L’astrophysique d’interstellar

Podcast Science fait rarement de l’actu, parle rarement de spéculation scientifique, de ces théories encore toute jeunes, en construction qui font le quotidien des scientifiques. On n’en parle pas parce qu’elles sont la plupart du temps fausses et que ce sont ces mêmes scientifiques qui les ont créées qui prennent un malin plaisir à les déconstruire. Alors, un jour, quand après de nombreux efforts de la communauté scientifique, une théorie tient bon, résiste, on considère qu’elle est suffisamment solide et devient une vérité. On part à la recherche d’expériences qui l’invalideraient, ainsi va la science.

Le 1er jour de l’an 30 après NicoTupe sortait Interstellar, un nouveau gros blockbuster se passant dans l’espace et mettant la science et ses scientifiques au centre. Quelques mois plus tôt, dans la même lignée sortait Gravity et son impressionnant spectacle d’un univers immense en apesanteur. Qu’apporte donc Interstellar et pourquoi donc ressentir le besoin de parler du film de Nolan et pas spécialement du film avec Sandra Bullock en personnage principal ? La raison en est simple, le gros de la science cosmique présente dans Gravity peut s’expliquer avec la théorie Newtonienne, publiée il y a plus de 400 ans et bien connue de tout le monde alors que la plupart des évènements présents dans Interstellar nécessitent de comprendre en partie la Relativité Générale, la Mécanique Quantique et même un peu la Théorie des Cordes… soit toutes les théories les plus actuelles pour comprendre et essayer de comprendre le monde qui nous entoure!…

Un film (et un livre) à vocations


41z2DGWIzqL._SX258_BO1,204,203,200_Cet épisode ne serait pas sans un livre, sorte de compagnon indispensable au film pour les amoureux de science, “The Science of Interstellar”, du célèbre astrophysicien Kip Thorne (dont Julie nous a fait un joli dossier), décortique la science présente dans le film et ce, qu’elle soit à l’écran ou pas ! En effet, tout au long du livre, Kip Thorne écrit à deux titres :

  • Consultant scientifique du film : c’est à lui que l’on doit certains aspects scientifiques du film dont l’élément le plus “visible” est la modélisation du trou noir supermassif Gargantua
  • Scientifique consultant le film : restant un scientifique, il a tenté d’interprêter scientifiquement les éléments scientifiques du film auquel il n’a pas participé directement et a tenté de les justifiier par les théories récentes.

Ces deux aspects sont tout simplement passionnants et ce livre constitue la principale source de ce dossier. Le coté “consultant scientifique”  est passionnant comme pour chaque making of : on découvre quelles furent les coulisses et la génèse du film. On découvre en particulier, que Kip Thorne a posé deux règles sur la science dans le film qu’il considère avoir respecté :

  1. Rien ne viole des lois établies de la physique ou de notre connaissance de l’univers.
  2. Toutes les spéculations, souvent étranges, sur les éléments encore mal connus des lois physiques et de notre univers proviendront autant que possible de scientifiques “respectables” (note : il se considère, à juste titre, comme un scientifique respectable. Cela a son importance ici, car cela veut dire que les théories physiques provenant de son esprit et qu’il considère acceptables rentrent aussi dans cette catégorie. Elles sont minoritaires dans le film mais elles existent).

Alors soyons honnêtes, Kip Thorne est avant et surtout astrophysicien et c’est cet aspect du film qu’il critique et analyse. N’attendez donc pas d’explications sur toutes les incohérences narratives relevées dans la blogosphère

La partie interprétation scientifique est beaucoup plus rare et tout a fait passionnante à lire : quand un scientifique découvre un nouveau fait, une nouvelle observation, il essaie de l’expliquer grâce aux théories actuelles voire, plus rarement, crée une nouvelle théorie pour coller aux observations. Kip Thorne, dans sa deuxième approche, s’est placé sous ce point de vue. Il a considéré les éléments du film comme des faits et a essayé de voir s’il arrivait à les justifier scientifiquement.

Dans tout cela, on a des vérités, des “suppositions éduquées” (hypothèses non vérifiées que partagent la grosse majorité de la communauté scientifique) et les spéculations (de vraies hypothèses, absolument pas unanimes au sein de la communauté scientifique mais soutenues par des scientifiques sérieux).

Ceci étant dit, nous voici partis pour un court voyage dans la science du film et promis, à part dans la dernière partie pas de spoiler sur l’histoire (et quand il y en aura donc, je vous préviendrai). Promis aussi, pour ceux qui n’auraient pas aimé le film, je ne parle pratiquement pas de la narration!

 

L’élement dont on sait qu’il est le moins “réaliste” du film n’est pas celui auquel vous pensez.

Commençons par l’élément de loin le moins crédible scientifiquement du film et qui est pourtant le plus “acceptable” par le bon sens commun tant il a été usé maintes et maintes fois au cinéma et dans les séries : le trou de ver.

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Comme son nom l’indique, une fois qu’on a bien entendu “ver” comme “ver de terre” et non comme “verre de table”, le trou de ver vient de sa similitude avec le trou que fait le ver dans une pomme. Sur une pomme donc, imaginez un trou qui la traverserait totalement. Pour aller d’un coté à l’autre de la pomme, il y a deux solutions : passer par l’extérieur ou par l’intérieur et bien entendu, le passage par l’intérieur est beaucoup plus court. Dans le même ordre d’idée, les trous de Ver, prévus par la relativité générale sont un pain béni pour la science fiction : ils permettent d’atteindre des zones très éloignées de l’espace en très peu de temps sans pour autant dépasser la vitesse de la lumière.

Ces trous de Ver, découverts théoriquement en 1916 n’ont commencé à être mieux compris qu’en 1962 quand John Wheeler et Robert Fuller ont découvert qu’ils n’étaient pas statiques. Pour qu’un trou de ver se forme, il faut deux singularités de deux “cotés opposés de l’univers” comme des deux coté de la pomme. Quand ces deux singularités se “rencontrent”, elles forment un trou de ver et sa circonférence s’agrandit pour qu’il prenne réellement la forme d’un tunel. Pour vous donner une idée plus simple de la chose, prenez une feuille de papier et repliez la sur elle même, percez alors un trou avec un crayon entre les deux morceaux de papier repliés l’un sur l’autre, vous aurez l’image d’un trou de ver. Par contre, votre trou de papier est bien plus stable que le trou de ver qui lui, très rapidement, se remet à rétrécir puis les deux singularités se séparent de nouveau. En fait la création et la destruction du trou de ver est tellement rapide que rien, pas même la lumière, n’est capable de le traverser !

Et ce n’est pas le seul problème…. Comme je viens de vous le raconter, le trou de ver prend pour origine deux singularités, des sortes de trous noirs qui aspirent vers eux, via la gravité tout ce qu’il y a autour. Alors même si un tel tunnel était stable, ses deux cotés aspireraient ! Il serait impossible aussi de le traverser… Tout cela pour dire que quelque soit l’approche, un trou de ver pour se balader facilement dans l’univers tel qu’on le voit dans le film est au pire impossible et au mieux improbable selon Thorne (des moyens théoriques de rendre le trou de ver traversable existent mais je vous épargne des constructions quelque peu farfelues).

Reste malgré tout, qu’en bon scientifique, il a cherché à calculer ce que donnerait visuellement un voyage a travers un trou de cette forme dans l’univers histoire d’aider les équipes d’effet spéciaux du film. Mais finalement la plupart des calculs du scientifiques n’ont pas été retenus à cause des effets étranges peu compréhensibles créés et une interprétation plus “abstraite” de l’intérieur de trou de ver a été choisie. Au final donc, du trou de ver il reste de scientifique uniquement cet aspect sphérique que vous pourrez apprécier lorsque le vaisseau s’approche mais pour le reste, on peut affirmer avec les connaissances d’aujourd’hui, qu’un trou de ver franchissable est non seulement très improbable et s’il existait, le franchir ne ressemblerait pas à cela!

Présentations avec Gargantua et ses environs

Une fois le trou de ver traversé, de l’autre coté de l’univers, on arrive dans un système de planètes gravitant autour d’un trou noir nommé Gargantua. Celui-ci est (selon Kip Thorne, je ne préciserai plus, toutes mes affirmations sur les éléments scientifiques issus du film viennent de son livre) du même ordre de grandeur que le trou noir au centre de la galaxie Andromède. C’est à dire qu’il est 100 million de fois plus lourd que le soleil et aussi grand que l’orbite de la terre autour du soleil. Comme a pu vous l’expliquer Johan, les trous noir ne sont pratiquement que de la déformation de l’espace-temps, ils ne contiennent pas de matière à part en leur centre. Enfin, comme leur nom l’indique, ils sont visuellement noir car à partir d’une certaine distance de la singularité centrale, la lumière n’arrive plus à s’en échapper. On a des preuves (forcément indirectes vu qu’ils n’émettent aucune lumière) de l’existence de trous noir et même de l’existence de trous noir bien plus massifs que celui ci. Le plus gros mesuré à ce jour est 17 milliards de fois plus massif que le soleil, il est au centre de la galaxie NGC1277 à 250 millions d’années lumière! Donc au delà du fait qu’on n’a pas l’impression de se trouver au centre d’une galaxie dans le film, Gargantua est plutôt coté masse et taille dans la “norme” des trous noirs supermassifs qui existent dans notre univers.

L’autre et très importante particularité de Gargantua est qu’il tourne sur lui même vite… très vite! En fait il existe un phénomène qui limite la vitesse de rotation des trous noir en fonction de leur masse. Gargantua tourne preque à cette vitesse maximum, il est juste en dessous d’un milliard de milliardième… C’est une vitesse tellement rapide qu’en réalité, elle ne serait pas stable (bien que possible). En effet, plus un trou noir tourne vite, plus les éléments tournant dans la même direction que lui deviennent dur à capturer du fait de la force centrifuge. Par contre, les éléments qui tournent en sens inverse sont aspirés plus vite et du fait de leur rotation ont tendance à ralentir le trou noir. Si bien qu’un trou noir tournant trop vite a tendance à ralentir jusqu’à une vitesse d’équilibre plus faible que celle de Gargantua.

Ce choix d’une vitesse extrême provient en fait d’une requête de Christopher Nolan qui donna grosso-modo le dialogue suivant :

– Hey Kip, tu tombes bien, pour les besoins de mon film, j’aurais besoin que sur la planète près du trou noir, 1H soit équivalent à 7 ans sur terre
– C’est impossible.
– Débrouille-toi, ce n’est pas négociable.

Etant donné les règles que je vous ai raconté au début, Thorne était bien embêté et chercha toute la nuit une solution pour finalement tomber sur cette option du trou noir supermassif supertournant. Notez que la communauté scientifique considère aujourd’hui que la plupart des trous noir sont tournants.

Kip Thorne a une formule élégante pour résumer la relativité générale et cette notion de temps qui ralentit :

“Tout aime vivre où il vieillira le plus lentement et la gravité les y amène”

Près d’un trou noir, le temps ralentit pour finalement s’arrêter pratiquement à son horizon. Comprenons nous bien, pour la personne passant l’horizon, le temps ne s’arrête pas vraiment, c’est plus pour un observateur extérieur que le temps se dilate tellement qu’on a l’impression qu’il s’arrête. Cette distorsion temporelle est un phénomène physiquement maintenant bien connu et régulièrement observé. Il est même indispensable d’en tenir compte pour faire fonctionner le GPS. La plupart des distorsions observées sont en dessous de la seconde mais près des trous noirs, les échelles changent !

Pour autant, on ne peut pas avoir dans tous les trous noirs une planète qui gravite suffisamment près pour avoir une telle distorsion temporelle, la plupart du temps elle serait tellement près qu’elle serait aspirée par le trou noir. La différence dans le cas de Gargantua c’est que ça vitesse de rotation donne une telle énergie centrifuge à la planète qu’elle compense l’attraction du trou noir et maintient cette planète dans un équilibre stable autour du trou noir. Comme avec un trou noir tout est plus grand et qu’on ne se rend pas forcément compte, nous sommes en train de parler d’une planète qui tourne à la moitié de la vitesse de la lumière !

A noter pour les puristes : Kip Thorne a fourni toutes les équations pour modéliser le trou noir aux équipes d’effets spéciaux qui les ont respéctées à la lettre. Ils ont par contre, pour des soucis purement esthétique, choisis de les appliquer pour un trou noir plus petit et tournant moins vite. Le fait d’être plus petit ne change pas grand chose sinon la place prise à l’écran. Par contre s’il tournait à sa vraie vitesse, il y aurait beaucoup plus de “bizareries” visuelles que dans le film.

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Voyager vite, très vite

Maintenant qu’on a résolu le caprice du réalisateur qui veut un shift temporel de 7 ans pour une heure, il va falloir trouver un moyen crédible de rejoindre une orbite (et donc une vitesse) à la moitié de la vitesse de la lumière… et cela avec des technologies et une énergie crédible.

Si vous vous souvenez de notre épisode sur Voyager, la sonde qui a, à ce jour, voyagé le plus loin dans le système solaire, vous devez avoir entendu parler de fronde gravitationnelle. Sans entrer dans les détails (qui sont dans l’excellent dossier de Johan), la fronde gravitationnelle consiste à utiliser l’attraction d’objets stellaires pour augmenter sa propre vitesse. Là où la science est tout à fait merveilleuse c’est que selon Kip Thorne, il est tout a fait possible d’atteindre de telles vitesses en utilisant des objets très massifs tels que des étoiles à neutrons ou… d’autres trous noirs!

Bien que dans le film ce soit une étoile à neutrons qui est citée (choix de Nolan pour éviter la confusion avec Gargantua), ici il faudrait bien un autre trou noir, de petite taille celui-ci, pour passer de l’orbite de “parking” où attend le vaisseau mère à la planète près du trou noir. Par contre, contrairement à ce qu’on pourrait croire, on utilisera ce trou noir pour ralentir… En effet, l’attraction seule de Gargantua permettra d’atteindre l’orbite et une vitesse plus importante et le deuxième trou noir de se mettre dans la bonne direction et de ralentir.

A ce stade vous devez vous dire que je suis prêt à accepter n’importe quoi pour justifier ce film, que déjà qu’on a à faire à un trou noir supermassif, il faudrait qu’il y en ait un deuxième pour justifier tous les déplacements du film ! Les trous noirs supermassifs ne se forment pas lors de l’extinction d’étoiles mais grandissent en avalant d’autres trous noirs et autres objets très massifs. Il n’est donc pas si étonnant de voir d’autre trous noirs près de Gargantua. Dans le même ordre d’idée, bien qu’on soit habitué à notre étoile solitaire, la majorité des étoiles de la galaxie ne sont pas seules dans leur système, elles peuvent être deux, trois, voire plus! Le plus étonnant ici est que le conducteur du vaisseau ait su tirer parti de tous ces objets hypermassifs lors de ses déplacements, n’est pas héros qui veut.

Deux mots sur la deuxième planète apparaissant dans le film uniquement pour souligner une énorme différence avec Gravity : le mouvement relatif des objets les uns par rapports aux autres. En effet, cette deuxième planète à une orbite très elliptique autour de Gargantua : au plus proche elle atteint le niveau de l’orbite où se loge le vaisseau mère avant d’atteindre la planète Miller, la plus proche de Gargantua alors qu’au plus loin elle s’éloigne d’environ 600 fois le rayon de Gargantua ! Cela suffit aisément a justifier les temps très variable pour se déplacer de cette planète aux autres.

Enfin et en guise d’anecdote, les vues sur Gargantua permettent d’admirer son disque d’accrétion et surtout d’en profiter pour admirer les distorsions de l’espace provoquées par le trou noir géant. Ce n’est bien qu’un seul disque d’accrétion que l’on observe. Pour faire simple, celui de gargantua est tellement fin que vous pouvez considérer que sans distorsion ce disque ressemblerait à une sorte d’anneau tel que celui de Saturne très lumineux. Dans le film, on distingue très bien l’anneau en face de nous par contre on voit aussi une sorte de cercle de lumière entourer le trou noir. Ce cerclage correspond à la partie arrière de l’anneau que l’on peut voir grâce à la distorsion du trou noir!

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On arrête ici pour les éléments scientifiques sans révéler la narration, il y en a bien sûr beaucoup plus dans le livre que je vous invite vivement à lire. S’il y a une chose à retenir, c’est que tout ce qui tient au système des astres et trous noirs autour de Gargantua est à mon avis des plus réalistes mais utilise des choses découvertes très récemment et souvent très complexes à appréhender (sans même parler des éléments pas du tout présents à l’image…). De plus, il mélange ces éléments pour en faire un tout d’autant plus complexe (avoir besoin de plusieurs trous noirs pour se justifier n’est pas rien ! Et encore il a failli y en avoir bien plus…).

Une fois ceci raconté, on passe à la partie sensible, au bon gros SPOILER qui tâche du dossier. Je laisse donc ceux qui veulent s’en aller.

C’est bon? On y va. Vous êtes sur hein ? L’objet est d’expliquer la fin du film donc si vous ne l’avez pas vu…

MODE SPOIL ON

CLIMAX

Maintenant que nous sommes entre nous, nous allons enfin pouvoir parler du climax du film, le moment où le personnage principal s’aventure à l’intérieur du trou noir. Beaucoup d’éléments de cette partie sont “spéculatifs”, je préciserai le cas contraire.

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Une fois dans un trou noir beaucoup de théories et aucune certitude, à part peut être que celle proposée par Nolan n’a pas vraiment de sens. Considérons alors le passage à l’hypercube, cet espace étrange ou atterrit l’astronaute, comme un faux raccord, une de ces portes d’un bâtiment qui donne dans un lieu qui n’a rien à voir… Passons donc à l’hypercube en lui même et à ce qu’ont voulu représenter les Nolan. Oui, parce que c’est surtout les frères Nolan qui sont à l’origine de cette fin, sans doute inspirée par des discussions avec Thorne. L’explication qui suit vient des interprétations scientifiques que proposent Thorne, il précise bien que ce sont surtout des spéculations. La plupart des choses dont nous allons parler sont bien au delà de la connaissance actuelle en physique et sont donc sans doute très fausses mais pas moins intéressantes.

Toutes les images que vous aurez pu voir représentent une sorte de toile que des billes plus ou moins grosses viennent distordre. Cette représentation représente l’espace-temps en lui retirant deux dimensions : le temps et une dimension d’espace. Mais surtout elles représentent la distorsion de l’espace temps plongé dans un autre espace, avec une dimension de plus, dans lequel se trouve l’observateur. Sans cette dimension on ne serait pas capable de voir cette courbure comme on ne peut pas “voir” la forme de la terre sans s’en éloigner. On sait depuis un certain nombre d’années, qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un espace plus grand dans lequel baigne notre espace pour pouvoir dire qu’il est courbé ni pour pouvoir le prouver, nous en avons déjà parlé lors de l’épisode d’ElJJ sur la topologie.

Reste que si ce n’est pas nécessaire, on peut quand même imaginer un univers a plus de dimensions que le monde dans lequel on vit et c’est ce que tâche de faire la théorie des cordes dont on a déjà (un peu) parlé ici. Pour augmenter le nombre de dimensions, il faut choisir ce que l’on considère comme étant de dimension 3 et ce qui serait de dimension supérieure. Plusieurs approches considèrent que la gravité serait aussi de dimension supérieure mais pas forcément le reste (nous par exemple). Tout l’enjeu est de conserver les lois qu’on connait et qui marchent bien en dimension 3 avec une gravité de dimension 4, cela impose d’avoir un espace de dimension supérieure assez biscornu… mais comme tout cela est très spéculatif, je vous passe les détails !

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Il est extrêmement dur d’imaginer ce que donnerai une quatrième dimension alors que tout le monde que nous connaissons est en trois dimensions. Une nouvelle que Thorne et Nollan ont lu chacun de leur coté avant de se rencontrer essaie de raconter justement ce que vivraient des êtres en deux dimensions en découvrant une troisième dimension : FLATLAND. Ce texte est très vieux mais toujours facile à lire ou à voir (il y a un film) une fois que l’on a passé outre la misogynie omniprésente…

Dans ce climax donc, les scénaristes ont souhaité représenter cette dimension supérieure qui est citée à plusieurs reprises dans le film que ce soit sous le “eux” ou sous le nom clair de 5eme dimension. Partons alors d’un carré, un carré est constitué de 4 cotés, qui sont des segments, donc de dimension 1. Seul l’intérieur du carré est de dimension 2. Si l’on ajoute une dimension, on peut obtenir un cube. Cette fois ci, toutes les faces sont de dimension 2 et le centre, le volume est de dimension 3. Un hypercube est la même chose en continuant d’une dimension, c’est un “cube” en dimension 4. Chacune de ses “faces” est alors un cube (de dimension 3) et son centre est un vrai objet de dimension 4.

Selon Thorne, l’espace tout a fait WhatTheFuckesque dans lequel navigue le personnage principal serait justement un hypercube qui aurait été placé (ne me demandez pas comment) “dos à dos” avec la bibliothèque de Murphy, sa fille. Le personnage serait sur une des faces (dans un cube) et la chambre de Murphy se confondrait avec la face opposée.

Repartons en dimension 3, c’est plus simple, on retire une de nos dimension spatiale classique (et pour l’instant on ne considère pas le temps). On imagine donc le plan dans lequel vit Murphy dans le passé, sa chambre avec la bibliothèque serait une des faces du cube. Dans la face d’en face de ce cube se trouve notre Cooper, coincé. Dans son carré (la face du cube), Cooper peut regarder dans 4 directions, en haut, en bas, à droite et à gauche. S’il regarde en haut, imaginons le rayon lumineux passer par la face du cube du haut et arriver par le haut dans la chambre de sa fille : il verra la pièce vue d’en haut. De même s’il regarde à droite, il la voit vue de droite et ainsi de suite. Dans son hypercube exactement la même chose sauf qu’il peut l’observer Dans 6 directions en même temps! Cela vous explique en gros la structure de cet hypercube.

Il est temps de prendre des pincettes : cela n’explique rien et ne repose sur aucune théorie scientifique. C’est par contre une vision schématique intéressante de ce que donnerait un espace de dimension supérieure dans lequel en plus, pour l’instant, on ne viole aucune loi vu que la lumière ne peut pas remonter le temps : Cooper voit Murphy mais pas l’inverse.

Enfin et pour finir, que se passe-t-il quand Cooper tapote cette bibliothèque ? Thorne propose une “interprétation” pas inintéressante, il dit que Cooper créerait une onde gravitationnelle. Sur le drap avec ses billes de différents volumes dont nous parlions tout à heure pour représenter la relativité générale, si nous donnons un coup, des “vagues” vont se déplacer comme sur la surface de l’eau. Pour la gravitation ce serait pareil, des vagues de gravitations qui, elles, voyageraient dans l’espace de dimension 4 au centre de l’hypercube.

Enfin à ce stade, un des postulat de cette fin est que les ondes gravitationnelles auraient, elles, le droit de remonter le temps et donc d’aller faire joujou avec les aiguilles de la montre de Murphy. Les ondes gravitationnelles sont des choses encore mal connues aujourd’hui et surtout, beaucoup de question se posent vis à vis de leur comportement au sein des trous noir et au sein des théories telles que la théories des cordes…

Cette fin propose donc une possibilité, très très peu probable, allez impossible, mais qui met le doigt sur certains des phénomènes actuels que la physique tâche de comprendre et j’espère que ces quelques explications, au delà du mal de tête, vous auront donné envie d’en savoir plus et de lire les explications bien plus détaillées dans le livre.

 

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