Les trous noirs

 

Une partie de l’épisode #195 sur la science d’Interstellar, parlant de la formation d’un trou noir. Le gros du dossier (“qui est gros ?”) est fait par Nico, et c’est ici.

 

Les trous noirs sont des objets astrophysiques comme les autres. C’est un peu provocateur de dire ça, mais c’est globalement l’idée de mon dossier ce soir. Pour cela je vais vous décrire brièvement la formation et les différentes classes de trous noirs, et je finirai par les effets d’un trou noir sur la matière l’environnant.

Formation d’un trou noir stellaire

Commençons par les trous noirs les mieux connus, ceux que l’on appelle les trous noirs stellaires. Pourquoi stellaires ? Car ils sont de masse comparable à celle d’une étoile. Et aussi car ils sont issus d’étoiles massives en fin de vie. Pour comprendre la formation de ce type de trous noirs, il faut comprendre que les objets astrophysiques (planètes, étoiles, trous noirs) sont tous dans un état d’équilibre. S’ils le quittent, ils vont très vite en trouver un autre. Par exemple, on dit souvent que les réactions de fusion sont l’énergie du soleil. Sur Terre, on aimerait bien utiliser les réactions de fusion nucléaire pour faire de l’énergie. Pour le moment on s’en sert uniquement pour faire des bombes. Et ça nous amène à la question, pourquoi le Soleil n’explose pas ? On a une force phénoménale, qu’on appelle pression de radiation (c’est cette force qui donne aux comètes leur chevelure de poussières lorsqu’elle passent près du Soleil), qui est envoyée vers l’extérieur d’une étoile à chaque secondes et pourtant elle reste bien compacte. Quelle est la force qui maintient tout vers l’intérieur. C’est la force dont on va beaucoup parler ce soir, qui est celle qui intervient énormément à grande échelle, qui maintient ensemble les planètes, les étoiles, les galaxies, les amas de galaxies, la gravitation.

En effet, les étoiles se forment par effondrement sur elle mêmes. Plus on met de masse, plus la densité à l’intérieur augmente. J’en avais deja parlé dans mon épisode sur les exoplanètes, mais si vous augmentez beaucoup la masse, à un moment, vous êtes tellement dense, tellement chaud que vous déclenchez une réaction de fusion. Pour info, la masse critique, c’est environ un dixième de masse solaire. On va beaucoup parler ce soir en masse du soleil, ou masse solaire. Cette masse vaut 2.10^30 kilogrammes (2 avec 30 zeros derrière, soit 2 milliards de milliard de milliards de tonnes), donc pour tout ce qui est de l’ordre de grandeur du soleil, on parle en masse solaire. Donc voila, votre étoile est allumée, elle est né, elle vit sa vie d’étoile, avec ces potes étoiles, elles peuvent se marier et former des étoiles doubles (ou même triples ou quadruples soyons ouverts), le tout en équilibre. En équilibre, c’est à dire que la pression de radiation compense la gravité et tout se passe bien.

Sauf qu’à un moment, à la fin de sa vie, il n’y a plus de carburant à cramer. Et là, il n’y a plus de fusion. Et s’il n’y a plus de fusion, il n’y a plus de pression de radiation. donc plus d’équilibre. Il y a un champ du cygne durant lequel l’étoile expulse ses couches externes en une nébuleuse planétaire (attention, ce nom a été donné pour des raisons historiques, mais cette objet n’a absolument aucun rapport avec une planète), tandis que pour le coeur, la gravitation reprend son travail et l’étoile recommence à s’écraser sous son propre poids. On va avoir une augmentation de la densité. Et assez contre-intuitivement, comme il n’y a plus de force contre balançant, plus une étoile est massive, plus elle va être petite et très dense. Juste pour info, ce n’est pas le sujet, mais les nébuleuses planétaires sont parmi les objets astrophysiques les plus spectaculairement jolis et les télescopes spatieux Hubble et Herschel s’en sont donnés a coeur joie pour nous donner des images incroyables.

A la fin de sa vie, une étoile comme le soleil relâche les couches externes en une nébuleuse planétaire puis se contracte en une naine blanche. Une naine blanche (ou une naine blanche en formation) se trouve ainsi au centre de la nébuleuse planétaire de l’hélice, observée ici par le télescope spatial Hubble. Crédit : NASA/NOAO/ESA/M. Meixner/T.A. Rector

La question qu’on va se poser ensuite est : quand ça s’arrête ?. Et si vous avez suivi jusqu’ici, cette question est en fait, où est l’état d’équilibre suivant ? Pour cela, on va aller chercher un principe qui est le principe d’exclusion de Pauli, qui dit que les particules de type fermions ne peuvent pas occuper le meme état quantique. En gros, les électrons (qui sont des fermions) de votre étoile ne peuvent pas se marcher dessus. Cela crée une force qui peut contrebalancer la gravitation. On se retrouve alors avec une naine blanche. La densité est de 1 tonne/cm3. C’est ce qui arrivera à toutes les étoiles qui sont en dessus de 1.3 masses solaires. Dont le soleil. Donc on a des objets de masse solaires, mais compacté sur des rayons comparables à la Terre.

Que se passe t’il si on est au dessus de 1.3 masses solaires ? Vous me voyez venir, on fait exploser les electrons, la gravitation reprend ses droits et on passe à l’équilibre d’après. Si on a une étoile entre 1.3 masses solaire et 3.2 masses solaires, on tombe sur une étoile à neutrons. Ces étoiles ont une densité de de 1 milliard de tonnes/cm3, c’est à dire que l’on a 3 fois la masse du soleil sur une sphere d’une dizaine de km de rayon. La ville de Toulouse quoi. Un point aussi important de ces étoiles est que lors de leur effondrement, elles conserves leur moment cinétique. C’est ce principe physique qui fait que si vous etes sur un tabouret tournant et que vous écartez les bras vous tournez moins vite et que si vous collez les bras contre votre corps, vous tournez plus vite. La on est passer a quelques rayons du soleil à quelques kilomètres. Du coup, ces objets de 3 masses solaires et de 10 km de rayons tournent à 100 tours secondes…

Et que se passe t’il si on dépasse la masse de de 3.2 masse solaire ? Bon là c’est moins clair. Il est possible qu’on l’on tombe sur un état encore plus condensé, une étoile à quark. Puis sur un état encore plus condensé, puis… bref, on a jamais encore observé ça. Mais ce dont on est sur, c’est qu’assez vite, vers 3.4 masses solaires, la matière n’a plus de barrière pour contrer la gravitation, et là, c’est l’effondrement total, et la je vais me faire plaisir, pour une fois et pour faire plaisir à Robin, l’étoile devient infiniment petite. Ponctuelle quoi. Et là c’est le trou noir.

Topologie d’un trou noir

Attention, ça ne veut pas dire que cette masse est infinie, elle est très finie, quelques masses solaires seulement, seulement elle est ponctuelle. Par contre ce qui va changer par rapport à un autre objet astrophysique, c’est qu’on peut s’en rapprocher indéfiniment puisque c’est un point. Donc avec une masse finie, on peut tout de même faire augmenter indéfiniment la force de gravité. On parle de singularité gravitationnelle. Et donc pour cette objet astrophysique et celui là seulement, il est possible, pour une masse finie, de s’en approcher assez près pour que la  gravité soit tellement importante que rien ne s’en échappe, même pas la lumière. On appelle cette limite l’horizon des événements et en dessous de cette limite on ne peut pas savoir ce qu’il se passe car rien ne sort par définition. Le rayon de cette sphere est appelé rayon de Schwarzschild. Il est proportionnel à la masse et est environ de 24 km de diamètre pour une étoile de 4 masses solaires. Attention, cependant, on parle abusivement de “taille du trou noir” ou de rayon du trou noir, mais il n’y a pas de matière au delà puisque la matière est condensée en un point au centre. C’est juste la limite en deçà de laquelle, on est plus sûr de rien. Que peut-on dire de ce qu’il se passe au delà ? A priori que les effets gravitationnels sont tellement intenses que l’on ne peut plus raisonner en physique newtonienne. Ca veut dire que le temps devient une dimension à part entière et que la gravitation a des effets sur lui à ce moment. Mais je laisserai Nico en parler plus longuement.

Par contre au delà, on a un comportement somme toute assez standard. On a trouvé plein d’étoiles doubles où l’une est morte et est sous forme de trou noir (là mon analogie avec le mariage devient assez bizarre). On en a pas encore trouvé, mais il n’est pas du tout improbable qu’il y ait des planètes… Si elles sont suffisamment loin. Car encore une fois le problème de ces bêtes là c’est que contrairement à tous les autres objets, on peut s’en rapprocher indéfiniment. Parmi les autres propriétés du trous noirs est qu’on a toujours la conservation du moment cinétique. Et donc les trous noirs peuvent tourner très très vite sur eux mêmes. Même s’ils sont ponctuelles, c’est un peu difficiles à concevoir, un peu comme le spin des electrons peut être. Mais cette propriété peut avoir avoir des effets majeures sur l’extérieur (voir dossier de Nico).

Enfin, il y a aussi un problème c’est les forces de marées. Je vous en ai parlé dans l’épisode sur voyager en disant que par exemple pour le satellite naturel Io qui tourne autour de Jupiter, la masse de la planète est tellement importante qu’on a une grande différence de force gravitationnelle entre la partie de Io qui est la plus loin du Soleil et celle qui est la plus près. Du coup, si Matthew McConaughey se rapproche d’un objet qui est aussi lourd qu’un trou noir stellaire, on va avoir un moment ou la différences de forces de gravitation entre ses pieds et sa tête va être énorme, et il va finir en petit morceaux de Matthew McConaughey, bien avant de passer l’horizon des événements. Mais avant de dire que Interstellar, c’est pas réaliste, passons aux autres trous noirs.

Autre trous noirs

La galaxie NGC 6240 est en fait composée de deux galaxies en train de fusionner. Celle ci a encore pour le moment deux centres avec deux trous noirs cependant. NASA, ESA, the Hubble Heritage (STScI/AURA)-ESA/Hubble Collaboration, and A. Evans (University of Virginia, Charlottesville/NRAO/Stony Brook University)

Les trous noirs les plus communs sont ensuite les trous noirs super-massifs. Ceux là on en trouvent très souvent au centre des galaxies. On a un écart assez important entre leur masse et celle des trous noirs stellaire puisque qu’on va compter directement en terme de millions de masses solaires. Le plus gros qu’on ai trouvé est de 9.7 milliards de masses solaires, au centre de la galaxie NGC 3842. On ne sait pas trop comment ils se forment. L’idée c’est qu’ils se forment en aspirant d’autres trous noirs et plein de matière autour. L’argument pour, c’est qu’on a trouvé deux trous noirs qui sont en train de fusionner, comme pour la galaxie NGC6240). L’argument contre, c’est qu’on en a trouvé un tellement vieux qu’entre la naissance de l’univers et sa formation, il n’y a pas assez de temps pour amasser autant de matière. Donc encore à étudier.

Par contre ce qu’on sait, c’est que ces bêtes là sont assez peu dense. Au sens ou le rayon de l’horizon des événements augmente linéairement en fonction de la masse. Donc le volume à l’intérieur de ce rayon (qui encore une fois est aussi vide) augmente au cube en fonction de la masse. Donc si vous avez un trou noir 10 fois plus massif, il est 1000 fois plus volumineux. et donc 100 fois moins dense. Donc certains trous noirs sont moins dense que l’eau… Avec ce genre de calcul vous pouvez aussi voir que dans ce cas, les effets de marées sont négligeables au passage de l’horizon des événements, donc Matthew McConaughey peut traverser tranquille ! Encore une fois au delà, on sait pas…

Après il y a les trous noirs plus hypothétiques. Ceux que l’on appelle les intermédiaires et qui comme leur nom l’indique doivent combler l’écart entre les stellaires et les super-massifs (entre 100 et 100’000 masses solaires du coup). On pense en avoir récemment découvert quelques-uns. Enfin les micro-trous noirs ou trous noirs primordiaux seraient des trous noirs extrêmement petits. Ceux là ils auraient du se former pendant le big bang, mais on en a pas encore trouvé. Il est aussi possible qu’on puisse en créer dans le LHC au CERN.

Mise en évidence probable du trou noir supermassif au centre de notre galaxie, Sagittarius A*. On suit le mouvement de l’étoile S2, au centre de notre galaxie, qui orbite autour d’un objet invisible en un peu moins de 11 ans, comme le montre les relevées de sa position à différentes dates (de 1992 à 2002, quand a été publié l’article). Credit ESO.

Conclusion

Comment étudier un trou noir ? En fait, vu de l’extérieur, on a seulement 3 paramètres seulement qui le définissent (c’est le théorème de calvitie car “un trou noir n’a pas de cheveux”) : sa masse, son moment cinétique (sa rotation) et sa charge électrique. En fonction de ses paramètres, on peut les classer en différents types, ces différents types ayant différentes propriétés.

Ce que j’ai essayé de montrer ici, en passant du temps sur la formation, c’est que les trous noirs sont des objets qui ne sont pas fondamentalement différents des autres objets astrophysiques, mais peuvent être compris, dans une certaine mesure, en utilisant de la physique relativement classique (oui le jeu de mot est voulu ;o)… tant qu’on est relativement loin. Si on approche a des endroits ou la gravitation devient trop importante, on doit abandonner Newton. Et maintenant Nico va donc nous parler de physique plus compliquée.

Liens :

– Une vidéo montrant les mouvements des étoile proches du trou noir central de la galaxie. Leur mouvement (en particulier celui de l’étoile S2 que l’on voit à la fin, qui fait un tour en 11 ans seulement) à permis de mettre en évidence la présence d’un objet invisible, mais de grande masse au centre, un trou noir.

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