#psSortDuPlacard – Homos et don du sang

La chronique de Stéphany démarre à 2:06:16.
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Billet présenté dans le cadre de l’event #psSortDuPlacard le 27 juin 2015


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C’est un des avantages du métier de journaliste : devoir creuser des sujets sur lesquels on ne s’était parfois jamais posé de questions.

C’est ce qui c’est passé pour le don de sang et l’exclusion de hommes ayant des relations avec des hommes, les HSH.

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Dessin réalisé à la volée par Mél pendant la présentation de Stéphany

Je ne sais pas si vous vous l’avez déjà fait ou pas, en ce qui me concerne ça m’est arrivé UNE seule fois, et encore je dois avouer que c’était quasiment sur un malentendu… Moi qui pourrais aller plusieurs fois par an faire don de mon sang, je ne le fais pas.

Je pourrais donc avoir du mal à comprendre pourquoi, des hommes se battent pour avoir le droit d’aller eux-aussi se faire planter une – grosse- aiguille dans le bras et voir leur sang couler lentement dans cette poche… qui n’en finit pas de se remplir !

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Avant de me lancer dans l’article que je devais écrire sur le sujet j’ai repensé au don que j’ai fait, et même si je n’ai donné qu’une fois, j’ai réalisé que bizarrement je m’en souviens très bien et pas du tout à cause de la grosse aiguille J

C’est en fait ce que j’ai ressenti après ce don qui m’a marquée : je suis ressortie du centre de l’EFS avec le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien, d’avoir été pendant une heure un peu moins égoïste, d’être une meilleure citoyenne, d’avoir participé à quelque chose de grand…. Bref donner son sang ce n’est pas qu’une histoire de globules rouges, de plaquettes et de plasma. Ce n’est pas que de la biologie, il y a une dimension émotionnelle, humaine … dont aujourd’hui on prive des dizaines de milliers de citoyens.

Dessin réalisé à la volée par Kam pendant la présentation de Stéphany
Dessin réalisé à la volée par Kam pendant la présentation de Stéphany

Et j’ai essayé de comprendre pourquoi.

Pourquoi en 2015, des hommes ayant eu ne serait-ce qu’UNE seule relation sexuelle avec un homme depuis 1977 peuvent être exclus à vie du don de sang dans de nombreux pays, dont effectivement la France et la Suisse.

En bonne scientifique j’ai d’abord eu une grosse frayeur.

Et oui, de manière bien cartésienne j’ai pensé : « OK si on met des telles restrictions, c’est qu’il y a une RAISON, un risque particulier ! »

Parce que des critères d’exclusion du don il y en a en fait beaucoup, divers et variés, parmi eux vos voyages récents, et bien entendu vos habitudes sexuelles. MAIS toutes ces restrictions sont temporaires, et  reposent sur la possible transmission de virus ou de parasites qui vous auraient récemment infectés.

Mais entre « récemment » et 1977 il y a tout de même une marge…  Donc ?

Alors un peu comme le chercheur, le journaliste est payé pour se poser des questions, mais contrairement au chercheur il n’est pas censé produire les réponses mais aller les trouver auprès d’experts. C’est donc vers eux que je me suis tournée. Et j’ai été étonnée de ce que certains m’ont répondu.

Mais avant de vous livrer le fruit de ces échanges, il est important de faire un point sur ce que l’on sait faire aujourd’hui en matière de réduction des risques liés au don de sang, Car le nerf de la guerre, il est là : le risque !

Si on exclut du don des populations dites « à risques » il est légitime de penser que les techniques de détection des pathogènes sanguins ne sont pas au point, et peuvent laisser passer des échantillons infectés.

Je vous rassure : les techniques disponibles dans les laboratoires des centres de transfusion ne sont pas restées bloquées, elles, en 1977 !

Tous les dons sont analysés avec des méthodes qui permettent de mettre en évidence la présence de virus ou d’antigènes contre beaucoup de  pathogènes.

Alors pas tous les germes, c’est vrai, mais pour le VIH & les hépatites, évidemment : on sait faire !

Et concrètement en 2014, sur plus de 300 000 dons collectés en Suisse, 36 se sont avérés contaminés.

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Tous ont été identifiés avant d’avoir été distribués donc bilan de l’année 2014 : ZERO échantillon contaminé dans la nature. En Suisse d’ailleurs, il n’y a eu aucun problème de contamination par un produit sanguin depuis 2001.

Face à ce bilan  somme toute rassurant, 2 conceptions s’affrontent :

  • Puisqu’on est aussi efficace, ouvrons le don ;
  • Au contraire ces résultats sont dus justement à toutes ces restrictions.

Un des experts rencontrés est lui très clair : on n’a pas de problème de limites techniques aujourd’hui, le problème est sociétal, c’est la peur, la crainte, les souvenirs de ce qui a pu se passer.

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Le sang contaminé

Le scandale sanitaire des années 90 qui est resté dans toutes les mémoires. Tout comme le « responsable mais pas coupable » qui résume la position des politiques de l’époque…

Depuis on a progressé dans la compréhension des maladies et leur détection, dans le traitement des produits sanguins mais la société est encore marquée psychologiquement par cette affaire.

Le risque qui subsiste aujourd’hui est lié à l’existence d’une « fenêtre diagnostique ».

Entre 6 à 15 jours après une infection par le VIH, le virus reste indétectable.

C’est 20 à 40 jours pour les hépatites.

… Aucune justification donc pour exclure des personnes à vie pour avoir eu un comportement à risque.

Un directeur de centre de transfusion suisse résume bien la situation « Niveau sécurité c’est ceinture, bretelles, et finalement pour que le pantalon ne tombe pas, on préfère l’enlever soi-même ».

Lui dénonce l’amalgame qui est fait, entre orientation sexuelle et comportement à risque.

Les statistiques de contamination par le VIH sont connues et personnes ne les conteste. OUI les contaminations sont plus fréquentes parmi les HSH. Est-ce une raison pour mettre tout le monde dans le même panier ?

Et personne n’est dupe : « On sait très bien que des gens mentent pour venir donner » me disait l’expert. Et c’est ça qui doit faire réfléchir : on oblige des gens  à mentir pour faire un acte solidaire.

Une étude de l’université de Lausanne, montre en effet que 11 à 40 % des HSH auraient déjà donné leur sang. En compilant les données disponibles dans plusieurs pays qui autorisent ou non le don aux HSH, les chercheurs concluent qu’un critère d’abstinence de 12 mois n’augmenterait pas significativement le risque de transmission de virus. Plus intéressant :  ouvrir le don induit une meilleure compliance au questionnaire pré-don.

Dessin réalisé à la volée par Karim pendant la présentation de Stéphany
Dessin réalisé à la volée par Karim pendant la présentation de Stéphany

Mais UN AN d’ABSTINENCE est-ce un critère raisonnable ?

Pour un des experts interviewés le « on vous accepte MAIS… » est inacceptable, c’est un discours d’escroc dit-il !

Par contre il évoque une question d’après lui souvent avancée par les jeunes médecins : la stratification du risque en fonction de la cible.

2/3 des dons sont utilisés pour des personnes de > 65 ans, dont beaucoup pour des soins d’oncologie terminale…

« Il est peut-être temps d’ajuster les critères en fonction de qui va recevoir le produit sanguin : un don de sang pour un fœtus n’a pas les mêmes implications que celui pour une personne en phase terminale de cancer »

Des propos qui peuvent choquer… ou ouvrir des vraies pistes de réflexions !

Dessin réalisé à la volée par Phiip pendant la présentation de Stéphany
Dessin réalisé à la volée par Phiip pendant la présentation de Stéphany

Mais peut-être faut-il plus compter sur la science que sur la société et les politiques pour mettre fin à cette discrimination…

Aujourd’hui le plasma et les plaquettes sont traitées pour détruire les pathogènes.

Mais les globules rouges, beaucoup plus fragiles ne supportent pas ces traitements de choc (produits chimiques, UV,…) Plusieurs équipes travaillent sur le sujet et il est possible que des solutions soient disponibles d’ici 2-3 ans.

Liens :

Rapport annuel don de sang en Suisse : http://www.blutspende.ch/fr/service_de_presse/mediatheque/publications/jahresbericht

Mon papier du Matin Dimanche : http://www.lematin.ch/sante/transfusions-frolent-risque-zero-suisse/story/14904333

Affaire du sang contaminé : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_sang_contamin%C3%A9

Etude Unil : http://www.chuv.ch/dumsc/dumsc-imco2014-poster-g16.pdf

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