La tectonique des plaques

Dossier de Marco dans l’épisode 108.

Animation Wikipédia: la dérive des continents, à partir de la Pangée

Petit point de vocabulaire pour commencer : la tectonique est une partie de la géologie qui étudie les déformations des ensembles rocheux de la lithosphère terrestre (qui signifie littéralement « la sphère de pierre »). La lithosphère est l’enveloppe terrestre rigide de la surface (constituée de la croûte terrestre et une partie du manteau supérieur)

La tectonique des plaques est une théorie scientifique qui propose que les déformations de la lithosphère sont l’expression des forces internes de la Terre, ces déformations se traduisant par un découpage de la lithosphère  en un certain nombre de plaques tectoniques (ou plaques lithosphériques), 14 pour être précis, qui bougent les unes par rapport aux autres.

Petit historique rapide

Personne aujourd’hui ne remettrait en cause la théorie de la Dérive des continents – à part peut-être quelques demeurés, permettons-nous de les nommer ainsi – Mais il y a très peu de temps encore, à peine plus de 50ans, cette théorie était considérée par beaucoup comme étant insensée!

Alfred Wegener (image Wikipédia)Quand Alfred Wegener, considéré comme le père de la Dérive des continents, publie en 1915 son ouvrage “La genèse des continents et des océans, il est quasiment la risée du monde scientifique et reçoit très peu de soutien. Dans cet ouvrage, il présente l’idée que tous les continents étaient autrefois réunis en un seul continent (qu’il nomme la Pangée) et que cet unique continent se serait fragmenté par la suite en plusieurs morceaux pour donner la Terre que nous connaissons aujourd’hui.

Pourtant, entre son rejet en masse et son acceptation universelle, les faits qui validaient cette théorie étaient les mêmes.

Par exemple, les strates géologiques montraient qu’à la fin du Permien, il y a 250 millions d’années, des glaciers recouvraient des régions qui se trouvent aujourd’hui en zone équatoriale, mais pas des régions comme le Canada ou la Sibérie. Si l’on considère que les continents sont immobiles, comment expliquer cette situation?
Ou encore, comment expliquer la répartition étrange de 2 formes de Trilobites: L’une que l’on retrouve aujourd’hui en Europe et dans quelques régions de l’Est de l’Amérique du Nord et l’autre en Amérique du Nord et dans quelques endroits de la côté Ouest de l’Europe du Nord (Écosse, Norvège…)

Aujourd’hui la Dérive des continents apporte une réponse évidente: Quand ces trilobites ont vécu, au Cambrien, ils résidaient chacun le long de côtes de continents distincts (que l’on peut appeler “ancienne Europe” et “ancienne Amérique”) Ces deux masses continentales ce sont soudées, avant de se séparer à nouveau, suivant une ligne différente de celle de leur jonction.

Mais au début du siècle, il manquait quelque chose d’important dans la théorie de Wegener: un mécanisme permettant d’expliquer comment les continents se déplaçaient. Wegener prétendit que la cause de leur mouvement pouvait être l’attraction de la lune et du soleil, ce que les physiciens allaient réfuter en bloc à coup de démonstrations mathématiques, prouvant que la gravité était bien trop faible pour déplacer de telles masses. Et les railleries allaient grandissantes, tant le déplacement des continents paraît impossible…

Puis, en 1945, la radioactivité (découverte en 1896 et dont les implications commencent à être bien comprises) et Arthur Holmes, un professeur de géologie à l’université d’Édimbourg, viennent filer un gros coup de main à la théorie de Wegener, avec un modèle des courants de convection qui auraient lieu dans le manteau terrestre. Holmes a alors l’intuition que ces courants de convection pourraient fournir une énergie suffisante pour fragmenter et déplacer d’énormes masses continentales. Malheureusement, c’est encore insuffisant, car même si ce modèle est cohérent et permet d’expliquer parfaitement la réalité des observations, il n’est pas vérifiable, donc rejeté. Du moins temporairement…

Une première série d’indices géophysiques supportant la théorie est venue du paléomagnétisme, cette discipline qui étudie les champs magnétiques passés enregistrés dans les roches de la Terre. On a observé, indépendamment du phénomène d’inversion des pôles, une grande variation dans la direction du Nord magnétique selon les lieux où l’on étudiait la roche. On a d’abord cru à un phénomène de dérive des pôles avant d’admettre en 1956 que c’était peut-être effectivement le terrain qui s’était déplacé (Keith Runcorn[1] et Warren Carey[2])

La deuxième série d’indices s’est présentée dans le domaine de l’étude des fonds marins, notamment en avec les travaux du Professeur Harry Hess en 1962. Celui-ci s’est aperçu grâce à des relevés de reliefs des fonds marins effectués lorsqu’il était officier dans la marine pendant la seconde guerre mondiale, que la croûte océanique est de plus en plus vieille à mesure que l’on s’éloigne des dorsales.  Il y aurait donc un renouvellement de la croûte océanique au cours du temps, et cela s’accorde parfaitement avec les idées de Holmes et de Wegener. Mais même punition pour lui, la communauté scientifique lui tourne le dos…

Puis en 1963, les scientifiques Vine et Matthews découvrent que dans le plancher océanique, les minerais de fer contenu dans le basalte sont tantôt orientés dans le sens nord-sud, tantôt dans le sens sud-nord, formant alors des bandes alternant les deux orientations.

Simultanément, des avancées dans les premières techniques d’imagerie sismique ont montré comment la croûte océanique peut disparaître dans le manteau.

Toutes ces observations combinées ont validé la théorie de la dérive des continents et de la tectonique des plaques et ont eu des implications formidables dans des champs aussi divers que la paléogéographie et la paléobiologie.

Conséquences d’une structure en plaques

En fonction du mouvement des plaques, on peut définir 3 types de frontières entre elles: on parlera de frontière divergente si les deux plaques s’éloignent l’une de l’autre. Il y a alors dans ce cas production d’une nouvelle croûte pour combler l’espace qu’elles laissent entre elles.

Si les deux plaques entrent en collision, on nommera cette frontière, frontière convergente. Enfin si les deux plaques glissent latéralement l’une par rapport à l’autre, on parlera de frontière transformante.

1. Les frontières divergentes

Commençons avec les frontières divergentes.  Ce sont typiquement le cas des dorsales océaniques.

Comme dit précédemment, la radioactivité est le mécanisme-clé dans la tectonique des plaques. Les éléments chimiques radioactifs créent un flux  de chaleur du centre vers l’extérieur, en se désintégrant. Conséquence de cela, la matière de la partie plastique du manteau (l’asthénosphère) se trouvant près du centre de la Terre est plus chauffée, et donc moins dense que la matière se trouvant près des couches externes. Elle va donc avoir tendance à remonter, alors que la matière du dessus, plus dense, va se déplacer vers le centre, où elle va se réchauffer. On voit donc là se dessiner un courant, dit de convection.

Ce courant de convection va alors avoir deux effets:

  • Le premier effet va être la concentration de chaleur dans une zone se trouvant juste en-dessous de la lithosphère, fusionnant partiellement le manteau et donc le dilatant. Cette dilatation du manteau va provoquer un bombement de la lithosphère.
phénomène de dilatation de la lithosphère
  • Le second effet est que les courants de convection, qui vont de part et d’autre de ce soulèvement, vont agir tel des tapis roulants en faisant s’éloigner les deux plaques l’une de l’autre. Lorsque la lithosphère se fracture, le magma s’engouffre dans les fissures causant alors un peu de volcanisme.

C’est là, la première étape de formation d’un océan. Pour observer un tel stade d’évolution, il faut se rendre dans la vallée du Rio Grande au Mexique et Texas.

Vallée du Rio Grande

Les tensions vont continuer d’étirer la lithosphère, jusqu’à qu’un effondrement finisse par avoir lieu, produisant une vallée appelée “rift continental“. Un exemple d’une telle étape est le Grand Rift Africain se trouvant en Afrique Équatoriale.

Par la suite le rift finit par s’enfoncer sous le niveau de la mer et les eaux commencent à envahir la vallée. Le volcanisme va former un premier plancher océanique basaltique de part et d’autre de la dorsale en formation. C’est alors le stade de mer linéaire, et l’exemple très connu d’une telle étape est celui de la Mer Rouge.

Enfin, au fur et à mesure que le processus continue, la mer linéaire s’élargit et l’on aboutit à la formation d’un Océan tel que l’Océan Atlantique.

2. Les frontières convergentes

Si l’on s’en tient seulement au processus que l’on vient de décrire, on pourrait alors, en spéculant un peu de façon naïve, se dire que s’il y a création de croûte aux frontières des plaques divergentes, alors la surface de la Terre augmente. Or tout le monde est assez d’accord pour dire que la surface de la Terre n’est pas en expansion. Cela implique que lorsqu’il y a formation de plancher océanique comme on vient de le décrire précédemment, il faudra que la lithosphère soit détruite ailleurs. Et c’est ce qu’il se passe au niveau des frontières convergentes qui, comme leur nom l’indique, marquent le contact entre deux plaques. Cette destruction se fait par l’enfoncement dans l’asthénosphère d’une plaque sous l’autre plaque. Les conséquences de cet enfoncement sont différentes selon que les plaques entrant en contact soient de types océaniques ou continentaux.

Intéressons-nous à un premier type de collision, celui résultant de la convergence entre deux plaques océaniques. Dans ce genre de collision, la plaque la plus dense (qui est aussi généralement la plus vieille) va s’enfoncer sous l’autre, dans l’asthénosphère, et former une zone dite de subduction.

La plaque engloutie va fusionner partiellement dans l’asthénosphère, et le magma qui en résulte remonte vers la surface du fait d’une densité plus faible. Le magma reste emprisonné sous la lithosphère, mais une partie est expulsée, produisant des volcans sous la forme d’une série d’îles volcaniques ou arc insulaire volcanique. Un célèbre exemple se trouve dans l’océan Pacifique avec les grandes fosses des Mariannes, des Tongas, des Kouriles et des Aléoutiennes, qui possèdent chacun leur arc insulaire volcanique. Ou encore la fosse de Puerto Rico ayant donné naissance à l’arc des Antilles bordant la mer des Caraïbes.

Un second type de collision est le résultat de la convergence entre une plaque océanique et une plaque continentale. Dans ce cas, la plaque océanique plus dense va s’enfoncer sous la plaque continentale. Comme dans le cas précédent, la plaque s’enfonçant va être partiellement fondue et le magma remontera sous la lithosphère, mais une partie du magma réussit à se frayer un chemin jusqu’à la surface et formera une chaîne de volcans sur les continents (arc volcanique continental).

Des exemples de cette situation se retrouvent à la marge du Pacifique-Est, comme les volcans de la Chaîne des Cascades aux Etats-Unis (Incluant le Mont St. Helens) ou ceux de la Cordillères des Andes en Amérique du Sud.

 

3. Les frontières transformantes

Les frontières transformantes correspondent à de grandes fractures qui affectent toute l’épaisseur de la lithosphère; on utilise plus souvent le terme de failles transformantes. Elles se trouvent le plus souvent, mais pas exclusivement, dans la lithosphère océanique.

Ces failles permettent d’accomoder des différences dans les vitesses de déplacement ou même des mouvements opposés entre les plaques, ou de faire le relais entre des limites divergentes et convergentes (ces failles transforment le mouvement entre divergence et convergence, de là leur nom de failles transformantes).

La fameuse faille de San Andreas en Californie est un bon exemple de cette situation: elle assure le relais du mouvement entre la limite divergente de la dorsale du Pacifique-Est, la limite convergente des plaques Juan de FucaAmérique du Nord et la limite divergente de la dorsale de Juan de Fuca.

Elle affecte à la fois la lithosphère océanique et la lithosphère continentale. Elle constitue la limite entre trois plaques: plaque de Juan de Fuca, plaque de l’Amérique du Nord et plaque du Pacifique. Elle présente aussi l’inconvénient de traverser la ville de San Francisco! Au rythme actuel du déplacement (~ 5,5 cm/an), la ville de Los Angeles se trouvera à côté de San Francisco dans 10 millions d’années.

San Francisco dans 10 millions d'années...

Les taux de divergence et de convergence ne sont pas identiques partout. La divergence varie de 2 à 4 cm environ par an dans l’Atlantique et de 7,7 à plus de 18 cm/an dans le Pacifique. La convergence se fait à raison de 3,7 à 5,5 cm/an dans le Pacifique. À noter le taux de déplacement latéral relatif le long de la faille de San Andreas en Californie (~ 5,5 cm/an).

En résumé

La terre est un système où toutes les pièces, tous les éléments, forment une grande machine mue par la thermodynamique.

Vue d'ensemble du phénomène (source http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/tectonique.pl.html)

Le moteur est constitué par l’action combinée de la gravité terrestre et des grandes cellules de convection dans le manteau, résultant du flux de chaleur qui va du centre vers l’extérieur de la terre. Ce flux de chaleur est lié à la décomposition des éléments radioactifs contenus dans les minéraux constitutifs du manteau.

Ces cellules concentrent de la chaleur dans leur partie ascendante, ce qui cause une fusion partielle du manteau tout à fait supérieur et une expansion des matériaux.
David Attenborough (image Wikipédia)

Dans une récente interview du naturaliste britannique Sir David Attenborough, à l’occasion de ses 60 ans de télévision, la journaliste du podcast scientifique du Guardian, Science Weekly, lui demandait quelle était à ses yeux l’avancée scientifique de ces 60 dernières années qui a eu le plus grand impact. On aurait pu s’attendre à ce qu’il parle des travaux de Crick et Watson sur l’ADN… Eh bien pas du tout. Voici ce qu’il a dit:

Je crois que s’il y a une chose qui a vraiment révolutionné la zoologie et certainement ma compréhension du mode animal, c’est la reconnaissance de la dérive des continents. Aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, lorsque j’étais en licence à l’Université de Cambridge, dans les années 40, la théorie n’était pas acceptée. Un jour, j’ai dû demander à un professeur de parler de cette possibilité. Il a répondu “quand quelqu’un pourra démontrer qu’il y a une force qui peut déplacer un continent ne serait-ce que d’un millimètre, alors je m’y intéresserai. En attendant, cette théorie n’est que balivernes!”

Mais bien sûr, à partir du moment où l’on sait que les continents dérivent alors l’ensemble de la vie animale est transformé et devient compréhensible. Les arguments compliqués qu’on trouvait à l’époque pour expliquer pourquoi l’Australie avait des marsupiaux alors que le reste du monde n’en avait pas – ou plutôt que le reste du monde n’en avait pratiquement pas – étaient totalement incompréhensibles à mes yeux. Je me souviens, je me disais que je devais être bête. Je ne les comprenais pas. Bien sûr, avec le recul, c’était un non-sens total! Et nous connaissons les réponses à ces interrogations aujourd’hui grâce à la dérive des continents. Cela donne tout son sens à pratiquement tout, en vérité

Si vous voulez l’entendre en VO, c’est là:  http://www.guardian.co.uk/science/audio/2012/oct/29/science-weekly-podcast-david-attenborough-audio et ça démarre à 1:09

Sources:

  • http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/intro.pt/planete_terre.html
  • http://en.wikipedia.org/wiki/Plate_tectonics

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