Le régime de l’été débunké

Ce dossier a été enregistré dans l’épisode 260 de podcast Science

Introduction


Maigrir avant l’été : le régime en 4 semaines / Moins 5 kilos avant la plage /  7 trucs de pro pour maigrir avant l’arrivée de l’été / Régime bikini: comment vous préparer pour la plage / Spécial minceur / Mon régime sur mesure / Ferme et tonique pour l’été.

Ces titres vous les avez forcément vu passer, ils fleurissent en couverture des magazines, dans les bannières de pub de vos sites préférés, rien que la recherche “régime pour l’été” m’a renvoyé 3,4 millions de résultats dans google, la version anglaise “summer diet” 147 millions. Bref, difficile d’éviter ces messages, principalement en cette saison.

Atkins, Weight watchers, Dukan, Paléo, South Beach, Slim-fast, 5:2, tous différents mais finalement tous pareils, je vous préviens en matière de régime je suis du parti de Jean-Philippe Uzan : préférez la chute libre.

Je rappelle quand même à toutes fins utiles que je ne suis pas médecin et encore moins votre médecin, donc si vous avez un problème médical avéré et un régime alimentaire réfléchi et discuté avec un professionnel, ne l’arrêtez pas suite à ce que je vais raconter. Si vous envisagez d’avaler des sachets en prévision de la plage par contre, on a des choses à se dire.

Les sources principales de ce dossier sont mon cours de biochimie physiologique et nutritionnelle suivi à l’université de Louvain, les dossiers de la FAO et le livre de Sylvain Duval sur les régimes. J’ai entendu son interview dans une émission de la Tête au carré sur les régimes (merci Johan pour l’info).

Qu’est-ce qu’un régime ?

Wikipedia nous dit : Le terme régime, issu du Latin regere (diriger), peut être utilisé dans plusieurs sens : politique, économie, en droit et en science, c’est ce dernier qui nous intéresse. On parle de régime alimentaire qui définit la façon dont un organisme se nourrit, l’homme étant omnivore,  et de régime alimentaire amaigrissant qui est défini comme une pratique alimentaire destinée à perdre du poids. Ah ! Nous y voilà. Pourquoi, comment, quels sont les réseaux adipeux qui contrôlent tout ça ?

Un être humain, comment ça marche ?

Pour vous exposer comment ça marche tout ça, je vais commencer par vous expliquer de quoi est constitué un être humain, ce qu’il consomme pour (sur)vivre, les bases du métabolismes, d’où est-ce que notre organisme tire son énergie, où la stocke-t-il et comment l’utilise-t-il ? Commençons par le commencement, qu’est-ce qu’on trouve dans un être humain ?

Pour ce qu’on appelle le niveau tissulaire, pour un homme de 70 kg :

  • 40% ou 28 kg de Muscles squelettiques
  • 21% ou 14,7 kg de tissu adipeux c’est la fameuse “masse grasse” pour une femme ce sera un peu plus élevé
  • 7% ou 5 kg d’os
  • 8% ou 5,6 kg de sang
  • 4% ou 2,8 kg de peau
  • 3% ou 2 kg de foie
  • 17% de choses diverses et variées

Concombre anxieux

Au niveau moléculaire, toujours pour un homme de 70 kg, son corps est composé de :

  • 60% ou 42 kg d’eau ( 26 % extracellulaire – 34 % intracellulaire)
  • 19% ou 13,3 kg de lipides ou graisse (dont 90% sont mobilisables)
  • 15% ou 10,5 kg de protéines (dont la moitié dans les muscles)
  • 5% ou 3,5 kg de minéraux
  • 1% ou 350 g de glucides (dont 70 % de glycogène musculaire)

Ça c’est la structure de notre organisme, pour le faire fonctionner on a des besoins énergétiques. Cette énergie nous permet d’avoir des activités physiques qui impliquent un travail musculaire, c’est quelque chose auquel on pense immédiatement. Mais cette énergie est utilisée avant tout pour la maintenance des fonctions du corps (battements cardiaques, mouvements respiratoires, maintien du tonus vasculaire, …), des réactions chimiques qui se passent en permanence dans notre organisme : synthèse et dégradation des protéines, transport de molécules, production et sécrétion des hormones, et au maintien de l’équilibre de l’environnement interne (composition des cellules, renouvellement des constituants cellulaires,…) ainsi que de notre température corporelle. Le simple fait de maintenir notre organisme en vie consomme énormément d’énergie. Je vais vous détailler ça tout de suite. Si on veut quantifier tout ça, on commence par mesurer :

Les dépenses métaboliques de base (Basal metabolic rate = BMR)

Le BMR est défini comme « l’ensemble des réactions qui maintiennent l’organisme en vie. Il permet d’assurer l’alimentation du cerveau, les battements du cœur, la digestion, la respiration, la température corporelle, etc. » Pour notre cobaye de 70 kg, le MB est d’environ 1300 calories, pour assurer ces fonctions vitales. C’est la moitié à deux-tiers des besoins énergétiques totaux.

Les dépenses liées à l’activité physique

On les exprime sous la forme d’un rapport : ratio d’activité physique (physical activity ratio [PAR])

PAR = Energie dépensée en réalisant l’activité/Energie dépensée au repos (BMR)

Qui va de 1 (lire couché dans son lit, regarder la télé,…) à 8 (activité physique très intense) et pour le travail : de 1,7 (travail de bureau) à 4.4 (travail manuel). A partir des valeurs du ratio d’activité physique et du temps consacré à chaque activité, on définit le niveau d’activité physique par jour. Ces dépenses représentent 25 à 35% des besoins totaux journaliers, le reste est utilisé pour maintenir la température corporelle aux alentours de 37°C.  

Les besoins totaux en énergie

Les besoins totaux en énergie sont calculés en multipliant le métabolisme basal par le niveau d’activité physique, pour notre gaillard de 70 kg ça nous fait donc dans les 2500 calories/jour. Ces calories nous sont apportés par trois principaux nutriments  :

  1. Hydrates de carbone ou glucides (contenu énergétique théorique : 4 Cal /g)
  2. Graisses (9 Cal /g)
  3. Protéines (4 Cal /g)

Pour atteindre les 2500 cal/jour on “devrait” répartir ça en environ en 12% – 75g de protéines , 58% – 360g de glucides et 30% ou 75g de lipides, mais ça c’est très théorique, on va en reparler. Il y a également d’autres choses comme les fibres, les minéraux, les vitamines etc mais je vais me concentrer sur ces 3 là sinon je ne finirai jamais. Ces nutriments sont le fuel de notre organisme, si on regarde par catégorie :

Les Glucides

On peut les diviser en trois groupes:

  • Les monosaccharides comme le glucose, le fructose et le galactose. Ils traversent la barrière intestinale sans être modifiés par les enzymes digestives.
  • Les disaccharides et polysaccharides comme le lactose, l’amidon ou le glycogène, sont convertis en glucose par les enzymes digestives.

On va en profiter pour enterrer définitivement les termes “sucres rapides” et “sucres lents”. Paix à leurs âmes. Une fois digérés, tous les glucides se retrouvent sous forme de glucose dans le sang. On a cru longtemps que la vitesse d’absorption du glucose dans le sang dépendait de la structure des glucides, selon qu’ils soient simples ou complexes. Il n’y n’a aucune preuve de cette théorie, elle se tient scientifiquement mais elle n’a pas été vérifiée par l’expérience.  Le glucose absorbé circule donc dans le sang, il est utilisé par les cellules notamment pour produire de l’énergie via la glycolyse.

Je ne vais pas me lancer dans le détail de la glycolyse, sachez juste que ça a pour but de produire des molécules d’adénosine-5′-triphosphate (ATP). L’ATP est la molécule qui fournit par hydrolyse l’énergie nécessaire aux réactions chimiques du métabolisme. Le glucose peut être stocké dans les muscles ou le foie sous forme de glycogène qui est son mode de stockage à court terme, dans le foie et le tissu adipeux il pourra être métabolisé sous forme de graisse s’il y a déjà assez de glycogène dans le foie et les muscles.

Je fais un petit aparté sur le cerveau qui ne fonctionne pratiquement qu’avec du glucose, en plus il ne peut pas en faire de réserves sous forme de glycogène par exemple donc il a besoin d’un apport constant via la circulation sanguine. On peut le dire, le cerveau est un junkie qui a besoin de sa dose, il lui faut 100mg de glucose/minute, donc 144g/ jour.

Les lipides

Le terme “lipides” englobe toutes les graisses comestibles de l’alimentation humaine. Les lipides alimentaires sont surtout des triglycérides. C’est à dire une molécule de glycérol et 3 acides gras qui sont des chaînes de carbone, d’hydrogène et d’oxygène.  

Exemple de triglycéride polyinsaturé (C55H98O6). Partie gauche en vert : molécule de glycérol; partie de droite en orange : 3 acides gras
Source : Wikipédia

Les acides gras à chaînes courtes (2-4 carbones) sont utilisés dans le colon pour la production d’ATP, les acides gras à chaînes moyennes sont transportés vers le foie stockées sous forme de triglycérides, les acides gras à chaînes courtes sont utilisés par les muscles pour produire de l’énergie et stockés dans le tissu adipeux sous forme de triglycérides où ils servent d’énergie de réserve. Il s’agit un moyen efficace de stocker de l’énergie car, à poids égal, les lipides en produisent deux fois plus que les glucides. Lorsqu’ils sont mobilisés au cours de ce qu’on appelle la lipolyse, le glycérol est métabolisé pour rejoindre les cycles du glucose et les acides gras sont oxydés pour produire de l’énergie.

Les protéines
Représentation tridimensionnelle d’une protéine (hémoglobine)

Les protéines sont les principaux constituants structurels des cellules et des tissus et constituent, avec l’eau, la majeure partie des muscles et des organes. La composition et le type de protéines varient d’un tissu à l’autre selon qu’elles sont dans le foie, le sang ou des hormones. Bien que les protéines puissent aussi fournir de l’énergie, elles sont surtout des constituants essentiels des cellules. Toutes les cellules doivent être remplacées à un moment ou un autre et ce remplacement nécessite des protéines. Par jour notre organisme consomme environ 150g de protéines, une moitié est fournie par l’alimentation et une moitié par les protéines des muscles.

 

Pour vous aider à synthétiser tout ça je vais vous donner une petite analogie : imaginez que l’énergie dont vous avez besoin pour vivre soit produite par feu de cheminée, à côté du foyer vous avez un panier avec quelques petites bûches, c’est le glucose, il est disponible immédiatement, vous entretenez rapidement le feu avec. Le glucose épuisé vous devez aller chercher des bûches supplémentaires dans le tas de bois dehors, ça va encore assez vite même s’il faut mettre son manteau, ce sont vos réserves de glycogène. feu de boisQuand le glycogène est épuisé vous pouvez aller couper du bois mais c’est long et puis il n’est pas sec, donc ça brûle moins bien, ce sont les stocks de graisse. Enfin s’il y a une tempête de neige et que vous ne pouvez pas aller couper du bois, vous allez finir par brûler des choses que vous ne devriez pas utiliser pour ça comme des livres ou des meubles, c’est quand les protéines sont utilisées pour produire de l’énergie, ça fonctionne, mais ça n’est pas une utilisation optimale.

Comment est-ce qu’on grossit ?

Je voudrais commencer par dire qu’être gros n’est pas une maladie. Déjà il faut voir ce qu’on appelle gros, il y a des gens qui se battront toujours contre ce qu’ils appellent “3 kg de trop”, et des gens pour qui le poids est un vrai problème de santé, et entre les deux il y a un monde.  

L’IMC est souvent utilisé pour évaluer le poids d’une personne, c’est ce ratio du poids en kilos divisé par la taille au carré, exprimée en mètres. En fonction du résultat on est classé comme maigre en dessous de 18,5, normal jusqu’à 25, en surpoids jusqu’à 30 et obèse au delà (sévère >35, morbide >40). Mais ce ratio est effectivement faussé par exemple pour les sportifs qui sont lourds mais musclés et classés en surpoids par ce calcul… Le fait d’être ou non en bonne santé est beaucoup trop complexe pour être réduit à une simple question de poids sur la balance. Le poids ou l’IMC ne donnent pas suffisamment de renseignements, notamment sur le pourcentage de graisse et sa répartition (sur le ventre ou non), qui, selon les cas, peuvent effectivement menacer la santé. Vu les risques provoqués par une forte accumulation de graisse abdominale, la mesure du tour de taille est maintenant plus utilisée pour évaluer les risques du surpoids. Elle devrait être inférieure à 110cm pour les hommes et 90 cm pour les femmes.

D'après le calcul de mon IMC... Je suis trop petite.
D’après le calcul de mon IMC…
Je suis trop petite.

Le pourcentage de masse maigre (les muscles) est le facteur prépondérant à considérer, avec l’activité physique. On a vu que les muscles participaient au métabolisme. Le poids ne renseigne pas non plus sur l’activité physique et la sédentarité, qui sont intimement liées à la santé. Voilà pourquoi on lit parfois qu’il vaut mieux être “un peu gros et actif” que “mince et sédentaire”. Voilà pourquoi le poids n’est pas un bon marqueur de santé globale. D’ailleurs une étude montre que deux fois plus de décès peuvent être attribués au manque d’activité physique qu’à l’obésité.

Outre les maladies du type dérèglement hormonal, thyroïdien, prédisposition génétique à l’obésité,… On grossit parce qu’on mange trop par rapport à nos besoins alimentaires. Parce que c’est un mécanisme évolutif notamment, le corps stocke en périodes d’abondance pour faire face aux périodes de famine. C’était extrêmement efficace quand la nourriture était disponible de manière irrégulière, ça l’est beaucoup moins dans les sociétés où elle est surabondante.

Bon j’ai bien conscience de ne pas avoir révolutionné votre vision du poids là… Mais j’espère quand même vous apprendre deux-trois trucs sur les choses qui nous font grossir ou non.

Par exemple le fait de manger des choses grasses ne fait pas forcément prendre du poids, manger très très gras et au delà des besoins de votre organisme oui, mais les graisses ne sont aucunement à diaboliser comme ça a pu être le cas pendant des années. Le chocolat non plus, et vous me voyez venir là, défense du patrimoine national oblige, la bière non plus. Non la bière ne donne pas du ventre par principe, elle est même moins calorique que le vin par exemple, après évidemment la quantité joue… (Belgium one point.) En passant, boire beaucoup d’eau ne fait pas maigrir, ça vous permet juste d’être bien hydraté, de ne pas confondre la faim et la soif et de faire fonctionner vos reins correctement. Boire trop d’eau peut également être dangereux.

Parmi les lieux communs, l’arrêt du tabac contribue effectivement à une prise de poids, la nicotine agit en effet comme un coupe faim, elle augmente le métabolisme et diminue le stockage des graisses. Je ne vous conseille pas de continuer à fumer, encore moins de vous y mettre, mais commencer une activité physique en arrêtant le tabac peut vous aider à vous changer les idées et ne pas prendre 5 kilos en prime.

Molécule de fructose lai
Molécule de fructose. Source : Wikipédia

Je vais plutôt vous parler du fructose par exemple, oui le “sucre des fruits”, on conseille parfois aux diabétiques de consommer par exemple du sirop d’agave parce qu’il contient plus de 90% de fructose et qu’il ne va ainsi pas augmenter leur concentration en glucose sanguin ou glycémie. C’est vrai techniquement, sauf que le fructose est métabolisé dans le foie directement en acides gras, sans influer sur les hormones de satiété comme le fait le glucose (c’est la lipogénèse hépatique). Il y a donc une production de graisses plus importante. N’arrêtez pas de manger des fruits pour autant, mais si vous avez pris 2 kilos en buvant des smoothies en vous disant que c’était forcément bon pour votre ligne parce que les fruits sont sains, vous tenez maintenant votre explication. Le vrai problème avec le fructose c’est le sirop de glucose-fructose  qui contient 90 % de fructose et 10 % de glucose et qui est utilisé dans de nombreux produits agro-alimentaires pour son fort pouvoir sucrant, plus aux Etats Unis qu’en Europe mais on y arrive également. [Clarification : dans le podcast on parle de sirop de maïs qui est lui composé à la base de 100% de glucose, mais souvent modifié pour augmenter sa teneur en fructose, jusqu’à des pourcentage très élevés.] Ce sirop très largement utilisé est considéré comme un des responsables de l’explosion de l’obésité dans les pays occidentaux.

Dans les facteurs de grossissement il y a aussi le fait que le nombre d’adipocytes, les cellules du tissu adipeux qui contiennent les graisses, ne diminue plus à l’âge adulte. De nouvelles cellules peuvent se différencier en adipocytes dans l’enfance et l’adolescence, voir encore un peu à l’âge adulte, par contre même en cas de perte de masse grasse à l’âge adulte, les adipocytes se vident mais ne meurent pas. Le seul moyen actuellement pour diminuer le nombre d’adipocytes c’est la liposuccion… Il faut se rendre compte que le tissu adipeux ce n’est pas un coussin amorphe qui est là en attendant de servir, non seulement il produit des hormones, mais il sert également de protection contre certaines molécules dangereuses que le foie ou les reins ne peuvent pas métaboliser ou excréter. La modification de sa taille a donc des répercussions sur le fonctionnement de notre organisme.

Dessin de Puyo
Dessin de Puyo

Et puis paradoxalement, on grossit en ayant fait des régimes, on va voir comment… Si l’analyse d’un paquet de régimes différents vous intéresse je vous conseille le bouquin de Sylvain Duval ou le site du G.R.O.S, pour ma part je vais juste voir les problèmes liés à la restriction de calories, les régimes hyperprotéinés parce qu’ils sont à la mode, et je vais aussi vous parler du sport. Soyons clairs : pour faire perdre du poids, un régime doit être hypocalorique. Qu’est-ce qu’il va se passer dans votre organisme à ce moment-là ? Je vais commencer par décrire une situation de jeûne qui se prolonge [C’est très bien synthétisé ici].

Au début tout va bien, le glucose vient à manquer mais le glycogène est là pour y pallier, le foie arrête de produire des graisses et passe en production de glucose, c’est lui qui est l’organe régulateur en phase de jeune.

Dans les muscles le glucose est métabolisé également. Si le jeûne se poursuit, les protéines aussi, pour produire des acides aminés (l’alanine) qui seront envoyés au foie pour produire du glucose. Là vous sentez venir l’os, pourquoi est-ce que je vous parle des protéines avant les graisses ? Hein d’abord pourquoi ? Elles sont là, pleines d’énergie…

Alors certes. Elles vont être utilisées, mais le corps a besoin de 180g de glucose par jour (dont 144 pour le cerveau pour rappel). Pour produire du glucose à partir des graisses c’est le glycérol qui va être utilisé. Pour produire cette quantité de glucose à partir du glycérol il faudrait métaboliser 1,8 kg de graisses, autrement dit 16200 calories. Donc non, ça va se faire un petit peu mais ce n’est clairement pas cette voie-là qui serait utilisée prioritairement pour produire du glucose. Du coup, en cas de jeûne prolongé ce n’est pas votre graisse qui fond, ce sont vos muscles. Aïe.

En plus la protéolyse musculaire, le métabolisme des protéines dans vos muscles pour produire des intermédiaires au glucose va produire de l’ammoniac, et ça votre organisme n’aime pas non plus. Enfin en parallèle s’il n’y a pas assez de glucose il y a la production de corps cétoniques, notamment via l’oxydation des acides gras, ils vont être utilisés dans le cycle de Krebs pour produire de l’énergie. Un des corps cétoniques est l’acétone, c’est pour ça que les gens qui jeûnent ont une mauvaise haleine… 

Dessin de Puyo
Dessin de Puyo

Le cerveau peut en dernier recours utiliser les corps cétoniques s’il n’a pas de glucose à sa disposition, par contre il n’utilisera jamais d’acides gras contrairement aux autres cellules. Je vous rappelle que le cerveau a besoin de 100 mg de glucose par minute, et il n’aime pas du tout, mais alors du tout qu’on ne les lui donne pas. Migraines, maux de tête, vertiges, sont un petit cocktail non réjouissant de symptômes de manque de glucose. Pour revenir à mon analogie du feu de bois, c’est comme si vous étiez en train de brûler des meubles vernis ou du mélaminé, ça va fonctionner mais ça sent mauvais, c’est pas ce que vous êtes supposés faire, et après vous n’aurez plus autant de meubles… J’espère que je vous ai vaccinés contre le jeûne comme “cure détox” ou “bienfait pour l’organisme”.

Ca va être une des raisons des échecs des régimes. Et quand je parle échec des régimes, les meta-analyses montrent qu’une personne sur 200 conserverait son poids post régime… un tiers à deux tiers des kg perdus sont repris en une année et pratiquement la totalité en 5 ans. Il y a plusieurs raisons à cela. Si l’on perd du poids rapidement, le corps panique et se sent en danger. Il va mettre en place toute une série de mécanismes afin de se protéger, et de vous faire recommencer à manger. Le corps va informer le cerveau qu’il perd de la graisse et qu’il manque de calories. Le cerveau va alors augmenter la sensation de faim, le désir de manger, la sensibilité aux odeurs, aux goûts et à tous ce qui incite à manger. Le deuxième mécanisme, c’est la diminution du métabolisme basal, puisque vous lui donnez moins d’énergie, le corps va devenir plus économe de ce que vous lui donnez, sans oublier le fait que votre masse musculaire diminue plus vite que votre masse grasse et donc qu’elle va consommer moins d’énergie, et ce même une fois que vous aurez terminé votre régime… Le maintien de la température va également être moins efficace, vous aurez plus vite froid.

image01 Une étude récente sur les candidats de l’émission “the biggest loser”, une émission américaine où le gagnant est la personne qui a perdu le plus de poids sur la durée de l’émission, a montré que non seulement la plupart des participants reprennent tout le poids perdu voir plus, mais également que leur métabolisme est devenu beaucoup plus économe que ceux des gens pesant le même poids. Le dernier vainqueur consomme ainsi 500 calories de moins que prévu par les calculs que je vous ai exposé au début du dossier. Donc à la fin d’un régime hypocalorique vous aurez certes perdu de la graisse, mais vous aurez surtout perdu du muscle. Une étude a montré que tant que votre masse maigre n’aura pas retrouvé sa taille initiale, vous allez avoir envie de manger plus, le problème c’est que la masse grasse sera reconstituée en premier, et souvent au delà de ce qu’elle était au départ de votre premier régime, c’est le fameux effet yo-yo… Plus on commence tôt ce cercle vicieux pire c’est, chez les adolescents, le risque d’être en surpoids est 3 fois plus grand pour ceux ayant suivi des régimes, un seul régime multiplie le risque d’être en surpoids à l’âge de 25 ans par 2 chez les hommes et 3 chez les femmes.

Vous allez me dire que du coup les régimes hyper-protéinés pourraient être la solution pour éviter que les muscles ne se détériorent pendant la phase d’amaigrissement ? Je vais donc me faire une joie de démolir le mythe des régimes en sachet et celui du très célèbre régime Dukan. Le régime Dukan se compose de 3 phases d’amaigrissement et d’une phase 4 qui doit durer tout le reste de la vie. Pendant la première phase il ne faudrait manger que des “protéines naturelles”, une deuxième phase protéines/légumes sans féculents, une troisième ou vous réintroduisez très progressivement tout les aliments, et la 4e vous êtes supposés manger juste des protéines un jour par semaine.

Dans le cas des régimes hyper-protéinés en sachet, il s’agit le plus souvent de remplacer les aliments classiques par des substituts de repas contenant quasi exclusivement des protéines (environ 80 %), très peu de glucides et de lipides. La perte de poids est rapide, très rapide, trop rapide. La consommation de protéines pures déclenche au bout de 3 jours la production de corps cétoniques, votre cerveau n’est (vraiment) pas content et vous avez mauvaise haleine (oui j’insiste), sans compter le fait que ces régimes ne contiennent pas assez de fibres et ça peut vous conduire à être constipés, on atteint les sommets du glamour.

De plus même si elle est plus limitée que pour les régimes non hyper protéinés, en l’absence d’activité physique très régulière, que vous aurez du mal à mettre en œuvre parce que votre corps devra fonctionner sans glucose, la fonte musculaire aura quand même lieu. En outre, vous allez souffrir de carences en minéraux, vitamines et oligoéléments pendant ce régime. Enfin même s’il est recommandé de boire beaucoup pour aider les reins qui sont très sollicités par les déchets de protéines, le corps secrète davantage d’urée, ce qui peut mener dans les cas extrêmes à une insuffisance rénale par surexploitation des reins. De plus, des études de populations (exemple) ont montré que l’augmentation de la consommation de protéines est liée à un risque croissant de devenir obèse, et augmenterait également les risques cardio-vasculaire et la survenue de certains cancers En résumé, pour le bien de votre organisme et de votre entourage, tenez-vous éloignés des régimes hyper protéinés.

Je vais me permettre un mot sur les compléments alimentaires soi-disant miraculeux, les coupe-faims, les médicaments détournés de leur usage à des fins d’amaigrissement,… Fuyez. S’il existait une molécule capable de nous garder mince en mangeant 4500 calories de gâteau au chocolat par jour on le saurait et on n’aurait plus aucun problème de surpoids. Ne mettez pas votre santé en danger en prenant des médicaments dont vous n’avez pas besoin, et gardez à l’esprit que de nombreuses molécules essentielles pour notre organisme peuvent lui être néfastes en trop grosse doses.

En parlant de produits pas terribles pour l’organisme, si vous êtes des adeptes des produits dits “allégés en gras” sachez que ça s’applique à un taux de matière grasse donc (<30%) et qu’ils peuvent comporter beaucoup d’amidon pour conserver la même texture, donc beaucoup de sucre. Quand le sucre est remplacé par des édulcorants comme dans les boissons lights par exemple, une étude a montré que non seulement elles ne feraient pas maigrir mais elles stimuleraient l’appétit pour des choses solides. Les buveurs de boissons lights consomment plus de calories que ceux qui n’en boivent pas, sous d’autres formes, une autre étude a montré que les consommateurs réguliers de boissons lights accumuleraient 3 fois plus de graisse abdominale que les autres (cause ou conséquence, c’est compliqué).

coureuse Bon et le sport alors ? Je peux maigrir en faisant du sport ? Alors oui, et non. Oui je sais c’est compliqué. Le problème c’est de faire du sport pour vouloir maigrir, car ça va souvent entraîner une réaction de surconsommation alimentaire après le sport, consciemment ou non on va compenser la perte calorique sportive, ou la surévaluer. Du coup il arrive régulièrement que des gens prennent du poids en commençant une activité sportive et pas seulement parce que “le muscle pèse plus lourd”. Ce qui est vrai c’est que le muscle va contribuer à stocker du glycogène, qui est stocké avec 3 fois son poids en eau, donc effectivement on peut prendre du poids en se musclant, par contre on doit constater qu’on mincit à défaut de maigrir, le corps est plus fort et plus ferme. Évidemment ça aura d’excellents effets sur votre qualité de vie, vos risques cardiovasculaire, votre moral, bref le sport c’est vraiment très bien, mais pas si vous le voyez juste comme un outil d’amaigrissement. C’est mieux d’en faire une part de votre mode de vie pour votre bien-être, et pour ça plutôt que le dernier sport à la mode, trouvez plutôt quelque chose qui vous plaira à faire pour que ce soit un plaisir et pas une corvée.

Je fais quoi alors pour les perdre mes kilos en trop ?

Je sens que j’ai déprimé l’assemblée en établissant grosso-modo que les régimes étaient tous moisis et qu’on reprenait tout le poids perdu.

Là normalement quelqu’un va me parler de son cas ou du cousin de la concierge qui a tout perdu et rien repris. D’abord il y a des gens qui gagnent au loto avec une probabilité de 1 sur 60 millions, donc 1 sur 200 qui conserve sa perte de poids forcément on en croise. Ensuite j’aimerais distinguer les gens qui maintiennent leur perte de poids en restant dans la restriction cognitive en se pesant tous les jours et en mesurant chaque calorie qui entre dans leur bouche, de ceux qui maintiennent un poids dit “de forme” se nourrissant sans contrôler leur alimentation. La restriction alimentaire est un comportement dangereux sur le long terme, ou au minimum éreintant.

Dessin de puyo
Dessin de puyo

Du coup est-ce que tout est vain, les minces resteront minces et les gros gros sans aucune alternative ?

Non.

Votre organisme est doté d’un outil excellent pour déterminer vos besoins alimentaires, et il vous le signale par la faim (combinaison d’hormones ghréline/leptine voir également cet épisode de La Tête au carré consacré à la faim). C’est une sensation qui se produit quand le niveau de glycogène dans le foie tombe sous un certain niveau, précédant habituellement le désir de manger.

Une des premières étapes de la réconciliation alimentaire des gens qui ont fait beaucoup de régimes c’est d’apprendre à ne plus craindre la faim. Les gens en restriction cognitive ont peur d’avoir faim, alors ils mangent avant de le ressentir, comme si la faim allait libérer les démons qui se nourrissent de chocolat/pizzas/bières/rayez la mention inutile. Alors oui ça risque d’être le cas si vous vous interdisez des aliments sous prétextes qu’ils sont “mauvais pour votre ligne”. A partir du moment où vous vous autorisez à manger ce qui vous fait envie, vous aurez beaucoup moins de mal à arrêter lorsque vous serez rassasié, vous ne vous direz pas que c’est la dernière fois que vous en mangez, qu’après vous vous comporterez “bien”.

La faim est facile à reconnaître, on sait qu’on a faim, on a le ventre qui grommelle, qui crampe,… A ce moment-là le plaisir gustatif lorsque vous mangez est à son apogée, on dit que la faim est le meilleur des assaisonnements. Le plaisir est maximal pour les premières bouchées, puis il diminue progressivement. On peut alors définir le rassasiement comme l’arrêt du plaisir alimentaire. A ce moment là, il est inutile de commencer à grignoter différentes choses en espérant retrouver ce plaisir alimentaire, il faut juste attendre d’avoir faim à nouveau.

En fin de repas, on est censé être totalement rassasié, aucun nouvel aliment ne parviendra à nous procurer du plaisir. On dit qu’on a atteint l’état de satiété. La satiété n’est pas la sensation d’estomac trop plein, quand on ne peut plus avaler davantage, à ce stade, vous avez dépassé depuis longtemps le moment du rassasiement et vous n’avez pas écouté les signaux qui vous indiquaient l’instant où vous aviez assez mangé. Quand on a pris l’habitude d’occulter ses signaux de faim et de satiété, ça demande un peu de temps à réapprendre. D’ailleurs prendre le temps de manger est important, notamment pour permettre au tissu adipeux de produire une hormone appelée leptine, qui va envoyer au cerveau le signal du rassasiement.

Le respect de vos sensations de faim et de satiété va vous permettre d’atteindre votre poids dit de forme, ce n’est peut-être pas celui qui vous faisait rêver ou que vous faisiez à 16 ans. Mais de la même manière que nous ne sommes pas tous profilés pour courir le 100 mètres en dessous de 10 secondes, même avec de l’entraînement, tout le monde n’est pas naturellement extrêmement mince, et ce n’est pas grave. Si vous souhaitez perdre du poids le mieux c’est finalement de trouver le mode de vie qui vous permet d’avoir le corps dans lequel vous vous sentez bien. Quel que soit votre poids de départ vous pouvez devenir très mince et musclé en faisant des heures de sport par jour et en restreignant votre alimentation, mais à moins de vouloir poursuivre ce type de comportement toute votre vie, c’est quelque chose qui conduira irrémédiablement à une prise de poids lorsque vous ne pourrez plus faire autant de sport ou surveiller autant votre alimentation. Ça passe également par le fait de virer tout ce qui ressemble de près ou de loin à une injonction comme terminer son assiette, ne pas manger entre les repas, ne pas sauter un repas,… tout ça peut s’oublier pour manger à sa faim.

régime
Idée de régime : mangez ce que vous voulez, et si quelqu’un essaie de vous faire la morale à propos de votre poids, mangez-le aussi.

Mais hors problèmes médicaux spécifiques ou dérèglement profond du métabolisme par des années de régimes drastiques, il est possible d’avoir une corpulence normale sans contrôler sévèrement son apport alimentaire. Tous ces concepts sont bien développés dans les livres des Dr Zermati et Apfeldorfer ainsi que sur le site du G.R.O.S. ou d’autres professionnels formés à la nutrition. Ils peuvent donner des clés pour mettre fin au cycle de restrictions et compulsions alimentaires pour réapprendre à profiter de la nourriture.

Il est également intéressant de voir l’impact de la nourriture sur notre corps, si vous avez comme moi des allergies alimentaires vous savez que vous êtes conditionnés à refuser fermement tout ce qui contient de cet allergène, à le traquer dans les plats qu’on vous propose, à poser systématiquement la question “il y a des poivrons dans votre sauce ?” (oui moi ce sont les poivrons). Sans aller jusqu’à l’allergie, certains aliments vont vous faire vous sentir bien, et d’autres pas. Je ne parle pas de virer dans l’ en classant les aliments en sains ou non, ce qui serait juste une nouvelle forme de restriction, mais seulement d’observer comment différentes choses vous font sentir. Ceci vous permettra de vous nourrir de la meilleure manière pour vous, ce qui n’est ni celle de votre voisin ni la mienne.

Pour conclure j’espère que vous savez maintenant comment votre corps utilise l’énergie que vous lui donnez en vous alimentant et pourquoi il en a tant besoin.  Que vous savez pourquoi les régimes hypocaloriques ne servent à rien, que les échecs répétés ne sont pas le fruit d’une faiblesse ou d’un quelconque manque de volonté mais bien un mécanisme de survie du corps humain. Sur ce, je vous souhaite donc un très bel été dépourvu de tout régime amaigrissant !  

 

Je me suis mis au régime : en quatorze jours, j’ai perdu presque deux semaines.
Joe E. Lewis

Derniers épisodes