Virus – par Irène

Dossier présenté lors de l’épisode 220 du 26 mai 2015
Retrouvez également le dossier de Pierre


1- Présentation générale des virus

Ce sont des agents infectieux parasites, qui se caractérisent par une organisation très simple, qui ne forment pas une cellule, et qui ont un mode de réplication bien spécifique.

Leur taille varie de 18 à 600 nm : environ 3000 fois plus petit que le diamètre d’un cheveux
Ils contiennent de l’ADN, ou de l’ARN ou les deux (Mimivirus)

2000 espèces décrites, 650 pathogènes pour l’homme et l’animal.

Il existe des virus chez les plantes (Mosaïque du tabac), mais aussi des virus bactériens, des virus des algues et des insectes. Aujourd’hui nous nous limiterons aux virus chez l’homme, et seulement à quelques uns bien connus et caractéristiques de l’ensemble des virus.

2- Quelques mots sur les infections virales.

Leur sévérité dépend à la fois du virus et de la réaction de l’hôte. La meilleure défense est le système immunitaire, mais parfois celui-ci contribue à développer une maladie, comme c’est le cas dans les hépatites. En fait dans le cas de l‘hépatite, c’est l’hôte qui détruit son propre foie, en réaction à des virus. Des virus qui, au passage, malgré leurs noms semblables n’appartiennent pas à la même espèce. Donc, une maladie, plusieurs virus dans ce cas.

Par contre on peut avoir un même virus qui va pouvoir déclencher plusieurs maladies, selon les tissus dans lesquels il va se loger. Par exemple, le virus de l’herpès de type 1 peut provoquer de l’herpès labial, des pharyngites, de l’herpès génital, des encéphalites, etc… Il est parfois totalement inoffensif, parfois mortel.

3- Les traitements anti-viraux

Parce qu’ils sont obligatoirement des parasites intracellulaires, il est difficile de trouver des médicaments qui vont affecter les virus sans être nocifs pour les cellules hôtes.
Par ailleurs, les virus sont des machines d’une simplicité déconcertante, vous le verrez avec Pierre. Il n’y a pas beaucoup de cibles pour s’y attaquer, il n’y a pas beaucoup de composants. Ainsi, il existe beaucoup de classes d’antibiotiques qui s’attaquent aux bactéries à différents endroits. Mais ici, il n’y a pas grand’ chose en comparaison des bactéries…

La plupart des antiviraux s’attaquent à leur multiplication, mais pas tous.
Et on verra plus loin que les virus sont incroyablement adaptés, et ils peuvent muter super facilement pour devenir résistants aux antiviraux.

Les virus responsables de rhumes sont sensibles aux acides. Mettez du jus de citron sur vos mouchoirs pour créer une barrière de protection !
La meilleure thérapie reste notre immunité naturelle, que l’on peut stimuler avec des vaccins, ou quelques médicaments, comme l’Interféron par exemple.

4- Exemples de virus pathogènes pour l’homme

A- Famille des Herpès virus

On y trouve des virus bien connus, dont bien sûr ceux qui provoquent les Herpès, mais aussi le virus de la varicelle, ou celui qui a un si beau nom : le Epstein-Barr virus (EBV), qui provoque toute sortes de maladies, avec tout l’éventail de gravités possibles.

Ce sont de gros virus tous très ubiquitaires, d’où les variétés de maladies qu’ils provoquent. Ils sont très forts pour se ‘cacher’ dans nos tissus nerveux ou les cellules de notre système immunitaire. C’est ce qu’on appelle la latence. Le virus peut s’y loger, se faire oublier, et un jour, le plus souvent après une grosse fatigue, il va réapparaître, par exemple sous la forme de ce qu’on appelle un zona dans le cas du virus de la varicelle.

Ce sont des virus qui ont des enveloppes, et ces enveloppes sont fragiles. Elles sont sensibles aux solvants, acides, détergents. Si vous avez un herpès labial, vous pouvez en diminuer la virulence en vous tamponnant avec un mouchoir imbibé d’éther ….

Le HSV : Herpès Simplex Virus

On connaît les verrues depuis l’antiquité, et le nom herpès vient du grec ‘pousser’.
Mais ce n’est qu’en 1919 que celui-ci fut identifié. C’est un virus qui peut pénétrer dans toutes les cellules de notre organisme, et d’autres animaux d’ailleurs. Il provoque une lésion des cellules de la peau et peut aller s’endormir dans notre système nerveux.
En général, le HSV1 s’attaque plutôt à la partie supérieure du corps (bouche, gorge..) et le HSV2 se trouve plutôt dans les parties sous la ceinture. Mais le clivage n’est pas exact.
Que se passe-t-il lors d’une infection ? D’abord le virus pénètre dans les cellules de la peau ou des muqueuses. Il se multiplie à l’intérieur des cellules, créant une première lésion car les cellules hôtes sont endommagées. Quand le virus s’est bien multiplié, il sort de la base de la lésion, et va coloniser les cellules nerveuses environnantes et les ganglions nerveux. C’est notre réponse immunitaire qui va déterminer si le virus va y rester ou non. Si il y a réactivation du virus, celui-ci retourne au site d’entrée et là provoque les vésicules herpétiques. Il faut faire attention avec ces vésicules, parce qu’elles sont bourrées de virus, donc haut risque de contamination… Ces vésicules résultent à la fois de l’action du virus et de la réaction de notre système immunitaire. Le plus souvent celui-ci prend d’ailleurs le dessus, et c’est la fin de l’accès herpétique. Les vésicules disparaissent sans laisser de lésion. Mais si le virus trouve le moyen de bloquer les réactions biochimiques à la base de la réaction immunitaire, et bien il va pouvoir tranquillement s’installer ad vitam eternam… Mais il peut y avoir réactivation, souvent par un stress intense, une fièvre importante, une exposition au soleil (ce qui fait penser que les UV B provoquent une baisse des défenses immunitaires). Cette baisse des défenses immunitaires a pour conséquence que le virus semble se réveiller, va migrer à nouveau vers les extrémités nerveuses, et provoquer un nouvel accès herpétique. Et cela peut durer toute la vie…

Les infections par ce type de virus peuvent être bénignes, mais elles peuvent être mortelles, comme le cas de l’herpès néonatal, des encéphalites herpétiques (lésions dans le cerveau).

Le virus de la varicelle (Varicella-Zoster Virus) : VZV

Ce virus se multiplie dans les voies respiratoires, c’est la période d’incubation. Puis il va se multiplier dans le foie, la rate et autres organes. C’est l’apparition des symptômes. Puis va se disperser dans les nerfs et les cellules du système immunitaire. Il va alors se mettre en latence dans certains nerfs et ganglions. S’il se réveille, c’est le zona, qui peut survenir après un épisode d’immunodépression, ou un mécanisme viral d’activation. Le zona correspond aux zones innervées par les nerfs où le virus s’est réactivé. Les neurones sont abîmés, et les douleurs intenses.

Le virus d’Epstein-Barr, (dont une des dernières victimes est Johan…)

C’est un virus qui envahit des cellules bien spécifiques du système immunitaire, les lymphocytes B. Il est responsable de toutes sortes de maladies : si le système immunitaire de l’hôte réagit fortement (stimulation et multiplication explosive des lymphocytes T), on a une Mononucléose Infectieuse. D’ailleurs les enfants jeunes qui sont infectés ont des symptômes moindres, car leur système immunitaire est moins actif. Le plus souvent l’infection est silencieuse.

Mais le virus peut être responsables de cancers, des cancers du sang et autres, et dans ce cas il se trouve que la réponse immunitaire de l’hôte est déficiente. Dans certains cas particuliers de cancers, il a été montré que c’est bien l’immunodépression du sujet qui a entraîné le développement du cancer

Et là on découvre une propriété de certains virus qui est très utilisée en biologie : ils peuvent immortaliser des cellules. En d’autres termes, une fois qu’ils ont envahi des cellules type Lymphocytes B, dans certaines conditions bien connues et précises, ces cellules vont se multiplier et ce groupe de cellules ne va jamais mourir. D’où bien sûr les cancers qui en résultent, qui sont des amas de cellules qui n’arrêtent plus de se multiplier.

Une petite anecdote, une personne affectée par le virus, le sera toute sa vie à raison d’une cellule Lymphocyte B par ml de sang. C’est très très peu, mais cela suffit à réactiver parfois le virus. On trouvera le virus dans la salive de 90% des personnes infectées, tout au long de leur vie…

L’EBV se transmet principalement par la salive, d’où le nom de maladie du baiser.

Traitement : Il existe des médicaments qui freinent la multiplication des herpes virus, mais ne l’éliminent jamais. Il n’existe aucun traitement contre le EBV, et les personnes immunodéprimées sont à gros risques. Il existe un vaccin contre la varicelle, mais pas complètement efficace peu utilisé en France pour cette raison.

B- Famille des Picornavirus

Pico, c’est 10^-12 m, ce sont de tous petits virus, les plus petits (1 million de fois plus petits que le diamètre d’un cheveu). Ce sont des virus très résistants par rapports aux autres types de virus, parce qu’ils n’ont pas d’enveloppe (cette enveloppe chez les autres virus est sensible aux acides, à la chaleur, etc…). C’est la plus grande famille de virus, on y trouve notamment les virus responsables des rhumes, de certaines gastroentérites, le virus de la polio et de l’hépatite A. Comme ils sont très résistants, ils se transmettent facilement. C’est ce qu’on appelle la transmission oro-fécale. On retrouve le virus dans les égouts et si l’eau n’est pas purifiée, il y a épidémie, mais le fait est que le plus souvent, les gens infectés n’ont pas de symptômes.

Ils ont une jolie forme icosaédrique, et il leur suffit de se fixer sur une cellule hôte, injecter leur acide nucléique (de l’ARN en l’occurrence), pour aller se multiplier par million dans cette cellule hôte et la détruire.

Par exemple, le virus rhinovirus, qui peut provoquer des rhumes, supporte mal des températures supérieures à 33°C. Donc chez l’homme il provoque des rhumes, mais c’est tout. Je dis souvent aux gens qui ont un rhume de mettre un foulard pour garder leur gorge bien au chaud… (je ne suis pas certaine que cela marche en toute honnêteté !).

Les entérovirus :
Ces virus entrent dans l’organisme par les voies respiratoires supérieures, puis ils vont aller coloniser et se multiplier dans les tissus lymphatiques. Les rhinovirus restent dans les voies respiratoires (rhumes) et les autres peuvent aller coloniser d’autres tissus :

La peau : hand and foot disease, rash cutané
Les muscles : myocardites, péricardites, pleurésies
Le cerveau :encéphalites, paralysies (polio)
Méninges : méningites
Foie : hépatites

Pancréatites, conjonctivites, diarrhées, anomalies congénitales peuvent être causées par les entérovirus. Mais 90% des infections sont silencieuses, ie. sans symptômes.

A noter, que le plus souvent, la maladie est due au fait que le virus en se multipliant détruit la cellule hôte. Ainsi, il y a destruction des nerfs par le virus de la polio.
Mais pas dans le cas de l’hépatite, où c’est bien la réaction immunitaire de l’organisme qui crée des dégâts dans le foie.

Il existe deux vaccins contre la polio due au Poliovirus (il y en a 3 types) Seuls 0.1 à 0.3 % des personnes infectées par un de ces virus peuvent développer une paralysie.

Heureusement il y a des vaccins (et un médicament).

Un premier vaccin (mis au point en 1955) qui ne contient que des extraits de virus, donc qui ne peut pas donner la polio, mais qui n’est pas complètement efficace, et qui est assez onéreux car il se fait par injection.
Un deuxième vaccin a été mis au point dans les années 61-62 (le Sabin, du nom d’Albert Sabin qui l’a mis au point), qui contient un virus vivant inactivé. Il est extrêmement efficace, parce qu’il reproduit bien une infection réelle et le système immunitaire est bien stimulé. Il est facile à administrer et peu onéreux. Parfait pour la vaccination à grande échelle comme dans les pays d’Afrique. Par contre, il y a eu des cas isolés de polio qui ont été déclenchés par ce vaccin, d’où certaines réactions négatives de la part de la population.
Aux US, le nombre de cas de polio avant 1977, était de 21 000 cas par an chez des patients non vaccinés. En 1979, on comptait 18 cas chez des patients non vaccinés.

La polio existe encore au Nigéria, en Afghanistan et au Pakistan.

Pour tous les autres entérovirus, il n’y a pas de vaccination. Certains peuvent provoquer des paralysies comme le virus de la Polio.

C-Famille des Rhinovirus

Ils sont responsables de la plupart des rhumes. Pas très graves donc. Ils sont heureux de se multiplier à 33°C, dans les voies respiratoire, donc il faut des écharpes plus chaudes !!! Et c’est pour cela que par exemple ils se multiplient préférentiellement dans les muqueuses nasales, ou la peau est moins chaude qu’à l’intérieur du corps. Les cellules infectées vont sécréter en réaction des substances telles qui l’histamine, responsable du nez qui coule par exemple.

Pour l’anecdote, dans une 1 millilitre de sécrétion nasale (volume 20 fois plus petit qu’une goutte d’eau donc), il y a environ de 500 à 1000 virus qui peuvent aller infecter une autre personne. Arrêtez donc d’éternuer sur votre voisin dans le métro…

Ce type d’infection montre aussi combien notre système de défense immunitaire n’est pas parfait. Par exemple, pendant une infection, notre corps fabrique cette molécule qui est l’interféron. L’interféron limite la multiplication des virus, mais est en même temps responsables des symptômes de la maladie (fièvre notamment).

L’immunité naturelle résultante d’une infection est transitoire et peu efficace, parce qu’il existe beaucoup de types de Rhinovirus. D’où les rhumes à répétition…

Ce sont des virus qui n’ont pas d’enveloppes, donc ils peuvent résister plusieurs heures sur un objet contaminé, et sur vos mains…

Seule la moitié des personnes infectées vont avoir des symptômes.

D- Famille des Orthomyxovirus

Il s’agit des virus Influenza A, B et C. Bien plus connus sous le nom de virus de la grippe. Le C n’est pas pathogène pour l’homme. Le virus A peut infecter l’homme, mais aussi les mammifères et les oiseaux.

Ce sont des virus qui ont une enveloppe, donc maintenant vous l’aurez compris, ils sont fragiles. Et ils sont un ARN qui est segmenté, ce qui facilite l’apparition de nouvelles souches grâce à des mutations et des réassortiments des segments de gènes. Les mutations sont annuelles pour le virus A et provoque chaque année une épidémie de grippe. Pour les A et B, il existe des réassortiments périodiques, moins fréquents et qui provoquent de larges épidémies, ce qu’on appelle des pandémies. Comme par exemple la grippe espagnole qui décima entre 20 et 40 millions de personnes en 1918 et 1919. Plus de morts que ceux dus à la première guerre mondiale. Les pandémies sont apparues en 1918, 1947, 1957, 1968, 1977 et 2009. Donc irrégulières, donc difficilement prévisibles.

A noter aussi, en 1997 l’apparition d’une infection humaine due à un virus apparu d’abord chez des oiseaux, qui a crée une pandémie en 2009.

La structure de tous ces virus est complexe mais très bien connue. Les protéines de l’enveloppe sont répertoriées. Par exemple on a la protéine HA, et la protéine NA. Ou la protéine M2. Il existe plusieurs médicaments qui s’attaquent spécifiquement à certaines protéines bien définies de ces virus.

Le rôle de la protéine HA montre à quel point les virus sont ‘intelligents’. Elle permet d’abord l’attachement du virus sur la cellule qu’il va parasiter. Elle reconnaît donc une molécule spécifique, et va s’y accrocher, pour ancrer ainsi le virus sur son hôte. La protéine HA est responsable ensuite de la fusion des membranes , autrement dit, l’enveloppe du virus et l’enveloppe de son hôte fusionne, ce qui permettra ensuite au virus de déverser dans la cellule tout le contenu de sa propre cellule. Mais aussi la protéine HA entraîne l’agrégation des globules rouges sanguins, et va aussi éliciter l’attaque des anticorps que l’organisme hôte essaye d’utiliser pour se débarrasser du virus. Enfin, ce sont les mutations de la protéine HA qui sont responsables des variations mineures et majeures des souches. Ces variations qui apparaissent chez l’Influenza A et B (les majeures seulement chez Influenza A), et les différentes protéines HA sont appelées H1, H2,…. H16. Ainsi, en 2009 on a vu une pandémie avec le virus H1N1, qui arriva aussi en 1918, en 1947 et en 1977. Mais à chaque fois, il s’agit de souches légèrement différentes, avec des variantes dans les combinaisons de gènes.

Au cours de la grippe, le virus s’attaque d’abord aux cellules des voies respiratoires supérieures et les détruit. D’où les symptômes locaux (irritation de la gorge, toux, nez et yeux qui coulent…). Les défenses de l’organisme produisent des molécules (interféron par ex, ou cytokines), qui sont responsables des symptômes systémiques (fièvre, douleurs musculaires…). Les personnes infectées sont très sujettes aux infections bactériennes car les défenses naturelles locales sont compromises. Pire, le virus facilite l’attachement des bactéries sur les cellules des voies respiratoires. Le virus en s’attaquant aux cellules immunitaire est capable de diminuer les défenses de l’organisme. D’où la question de savoir si l’on doit ou non prendre des antibiotiques si on a la grippe… Cela dépend de l’avis des médecins….

La préparation des vaccins se fait en mélangeant des protéines HA et NA provenant de trois souches différentes de virus. Les virus sont cultivés dans des œufs de poule embryonnés. Je me souviens à la fac de Lyon en service de virologie j’ai appris à injecter des solutions de virus dans les œufs de poule. Parce qu’il s’agit d’un milieu de culture adapté d’un point de vue nutritionnel, stérile et, peu onéreux. (Je me demande maintenant si on utilise des œufs bio pour obtenir des vaccins bio !). Il existe aussi des vaccins qui contiennent des virus entiers, comme le vaccin contre la polio. Ils se présentent sous forme de spray nasal. Ils procurent une meilleure immunité.

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