de leur personnalités.  Pour l’une de ces études, démarrée en 1989 et toujours en cours, Kagan et son équipe ont réuni 500 enfants de 4 mois dans leur laboratoire de Harvard en pensant pouvoir prédire, au terme d’une évaluation de 45 minutes, quels bébés avaient le plus de chances de devenir introvertis ou extravertis. Ça paraît un peu gonflé pour quiconque connaît les bébés de 4 mois mais Kagan avait déjà de la bouteille en 1989 et avait sa petite hypothèse en tête. L’évaluation en question consistait à faire écouter aux bébés des enregistrements de voix fortes et de ballons en train d’éclater,  leur montrer des mobiles colorés bougeant à toute vitesse sous leurs yeux et enfin leur faire sentir des cotons-tiges imbibés d’alcool. Et les observations ont été systématiquement recueillies. Environ 20% des enfants ont pleuré vigoureusement en remuant bras et jambes. Kagan a baptisé ce groupe les “hautement réactifs”. Environ 40% des enfants sont restés tranquilles malgré les stimuli. Kagan leur a collé l’étiquette “faiblement réactifs”. Enfin, les 40% restants tombaient entre les deux extrêmes. Kagan a prédit que les enfants hautement réactifs (les plus agités, donc) seraient probablement les adolescents les plus réservés. Ces enfants sont retournés régulièrement dans le labo de Kagan. A deux ans, ils ont rencontré une dame portant un masque à gaz, puis un clown et un robot télécommandé. A sept ans, ils devaient jouer avec des enfants qu’ils n’avaient encore jamais rencontrés. À 11 ans, ils devaient raconter leur vie à un adulte qu’ils ne connaissaient pas. L’équipe de Kagan a soigneusement noté toutes ses observations du comportement des enfants face à ces situations étranges: de leur langage corporel à la spontanéité de leur rire, leur langage, leur sourire. Ils ont également interviewé les enfants et leur parents pour avoir une idée de leur comportement hors du labo. Préféraient-ils jouer avec un ou deux copains ou faire la fête avec tout le quartier? Aimaient-ils visiter des lieux inconnus? Avaient-ils tendance à prendre des risques ou à être prudents? Se voyaient-ils plutôt timides ou hardis?

Beaucoup de ces enfants sont devenus exactement ce que Kagan avait prévu. Les 20% d’enfants hautement réactifs, très agités en présence de stimuli excitants ont développé une personnalité sérieuse et prudente. Les enfants  faiblement réactifs, ceux qui restaient imperturbables malgré le bruit, les couleurs, les mouvements et les odeurs, ont développé une personnalité confiante et décontractée. La haute et la faible réactivité tendaient  à correspondre, en d’autres termes, à l’introversion et respectivement l’extraversion.

Les psychologues insistent sur la différence entre “tempérament” et “personnalité”. Le tempérament fait référence à des types de réponses émotionnelles et comportementales innées, observées dans la petite enfance. La personnalité est l’infusion complexe qui émerge une fois que l’influence culturelle et l’expérience personnelle ont laissé leur empreinte.  Si le tempérament représente les fondations, la personnalité représente le bâtiment. Les travaux de Kagan ont permis d’établir un lien entre certains tempéraments d’enfants et leur styles de personnalités d’adolescents.

La physiologie de l’introversion

Amygdales vues du dessous (Wikipédia)En plus de mesurer le comportement des enfants face à ces situations étranges, l’équipe de Kagan a également mesuré leurs rythmes cardiaques, tension artérielle, température digitale et d’autres propriétés du système nerveux. Kagan a choisi ces indicateurs car on pense qu’ils sont contrôlés par un organe puissant au sein du cerveau appelé l’amygdale (ou le complexe amygdalien), commun à tous les mammifères, au sein du système limbique et qui contrôle mémoire, émotions, réponses aux stresses. L’amygdale est en quelque sorte la table d’aiguillage des émotions, elle reçoit l’information via les sens et commande les réponses au système nerveux. La fameuse réponse “combat-fuite” (fight or flight) en est le meilleur exemple. Face à un tigre aux dents de sabre, on n’a pas 2h pour réfléchir à 36 variantes de stratégies. Il faut soit l’affronter soit s’enfuir. C’est l’amygdale qui se charge de cette décision quasi-réflexe chez les mammifères.

L’hypothèse de Kagan était que les enfants nés avec une amygdale particulièrement sensible seraient ceux qui s’agitent face à des stimuli inhabituels et qui grandiraient de sorte à devenir vigilants lors de rencontres avec des inconnus. Et c’est exactement ce qu’il a trouvé. Plus l’amygdale d’un enfant est sensible aux stimuli et plus les réponses physiologiques sont élevées (rythme cardiaque rapide, production importante de cortisol, l’hormone du stress, et globalement plus grande agitation.)

Attention, ceci dit, ne nous emballons pas. Kagan n’a pas observé une relation 1:1 entre les hautement réactifs et les introvertis. Il s’agit d’une prédisposition. Et on sait en psychologie qu’aucune prédisposition physiologique ne permet de prédire un quelconque comportement avec un taux de plus de 50%.

Le destin des hautement réactifs est influencé à parts égales par leur environnement. Peut-être plus encore que pour la moyenne des enfants, selon une nouvelle théorie appelée l’hypothèse de l’orchidée.

L’hypothèse de l’orchidée

L’hypothèse de l’orchidée, c’est le nom qu’a donné un journaliste américain, David Dobbs dans un article de l’Atlantic à une nouvelle théorie qui bouleverse plein d’idées dans l’éducation. L’idée en gros, est la suivante: la plupart des enfants sont un peu comme de la dent-de-lion (si si, c’est l’exemple du texte original 😉 ). Quelles que soient les conditions, ils se débrouillent toujours pour trouver ce dont ils ont besoin, se développer et, en quelque sorte, fleurir. Mais d’autres, incluant les hautement réactifs de Kagan, sont davantage comme des orchidées: ils dépérissent pour un rien, mais dans des conditions favorables, ils peuvent devenir superbes. Perso, j’ai toujours un peu de mal avec ces images, je trouve la métaphore mal choisie, mais je saisis l’idée. Selon Jay Belsky, professeur de psychologie à l’Université de Londres, expert en éducation de la petite enfance, et  l’un des principaux partisans de cette théorie, le système nerveux de ces enfants les rend rapidement submergés par les adversités de l’enfance, mais leur permet également de tirer parti d’un environnement favorable plus que d’autres enfants. En d’autres termes, ces “enfants-orchidée” sont impactés de manière plus prononcée que les autres par leurs expériences, aussi bien positives que négatives.

On savait depuis longtemps que les tempéraments hautement réactifs sont vulnérables à de nombreux risques et qu’ils ont plus de chances que leurs pairs de réagir à de grosses difficultés de l’enfance telles que des tensions conjugales permanentes ou la mort d’un parent, par exemple, par des épisodes de dépression, de l’anxiété ou de la timidité. Et en effet, environ un quart des enfants hautement réactifs de Kagan souffrent à divers degrés de phobies sociales. La nouveauté qu’amène cette théorie, et c’est confirmé par des études, c’est que l’inverse est également possible. Dans le bon environnement, ces enfants tendent à avoir moins de problèmes émotionnels et davantage de compétences sociales que leurs pairs faiblement réactifs. Ils sont empathiques, coopératifs, facilement perturbés par la cruauté, l’injustice et l’irresponsabilité et leurs entreprises sont couronnées de succès lorsqu’elles concernent des choses qui comptent vraiment pour eux.

L’une des découvertes les plus intéressantes rapportées dans l’article de Dobbs vient du monde des macaques rhésus, génétiquement très proches de nous et dont les structures sociales ressemblent aux nôtres. Nous partageons notamment le gène 5-HTTLPR, impliqué dans le transport de la sérotonine, un neurotransmetteur qui affecte l’humeur. Ce gène existe en deux versions, l’allèle long et l’allèle court. La version courte est associée avec la haute-réactivité et l’introversion, mais également avec la dépression chez les humains qui ont une vie difficile. Lorsque des bébés rhésus avec l’allèle court ont été soumis à des stresses importants (par exemple, être séparés de leur mère et élevés comme des orphelins), ils ont traité la sérotonine de manière moins efficace que les singes à l’allèle long soumis au même traitement, et c’est un facteur de risque important pour la dépression et l’anxiété. Par contre, les jeunes singes avec le même profil génétique, et donc le même risque, élevés par des mères aimantes, s’en sont sortis aussi bien voire mieux que leurs pairs à l’allèle long (même lorsqu’ils ont été élevés dans un environnement sécure comparable) dans l’accomplissement de tâches sociales comme trouver des compagnons de jeu, forger des alliances, et gérer des conflits. Ils sont souvent devenus des leaders de leur groupes et leur traitement de la sérotonine était plus efficace. Selon Stephen Suomi, l’éthologue qui a conduit ces recherches, les singes hautement réactifs doivent leur succès à d’énormes quantités de temps passé à observer plutôt qu’à participer, intégrant au niveau le plus profond les lois de la dynamique sociale avant de la mettre en pratique.

(On a observé le même type de corélation chez les humains, évidemment pas dans les mêmes conditions, mais on ne va pas les développer ici.)

En conclusion

J’ai repris ici quelques-uns des éléments du livre bien sûr, j’aurais pu en prendre d’autres. Les expériences d’Eysink en 1967 par exemple, qui montraient que les réactions physiologiques des introvertis et des extravertis à qui on faisait lécher du citron étaient objectivement très différentes… Il y aurait encore beaucoup à dire, mais on est partis pour des dossiers plus courts en saison 3; on verra combien de temps on arrivera à se tenir à cette nouvelle résolution. Et si vous souhaitez approfondir, le livre est dispo dans toutes les bonnes librairies.

J’en ai retenu pour ma part qu’effectivement, nous vivons dans un monde où l’extraversion est mieux perçue que l’introversion. Les chercheurs trouvent leurs financements grâce à la qualité de leur pitch, les politiciens sont élus sur leur tchatche, les patrons le deviennent grâce à leur charisme. Mais l’introversion n’est pas une tare pour autant. On n’est pas forcément sociopathe parce qu’on n’aime pas le réseautage ou les conversations sur la pluie et le beau temps. En tant que geek solitaire, je trouve que c’est une bonne nouvelle. Que j’avais envie de partager, me disant que si vous écoutez des podcasts scientifiques là où d’autres papotent, ça vous fait sans doute plaisir aussi. On peut voir l’introversion comme une stratégie évolutive différente. On trouve dans le monde animal des dizaines d’exemples d’organisation complémentaires entre des attitudes prudentes et réservées privilégiant l’observation à l’action et des attitudes plus intrépides, résolues, téméraires. Et qu’il s’agisse de la drosophile, du chat domestique, de la chèvre de montagne, d’oiseaux, de poissons, de primates, les chercheurs ont constaté qu’on y trouve toujours quelque 20% d’individus lents au démarrage et quelque 80% prompts à passer à l’action. Nous sommes probablement la seule espèce à avoir oublié en quoi ces stratégies différentes pouvaient être complémentaires et à quel point il peut être intelligent de les faire co-exister.

Référence: Quiet: The Power of Introverts in a World That Can’t Stop Talking, de Susan Cain. Editions Crown, publication le 24 janvier 2012 ISBN 978-0-307-35214-9

Les bonus

Présentation TED de Susan Cain: “Le pouvoir des introvertis” (avec sous-titre français):

 

Interview de Stephen Suomi et expériences de la théorie de l’orchidée sur les rhésus (pas de sous-titre, désolés…)

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