L’histoire de l’électromagnétisme

Il est intéressant de remarquer que pendant l’antiquité, deux phénomènes à distance étaient observables et suscitaient beaucoup d’intérêt de questions : celui de l’attraction d’un petit morceau de fer par la pierre d’aimant, et celui de la paille attiré par un morceau d’ambre frottée. Ces phénomènes étaient-ils réellement des observations d’action à distance ou bien y avait-il un vecteur invisible ? Dans tous les cas, ils étaient souvent confondus.

L’histoire commence avec la fin de notre dossier : la pierre d’aimant qui attire les petits morceaux de fer, est née grâce à la foudre qui en imposant un fort champ électrique à la surface de la Terre, a induit un champ magnétique permanent dans les pierres composées d’oxyde de fer. Ainsi, la relation intime entre électricité et magnétisme nous explique pourquoi on a trouvé des aimants permanents il y a longtemps.

La magnétite ou pierre d’aimant (Archaeodontosaurus ; CC BY-SA 3.0)
La magnétite ou pierre d’aimant
(Archaeodontosaurus ; CC BY-SA 3.0)
La région de magnésie en Asie mineure (B. Saint-Pol ; CC BY-SA 3.0)
La région de magnésie en Asie mineure
(B. Saint-Pol ; CC BY-SA 3.0)

 

On peut rappeler dans cette introduction l’étymologie des mots clés qui nous intéressent particulièrement :

  • Le mot électricité provient du mot “elektron” qui signifie ambre en grec. On doit l’invention de ce mot à William Gilbert (16ème siècle) ;
  • Le mot magnétisme a été créé à partir de la région de Magnésie (en Asie mineure). C’est là qu’à l’antiquité on a découvert la pierre qui avait la propriété d’attirer le fer ;
  • Le mot aimant est apparenté au mot diamant : cela viendrait de “adamas” en grec, qui signifierait inébranlable. On qualifiait les pierres extrêmement dure avec cet adjectif.
L’ambre qui, frottée, attire les petits objets (H. Zell ; CC BY-SA 3.0)
L’ambre qui, frottée, attire les petits objets
(H. Zell ; CC BY-SA 3.0)

Antiquité

Thalès de Milet (vers 625-547 av. J.-C.) aurait été le premier à expérimenter l’attraction du fer par la pierre de Magnésie. Ensuite dans les écrits de Platon (vers 428-348 av. J.-C.), on note qu’un morceau de fer en contact avec un aimant se comporte lui-même comme un aimant. Démocrite un peu plus tard est peut-être le premier à essayer d’expliquer l’attraction du fer par l’aimant avec la théorie atomiste.

Les grecs pendant l’antiquité, pensaient que tout ce qui pouvait créer du mouvement avait une âme. Pendant longtemps, peu de personnes mise à part celles citées s’aventurèrent dans des explications du phénomène magnétique.

Ils connaissaient les propriétés de l’ambre frottée, ce serait Thalès de Milet qui le premier aurait décrit l’expérience.

Les chinois, premier utilisateur du magnétisme

On a retrouvé les premiers écrits chinois parlant du magnétisme datés de 240 av. J.C. : il est déjà noté la différence entre effet magnétique de la pierre d’aimant qui n’attire que le fer, et ambre frottée qui peut attirer les grains de moutarde.

La direction sacrée

Feng shui

Les chinois avait découvert cette magnétite il y a longtemps, cette pierre, trouvée dans la région de Magnésie, s’orientait dans une direction particulière. Alors, croyant en un message des dieux, ils pensaient que cette direction était sacrée. Ils commencèrent à construire leurs villages dans la direction indiquée afin de les faire prospérer, à disposer les bâtiments importants en considérant cette direction (“feng shui” : l’art de disposer les objets de façon harmonieuse) ; ils traçaient des sillons dans la Terre toujours suivant cette même direction dans le but d’obtenir de bonnes moissons…

La cuillère boussole chinoise (Typo ; CC BY-SA 3.0)
La cuillère boussole chinoise
(Typo ; CC BY-SA 3.0)

La boussole

Ils furent les premiers à trouver une application à cette pierre d’aimant : la boussole. On a trouvé une cuillère taillée dans la magnétite datant du début de notre ère et posée sur une surface polie. Sa queue indiquait toujours le sud, ainsi les boussoles pointaient la même direction, sur ce même modèle. En effet dans les croyances chinoises, l’empereur était représenté par l’étoile polaire et il faisait face au sud.

On imagine que dans un premier temps cette cuillère était utilisée pour prédire l’avenir, puis son utilisation par les navigateurs pour se diriger se généralisa.On fabriquait alors les boussoles en frottant une aiguille en fer contre une pierre d’aimant.

Un traité chinois datant de 1044 explique aux militaires comment fabriquer une boussole (une aiguille aimantée) : on porte une fine feuille de fer taillée (en forme de poisson) au rouge dans un feu puis tout en la maintenant dans la direction nord-sud, on la plonge dans l’eau pour figer l’aimantation (en effet, l’agitation thermique permet aux moments magnétiques microscopiques d’être libres, ils s’orientent alors dans le champ magnétique terrestre puis on les fige dans cette position).

Ou les olmèques

Les recherches récentes sur l’histoire du magnétisme montreraient, par quelques découvertes, que les Olmèques, première civilisation précolombienne, auraient découvert et utiliser (boussole) le magnétisme 1000 ans avant les chinois. Mais on continue néanmoins à dire que les chinois ont été les précurseurs. William Gilbert, auteur du premier traité de physique, attribue d’ailleurs l’invention de la boussole aux asiatiques.

L’origine du mot boussole

La boussole apparaîtrait en Europe dans les années 1100 ou 1200. Dans la littérature on apprend la construction de la boussole de l’époque : une aiguille aimantée qui flottait à l’aide de deux bouts de roseau ou de paille dans une fiole remplie d’eau. Les italiens améliorent cette boussole en mettant l’aiguille sur un pivot, le tout enfermé dans une petite boîte. Ainsi, l’appareillage fût appelé “bussolo” en italien qui donna alors boussole. Ainsi certains historiens attribuent l’invention de la boussole, véritable instrument gradué de navigation, aux italiens.

Les premiers scientifiques du magnétisme

Pierre de Maricourt

Le premier à s’y tenter était peut-être Pierre de Maricourt, qui exposa au 13ème siècle l’existence et la propriété (attraction-répulsion) des pôles magnétiques. La dénomination des pôles provient de son observation de la direction Nord-sud prise par l’aimant. Il reconnut la répulsion de deux pôles de même nature, l’attraction de deux pôles de nature différente. Il essaya de séparer les pôles d’un aimant, sans succès. Il montre que l’on créé alors deux nouveaux aimants avec deux pôles opposés.

L’idée que la boussole s’oriente du fait d’un magnétisme terrestre effleura l’esprit de Pierre de Maricourt, mais il ne poursuivit pas dans cette voie : il imagina que les nombreuses mines de fer réparties sur la surface du globe devaient perturber la direction prise par l’aiguille.

Ainsi, il resta sur son idée d’un magnétisme dû à la voûte céleste. C’est alors qu’il eut l’idée, en faisant un parallèle avec le globe céleste, de faire tailler une pierre aimantée en forme de sphère. Il décrivit la technique avec laquelle à l’aide d’une aiguille aimantée, il trouva les pôles de ce globe magnétique : il traça des méridiens grâce à la direction prise par l’aiguille posée à la surface du globe, les intersections de tous ces méridiens sont les pôles.

Il expliqua qu’en orientant correctement le globe, l’axe de ses pôles confondu avec l’axe des pôles du globe magnétique céleste, la pierre sphérique aimantée doit tourner en même temps que le globe céleste, en 24H : c’est la première horloge perpétuelle (théorique).

Déclinaison et inclinaison

La déclinaison

La déclinaison est l’angle que forme la direction que prend une boussole en un lieu donné avec le nord géographique. En effet, le nord magnétique (qui est un pôle sud) n’est pas confondu avec le nord géographique. Les chinois semblaient connaître ce fait.

Mais pour l’Europe, cette découverte n’est pas réellement datée. Cependant, de nombreux instruments du 15ème siècle montrent que les marins disposaient d’une boussole corrigée. Cette déclinaison pose beaucoup de problèmes aux marins de l’époque, puisqu’elle varie avec le lieu.

Certains proposèrent de tirer un avantage de cette variation de déclinaison selon le lieu : on pourrait établir des cartes de la valeur de la déclinaison en fonction de la longitude pour chaque latitude. Ainsi, connaissant la latitude, la mesure de la déclinaison donnerait la longitude. Edmund Halley vers 1700 établit alors la première carte de déclinaison magnétique.

Mais un scientifique anglais au cours du 17ème montra que cette déclinaison variait aussi avec le temps. La mesure de la longitude grâce à la déclinaison fut abandonnée.

Edmund Halley expliqua que la Terre était constituée de couches concentriques aimantées qui tournaient les unes par rapport aux autres. C’est ainsi que l’inclinaison variait dans le temps. Il avait aussi compris que le champ magnétique terrestre avait probablement un rôle dans l’apparition des aurores boréales.

La première expérience de physique : l’aiguille aimantée immergée du britannique Norman
La première expérience de physique : l’aiguille aimantée immergée du britannique Norman
L’inclinaison

L’inclinaison est le fait qu’une aiguille aimantée s’oriente dans le champ terrestre dans un plan qui n’est pas horizontal, mais elle pointe “dans la Terre”.

L’inclinaison fût découverte au milieu du 16ème siècle par un allemand. Mais c’est un britannique qui fit parler de lui avec une expérience restée célèbre : l’expérience de Norman. Il redécouvrit d’abord le phénomène avant de montrer que celui-ci ne provenait pas d’un poids accru au niveau de l’extrémité nord de l’aiguille. Il construisit alors la première boussole d’inclinaison pour montrer que celle-ci s’inclinait de 72$^{\circ}$ à Londres. Après avoir exploré différentes hypothèses (perturbation des montagnes, point attracteur dans la Terre, ou bien dans le ciel), il testa l’hypothèse du point attracteur avec sa célèbre expérience : il construisit une boussole avec du liège et une aiguille aimantée le tout étant aussi dense que l’eau. Il plongea alors son instrument au fond de l’eau et montra que la boussole ne se déplace pas dans le liquide : il n’existe donc pas de point attracteur. Elle ne fait que s’orienter. C’est la première fois qu’il fut évoqué une cause terrestre du magnétisme.

William Gilbert

L’auteur du premier livre de physique "De Magnete" : William Gilbert
L’auteur du premier livre de physique “De Magnete” : William Gilbert
Premier livre de physique

Ce fut ensuite William Gilbert (1540-1603) qui publia après de nombreuses années d’expérimentation “De Magnete” ; probablement le premier vrai livre de physique. Il reprit les expériences de Maricourt, l’idée de magnétisme terrestre de Norman, mais exploita aussi de nouvelles expériences.

Opposition à Maricourt

Tandis que Maricourt pensait que le ciel orientait l’aiguille de la boussole, Gilbert expliqua que c’était la terre la fautive. Il le fit par référence à Copernic : ce dernier avait remplacé le mouvement céleste par un mouvement terrestre, Gilbert se dit alors que la boussole s’orientait aussi du fait de la Terre et non du ciel.

La terrela, nom qu’il donna au globe aimanté de Maricourt, représente alors la Terre, qui se comporte comme un aimant géant. Rappelons que nous savons de nos jours que le magnétisme terrestre est dû à des mouvements de matière chargée à l’intérieur de la Terre.

La "terrela", globe magnétique de William Gilbert
La “terrela”, globe magnétique de William Gilbert
Ses visions de la déclinaison et l’inclinaison

Il essaya d’expliquer la déclinaison et l’inclinaison magnétique : pour la première, il l’attribua à l’irrégularité de la surface terrestre. Pour la deuxième, comme l’aimantation de la Terre suivait la direction des pôles Nord-Sud, l’inclinaison devait être nulle à l’équateur et de 90$^{\circ}$ aux pôles. Il réalisa des mesures sur sa terrela et montre que la relation inclinaison latitude n’est pas simple. Cela lui prouve que le point respective (point attractif de Norman) n’existe pas. Il resta convaincu que la mesure de l’inclinaison devait permettre la mesure de la latitude d’un lieu.

La première convention magnétique

C’est Gilbert qui proposa d’attribuer aux pôles de l’aiguille aimantée qui s’orientait vers le Nord le nom de pôle Sud : ainsi, ce pôle est attiré par le pôle magnétique nord, proche du pôle Nord géographique.

Comment aimanter ou désaimanter

On trouve dans ses écrits que le chauffage d’une pièce aimantée permet de faire disparaître cette aimantation, il décrivit de multiples façons de créer une pièce aimantée.

Des explications, mais pas de mathématiques

Gilbert faisait très peu appel aux mathématiques. Il n’accordait que peu de crédit aux formules.

Des croyances toujours sacrées

Pour Gilbert, la rotation de la Terre autour de ses pôles est due à son magnétisme, tout comme la rotation de la Lune sur elle-même. Et l’expérience de l’horloge perpétuelle de Maricourt ne marchait pas car il manquait à son globe aimanté l’âme magnétique.

Différences entre électricité et magnétisme

Gilbert reprit la similitude entre électricité (ambre frottée) et magnétisme (aimant) et nota leur différence :

  • L’aimant n’attire que le fer alors que l’ambre peut attirer plusieurs corps légers (paille, papier, …) ;
  • L’ambre nécessite un frottement pour attirer, pas l’aimant ;
  • Le magnétisme courant ne vient que d’un seul objet (la pierre d’aimant ou magnétite) alors que d’autres corps frottés (ambre, verre, résines) peuvent aussi attirer de petits objets. “Elektron” qui signifie ambre en grec sera à l’origine du mot électricité ;
  • L’aimant peut agir à travers un écran de bois, pas l’ambre frotté ;
  • L’humidité a une influence sur l’attraction de l’ambre, pas sur celle de l’aimant ;

En citant ces différences, il prit soin de bien séparer dans son discours la “petite” électricité du “grand” magnétisme provenant de la Terre. Enfin malgré les croyances de l’époque aux vertus thérapeutique du magnétisme (qui existaient déjà avant Mesmer, voir plus loin), il ne croyait pas, en bon médecin, à de quelconques propriétés curatives.

 

Puis ce fut au tour de l’électricité

Construction de machines à frotter, bouteille de Leyde et expériences divertissantes

Se rendant compte que les études sur l’électricité progresseraient si on arrivait à mieux électriser les corps, c’est à dire à mieux les frotter, quelques scientifiques à partir du 17ème fabriquèrent des machines à frotter : le premier fut Otto von Guericke (1602-1686) en 1672 qui frotta de sa main une boule de soufre “grosse comme la tête d’un enfant” en la faisant tourner avec une manivelle : la sphère attirait fortement les petits objets mais ceux-ci étaient repoussés violemment après contact avec la machine.Un peu plus tard, l’anglais Hauksbee utilisa un tube puis une sphère en verre.

Une autre découverte importante fut celle de la bouteille de Leyde, le premier condensateur : c’est le Hollandais Petrus van Musschenbroek (1692-1761) qui fit cette découverte en 1746 à Leyde, en essayant de piéger l’électricité dans une bouteille d’eau. En touchant la bouteille, il reçut une violente décharge. Ce dispositif de condensation de l’électricité fut vite perfectionné, la bouteille de verre ne servait plus que d’isolant entre deux conducteurs cylindriques, un à l’intérieur, l’autre à l’extérieur.

Grâce à ces nouveaux dispositifs, les effets des expériences d’électricité deviennent spectaculaires, la science ne progresse pas beaucoup mais les expériences se multiplient pour épater la galerie :

  • on électrise le corps d’un homme que l’on suspend à des corps de soie et qui est capable d’attirer des petits bouts de papier avec ses doigts ;
  • on transmet des décharges électriques à travers de longues chaînes humaines …
La machine à frotter d’Otto Von Guericke
La machine à frotter d’Otto Von Guericke
Le premier condensateur
Le premier condensateur

Stephen Gray et la transmission de l’électricité

Stephen Gray (1666-1736) s’intéressa à la transmission de l’électricité. Au départ, il faisait des expériences sur l’électrisation des corps frottés, il écrivit d’ailleurs une lettre pour raconter comment il avait découvert des nouveaux “électriques”.

1729 : faisant ces expériences sur un tube de verre frotté, pour ne pas que de la poussière perturbe celles-ci, il ferma le tube de verre qu’il utilisait par des bouchons en liège. Après frottement du tube, il se rendit compte que les bouchons avaient également les propriétés d’attraction. Il réalisa alors une série d’expériences de propagation d’électricité, notamment sur une corde en chanvre très longue, qu’il suspendit au plafond d’une grande galerie. La “vertu” électrique n’avait pas de problème à se propager si la suspension du chanvre était réalisée avec des fils de soie. Mais avec de fins fils de laiton, cela ne fonctionnait plus.

Malgré aucun écrit théorique de sa part, c’est lui qui distingua deux sortes de corps, ceux qui permettent la propagation de la vertu électrique (métaux, chanvres, corps humain …) et ceux qui ne le permettent pas (soie, verre, résine). Cependant, il fut montré plus tard que le chanvre n’était pas réellement conducteur (son taux d’humidité le rendait conducteur). Mais ce n’est pas lui qui parla pour la première fois de conducteurs et d’isolants. Ce fût un certain Desaguliers vers 1740.

Là où Gray a été précurseur, c’est que l’électricité devint une propriété générale de tous les corps, la classification de ceux-ci ne se faisait plus par l’attraction qu’il pouvait provoquer par frottement, mais par la conduction du courant qu’ils permettaient. L’électricité devint alors une nouvelle branche de la physique.



Charles-François de Citernay Dufay et les deux électricités

Dufay (1698-1739) poursuivit les travaux de Gray sur les corps frottés : en 1733, il montra par exemple que les corps qui ne peuvent pas s’électriser par frottement, comme les métaux, peuvent l’être fortement par contact. Il faut alors qu’il soit tenu par un manche isolant.

Il s’intéressa particulièrement à la communication de l’électricité et aux diverses répulsions : il pose comme principe que l’électricité se communique du corps frotté vers le corps neutre qu’il attire, qu’il y ait contact ou juste approche. Il y a alors ensuite répulsion des deux corps.

Avec la fameuse expérience du tube de verre et des feuilles d’or, il montre que la feuille d’or (initialement neutre) électrisée par contact (ou approche) avec le verre est ensuite fortement repoussée par celui-ci, mais alors fortement attirée par un bâton de résine frotté.

Il supposa alors l’existence d’une électricité vitrée et d’une électricité résineuse : il y a répulsion dans le cas d’électricité de même type, attraction dans l’autre cas. On pourrait bien, pour lui rendre hommage puisqu’il a été oublié, appeler cette loi d’attraction-répulsion la loi de Dufay !

On notera que cette dualité de l’électricité venait pour Dufay du corps lui même et agissait à l’extérieur par des tourbillons électriques.

En effet à cette époque, la communication de l’électricité entre deux corps, en l’absence de contact, ne constituait pas un sujet d’étonnement : la “matière électrique” n’est pas confinée à l’intérieur des corps, mais s’étend dans l’espace environnant sous forme d’effluves, émanations ou autres atmosphères électriques.

Aujourd’hui on explique la communication sans contact par une décharge électrique dans l’air intermédiaire. Il faut pour cela un champ électrique suffisamment élevé pour rendre l’air conducteur.Par exemple, le transfert de charges entre le tube et les corps légers – la “communication” – se produit entre le verre fortement électrisé et les bords minces des feuilles d’or, d’aluminium ou de papier par un “effet de pointes”. Lorsque le verre est peu électrisé, le champ électrique est trop faible pour rendre l’air conducteur, et la feuille vient au contact du tube : elle sera alors électrisée puis fortement repoussée.

Charles-François de Citernay de Dufay : l’inventeur de la loi de répulsion-attraction électrostatique des corps
Charles-François de Citernay de Dufay : l’inventeur de la loi de répulsion-attraction électrostatique des corps

La théorie du fluide électrique unique

Un des disciples de Dufay, l’Abbé Nollet, attendit la mort de son maître pour rejeter ses idées : pour lui, c’est un fluide unique qui entre et sort simultanément des corps chargés qui provoque les effets des expériences.

Franklin

Sa théorie trouvera un relais de choix en la personne de Benjamin Franklin (1706-1790). Celui-ci a laissé sa trace dans l’histoire avec l’invention du paratonnerre mais aussi avec l’invention des termes conducteur, charge électrique, électricité positive et négative.

Il postule que l’électricité est un fluide qui imprègne tous les corps, le frottement ne fait passer ce fluide que d’un corps vers un autre. Chaque corps possède la même quantité de ce fluide initialement : lorsqu’un homme frotte un tube de verre, il fait passer son fluide électrique vers le verre. Alors le verre est chargé positivement dans le sens où il a reçu du fluide, le corps de l’homme est chargée négativement car il en a donné. Le feu électrique se propage du corps qui a le plus de fluide au corps qui en a le moins. Voilà l’origine des électricités positives et négatives.

Benjamin Franklin : initiateur de la théorie du fluide électrique unique
Benjamin Franklin : initiateur de la théorie du fluide électrique unique

La théorie du double fluide

C’est une histoire de bas qui va amener Robert Symmer (1707-1763) à proposer non pas un fluide électrique mais deux.

Les hommes avaient l’habitude de porter des bas et remarquèrent que des étincelles apparaissaient à leur retrait. Voulant voir à quoi cela était dû, Symmer décida de porter deux types de bas de nature différente : il remarque que le phénomène lumineux s’accentue et que les deux paires de nature différente s’attirent. Il recommence son expérience en associant deux nouveaux types de bas et obtient un résultat encore plus spectaculaire.

Pour expliquer ces phénomènes, Symmer utilisa le vocabulaire de Franklin mais il ne trancha pas sur qui perd ou gagne du fluide électrique. Ayant lu Dufay, il suggèra l’existence de deux fluides : les corps non électrisés possèdent les deux fluides en parts égales, ils peuvent s’électriser de l’une ou l’autre des manières selon qu’ils possèdent un excès de l’un ou l’autre des fluides. Il garda la notion de fluide positif et négatif.

Il garda la convention de Franklin comme quoi le verre possède un excès de fluide positif, le soufre un excès de fluide négatif.

Coexistence des deux théories

La théorie du fluide unique et celle du double fluide coexistent au 18 ème siècle, les anglais seront adeptes de la théorie de Franklin, les autres européens de celles de Symmer.Coulomb venant d’établir la loi mathématique qui porte son nom penchera plutôt pour celle des deux fluides.

Charles-Augustin Coulomb
Charles-Augustin Coulomb

Les bases de l’électrostatique

En dehors de ces débats sur les théories fluidiques, les bases de l’électrostatique sont justement posées par Coulomb :Rappelons que la loi de Coulomb (1785) exprime mathématiquement la force qui s’exercent entre deux particules chargées et qui varie comme l’inverse de la distance entre les charges au carré. Cette loi est établie grâce à une balance de torsion construite par Coulomb lui-même.

Dans les mêmes années, la notion de potentiel utilisé en gravitation (Lagrange, Laplace puis Poisson) est utilisée pour l’électrostatique.

La notion de courant

La définition de Franklin de l’électricité sous forme de fluide introduit la notion d’écoulement, donc de courant. Un certain Kinnersley, correspondant de Franklin, lui proposa une première expérience pour faire circuler le fluide entre un globe de verre et un globe de soufre à l’aide d’un conducteur. C’est aussi lui qui le premier découvrit l’effet calorifique (l’effet Joule) du courant : il relia les deux armatures d’une batterie de bouteilles de Leyde par un fil de laiton qui fut alors porté au rouge.Son explication du phénomène était étonnamment moderne : il parla de résistance à l’écoulement, qui serait alors plus grande si le fil est mince, pour une même quantité de courant.

Le sens de circulation du courant va alors de soi : il circule du corps qui a le plus de fluide jusqu’au corps qui en a le moins. Ce sens est donc imposé par le modèle.

La pile de Volta

Nous ne parlons que brièvement de cette invention puisque les récits de sa découverte sont connus. Rappelons juste que c’est à la suite des travaux de Galvani sur des cuisses de grenouille que Volta en 1800 eut l’idée de séparer des disques de deux métaux différents par des disques cartonnés imbibés pour créer la première pile électrique. Lorsqu’un expérimentateur touche les deux extrémités de la pile, il reçoit une légère commotion du fait du courant de fluide électrique qui traverse et envahit le corps.

Après Volta, le courant électrique fut monopolisé par les chimistes qui réalisèrent toutes sortes d’électrolyses (découvertes de nombreux éléments).

L’expérience d’Oersted permit aux physiciens de se réapproprier les phénomènes électriques et leur lien avec le magnétisme.

Le magnétisme à la fin du 18ème siècle

Le magnétisme comme science de guérison ?

Disons brièvement quelques mots d’un courant, le mesmérisme, dont l’idée était que le magnétisme pouvait guérir : en se basant sur les travaux de Galvani et sur ses idées d’électricité animale, Mesmer (1734-1815) proposa une théorie du magnétisme animal. Il développa sa théorie et organisa des séances collectives de soins à base d’aimants. Considéré par les physiciens comme dangereux, une commission fut composée pour vérifier la théorie du magnétisme animal : des grands noms comme Lavoisier et Franklin étudièrent et rejetèrent le mesmérisme.

Les premiers aimants artificiels

La magnétite était un produit rare donc cher jusqu’à ce que les premiers aimants artificiels soient créer. Le premier fut l’aimant en forme de fer à cheval popularisé par Bernoulli. Puis on réussit par la suite à créer des aimants permanents en utilisant deux chariots de 200 aimants chacun entre lesquels on interposait un barreau métallique.

La naissance de l’électromagnétisme

L’expérience d’Oersted

C’est un professeur de physique danois, Hans Christian Oersted (1777-1851), qui commença la véritable histoire de l’électromagnétisme avec sa célèbre expérience de 1820 : il montra qu’un courant circulant dans un fil créé un champ magnétique perpendiculaire au fil. En effet, faisant des expériences sur le pouvoir calorifique du courant, il brancha un pile de Volta aux deux bornes d’un fil et observa la déviation d’une aiguille aimantée située à proximité. L’interversion des deux pôles de la pile fait dévier l’aiguille dans l’autre sens.

Il arriva même à interpréter celle-ci à l’aide de la théorie des fluides électriques : “La matière électrique négative décrit une spirale à droite et agit sur le pôle Nord tandis que la matière électrique positive possède un mouvement en sens contraire et a la propriété d’agir sur le pôle Sud”.

Le Danois Oersted qui découvrit la relation entre électricité et magnétisme
Le Danois Oersted qui découvrit la relation entre électricité et magnétisme
La célèbre expérience d’Oersted en 1820
La célèbre expérience d’Oersted en 1820

La première contribution d’Ampère

Sens du courant électrique et convention

Andre-Marie Ampère (1775-1836) fut aussi un adepte du double fluide, il conserva l’appellation d’électricité positive et négative tout en précisant qu’il ne s’agit que d’une convention. Il affirma que les deux électricités sont produites par la pile.

C’est lui qui posa la première convention de sens du courant électrique : en disant que si on connaît le sens de transport d’un des fluides, on connaît forcément l’autre, il suffit d’en choisir un et d’appeler courant électrique son sens de circulation. C’est le fluide positif qui sera choisi.

Cette théorie des deux fluides s’impose alors, surtout en Europe continentale. Mais il est difficile d’expliquer comment les deux fluides se croisent sans se neutraliser.

Le bonhomme d’ampère

Ampère se servira de ce nouveau courant pour concevoir le “bonhomme d’ampère” : il permet de prévoir la déviation de l’aiguille aimantée (le sens du champ magnétique) en fonction du sens de circulation du courant. Malgré cette théorie des deux fluides, on voit bien qu’il est nécessaire de définir un courant.

André-Marie Ampère invente le "courant électrique"
André-Marie Ampère invente le “courant électrique”

La première contribution de Maxwell

Sens du courant et règle de la vis

John Clerk Maxwell (1831-1879), considéré comme le père de l’électromagnétisme, donne son avis sur cette théorie fluidique électrique : il dit que tant que rien n’a été prouvé, il faut éviter de parler de fluide électrique.

Cependant encore une fois, il faut bien un courant pour interpréter les phénomènes électromagnétiques. Maxwell l’utilise dans sa règle de la vis (ou du tire-bouchon) :”Supposons qu’une vis droite s’avance dans la direction du courant, en tournant, en même temps, comme au travers d’un corps solide, c’est-à-dire, dans le sens des aiguilles d’une montre, le pôle nord de l’aimant tendra toujours à tourner autour du courant dans le sens de la rotation de la vis, et le pôle sud, dans le sens opposé”.

Thomson et le corpuscule d’électricité

Un point final à la théorie des fluides

J.-J. Thomson (1856-1940) dira d’abord que “l’on ne pourra pas départager les deux théories fluidiques tant que l’on ne connaîtra pas la constitution de ce ou ces fluides”. Il étudiera consciencieusement les rayons cathodiques (issus d’une cathode chauffée) pour découvrir le corpuscule d’électricité négatif. Ainsi, le fluide unique de Franklin semble l’emporter, “un corps chargé positivement est un corps qui a perdu une partie de ses corpuscules”.

Ainsi, le verre ne se charge pas positivement, il perd de l’électricité !

Le retour d’Ampère et l’électrodynamique

Ampère étudia attentivement l’expérience d’Oersted et la compléta avec ses propres expériences et hypothèses :

  • il expérimenta la force magnétique qui s’exercent entre deux fils parcourus par un courant et montra que celle-ci dépend du sens du courant dans les fils, de la distance entre les fils ;
  • il eut l’intuition que les propriétés magnétiques de la matière (du fer) sont dues à des courants électriques microscopiques ;
  • il observa le phénomène d’induction (courant induit dans une bobine traversée par variation du champ magnétique à l’intérieur de celle-ci), mais ne poussa pas plus loin ses investigations.

Les travaux d’Ampère permettront à Arago d’inventer l’électroaimant en 1820 (une bobine de fil parcourue par un courant se comporte exactement comme un aimant), et de montrer que le fer peut s’aimanter grâce à un courant.

On notera aussi qu’Ampère eut l’idée d’un télégraphe électrique dés 1820.

La roue de Barlow

En 1822, la roue de Barlow peut être considérée comme la première machine électrique : une roue composée de multiples pointes métalliques est parcourue par un courant. Celui-ci peut circuler car les pointes de la roue baignent dans un récipient de mercure : le circuit est donc fermé. Au niveau du récipient de mercure, un aimant en forme de fer à cheval crée un champ magnétique. Les pointes qui arrivent au niveau de l’aimant subissent la force de Laplace, force électromagnétique qui les met en mouvement perpendiculairement à l’axe de rotation de la roue. Tant qu’un courant circule, la roue tourne … mais la puissance motrice développée est faible.

La roue de Barlow : premier moteur électrique ?
La roue de Barlow : premier moteur électrique ?

Michael Faraday (1791-1867)

Michael Faraday qui n’était pas physicien mais relieur (il lisait les livres scientifiques qu’il devait relier), ne rata pas la découverte de l’induction électromagnétique en 1831 : si le flux du champ magnétique à travers une bobine de fil varie, un courant électrique induit apparaît dans cette bobine. C’est cette découverte qui donnera naissance à l’alternateur, au moteur électrique, au transformateur, à la plaque à induction … Cependant, Faraday ne formalisera pas mathématiquement cette découverte, il utilisera seulement les notions de champ magnétique et de champ électrique pour la première fois dans l’explication du phénomène.

Il découvre l’induction électromagnétique : Michael Faraday
Il découvre l’induction électromagnétique : Michael Faraday

Le télégraphe électrique : premières communications électromagnétiques

Ampère a théorisé le télégraphe électrique, mais ne la pas conçu. On doit la construction du premier télégraphe électrique à Wheatstone en 1838, celui-ci relia Londres à Birmingham.

Le télégraphe utilise un interrupteur comme émetteur, celui-ci commande le courant envoyé dans la ligne.Ce courant électrique sert à transporter l’information.A l’autre bout de la ligne, un électroaimant retranscrit les impulsions de courant et marque un bout de papier.

Le télégraphe le plus célèbre est celui de Samuel Morse et son code associé : un brevet lui est accordé en 1840 pour cette invention.

Le célèbre télégraphe de Morse
Le célèbre télégraphe de Morse

Le retour de Maxwell et l’électromagnétisme

C’est donc Maxwell qui établit mathématiquement en 1864 toutes les lois de l’électromagnétisme à partir principalement des travaux d’Ampère et de Faraday. Ces lois se résument en quatre équations, deux concernent les champs électriques et magnétiques séparément, deux autres montrent la relation entre ces deux champs.

Les lois de Maxwell montrent que les champs E⃗ et B⃗ s’influencent mutuellement : ils n’ont pas besoin de courant ni de charges pour se propager de proche ne proche à une certaine vitesse c. Deux chercheurs allemands mesurèrent cette vitesse et trouvèrent une vitesse égale à celle de la lumière. Maxwell conclut que la lumière est une onde électromagnétique : elle n’est qu’une oscillation transversale du champ électromagnétique puisque les champ E⃗ et B⃗ sont perpendiculaires à la direction de propagation. Ainsi cette nature électromagnétique de la lumière permet d’expliquer certaines observations de Faraday concernant la polarisation de la lumière.

Le père de l’électromagnétisme : James Clerk Maxwell
Le père de l’électromagnétisme : James Clerk Maxwell

Invention de la dynamo et du moteur à induction

Deux inventions seront capitales technologiquement parlant, toutes les deux issues de l’induction électromagnétique :

  • la première est la dynamo par Zénobe Gramme en 1869 qui permet de produire un courant électrique à l’aide d’une force mécanique. On peut alors se passer de pile électrique !
  • La deuxième est l’invention du moteur à induction par Nicolas Tesla en 1880.

Emission et détection d’ondes électromagnétiques par Heinrich Hertz (1857-1894)

L’électromagnétique prend un nouvel élan en 1888 avec la production et la détection d’ondes électromagnétiques par Heinrich Hertz : il produit des ondes grâce à une décharge électrique, il les détecte grâce à une boucle de fil dans laquelle un courant apparaît lorsqu’elle est traversée par une onde. Il vérifiera que ces ondes ont bien la même vitesse que la lumière.

Invention de la radio

Avec les travaux d’Heinrich Hertz, il ne reste plus qu’à contrôler la production des ondes et être capable de les détecter pour pouvoir transmettre de l’information. C’est ainsi que la radio naîtra, on attribue son invention à Giuglielmo Marconi qui en 1896 transmettra un signal sur 10km.

Les autres applications suivront

Que pourrait-on faire de nos jours sans l’électromagnétique : radio, télévision, téléphonie sans fil, wifi, micro-onde, radar, plaque à induction, moteur, alternateur, enregistrement numérique, etc. Ce domaine de la physique est partout, au quotidien il nous facilite la vie. Cela valait bien un dossier de Podcast Science pour comprendre comment on en est arrivé là !

Références

Notes

L’expérience de la dans des feuille d’or du site ampere.cnrs.fr.

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