Les vaccins avec Nima Yeganefar

Cette interview a eu lieu dans l’épisode 177: Accéder aux notes de l’émission


Alan : Nima, tu es prof à l’université de Poitier mais ce n’est pas à ce titre qu’on te reçoit mais en ta qualité de penseur critique et de blogueur. Alors pour te présenter, je n’ai pas pu m’empêcher de ressortir le message que tu avais envoyé au café des sciences lorsque tu as souhaité rejoindre ces rangs. Là où d’autre y vont de leur copieuse tartine tu avais fait dans la formule brève : “Bonjour a tous je blogue sur les thématiques de la communauté sceptique – sciences versus pseudoscience”. Mes sujets préférés sont les biais cognitifs, les médecines alternatives, les sujets hot hot du style vaccination, ondes, OGM, nucléaire. Vous en avez eu un petit aperçu avec l’épisode vaccins pour ceux qui ont suivi. J’ai aussi une expérience longue de militantisme à l’extrême gauche donc je souffre aussi de quelques biais irrécupérables.” Voilà.

Nima Yeganefar : C’était bien ça oui.

A : Simple et efficace. Aujourd’hui, c’est de vaccins qu’on va parler, sous l’angle de la pensée rationnelle. On va beaucoup parler du mouvement anti-vaccination aussi, puis on va essayer de comprendre de quoi il s’agit. Je propose de commencer par quelque chose d’absolument essentiel : Nima Yeganefar, c’est vraiment ton vrai nom ?

NY : Oui, c’est vraiment mon vrai nom. Je m’en veux presque d’avoir un nom si commun sur l’internet. Il y a beaucoup de gens qui ont un nom inventé.

Nico : Ça fait bien pseudo. Moi j’étais persuadé que c’était un pseudo.

A : Tu sais ici, on a des gens qui ont des pseudos tellement tordus que je me suis demandé si ton nom n’était pas une anagramme en fait. J’ai cherché ce que ça pouvait donner.

NY : Non, non, on peut me trouver facilement. Sur le blog universitaire [Sham and Science], il y a mon nom, et du coup on retourne sur la page universitaire. C’est bien moi.

Nico : Donc comme Billy, c’est ton vrai prénom !

A : Contrairement à Nicolas qui n’est pas… Mais c’est une autre histoire.

Nico : Chuutt

Alan : Bon après avoir clarifié ce point d’importance capitale, on va parler de bricoles diverses et variée. Les vaccins, d’abord, Nima, est ce que ça marche ?

NY : C’est une question très vaste, ce n’est pas forcément facile d’y répondre. Si on veut être rapide, on peut dire oui, ça marche très bien. La meilleure preuve qu’on ait, c’est l’éradication par exemple, de la variole. Cette maladie a fait 400 millions de mort au XXe siècle. Grâce à des campagnes de vaccinations massives, on a réduit son nombre à zéro puisque la variole est éradiquée. J’ai d’autres chiffres de ce type là. Par exemple, au XXème siècle on a eu plus de 12 millions de morts  à cause de l’hépatite B, 100 millions à cause de la rougeole, 38 millions à cause de la coqueluche. Et aujourd’hui, ces morts se comptent par centaines de milliers et dans les pays industrialisés, on est quasiment à zéro. D’ailleurs la polio est quasiment en passe d’être éradiqué aussi, on pourra en reparler plus tard. Pour te donner un autre exemple de cette efficacité, j’avais trouvé dans une infographie du CDC (il n’y a pas beaucoup de documentations en France, malheureusement, par rapport aux pays anglophones), que le vaccin en 20 ans avait permis d’éviter aux Etats-Unis (sur cette période et dans ce seul pays)  732 000 morts. Ce qui est assez colossal, quand on imagine un pays comme les E-U. *Précisions de Nima : C’est en réalité 732000 morts chez les enfants (décès prématurés). Donc encore mieux !

A : Ah oui, 732 000, c’est 3/4 de millions en fait ! C’est fou.

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Impact de la vaccination sur la morbidité et la mortalité des maladies infectieuses. La morbidité, ou incidence, désigne le nombre de personnes atteintes par la maladie. Données françaises. Tiré d’un rapport de l’INSERM.

NY : On avait 322 millions de malades qui ont été évitées, toujours aux E-U sur ces 20 ans. Comme je te disais, tout à l’heure, en France, on a plus de mal à trouver des chiffres parlants ou des rapports assez visuels, comme on trouve dans les pays anglophones.  J’avais trouvé un rapport de l’INSERM qui notait qu’en France, avant 1950, on avait par an 50 à 100 morts/million d’habitants de la diphtérie, une cinquantaine de morts par million d’habitants de la coqueluche, 1000 morts par million d’habitant de la tuberculose… Et après 1990 et notamment après l’impact des vaccins, on est à quasiment zéro sur ces trois maladies. Au niveau de l’efficacité, c’est vraiment indéniable. La question serait plutôt : pourquoi ça ne marcherai pas ? Quand on connait le mécanisme de la vaccination, on ne voit pas pourquoi cette vaccination ne serait pas efficace aujourd’hui. Rapidement –les profs de biologie me pardonneront cette simplification, notamment  Billy qui est à côté de moi– le vaccin, c’est stimuler le système immunitaire, comme le ferai naturellement la maladie. On a un virus qui rentre dans le corps grâce au vaccin. Ce virus, évidemment, il n’est pas dangereux pour celui qui le reçoit (c’est le but). Mais le système immunitaire va créer des anticorps pour se défendre contre ce virus et va développer une attaque pour éliminer le virus rapidement. Tout cela permet de préparer le corps, à une attaque du vrai virus, plusieurs mois ou années après. C’est un peu comme quelqu’un qui se dit “je vais courir le marathon” et puis qui réfléchi “Tiens, avant d’aller courir 40 km, je vais peut être commencer par courir 10 km pour voir ce que ça donne. Et puis je vais commencer comme ça petit à petit, m’entrainer un peu, pour après m’attaquer au marathon”. Les vaccins, c’est exactement ça : on va être confronté à la maladie, à une forme atténuée, qui ne va pas nous faire du mal, pour préparer notre corps, d’une manière naturelle (même si ça n’a pas trop de sens ce terme) pour, une fois qu’on y confronté, être capable de la combattre bien plus efficacement.

A : Présenté comme ça, ça à l’air idéal, mais on parle quand même pas mal de soucis d’ingrédients, on parle d’aluminium, de mercure, d’autre cochonneries dans les préparations. Tout ça, on l’administre à des bébés ! Je ne sais pas : info ou intox ?

NY : Huumm (rires)… Intox ? Mais le terme “cochonneries” peut être bien pour podcast Science mais je pense que c’est vraiment pas des cochonneries. C’est la manière dont on se les imagine et la manière dont ils sont présentés par les campagnes anti-vaccination, qui les rend si dangereux dans la tête des gens, alors qu’ils ne le sont pas vraiment. Pour te prendre un exemple parlant, dans les vaccins, on trouve des adjuvants et des conservateurs. Les adjuvants, par exemple, c’est l’aluminium. Ce n’est pas exactement de l’aluminium c’est des sels d’aluminium, c’est pas tout à fait pareil. Je sais que pour les gens c’est la même chose, mais chimiquement, ce n’est pas vrai. L’aluminium ça permet au vaccin d’être plus efficace. La réaction immunitaire est accentuée grâce à l’aluminium. Ça permet de mettre “moins de virus, moins d’agents pathogène, dans le vaccin” et avoir une réaction immunitaire tout de même forte. C’est intéressant car moins on met d’agents pathogènes, moins on a de risque d’avoir des problèmes : soit d’avoir la maladie, soit des créer des réactions auto-immunes. Pourquoi ces sels d’aluminium ne sont pas dangereux ? Tout simplement car on a plein d’études qui cherchent un lien entre eux et certaines maladies. Et toutes ses études montrent qu’on n’a pas de liens entre aluminium et, par exemple, la sclérose en plaques, dont on parle en France. Alors il y quelques études en France sur l’aluminium. C’est un cas un peu particulier, j’aurais peut être pas du commencer par celui là. Il y a une équipe de recherche en France qui est très active dans la recherche sur l’aluminium dans les vaccins et qui a créé pas mal de polémiques. Il y a eu quand même deux rapports en 2012 et 2013 de l’académie de médecine et de la haute autorité de santé  (la HAS) qui ont analysé le lien entre l’aluminium et d’éventuelles maladies et qui ont conclu que cet élément, pour le moment, ne posait pas de problème dans les vaccins. Les doses sont très faibles aussi. Pareil pour le mercure. On dit mercure, mais en fait, c’est de l’éthylmercure et c’est un conservateur. C’est un truc intéressant : ça permet de faire des vaccins multi-dose. Tu sais ce que c’est Alan ?

A : Non…

NY : Moi non plus je ne savais pas, mais c’est simplement un vaccin qui va pouvoir être utilisé plusieurs fois de suite. C’est très utile dans le cas de campagnes massives : on peut utiliser le même tube pour vacciner plusieurs personnes, on va dire. Ce mercure, qui est dedans, a des propriétés conservatrices. C’est comme le mercurochrome, pour ceux qui connaissent, c’est un médicament antiseptique : c’est la même propriété qu’on utilise ici. Les doses sont très faibles et encore une fois les études sont absolument claires sur le sujet : aucun lien entre mercure et l’autisme (c’est souvent ce lien qui est cité dans les campagnes anti-vaccinations). Je pourrais encore continuer sur un autre ingrédient : le formaldéhyde. Je ne l’ai pas dit pour le mercure et l’aluminium, mais c’est vrai que les deux à hautes doses sont dangereux. Par exemple, pour le mercure, quand on consomme beaucoup de produit de la pêche, le thon par exemple, on peut risquer d’avaler des quantités non négligeables de mercure et on a déjà vu des intoxications dans certains pays. C’est pour ça que ça marche, la propagande anti vaccins : à haute dose, ces produits sont dangereux. Mais aux doses où on les trouve dans les vaccins, c’est peanuts. Pour finir sur le formaldéhyde, c’est quelque chose qui est classé comme cancérigène, ce qui fait peur, mais les doses dans un tube de vaccins sont de l’ordre du microgrammes, ce qui est très faible, et ce qui est surtout très faible par rapport à ce qu’on a déjà dans le sang par notre consommation dans la vie de tous les jours. Le formaldéhyde est un produit qu’on consomme dans les fruits dans les poires par exemple. Ces produits contiennent du formaldéhyde et dans notre sang on en trouve naturellement. Ce petit excès, arrivé par le vaccin, est négligeable par rapport à ce qu’on consomme dans la vie de tous les jours. Voila pour les ingrédients.

A : Ok, vachement intéressant, merci. On a une idée de la proportion entre le taux de succès (qui est énorme) et les cas à problèmes (dont on parle beaucoup) ?

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NY : C’est une question que me posait Billy juste avant. Je n’ai pas de données précises là dessus en tête. Ça doit pouvoir se trouver. Ce que je sais, c’est que les cas graves de vaccination, c’est très rare. Ça dépend des vaccins évidemment. Pour les effets indésirables, on a les effets négligeables (fièvres, douleurs musculaires), des choses un peu plus choquantes visuellement (cas de convulsions, par exemple) qui sont assez peu risqué, mais qu’on observe. Il y a aussi des évanouissements mais ça c’est plus dû à la piqure : les gens ont souvent peur de se faire piquer –comme moi d’ailleurs. Il m’est aussi déjà arrivé de m’évanouir en voyant mon sang d’ailleurs. L’évanouissement c’est donc souvent le stress d’avoir quelque chose qui nous pique. Il y a aussi des syndromes plus graves : des cas des de narcolepsie sur un vaccin, le Pendemrix, il y a quelques années. Le vaccin a été vite retiré quand on a mis en évidence le cas de narcolepsie. Pour donner une idée, c’est une augmentation de 3 à 7 cas sur 100’000 personnes. La narcolepsie c’est une maladie qui est une dérégulation du sommeil : on peut s’endormir devant notre écran, dans une classe, derrière le volant. C’est assez difficile et dangereux du coup. Le Pendemrix est un vaccin contre la grippe, utilisé suite à la grippe H1N1 et en 3 ou 4 années, on a pu établir un lien entre celui ci et l’augmentation des cas de narcolepsie. Il a été retiré, ce qui montre que c’est considéré comme quelque chose de grave, mais on est dans une augmentation de 3 à 7 cas pour 100’000 personnes, ce qui n’est pas si choquant que ça. 3 à 7 cas en plus de ce que naturellement on observe dans la population. Si dans la population, il y a, par exemple, 100 personnes sur 100’000 personne qui vont développer des cas des narcolepsie (c’est un chiffre inventé) et bah il y aura 103 à 107 cas à cause de ce vaccin.

A : Versus un taux de succès de quel ordre de magnitude ?

NY : Alors dans le cas du vaccin contre la grippe, c’est plus complexe la question de l’efficacité. Je crois que tu voulais en parler plus précisément, autant attendre ce moment là.

A. Bah, ce moment là, c’est maintenant en fait : c’est la question suivante.

NY. D’accord, le vaccin contre la grippe est le vaccin le plus particulier. La plupart des vaccins qu’on connait (polio, rougeole) ont une efficacité très importante. De l’ordre de 90% de protection individuelle, et même parfois plus. Par contre, pour le vaccin contre la grippe, il faut comprendre ce qu’est la grippe en fait. La grippe, c’est assez particulier, car le virus mute tout le temps, assez rapidement. Tous les ans, le vaccin de la grippe est un peu différent par rapport à celui de l’année passée. Donc les scientifiques doivent anticiper la forme qu’aura le virus l’année d’après. On sait en effet, que le virus réapparait à certaines périodes et il faut donc faire une espèce de prédiction. On a une bonne idée des mécanismes de mutations, mais quand même on a plusieurs souches possibles : le vaccin n’est peut être pas contre la souche qui va apparaitre quand l’épidémie se déclarera. Du coup, l’efficacité du vaccin contre la grippe est beaucoup plus basse que pour d’autres vaccins. On est entre 30 et 70%. Quand on parle d’efficacité d’un vaccin contre la grippe, ce n’est pas forcément exactement la même définition. Ce n’est pas “tu te vaccines, tu n’as pas la grippe”, c’est surtout “Est ce qu’il va y avoir des complications ?” suite à la grippe. Est ce que vous allez aller à l’hôpital, est ce que ça va déclencher d’autres maladies, ou des choses comme ça. La notion même d’efficacité du vaccin contre la grippe varie donc suivant les études, suivant la période où a été faite l’étude. Si une année la prédiction des scientifiques était bonne, le vaccin va être très efficace. Si un chercheur adopte une définition différente de l’efficacité, il va peut être trouver une valeur plus grande (je sais pas si vous suivez). Vraiment le vaccin contre la grippe, c’est le plus complexe.

A : Ok. De ce que je comprend, c’est un de ceux qui marche le moins bien, il y a un énorme de variation selon les années, mais même quand ça marche vraiment pas, il y a quand même 30% d’efficacité. Par rapport à la question de tout à l’heure : tu disais, qu’il y avait 3 cas sur 100’000 qui posaient problème. Quand on met dans la balance, on se dit que c’est relativement efficace, par rapport aux problèmes que ça peut poser.

NY : Oui. Mais il faut aussi insister sur le fait que ce vaccin dont je parlais (qui provoquait 3 à 7 cas de narcolepsie en plus) est considéré comme dangereux et a été retiré. C’est important de le dire. On est sur risque faible, mais on l’a repéré et le vaccin a été retiré au bout de 3 ou 4 ans. Ça montre à ces gens qui crient sur les ingrédients, l’aluminium, le mercure, les choses qu’il y a dans les vaccins” et qui disent “Ohhlala, hépatite B, sclérose en plaques” (on pourra en reparler), ça leur montre qu’on l’aurait vu. Enfin ! Des petits risques, on les voit rapidement : en 3 ou 4 ans, les études sont là. Il y a une surveillance qui est quand même bien faite. Même s’il y a des défauts et des choses à changer, elle permet de repérer même des risques faibles et d’éliminer les vaccins potentiellement dangereux.

A : Oui. Tu parlais du vaccin contre l’hépatite B. Tu peux nous en parler ?

NY : Je voudrais juste rajouter quelque chose sur le vaccin contre la grippe, qui me semble sympa, avant de te parler de l’hépatite B. En fait, en Angleterre, ils ont un nouveau vaccin contre la grippe, qui se donne par inhalation (donc sans seringue). J’ai un ami qui travaille en Angleterre dans les agences sanitaires sur ces problématiques. Il a fait une modélisation du virus de la grippe et a cherché à voir comment on pouvait éviter les morts dues à la grippe. Car la grippe est quand même dangereuse : en France, elle tue une centaine ou un milliers de personne par an selon comment on comptabilise (comme pour l’efficacité, c’est un peu complexe). Il a cherché la stratégie la plus efficace pour lutter contre la grippe en vaccinant. Faut-il par exemple vacciner les personnes le plus à risque, ou toute la population, ou cibler sur une certaines partie. C’est intéressant, car les gens qui sont le plus à risque face à la grippe sont les personnes âgées. En effet, leur système immunitaire est moins efficace et ils sont plus susceptibles de développer des problèmes de pneumonie, ou des choses comme ça, quand ils attrapent la grippe. Donc on pourrait se dire “il faut vaccine toutes les personnes âgées et ça va être très efficace”. C’est un peu ce qui se passe, hein, je dis pas le contraire. Le problème, c’est que le vaccin est d’autant moins efficace que la personne est âgée. C’est peut être pas linéaire comme relation, mais on le sait. Grâce à sa modélisation, il s’est rendu compte qu’en vaccinant les enfants, de 5 à 15 ans, ça permettait de réduire la mortalité de la population générale. C’est quelque chose d’étonnant et je vais expliquer pourquoi. Plus précisément, il montre que si on arrive à avoir une couverture vaccinale (c’est le nombre de personnes qu’on vaccine dans une population donnée) de 50% chez les enfants en Angleterre, on s’attend à une mortalité réduite de 50% dans l’ensemble de la population anglaise. C’est étonnant : on vaccine les jeunes, et toute la population en profite.

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A : Oui c’est assez contre-intuitif a priori, mais en y réfléchissant un peu, c’est pas si surprenant, finalement…

NY : Ce qu’on appelle l’immunité de groupe (je pense que tu voulais aussi l’aborder), c’est le fait que quand on a suffisamment de personnes vaccinées, on protège ceux qui ne le sont pas. Comment ça marche ? On peut imaginer la maladie comme un ballon. Vous voulez marquer un but : rendre quelqu’un malade. Si vous mettez 10 personnes devant la cage, vous aurez du mal à faire passer le ballon. C’est un peu pareil : si vous avez 10 personnes vaccinées qui entourent une personne qui ne l’est pas, le virus ne pourra pas traverser la barrière et passer de l’autre côté. On observe que les enfants, socialement, sont souvent en contact avec les personnes âgées, ils bougent beaucoup, ils attrapent souvent la grippe et la redonnent facilement à d’autres personnes, notamment aux personnes âgées qui s’occupent souvent des enfants. Tout ça c’est des modèles, mais c’est expérimenté grandeur nature en Angleterre cette année. En vaccinant une proportion suffisamment importante des enfants, on a un impact bénéfique sur toute la population. En ce moment, les enfants dans les écoles anglaises sont vaccinés avec un vaccin sans seringue (c’est vraiment génial, j’aimerais bien l’avoir en France, moi je déteste les seringues) avec un pschitt pschitt par inhalation. Des modélisations ont montré que ça permet de sauver des vies et on va le vérifier expérimentalement. Et j’espère bien que ce vaccin par inhalation sera bientôt disponible en France (rire)

A : Donc c’est toute la population anglaise qui est testée en même temps ?

NY : Tous les enfants. De 5 à 16 ans.

A : Waouh ! Oui en effet, ça va être intéressant l’année prochaine.

NY : Oui, je ne sais pas quand les résultats vont sortir, mais je tiendrais au courant la communauté française. Pour l’hépatite B. C’est marrant, c’est comme l’aluminium, on a des espèces de scandales franco-français. C’est assez… c’est un red flag en anglais. Un drapeau rouge qui nous fait comprendre qu’il y a quelque chose d’étrange qui se passe. Si on a un scandale qu’en France, on se dit que c’est bizarre : les vaccins sont pareils dans les autres pays, comment se fait il qu’ils n’ont pas de cas de sclérose en plaques avec le vaccin de l’hépatite B ? Pourquoi juste en France, c’est quand même étrange. Est ce que le vaccin est différent ? C’est possible, mais en l’occurrence, ce n’est pas le cas.

Nico (ironique) : Peut être que les français sont différents ?

NY (ironique) : C’est peut être que les français ont un système immunitaire différent, oui.

(rires)

NY : Ce qui se passe dans ces cas là, c’est un emballement médiatique. Dans les années 90, il y a eu une décision politique de vacciner massivement les enfants contre l’hépatite B. Quand on vaccine de nombreuses personnes à un temps t0 donné, il y a des corrélations qui vont se faire dans la tête des gens très facilement. Je vais essayer de donner un exemple de ce problème. Il y avait une étude publiée dans The Lancet. On fait une expérience de pensée. Imaginons, qu’on donne une bouteille d’eau particulière, une eau pétillante géniale, à 10 millions de personne en France à un jour donné, qu’ils boivent tout de suite. On fait une grande campagne avant, de la publicité partout. Si on attend 6 semaines, on va observer 6 cas de morts subites et 21 cas de Guillain Barré (c’est une maladie auto-immune). On va aussi avoir un certain nombre de fausses couches, le jour qui suit, par millions de personne qui ont bu cette eau. Quand c’est de l’eau, les gens ne vont pas se dire, “c’est à cause de l’eau que j’ai eu Guillain-Barré”.  Quand c’est de l’eau, les gens ne vont pas se dire, “mon fausses couches, c’est dû à la bouteille d’eau que j’ai bu la veille”. Ils vont pas se dirent ça. Imagine maintenant que tu fais la même chose avec des vaccins. Comme c’est quelque chose qui fait un peu peur, d’avoir une injection, quelque chose qu’on ne comprend pas, une seringue, on va voir le médecin, parfois c’est à l’hôpital, donc ça fait peur, tout de suite on va faire la relation de corrélation : “Ah c’est à cause du vaccin”. Parce que dans notre tête c’est quelque chose qui nous aura marqué. Cette étude montre que quand on fait une campagne de vaccinations, on s’attend à avoir des cas de maladies qui vont se déclencher naturellement, qui ne sont pas liées à la vaccination. Je l’ai dit, 6 semaines après une distribution d’eau, on va observer 6 cas de morts subites et 21 cas de Guillain-Barré. Si tous ces cas sont médiatisés, s’ils font tous des procès, qu’ils parlent dans les médias, ça crée la panique. On se dit “Ohlala, c’est le vaccin (bon je parlais de bouteille d’eau, mais j’espère que vous avez compris la métaphore) qui a causé ces problèmes”. C’est la panique, personne ne veut plus se vacciner et c’est la cata totale ! Bah c’est à peu près ce qui se passe dans ces grandes campagnes. L’hépatite B, le vaccin HPV. On a des maladies, qui se déclenche naturellement chez les gens (Guillain-Barré, narcolepsie) sans rien faire, on sait pas toujours trop pourquoi et c’est toujours très facile de faire une relation de cause à effet et de se dire : “oh bah j’ai été vacciné, c’est à cause du vaccin”. C’est un problème très grave et très difficile à combattre dans la tête des gens. Dans la communauté sceptique, on parle du problème de causalité – corrélation. Ce n’est pas équivalent. Corrélation ça veut dire deux événements qui se suivent “A qui précède B”, ne veut pas dire causalité “A qui implique B”. Si vous avez deux éléments qui se suivent, il n’y a pas forcément causalité. Si par exemple Billy éternue et que la télé s’éteint, ce n’est pas son éternuement qui l’a provoqué.

A (moqueur) : J’en suis pas si sur pour cet exemple précis…

Billy (en fond) : Mais laissez moi tranquille !

Nico : Il y a un merveilleux site qui met plein de courbe qui montrent que deux tendances sont très bien corrélées et qui montre que la causalité et corrélation n’ont pas forcément de lien. Par exemple, il y a une très forte corrélation entre la consommation de chocolat et le nombre prix Nobel dans un pays.

NY : Oui c’est vrai. Il y a une étude sérieuse, qui montre qu’il y a une vrai corrélation entre la consommation de chocolat et le nombre prix Nobel et il y a un point qui est en dehors de la courbe, c’est la suède, pays du prix Nobel, et l’article explique cela en se moquant “les suédois sont les seuls à ne pas être sur notre droite de corrélation, c’est parce qu’ils se favorisent au niveau du prix Nobel”. Une petite blague, dans l’article, qui est déjà une blague en lui-même.

Nico : Sur le site, vous avez par exemple une corrélation entre la dépense des Etats-Unis en science espace et technologies et le nombre de suicides par pendaison et suffocation. Il n’y a pas forcément de lien.

NY : C’est un problème très complexe d’expliquer aux gens et de leur permettre de comprendre que corrélation et causalité sont deux choses différentes. Ça à l’air évident quand on le dit, mais dans la vie de tous les jours, on est toujours confronté à ce problème. Dès qu’on appuie sur quelque chose, une action se fait et notre cerveau est câblé pour voir des causalités. Quand j’avais fait un article sur l’homéopathie récemment, quelqu’un a mis un commentaire en disant : “Moi j’ai donné des pilules à mon chien” qui avait des problèmes de je sais plus quoi. “Quand je lui en ai donné, il allait mieux. Dès que j’ai arrêté les pilules, mon chien était de nouveau malade. Dès que j’ai repris, mon chien allait mieux de nouveau.” Donc pour lui c’était une évidence absolue que l’homéopathie était efficace. Il l’a expérimenté, il l’a vécu, il l’a ressenti au fond de son trip, rien pour lui ne pourra le faire démorde du fait que ces pilules ont été efficaces. Et ça c’est évidemment fatal pour la communication qu’on a face au public. Car il expérimente ça dans la vie de tous les jours. Pour arriver à faire comprendre qu’il faut une méthodologie scientifique qui permet d’éviter de faire une causalité avec deux choses qui ne sont pas forcément liées, ce n’est pas évident, voila.

A : Tu as évoqué un instant le HPV. Tu peux nous en dire un petit peu plus, c’est quoi ?

NY : C’est la famille des papillomavirus. C’est un ensemble de virus qui sont très répandus dans la population. Ça se transmet sexuellement. Si on a une vie sexuelle plus ou moins normale, on va dire, on est quasiment tous confronté à ce genre de virus, dans notre vie. C’est très répandu donc. Le vaccin est assez récent, commercialisé depuis 7 ou 8 ans je crois. Le vaccin Gardasil a eu une très grosse médiatisation cette année en France. Les virus de cette famille (les HPV) sont potentiellement cancérigènes. On les a tous et il y a certaines souches, très cancérigènes et le vaccin protège de ces souches.

A : si j’ai bien compris, c’est un vaccin qui permet d’éviter les cancers.

NY : Pas directement, soyons précis. Ça permet de se défendre contre des virus qui potentiellement peuvent être à la source de cancers. C’est une protection indirecte. C’est comme pour l’hépatite B en fait. Ce virus, quand il s’installe de manière chronique, on a des problèmes de foie qui peuvent se développer en un cancer. Le vaccin contre  l’hépatite B, indirectement, protège donc contre les cancers du foie. Le HPV, c’est pareil. Quels genres de cancers ? Cancers du col de l’utérus principalement pour les femmes, c’est pour ça qu’il est préconisé en France. Certaines études montrent aussi que ces virus peuvent avoir des impacts sur le cancer de la gorge notamment avec tout ce qui est sexe oral. Donc un vaccin potentiellement très utile. Le problème c’est que le HPV c’est très complexe. Le vaccin est assez récent. Pour savoir s’il va nous protéger des cancers, il va falloir attendre longtemps : les cancers se déclarent après 10, 20 ans, donc il va falloir attendre pour être certains que les cancers diminuent grâce à cette vaccination. Mais on sait dès à présent que ça permet de diminuer les lésions précancéreuses (le nom est assez explicites) donc en toute logique, si on fait confiance un petit peu aux mécanismes scientifiques, il est fort probable que cette diminution va déboucher dans quelques années sur une diminution des cancers liés au HPV. Mais sur ce point, dans les groupes anti-vaccinations –pour les prendre au sens large, car il y a des gens qui sont contre le HPV qui sont pas anti-vaccins, donc il faudrait pas que je les énerve, donc au sens très large– il y a beaucoup de gens qui disent “l’efficacité n’est pas prouvé car on a pas prouvé que ça diminue le taux de cancers dus aux HPV”. Mais ça ne saurait tarder comme je l’ai dit. Il y a d’autres choses sur le HPV. Il y a les frottis pour les femmes. On préconise d’en faire un tous les deux ans. Ce frottis est très efficace pour détecter les liaisons précancéreuses justement. Celles qui sont diminuées par le vaccin si vous m’avez bien suivi.

A : Oui oui.

NY : Donc par les frottis, on peut voir ces liaisons et si on les voit, on peut les suivre et soigner le cancer rapidement. Le frottis est assez efficace. Donc les gens disent : “le vaccin on en veut pas, le frottis marche très bien”. Cette argument est un peu bizarre : le vaccin est de la prévention et le frottis c’est du suivis, c’est pas la même chose. C’est un peu comme les OGM, mais c’est un peu loin, on en parlera une autre fois. Ce n’est pas parce qu’on a une solution efficace qu’on ne peut pas utiliser une autre solution qui est tout aussi intéressante. Voila ce que je peux dire sur le HPV.

A : Ouais, je précise aussi qu’on a pu établir des liens entre le cancer du pénis et le HPV.

NY : Oui, je ne sais pas, je te crois.

A : Oui, je trouve juste fou, qu’on ai enfin un outil, une technologie qui permette d’éradiquer ce truc là et qu’on…

NY : Il y a aussi le fait que le vaccin soit très cher. Je sais pas mais c’est peut être 100 euros la dose. Et comme il y a 3 doses, ça monte assez vite. Le cancer du col de l’utérus en France, c’est je connais pas les chiffres, mais c’est quelques milliers. Les gens disent “c’est pas si grave. Et puis si on fait des frottis on va diminuer le nombre morts”. Mais c’est un discours qui moi me semble un peu bizarre. On a un outil de prévention. Le frottis a aussi un risque de faux positifs qui peut entrainer un traitement du cancer sur une personne qui n’en a pas besoin. On parle aussi beaucoup des problèmes de dépistages massifs et c’est un des problèmes qu’il y a avec le frottis. Alors qu’avec le vaccin, s’il est administré suffisamment tôt (avant les activité sexuelles de la personne), on sait déjà qu’il est efficace. On a déjà des études depuis 7 ans sur des millions de personnes qui commencent à arriver et qui montrent une efficacité un peu supérieure à celle qu’on attendait au départ. Ces éléments renforcent notre idée de base qui est que ce vaccin est utile. Mais on arrive aussi avec ce vaccin très cher à cette idée (que tu voulais peut être aussi développer) que derrière se cachent des groupes pharmaceutiques qui cherchent à se faire du fric à tout va.

A : On y viendra, on y viendra… J’aimerai revenir à la notion d’immunité de groupe dont tu as parlé tout à l’heure. En fait, ça revient à dire que présenter le vaccin comme un choix individuel, c’est un non sens total.

NY : Oui, c’est ça. Je pense que c’est important, dans une société où l’on est très basé sur l’individuel. Il y beaucoup de gens qui sont de gauche ou apparenté à des mouvements écologistes –c’est pas les seuls évidemment– qui ont une certaines peur des vaccins, parce que ça leur semble chimique –ce terme chimique fait très peur alors que tout est chimique mais enfin… passons. A propos de l’inégalité de groupe, c’est pour ça que je t’ai parlé du cas de l’Angleterre : on est en train de vacciner des enfants pour sauver des personnes âgées ! C’est quand même extraordinaire !

A : J’avoue…

NY : J’avais écrit un article en disant “Si vous voulez sauvez des vies vaccinez vous !”. C’est vraiment ça. Quand vous vous vaccinez, vous protégez ceux qui ne peuvent pas et qui sont certainement plus à risques de développer une maladie à complication. C’est vraiment une idée qu’il faudrait propager. Il faudrait l’expliquer au gens et leur faire prendre conscience que c’est finalement une question de solidarité. Parmi tous mes amis qui ont des idées de gauche, cette notion de solidarité est très partagée. Qui sont les gens qui ne peuvent pas se protéger ? Les gens avec un système immunitaire déficient, les gens qui ont le SIDA par exemple, ou des problèmes génétiques, qui les rendent immuno-déficients. C’est une idée à propager et à défendre. Ce n’est pas qu’un choix personnel, la vaccination !

A : Et à une époque où on est connecté avec le reste de la planète et où on prend des avions comme on prenait le taxi comme on prenait l’avion autrefois, on peut créer des dégâts sans le faire exprès…

NY : Justement, le CDC (Centers for Disease Control, agence sanitaire aux états unis) a fourni un rapport il y a une deux semaines car il y a une recrudescence de la rougeole qui était éliminée dans ce pays (les cas nouveaux étaient seulement importés) depuis 2000 à peu près. Il y a une vraie épidémie qui est repartie, due à des gens qui ont attrapé la rougeole aux philippines (où il y a aussi une épidémie) et qui sont revenues et qui ont propagé cette maladie. Pour te donner une idée avec des données qui ont 2 semaines, on a 300 cas de rougeole et 200 cas de personnes qui n’était pas vaccinée, 60 où l’on ne connaissait pas leur historique médical. Parmi les 200 non vaccinés, 10 étaient trop jeunes et les autres, c’était par refus de la vaccination (pour des tas de raisons). On se rend compte que les gens qui ne se vaccinent pas ne sont protégés que si suffisamment de personnes autour d’eux qui les protègent. On a alors des épidémies qui reviennent et on peut alors retrouver des cas de rougeole sur un territoire où elle avait disparu.

A : C’était le cas aussi au pays de Galle, il y a eu une épidémie entre novembre 2012 et mars 2013. Ça montre vraiment, si besoin est, qu’on peut pas se permettre de faire joujou avec les vaccins : les épidémies n’attendent qu’un peu de relâchement pour se manifester à nouveau. Certains analystes avaient mis cette épidémie au pays de Galle avec le mouvement anti vaccination. Des gens qui défendent l’idée selon laquelle le vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) pourrait l’autisme. Tu pourrais nous parler de cette controverse ?

NY : Oui. Je reviendrai à l’origine de la controverse ROR – autisme après. Récemment, il y a quelques semaines, il y a un article qui fait une méta-analyse. Une méta-analyse, c’est une publication scientifique qui regarde l’ensemble des publications scientifiques sur un sujet donné : on fait une analyse de tout ce qui existe. Dans cette méta-analyse on a 1.3 millions d’enfants qui sont analysés. Cette étude a cherché la corrélation entre autisme et vaccins, autisme et ROR, autisme et mercure, autisme et d’autre idées défendues par les anti-vaccinations. Et elle montre qu’il n’y a aucune relation de cause à effet entre les deux. Cette méta-analyse est la bombe nucléaire qui annihile toutes les positions des anti-vaccinations sur le lien entre autisme et vaccinations.

A : Oui, donc on est clair une fois pour toute : il n’y a aucun lien.

NY : Oui c’est une bombe nucléaire, je crois. Quelle est l’origine de cette histoire ? A la fin des années 90, un article est paru dans un journal scientifique a comité de lecture, très réputé, qui s’appelle The Lancet (si je me trompe pas). L’auteur s’appelait Andrew Wakefield qui est devenu après très connu dans le mouvement anti-vaccination. Ce scientifique anglais prétendait, surtout en conférence de presse, qu’il y avait un lien entre la rougeole et l’autisme. Très rapidement, il y a eu des démentis scientifiques. Une analyse a déjà montré des problèmes scientifiques dans l’article et on a même trouvés des conflits d’intérêt : il était payé par un cabinet d’avocat embauchés par des gens qui voulaient mettre en avant un lien entre autisme et les vaccinations. Ça a fait un tel scandale dans le milieu scientifique que l’article a été retiré. Ça arrive dans l’histoire des sciences.

A : C’est extrêmement sérieux tout de même un article retiré.

NY : Oui, ça arrive. Mais non seulement ses résultats n’ont pas été confirmés mais en plus il y a eu conflit d’intérêt. Wakefield a perdu sa licence de médecin en Angleterre. Ça montre tout de même que le personnage était douteux. Dix des douze auteurs de cette étude se sont rétractés (“on ne soutient pas ce qui a été fait”). Mais ça c’est dans le milieu scientifique. Par contre dans le milieu médiatique, ça n’a pas été comme ça. Il y a eu des gros titres “VACCINS ROUGEOLE – AUTISME”. Depuis 10 ans, ça continue car l’incidence de l’autisme ne cesse d’augmenter (on pourra parler des raisons de cette augmentations plus tard). Pour beaucoup de gens, il est donc devenu un peu un martyr. Il a été très médiatisé. Le problème des médias, c’est aussi cette notion du juste milieu : quand on va aborder un problème donné, par exemple la vaccination, on va inviter un pro et un anti vaccination. Alors que d’un côté on a 10 tonnes de littérature scientifique et de l’autre on a une feuille de papier publiée dans Marie-Claire. Mais ils vont avoir le même temps de parole pour donner un semblant d’équilibre qui ne devrait pas avoir lieu. Heureusement, à Podcast science, on ne fait pas ça.

A : Ces mouvements on ne s’en rend pas vraiment compte ici en France, en Suisse. Mais quiconque suit un peu l’actualité dans les pays anglophones remarque qu’ils sont extrêmement virulents. En Australie, ils ont réussi à se faire appeler le réseau australien de vaccinations alors qu’ils étaient anti-vaccinations. La justice vient de leur régler leur compte et ils n’ont plus droit d’utiliser cette appellation trompeuse mais ça monter quand même à quel point ils ne reculent devant rien : ils sont prêt à taper en dessous de la ceinture pour faire passer leur message. Tu peux nous parler de ce mouvement et de Jenny McCarthy ?

NY : Alors le mouvement australien, je ne connais pas très bien, mais ce ne sont pas les seuls à prendre des noms qui prêtent à confusion : il y a aussi en Europe aussi, en France, en Belgique. Ils se font passer pour des organismes officiels ou adoubé par les gouvernements. C’est une des tactiques pour s’imposer dans les médias et sur la toile. Le mouvement aux E-U a une certaine particularité car Jenny McCarthy  a été une porte parole. Il y avait beaucoup d’acteurs ou de célébrités qui ont apportés leur voix à la cause anti-vaccinations. Jenny McCarthy a un enfant autiste et elle a prétendu que c’était à cause d’un vaccin. Il y a eu une grande médiatisation à ce sujet. Le mouvement est très large et certains ne se disent pas anti mais dans leur discours, il est difficile de faire la part des choses. Par exemple, l’association qui milite en France sur la sclérose en plaques et qui met en cause l’aluminium, ne se dit pas anti-vaccins, mais quand on lit leur discours, leurs pétitions, ce n’est pas très clair. Le mouvement contre le HPV, c’est parti d’une femme qui a été malade suite à une vaccination (c’est comme ça qu’elle l’a vécu) nommée Marie-Océane (c’est devenu l’association Marie-Océane je crois). Ils ne se disent pas anti-vaccins, mais ils sont contre ce vaccin HPV spécifiquement. Il y a une espèce de nébuleuse où il y a un peu de tout : des gens complètement fanatiques, des gens qui sont sur une niche particulière, des gens qui rejettent un point particulier. Par exemple Jenny McCarthy a dit récemment “je suis pas contre les vaccins, mais il faudrait faire des vaccins qui sont surs. Je veux bien me faire vacciner si le vaccin est sur.” Ça fait rigoler tout le monde parce qu’évidement les vaccins sont surs. Mais c’était un peu son coming out pour elle par rapport à son discours précédent. Ça a fait le tour des médias. Ce qui est peut être plus intéressant au delà de qui de quoi et comment, c’est plutôt, quels sont les mécanismes qui leur donnent une crédibilité auprès de la population. On pourrait reprendre des arguments développés par le sociologue Gérald Bronner. Il analyse très bien tout ça. Je reviendrais là dessus. Mais sur leur méthodes : très souvent ils s’appuient sur des données scientifiques. Ça donne une apparence de crédibilité. Tu va me dire : c’est une bonne idée, ils ont raison !

A : Ça dépend du contexte et de quelles données scientifiques…

NY : Voila, c’est ça. Et c’est vrai que la plupart des gens (qui ne sont pas forcément très au fait de comment fonctionne la science) ont une image de la science avec beaucoup de confiance en l’argument d’autorité. Quand quelqu’un discute avec une blouse blanche, on va se dire, il sait de quoi il parle. Moi je parle des vaccins alors pas je suis pas expert : on va dire c’est qui ce rigolo. Je n’ai pas cette légitimité du médecin. Mais ça ne marche pas vraiment comme ça en science. Ce n’est pas parce qu’on est médecin, ou un grand chirurgien ou même un expert en vaccin que ça suffit. C’est bien, c’est mieux, ça donne une crédibilité, mais ça ne suffit pas. En science, il faut une validation collective pour qu’une chose devienne partie d’une certaine forme de vérité. Donc, les anti-vaccins, ils font ce qu’on appelle du cherry-picking. Tu imagines un bol de cerise et tu vas prendre que les plus belles cerises, sans prendre les autres. Eux, ils prennent les plus moches, les études qui sont les moins bien faites. Celles qui ont des biais, celles qui n’ont jamais été confirmées, celles où les auteurs ont été discrédités (comme Wakefield par exemple) et ils vont les mettre en avant. “Voyez l’étude machin qui dit ça !” Sauf qu’il y en a 46 qui ont été publiées depuis et qui ont montré que l’étude machin n’était pas valide. Si on n’est pas au fait de ce genre de technique, on se fait avoir. Par exemple, sur un de mes articles sur la vaccination, une association m’avait pondu une page de commentaire en 10 minutes sur mon blog. “Waouh comment ils ont fait ça aussi vite ?!?” En fait comme ils ont pas beaucoup d’arguments, c’est très simple, il suffit de faire des copier collés. Les liens c’est toujours les mêmes avec les mêmes fautes d’orthographe qu’on retrouve partout –je suis un peu méchant mais j’ai déjà constaté des trucs comme ça ! Et comme ils ont une motivation extrême sur le sujet –c’est leur vie– et ils vont donner une impression de sérieux. Plein de liens, citations de rapport scientifique gouvernementaux même. C’est assez drôle car si on regarde en détails, soit les articles sont discrédités, soit les citations sont tronquées –des groupes qui citaient une agence gouvernementale qui recommandait le rejet du mercure et en regardant exactement, le document disait parfaitement le contraire. Le cherry-picking, les citations hors contexte c’est ce qu’on appelle le biais de confirmation, qui est un biais cognitif. Ce biais de confirmation est une volonté d’aller chercher tout ce qui va nous conforter sur un sujet donné. Par exemple, si je pense que l’homme n’a pas marché sur la Lune, je vais éviter d’aller sur le site de la NASA où il y plein de photos, des traces de pas, etc. et je vais aller sur des sites qui essaient de montrer que l’on y a jamais été. C’est une chose qu’on fait tous. C’est un exemple extrême avec la Lune, mais quand on lit les journaux, on va lire ceux dont on se sent le plus proche. On va lire les journaux de gauche si on est de gauche, les journaux de droite si on est de droite. On ne va pas faire l’effort de lire des journaux d’extrême droite ou dont on ne partage pas du tout les idées. On va chercher à confirmer des idées préconçues. Il y a un livre qui explique très bien ses biais et pourquoi on trouve beaucoup plus de “conneries” que de choses justes : La Démocratie des crédules de Gérald Bronner. J’invite les poditeurs qui ne connaissent pas à le lire. Il explique comme l’internet a permis de démocratiser l’accès à l’information et en même temps, a nui à la qualité de l’information. On pense toujours que plus de démocratie c’est mieux, c’est vrai, mais il y a aussi des dangers. Ça ne veut pas dire qu’il faut la réduire, mais il y a des dangers qu’il faut anticiper, appréhender. Et un de ces dangers, c’est la possibilité sur internet de confirmer ses croyances de manière bien plus importante qu’auparavant. Avant, si on cherchait une information, c’était dans des journaux, dans des livres… Il y avait un filtre qui était fait, qui n’existe plus sur Internet. Sur Internet, il n’y a pas de filtre, tout le monde peut écrire. Le premier zozo venu, comme moi, peut faire un blog et écrire des choses dedans. Est ce que c’est juste ou pas ? Il faut avoir une certaine culture scientifique pour savoir si l’information est valide, si elle a été validée collectivement, de manière rigoureuse méthodologiquement et scientifiquement. Ce sont des outils dont les gens ne disposent pas forcément et ils se trouvent sur Internet face à une parole totalement libérée et où les croyants sont plus motivés que les non croyants. C’est assez facile à comprendre : moi je ne crois pas au monstre du Loch Ness, je vais pas aller faire un site pour prouver qu’il n’existe pas. Enfin, ce n’est peut être pas le bon exemple, parce que je fais partie des tarés sceptiques qui justement font ça. Mais la plupart des gens saint d’esprit ne vont pas s’amuser à aller écrire sur un truc dont ils se fichent complètement. Par contre le mec qui un jour a vu un truc bouger dans le lac du Loch Ness et que ça a changé sa vie et qui est persuadé qu’il existe, il va faire un site web : il va développer une argumentation très détaillée, parfois complexe pour expliquer pourquoi il existe, pourquoi on ne l’a pas encore remarqué, etc. Je pense que cet outil extraordinaire qu’est Internet favorise les croyances dans les fausses idées. Ça explique aussi pourquoi les mouvements anti-vaccins ont un certain crédit dans une certaine frange de la population. Un autre problème –c’est mon analyse personnelle– je pense qu’en France, il y a vraiment un problème de communication grand public. A chaque fois que je cherche sur un truc donné, je tombe sur des sites d’agences sanitaires anglophones. Il y a des graphiques, c’est visuel, c’est simple, on trouve les sites facilement. Qui connait l’ANSES [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail] aujourd’hui ? Qui connait la HAS [Haute Autorité de Santé] ? Qui connait l’INSERM [Institut national de la santé et de la recherche médicale] ? On a plein de noms différents pour trouver une info c’est très difficile. En tapant “Autisme Vaccin” on devrait tomber tout de suite sur une communication qui parle de la méta-analyse incroyable qui vient de sortir dont je parlais. On l’a vu où en France ? Sur les agences sanitaires on l’a vu où ? Rien nul part ! Ou alors si on l’a vu on le voit pas parce que la communication est mal faite. Ça c’est le premier problème : la communication des agences sanitaires française est vraiment catastrophique. En plus, les multiples crises de ces agences font que les gens ne les écoutent plus et créent une crise de confiance terrible. C’est peut être à juste titre, je juge pas. L’autre problème c’est les médecins. Il faut faire quelque chose ! Je vais pas me mettre à dos l’ensemble de la communauté médicale qui écouterai peut être podcast Science, mais la manière dont les médecins sur les vaccins est hyper importante. La plupart des gens ne sont finalement pas anti-vaccins. La couverture vaccinale en France est assez élevée. La plupart des gens vont voir leur médecin, et lui font confiance. Plus on aura de médecin avec un discours clair sur les vaccins, qui sauront les problèmes liés au vaccination, qui expliquerons les effets indésirables, les effets positifs, les succès des campagnes, qui auront accès à des graphiques, des dessins pour expliquer aux gens, –fournis par les agences sanitaires justement– moins l’argumentation anti-vaccinations aura du crédit. Quand je pense qu’il y a en France des médecins qui valident des vaccinations qui n’ont pas été faites ! Qui tamponnent des carnets de gens alors qu’ils ne font pas le vaccin ! Ça existe !

A : Je ne savais pas ça !

NY : C’est terrible, enfin ! Que veux tu faire après. Ou alors des… Je ne veux pas incriminer… C’est certainement des minorités, c’est sur. C’est comme certain médecins –je l’ai vu sur des documentaires– qui vont inciter leurs patients à prendre des pilules homéopathiques pour se soigner lorsqu’ils partent dans des pays à risques (je crois que c’était l’hépatite A ou alors pour se protéger d’une maladie transmise par des moustiques). La personne était revenue malade, parce que les pilules homéopathiques ne nous protègent de rien, et avait failli malade. Et il y avait un vaccin et le médecin n’avait pas voulu le faire. C’est des cas très minoritaire –j’aimerai bien avoir des données là dessus, il n’y en a pas trop en France– mais il faudrait faire attention à ce problème si on veut avoir un impact : faire de l'”éducation” –le terme est très mal choisi– des médecins sur certains problèmes scientifiques, sceptiques, relation de cause à effet, biais cognitif, comment une théorie est validée, la littérature scientifique : beaucoup de médecins qui sont sortis des écoles il y a longtemps ne suivent pas forcément la littérature scientifiques. Ils en sont pas forcément au fait de tout ce qui sort. C’est pas leur boulot, c’est normal, ils ont pas le temps de s’investir là dedans, mais il devraient se créer un lien entre la recherche et les médecins, qui éviterait aux les laboratoires pharmaceutiques de venir se glisser là dedans –on va y peut être revenir. Au lieu que ce soit des gens des laboratoires pharmaceutiques qui viennent faire de la pub pour les médecins, ça pourraient être les agences sanitaires qui viennent donner pas de la pub mais des vrais données pour que les médecins fassent des choix raisonnés et judicieux.

A : Il est temps que les institutions scientifiques se mettent à utiliser les outils de la communication.

NY : Oui c’est terrible ! En France, qui défend la vaccination ? Quelques journalistes scientifiques, 2 ou 3 blogs ? Mais qui va lire un article d’une agence sanitaire pour se renseigner sur la question ? C’est incroyable.

A : Ils communiquent n’importe comment aussi ? Tu ne peux pas non plus exiger des gens qu’ils fassent l’effort d’aller au 4ème sous-sol pour aller chercher la dernière publication sur le sujet. Il faut aller là où est le public et ils ne le font pas !

NY : Oui, c’est un gros problème.

A : Je voulais te demander : en France, c’est surtout ça l’entrave à la vaccination ? On n’entend pas trop parler de ces mouvements, c’est plutôt un truc anglo-saxon.

NY : Oui et non. On entend beaucoup parler des cas médiatisés. L’hépatite B et la sclérose en plaques. Le vaccin HPV et le Gardasil.  On en a beaucoup parlé. L’aluminium a déclenché un rapport parlementaire. C’est plus des cas individuels qui font la une des médias que des mouvements anti-vaccinations. C’est mon impression. Il n’y a pas vraiment de porte-paroles comme Wakefield ou Jenny McCarthy. Je t’ai coupé.

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A : Non tu as répondu à la question… J’ai encore une question avant de prendre les questions des poditeurs. Je me demandais si l’arrogance des laboratoires pharmaceutiques qui produisent ces vaccins n’y est pas pour quelque chose. Tous les ingrédients sont réunis pour qu’on les déteste. Je pense au scandale de la Thalidomide, au VIOXX, au Médiator, et puis à la manière épouvantable dont ça a été géré. Est ce qu’on peut faire confiance à ces groupes.

NY : (soupir) Bah ça c’est un problème très vaste. Je crois que c’est d’abord un problème de transparence. Le secret industriel  n’a pas lieu d’être dans certain cas (dans tous les cas à mon avis mais ça c’est mes dérives d’extrême-gauche). Quand on ne communique pas sur des données qu’on a sur certains médicaments, on met la vie de certaines personnes en danger. C’est le cas du VIOXX je crois où pendant 5 ou 6 ans, ils savaient que c’était dangereux, mais ils l’avaient caché. Les données n’avaient pas été publiées. Il y a tout un mouvement en Angleterre qui lutte pour la transparence dans les milieux pharmaceutiques, mené par Ben Goldacre, un auteur qui a écris un livre qui s’appelle Bad Pharma. Ce livre a été publié 2012 en Angleterre. J’espère qu’un jour il sera traduit en français. Je conseille ce livre et cet auteur à tous nos poditeurs. C’est accessible pour tout le monde. Il explique vraiment quel est le problème au delà de “ils sont méchants” ou “ils sont gentils”. La plupart du temps la critique es monopoles pharmaceutiques, c’est “c’est des vilains”, “ils pensent qu’au fric”. Je ne dis pas qu’elle est pas justifiée, mais ce n’est pas suffisant, on ne peut pas s’en contenter ! Si on se contente de ça c’est le problème de tout le capitalisme et ça nous emmènerait trop loin. Et je suis pas sur que tous les auditeurs soient d’accord avec moi (rires). Mais il a vraiment une analyse plus fine que ça, qui explique comment même les gens arrivent à se tromper, à s’auto-tromper, à tromper tout le monde sur un thème donné. Il prend des exemples sur le problème des études qui ne sont pas publiées. Ça parait bizarre comme ça. Mettons que j’ai envie de sortir un nouveau médicament. Ça coute très cher et ça prend beaucoup de temps. Je commence des études cliniques pour voir s’il est plus efficace qu’un placébo. Et puis je me rends compte que ça ne marche pas, mais je ne vais pas publier l’étude, car c’est un résultat négatif. J’estime peut être que ça ne sert à rien de publier un truc faux, qui ne marche pas. Le problème, c’est que peut être qu’un autre va refaire la même expérience, sans savoir que je l’avais faite avant. Il va peut être trouver un résultat négatif. Et puis une troisième personne va recommencer, sans savoir les résultats des deux premières études. Et ainsi de suite. Et peut être un jour une personne va avoir un résultat positif. Il va le publier. Alors qu’avant, il peut y avoir 10 autres études négatives, non publiées. On va se retrouver avec une étude qui dit “Ah ! Ce médicament est super efficace !” et on ne publie pas les 10 études qui montrent que le médicament n’est pas efficace, ou dangereux ou qu’il a des effets indésirables… Le médicament risque d’être validé, utilisé, et 4 ou 5 ans après : scandale ! C’est des choses qui arrivent aujourd’hui encore. C’est un problème. Une solution serait qu’à chaque début d’expérience de type étude clinique, on déclare cette expérience sur une base de donnée. Même si elle n’est pas concluante et pas publiée, il reste une trace. Pourquoi ça ne marche pas alors ? Malheureusement, ça parait simple, mais ce n’est pas encore mis en place ou pas assez utilisé. Le problème est toujours présent. Il faut avoir toutes les données expérimentales sur un problème donné pour pouvoir prendre une décision valide. Pour préciser un détail : comment se fait il qu’un même médicament peut donner des résultats différents selon les expérience ? Si ce n’est pas efficace, ce n’est pas efficace, non ? En fait, il se trouve que quand on fait des études cliniques, l’efficacité est toujours difficile à mettre en évidence. On sait que si on répète une expérience un nombre suffisant de fois, on peut parfois avoir des résultats positifs. Dans l’ensemble ça sera négatif, mais parfois il y aura des cas positifs ! Par exemple l’homéopathie –j’ai une dent contre l’homéopathie depuis ce début d’épisode, pardon pour nos amis homéopathes– ou l’acuponcture, c’est pareil d’ailleurs, on va trouver que c’est plus efficace qu’un placébo. Mais dans si on prend l’ensemble des études, cette efficacité est nulle.

A : Oui je vois. J’étais un peu perturbé par “mes amis homéopathes”. En général, ils sont plus tellement nos copains depuis un moment.

NY : C’est vrai oui… Mais je veux dire, il y a des gens très bien qui sont homéopathes, j’ai des amis qui le sont, je ne leur en veux pas et je comprends très bien.

A : Bien sur

NY : Il y a des gens très intelligents qui font des choses bizarres, moi y compris. Après c’est le problème politique et social. Socialement qu’est ce qu’on fait ? C’est là où l’homéopathie devient un problème. Individuellement Ok, mais quand on a une responsabilité par rapport aux autres, là ça devient problématique. Pour être clair.

A : On a environ 1 millions de question d’auditeurs. On va les passer rapidement. Un auditeur juge et parti. Jorj_McKie nous parlait de la désactivation des virus, avant vaccination. Ça veut dire quoi ?

NY : Par exemple, imaginons un lego dont tu peux enlever des bouts de lego. Une forme désactivé, c’est des bouts de briques du virus, suffisamment pour déclencher une réaction immunitaire pour permettre au système de se défendre contre le vrai virus. Par exemple le formaldéhyde, c’est quelque chose qui permet de tuer les virus, de les désactiver. Il y a deux formes, les virus désactivés, ceux “sous forme de briques” et puis ceux qui sont atténués. Le vaccin rougeole (je crois) c’est le cas.

A : Jorj_McKie précise “On enlève le noyau. On garde l’extérieur qui active les capteurs. Très très résumé.”

NY : oui des legos, ça marche…

A : ixeft qui demande : “des perturbateurs endocriniens dans les vaccins? (car dans ce cas la les petites doses….)”

NY : Oui, il a raison, bonne question. Les perturbateurs endocriniens de ce que j’en sais (les experts me pardonneront, c’est des choses qui se comportent comme des hormones. A très faible dose elles ont une influence, d’abord et en plus elles ne suivent pas une relation linéaire. Par exemple, plus je fume, plus le danger est important : c’est linéaire. Ou l’amiante, c’est linéaire. La plupart des composés suivent cette relation : plus la dose est grande, plus l’effet est grand, ce qui parait logique. Dans cet esprit, tout est toxique à une certaine dose. Même l’eau si je bois 5 litres (je crois, peut être plus) on peut en mourir. Mais les perturbateurs endocriniens ne suivent pas cette linéarité : si on en met plein, on va pas avoir plus d’effet, on peut même avoir moins d’effet. L’effet de ces perturbateurs a une forme en U inversé. A très très faibles doses, il n’y a rien, puis ça monte pour avoir un effet, et ça redescend à forte dose. Je ne sais pas si tu vois la forme dont je parle. Les vaccins contiennent ils des perturbateurs endocriniens ? Evidemment que non ! On commence à bien les connaitre et si c’était le cas, on l’aurait observé depuis longtemps. L’aluminium qui a fait beaucoup parlé de lui, c’est utilisé dans tous les pays du monde depuis 50 ans et il n’y a qu’en France que ça a fait scandale, et qu’il y a des études qui ont montré qu’il y avait des problèmes. Il faut faire attention : dès qu’on dit “la dose est trop faible pour avoir un effet”, on nous sort “perturbateurs endocriniens”. Oui mais ce n’est pas le cas ici. Pour le mercure. Dans les vaccins on trouve du éthylmercure et dans l’alimentation c’est du méthyl-mercure et on sait que la seconde est bien plus dangereuse. Quand on mange une boite de thon, on a beaucoup plus de mercure toxique, que quand on prend un vaccin.

A : Carrément une boite de thon ?

NY : Oui je suis sur. 90% sur de moi. 97% (rires)

A : Ok. David Loureiro: “remplacement du calcium par l’aluminium s’est fait pour des raisons économique. (Fusion Sanofi/Pasteur). Est-ce que l’on ne peut pas comprendre que les gens soient méfiant et pense que d’autres choses ne pourraient pas passer qui seraient plus grave ?”

NY : Alors, j’ai regardé ce truc, ce n’est pas si clair que ça. Je veux bien que David m’envoie un mail s’il le souhaite. J’ai déjà lu un dossier qui disait que c’était un scandale et que l’institut pasteur avait changé le calcium par de l’aluminium pour des raisons économiques. Le principal problème, d’après le rapport de l’académie de médecine de 2013, c’est qu’on ne sait pas si le calcium est aussi efficace et aussi pas dangereux que l’aluminium. Je suis désolé, je sais qu’une association qui lutte contre l’aluminium parle beaucoup du calcium, mais pour l’instant l’académie de médecine concluait : “si on change par du calcium 1) on a pas la garantie que c’est aussi efficace et 2) on sait pas si c’est pas dangereux. Donc il faut faire des études. Et que ça va prendre des dizaines d’années. Et qu’on a un truc qui marche partout ailleurs dans le monde sans problèmes. Au final, pas de raison d’en changer” Donc pas convaincu par le calcium. Et il n’y a pas que moi (cf. rapport académie de médecine de 2013). Encore une fois c’est un problème franco-français.

A : Maxence : “Quelles seraient les améliorations du système de surveillance auxquelles tu faisais référence ?”

NY : Par exemple aux E-U ils ont une base de données qui s’appellent le VAERS [https://vaers.hhs.gov/index] .

Les mouvements anti-vaccinations utilisent beaucoup cette base pour donner un semblant scientifique à ce qu’ils avancent. On lit souvent que le vaccin HPV a tué une centaine de personnes aux E-U. Ce n’est pas vrai mais issu de la base de données VAERS. Qu’est ce que c’est ? N’importe qui peut écrire peut rapporter un problème suite à une vaccination. Si vous vous êtes évanouit, vous pouvez remplir un rapport et il sera publié sur le site : ce n’est pas vérifié. Des sceptiques américains se sont par exemple amusés à écrire que quelqu’un avait été transformé en Hulk après une vaccination. Il y a donc une entrée dans cette base où l’on voit des gens se retransformer en wonder woman ou en Hulk après une vaccination. Ce n’est pas pour dire que c’est base est inutile, mais comme il n’y a pas de validation, il faut faire attention a son utilisation. Mais il reste que c’est très efficace pour faire remonter des problèmes sur un vaccin donné. Si par exemple, on a plusieurs cas de Guillain Barré qui remonte par cette base après un vaccin, on va vérifier si c’est vraiment une relation de cause à effet avec une bonne réactivité. Cette base n’existe pas en France. Il y a un problème de sous-déclaration des effets suite à une vaccination. Des trucs assez bénins ne sont souvent pas rapportés. Il y a un progrès à faire, avec les outils numériques, sur la vigilance sur les effets négatifs des vaccins.

A : Vu la longueur des réponses, je vais commettre le crime de faire du cherry-picking dans les questions. Question suivant de Billy.

NY : Qui c’est cette Billy ?

Billy : Comment on teste les vaccins? Puisque l’expérimentation animale n’est pas possible non?

NY : Bah si.

Billy : En fait j’ai cherché, il teste bien sur des animaux et je confirme. Mais comment ils font pour expérimenter sur des animaux ? Il y a des virus spécifiques à l’homme ?

NY : Certains virus, pour en faire des vaccins, on les fait se développer chez des animaux pour qu’ils aient une forme moins dangereuses et on les réinjecte à l’homme.

Billy : Oui c’est comme ça que le premier vaccin a été découvert. On a pris la maladie chez une vache, sous la forme d’une souche atténuée pour l’homme. Mais comment tu fais pour étudier un virus qui est néfaste à l’homme chez les animaux? Mais apparemment ils y arrivent donc… c’est juste que je ne sais pas comment….

A : “Maxence : Est-ce que les anti-vaccins sont nombreux ou juste bruyants ?” Tu as 10 secondes.

NY : Ils ne sont pas nombreux et très bruyants.

Un exemple de parodique de campagne anti-vax, issu d’un concours de création autour de ce thème.

A : Une nouvelle question de la petite Billy.

Billy : Comment être sur que ce sont les vaccins qui sont responsables de la baisse des maladies et non l’amélioration des conditions d’hygiène ?

NY : Une réponse simple. Pour les maladies qui se transmettent sexuellement et oralement, l’hygiène ne change rien. L’hépatite B par exemple.

Billy : J’avais vu une nénette qui était vachement active dans le mouvement anti-vaccins en France. Elle est morte depuis, mais elle avait fait un article qui m’avait perturbé. En faisant du cherry picking sur des données pour montrer que la maladie avait commencé à diminuer avant le vaccin.

NY : Je peux aussi rajouter quelque chose. Ce qu’ils font souvent, c’est qu’ils présentent des graphes de taux de mortalité et pas forcément de taux d’incidence. Taux de mortalité, c’est le nombre de personne qui vont mourir et taux d’incidence, c’est le nombre de personne qui vont développer la maladie, dans une population donnée. Souvent, la médecine évoluant, on arrive a empêcher les morts et la mortalité de la maladie baisse au cours du XXème siècle de manière rapide. Par contre en regardant les courbes d’incidence, on voit vraiment l’influence des vaccins. On arrive à réduire la mortalité par les progrès de la médecine et de l’hygiène, l’incidence par les vaccins. Les mouvements  anti-vaccins vont souvent présenter des courbes de mortalité en cachant les courbes d’incidence, qui montre l’influence des vaccins.

Billy : Exactement sur ce sujet là et en réponse à cette activiste, il y a blog très bien faite qui reprend tous les graphes qu’elle utilise pour la démonter.

NY : C’est le blog de mon amie Julie Boullier. Très intéressant, il ne parle que de vaccination.

A : Merci. Juste un commentaire de David Loureiro qui nous recommande la lecture du livre de Michel de Pracontal : l’imposture scientifique en dix leçons.

NY : Billy le recommande aussi.

A : Pas mal de réflexion sur la communication scientifique en général. On a Pascal_B du café des sciences qui nous précisait que dans les groupes de Maman sur internet, on croise beaucoup d’anti-vaccinations.

NY : Oui, c’est très déprimant ce qu’on peut lire sur ces forums internet. Il faut garder en tête que ça reste une minorité très vocal. En parlant des bébés, il y a un nouveau vaccin contre le rotavirus, qui va créer des diarrhées et des vomissements pour les enfants et qui fait pas mal de morts même en France et dans les pays développés. Il y a un vaccin qui est recommandé. Parlez en à votre médecin.

A : Pascal nous a précisé que ce n’est malheureusement pas que les forums internet. Histoire de ne pas finir sur une note aussi pessimiste. Des questions de la part des autres membres de PS ? [silence] Ils sont tous en mute.

NY : Ils dorment tous tu veux dire.

Nico : Pour ouvrir : sur l’aspect général vaccination / anti vaccination, il était important de montrer qu’il n’y avait pas vraiment de débat. Comme toute science, il doit y avoir des nouveaux vaccins, des choses un peu expérimentales, où il y a des choses plus discutables sur des cas très particuliers, non ?

NY : Le vaccin Pendemrix est un bel exemple de l’efficacité de la vigilance sur les vaccins. On a un vaccin qui a créé des cas en plus, l’association a été constatée assez rapidement et il a été retiré. Avant d’arriver sur le marché, un vaccin a besoin de beaucoup passer beaucoup d’étapes (je les connais pas très bien). Mais même après ça, il peut y avoir des erreurs (comme dans le cas du Pendemrix). Mais ces erreurs sont rapidement repérées et retirées.

Nico : Il n’y a pas de vaccins en circulations où il peut y avoir un début de débat possible.

NY : Il faut toujours garder en tête le rapport risque bénéfice. C’est un vrai paradoxe : plus les vaccins sont efficaces, plus on oublie leurs bénéfices. Comme ils sont efficaces, on n’est plus confronté aux maladies qu’ils préviennent, on ne va plus voir les enfants mourir autour de nous et on va donc arrêter de se faire vacciner.

Nico : C’est un caprice de riche en fait.

NY : Oui, sans le présenter comme ça, c’est vraiment un problème de communication qu’il faut réussir à résoudre. Notamment les rappels. Beaucoup d’adultes oublient ou s’en fichent car ils sont en bonne santé. Il ne faut pas oublier qu’on se vaccine aussi pour les autres.

Nico : Ou alors aussi parce qu’on perd ce truc bizarre appelé “carnet de santé” qui est un vieux journal en papier perdu dans un tiroir.

NY : Oui encore un truc complètement… au XXIème siècle !

Nico : Oui moi je ne sais pas si je suis à jour. Heureusement, certaines étapes de ma vie font que les médecins savent situer, mais le mien, je ne sais pas s’il existe encore.

A : Alors en Suisse, je viens de découvrir un truc, j’ai tous mes vaccins sur une App sur mon téléphone. Je peux le montrer à n’importe quel médecin, c’est dans le Cloud, accessible aussi sur un site web.

Nico : C’est public ?

A : Ca a été créé par des hôpitaux. Je peux choisir les médecins avec qui je veux le partager. Je pense que c’est fait par l’état.

A : Je pensais que l’interview était fini, mais on vient d’avoir une question d’Alexandre : “Combien faut-il de temps pour concevoir un vaccin ?”

NY : Je ne sais pas trop. Environ 10 ans, c’est long. Sauf pour la grippe où on le fait tout les ans. Mais il y a de petits changements.

A : Et sur le SIDA ? Des infos ?

NY : J’ai une amie qui est à la pointe de la recherche sur le sujet et qui m’a dit que le vaccin n’est pas encore en perspective pour le moment. Je crois que l’un des problèmes est justement le fait que le virus mute très rapidement. Autre chose : il y a quand même des choses extraordinaires. Ça ne veut pas dire que le SIDA n’est pas dangereux, et qu’il ne faut pas se protéger. Mais il y a plus qu’une seule pilule par jour [Nima dit ici A VERIFIER] et une femme séropositive peut avoir un enfant sans lui transmettre le virus. On n’en meurt plus comme on en mourrait il y a encore 10 ans.

A : Une note un peu plus positive pour finir. On conclut là dessus. Un immense merci, c’était super intéressant. Où peut on te retrouver sur le web ?

NY : On peut retrouver Sham and Science :

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