Podcast Science tombe sur un os !

 

Ce dossier de Claire a été initialement diffusé le 1er novembre 2016, dans l’épisode Podcast Science #274. Bonne lecture !

 

C’est le 1er novembre, il faut du coup rester dans le thème, et rester raccord avec la mort, on va parler d’os ! De vos os, et de ce qu’ils peuvent révéler sur vous quand vous êtes mort. Avant de parler de mort, histoire de ne pas plomber l’ambiance tout de suite n’est-ce pas, j’ai quand même trouvé d’autres trucs à vous raconter sur les os, et on va quand même faire un petit arrêt sur la composition de l’os, et un petit détour sur une ou deux choses qu’on peut faire avec vos os quand vous êtes toujours vivant.

Composition des os

Vos os. Vous en avez 206. Dans notre corps, ils ont 3 grandes fonctions :

  • Une fonction biomécanique, puisque le squelette sert de support. Autrement dit, il permet de nous tenir debout et de ne pas être mou de partout. Il permet aussi, en binôme avec nos muscles, de bouger. Et il fournit aussi une protection aux organes (et là je pense en particulier aux os de notre crâne et de notre cage thoracique).
  • Une fonction métabolique, puisque le squelette constitue aussi un réservoir en sels minéraux, qui sont stockés dans les tissus osseux et libérés si besoin.
  • Une fonction hématopoïétique, avec l’hématopoïèse, nom barbare qui désigne le processus de production des cellules sanguines qui se passe dans la moelle des os.

Niveau organisation et composition des os, on va commencer par l’échelle macroscopique. Les os sont constitués de différents tissus, majoritairement du tissu osseux.

Il existe deux grands types de tissus osseux : le tissu osseux cortical ou compact, le plus dense, et le tissu osseux trabéculaire ou spongieux, qui lui est poreux.

Le tissu osseux compact est la partie la plus résistante, ce qui fait que sur les os longs comme le fémur ou le tibia, on le trouve sur la longueur, et on retrouve le tissu osseux spongieux, (ou trabéculaire !) aux niveaux des extrémités. Sur les autres types d’os (os courts et os plats) on retrouve en général le tissu osseux compact en externe et le tissus osseux spongieux en interne. Bien que dense, le tissu osseux compact, ou cortical, est quand même parcouru par des canaux appelés canaux de Havers.

Le tissus osseux compact est en fait organisé en cylindres parallèles entres eux, qu’on appelle les ostéons, et au centre desquels se trouvent les canaux de Havers qui permettent la vascularisation et donc la survie des cellules osseuses.

A l’échelle microscopique maintenant, l’os est constitué d’une phase minéral et d’une phase organique.

Niveau phase organique, ce sont des fibres de collagènes, donc des protéines. Et pour la partie minérale, on retrouve principalement des cristaux d’hydroxyapatite, un phosphate de calcium qu’on retrouve aussi dans les dents et dont la formule est Ca10(PO4)6(OH)2 et qui vient se loger entres les fibres de collagènes. Se loge aussi d’autres composés de calcium comme le phosphate octocalcique pentahydradé (Ca8(HPO4)4.5H20) ou le phosphate dicalcique dihydraté (CaHPO4.2H2O). Ce sont ces composés de calcium qui confère à l’os sa dureté et sa rigidité. Mais le calcium est aussi nécessaire au bon fonctionnement de nos nerfs et de nos muscles, coeur compris. Du coup quand le taux de calcium dans le sang est trop bas, il y a une dissolution de la partie minérale de l’os, pour permettre une libération de calcium dans l’organisme. Alors par contre, en vrai, si on prend la formule des cristaux d’hydroxyapatite, c’est un minéral cristallisé qui a une stabilité trop importante pour permettre sa dissolution quand besoin est. La phase minérale de l’os en réalité c’est une hydroxyapatite faiblement cristallisée, qui se comporte un peu comme une éponge et qui incorpore d’autres espèces dans sa structure, en particulier des ions carbonates qui viennent se substituer aux groupements phosphates (meilleur solubilité). L’hydroxyapatite peut aussi incorporer des éléments comme du strontium ou du magnésium qui vont se substituer au calcium, ou du fluor et du chlore qui vont se substituer aux hydroxydes. Ce qui fait que la composition minérale de l’os n’est pas identique d’un individu à l’autre, en fonction du sexe, de l’âge, de l’alimentation, et même différente d’un os à l’autre sur un même individu ! Ce qui fait que donner une composition générale et précise de l’os ce n’est pas possible, mais ce qui fait aussi que la composition physico-chimique de chaque os va être assez révélatrice… !

Verre bioactif

Grâce à ces composés de calcium, les os sont durs et rigides. Sauf que durs et rigides, ça ne veut pas dire que ça ne peux pas se casser ! Et en plus, c’est long à réparer. Parfois, dans certains cas grave, après une belle fracture ouverte ou après l’opération d’une tumeur, il faut même avoir recours à une greffe pour combler les « trous » dans les tissus osseux. Jusqu’à maintenant pour les greffes osseuses il y a deux grande solutions, soit l’autogreffe, où là on se débrouille pour vous faire pousser une excroissance osseuse quelque part dans votre corps, puis on vous opère pour récupérer l’excroissance osseuse et la greffer là ou y’a besoin. Ça évite les rejets, mais ça limite la quantité de greffon vu qu’on ne va pas vous faire pousser des excroissances énormes, et c’est en plus fatiguant car vous subissez une double opération. Soit l’autre solution c’est l’allogreffe, la greffe d’un donneur, donc là on prend des cellules osseuses d’un donneur mort et on vous les greffe. Encore une fois les os c’est génial parce que quand vous êtes mort on peut vous les piquer et en faire pleins d’autre trucs ! Par contre là le risque c’est le rejet.

Ça c’est les deux solutions pas mal utilisés, puisque d’après la Haute Autorité de Santé, il y a eu environ 16 000 allogreffes, donc avec donneur mort, par an en France. Le chiffre parait énorme. Du coup on voit qu’il y a une demande de greffons osseux importants. Et l’idée c’est de trouver d’autres matériaux artificiels pour remplacer le greffon osseux, sans risque de rejet évidemment, et dispo en grande quantité. Par exemple en orthopédie on utilise beaucoup des métaux pour tout ce qui est prothèse, en particulier le titane. Mais ce qui est dommage, c’est que ces métaux ne sont pas destinés à être un jour remplacés par de l’os. C’est ce qu’on appelle bioinerte, une fois qu’on vous métallise le squelette ça ne bouge plus. Ce principe d’inertie en milieu biologique à longtemps était roi, pour limiter au maximum la réponse de l’organisme à l’introduction d’un corps étranger. Mais maintenant l’autre idée, ce n’est plus de limiter l’interaction entre l’implant et le tissus hôte, mais au contraire que les 2 interagissent positivement pour accélérer la réparation tissulaire.

Et là l’idée, c’est de vous greffer du verre ! Et contrairement au métal, ce verre dit verre bioactif n’a pas pour objectif de rester, mais de favoriser plutôt la régénération osseuse et de se résorber en parallèle. Comment ça marche cette greffe de verre bioactif : on va prélever au patient quelques cellules osseuses, qu’on va les cultiver en laboratoire sur un support en verre ayant une structure poreuse, comme une éponge. Pourquoi poreuse ? Ça permet aux cellules osseuses de se multiplier et de coloniser entièrement le support et de laisser de la place pour que des vaisseaux sanguins puissent se former. Le verre de ce support est évidemment compatible avec le corps humain, puisque quand on vous fait la greffe, on vous met le greffon entier, support compris, et biodégradable, puisque l’idée c’est que ce support finisse par se résorber dans le corps pour laisser la place à de l’os.

En plus d’être biodégradable, ce verre contient du calcium et du phosphore en quantités suffisantes pour alimenter la formation du tissu osseux, et qu’il puisse au contact avec ce dernier former une couche minérale osseuse. En fait ça va commencer par une petite couche de phosphate de calcium qui va se former sur la surface du verre bioactif, échanger avec le tissu osseux environnants, et le tissus osseux va venir finalement coloniser le verre boiactif et le remplacer. En réalité c’est connu depuis quelques dizaines d’années, puisque la première synthèse de verre bioactif date de 1969. Et même si c’est fou sur le papier, apparemment les verres bioactifs sont en réalité peu utilisés en chirurgie pour le moment. Par contre il y a pas mal de thèses et de travaux qui sont sortis ces dernières années dessus, donc apparemment un petit regain d’énergie coté recherche et c’est possible qu’on en entende davantage parler ces prochaines années.

Anthropométrie judiciaire/Bertillonnage

Voilà, encore un truc à raconter sur les os quand on est encore vivant, c’est qu’ils ne mesurent pas tous pareil ! Et par là j’entends que vos mesures osseuses ne sont pas les mêmes que celle des autres. Bon, après je vous accorde que ça parait un peu évident ce que je vous raconte. C’est sur qu’entre mon petit mètre soixante et les 1m92 d’un de mes collègues de maths au Palais…

Sauf qu’entre moi et une autre personne de 1m60 aussi, ça ne serait pas pareil non plus. On a tous des mesures osseuses très différentes, tellement différentes qu’un petit malin appelé Bertillon s’en est servi dans les années 1900 pour identifier les récidivistes en criminalistique. Nous sommes en 1879, et à Paris c’est le bazar judiciairement. La police pour identifier les criminels a des moyens complètement artisanaux. Et leurs plus gros tracas, c’est d’identifier les récidivistes. Sauf qu’à l’époque, ce qu’on fait quand on a une arrestation c’est qu’on compile les condamnations par état civil, ce qui fait dans les 5 à 8 millions de fiches signalétiques classées par ordre alphabétique. Alors c’est le bazar, quand vous arrêtez un monsieur Dupont, pour aller retrouver sa fiche au milieu des homonymes, donc des autres Dupont, et vérifier s’il est récidiviste ou pas. En plus à l’époque, falsifier des documents d’identité c’est facile, alors si vous étiez récidivistes, vous changiez juste votre patronyme d’une arrestation à l’autre et vous voilà tranquille ! On a bien essayé de mettre des photos mais c’est pareil, c’est des clichés plus artistiques que techniques, pris sans aucune norme, et ça ne sert pas.

Et c’est dans ce décor qu’arrive un obscur gratte papier, mais qui a un bon pédigrée cela dit, puis qu’il est petit fil d’un mathématicien passionné de statistiques, et fil du docteur Louis-Alphonse Bertillon, directeur de la statistique à la préfecture de la Seine et co fondateur de l’école française d’anthropologie. Notre homme s’appelle Alphonse Bertillon. C’est un peu un cancre à l’école, il a pas fini médecine et son père lui décroche un boulot « d’auxiliaire aux écritures ». En gros il recopie des fiches signalétiques toute la journée. Sauf qu’Alphonse Bertillon il est comme papa et papy, il est passionné de statistique, et avec papa co fondateur de l’école d’anthropologie, son autre dada c’est les mesures osseuses. Il va mettre au point un système de classement des fiches signalétiques qui va révolutionner l’identification policière. Pour ça il se base sur 2 choses : la fixité métrique du squelette humaine à partir de 20 ans et la grand diversité des mesures osseuses d’un individu à l’autre.

Il met au point un procédé de signalement basé sur 11 mesures qui prêtent le moins à l’erreur, sont faciles à prendre , qui offrent un maximum de diversités dans les valeurs, et qui sont indépendantes les unes des autres: la taille, l’envergure des bras, le buste (hauteur de l’homme assis), la longueur et la largeur de la tête, la longueur et largeur de l’oreille droite, la longueur du pied gauche, la longueur du médius gauche, la longueur de l’auriculaire gauche et enfin la longueur de la coudée gauche.

Il va ensuite réalisé un système de classement efficace pour ces mesures, classés ces mesures en trois groupes : petit, moyen, grand. Pour faciliter les recherches, il note vite que c’est mieux de commencer par les mesures dont on est le plus sûr, dont les variations sont les plus considérables en fonction des individus mais les moins sujettes à variation avec l’âge, l’embonpoint ou même la volonté de l’individu. Il commence donc par diviser en 3 groupes selon la longueur de la tête. Puis chaque groupe est subdivisé en fonction d’une autre mesure (la largeur de tête, puis le médius etc.) Et là il est persuadé d’avoir créer LA solution à l’identification des criminels. Sauf que pas de bol, quand il présente son idée au préfet Andrieux en 1879, on l’envoie bouler, on le menace de renvoi, et comme on est sympa, on l’accuse aussi pour faire bonne mesure d’aliénation mentale et d’être un fou furieux. Sauf que le préfet Andrieux part à la retraite, est remplacé par le préfet Camescasse, qui lui est plus ouvert. En décembre 1882, on lui donne 3 mois pour identifier un récidiviste. En deux mois il mesure 589 suspects et accumulent donc autant de fiches anthropométriques.

  

Et à chaque arrestation il va farfouiller dans ses fiches pour voir s’il n’a pas déjà quelqu’un. A 10 jours de l’échéance il identifie son premier récidiviste, arrêté sous le nom de Dupont cette fois ci mais qui colle à une fiche pour vol sous le nom de Martin. En quelques années il identifie plus de 2000 récidivistes et se voit propulser à la tête d’un service créé pour lui : l’identification judiciaire. Bon tant qu’à faire quitte à inventer un truc qui marche, autant lui donner son nom, et on appelle ça le bertillonage.

La suite ? Le bertillonage a fini supplanté par les empreintes digitales. D’ailleurs Bertillon s’est montré très réticent par rapport aux empreintes, il a prôné que sa méthode était mieux. Il accepte à contre coeur d’ajouter l’empreinte de 4 doigts à ces fiches. Et fait amusant, c’est pourtant lui qui réussira la première identification en France par empreinte digitale, en 1902. Bertillon était quand même brillant, il est aussi à l’origine des portraits parlés (description précise du front, du nez et des oreilles), ancêtre du portrait robot, des normes pour les photos signalétiques, mais il a pas super bien fini, il a eu du mal sur la fin à admettre qu’il était pas tout puissant. Pour l’anecdote, les empreintes digitales ça a été adopté en 1901 par Scotland Yard, mais en France il a fallu attendre 1914 et la mort de Bertillon pour passer « au tout empreintes » et laisser tomber le bertillonage.

Ca je vous l’ai raconté pour l’info historique, car maintenant le bertillonnage ça été évidemment depuis belle lurette abandonné partout. Non maintenant vos os en criminalistique, ils servent surtout quand vous être mort. On passe enfin au moment morbide du dossier !

Anthropologie judiciaire, ou ce que vous os révèlent de vous après votre mort

Un jour, on meurt. Zéro suspense ! Et si jamais vous mourez seul, isolé, ou enterré dans le jardin de votre meurtrier, et que le temps qu’on retrouve votre cadavre, il ne reste que les os, ils vont quand même nous apprendre un tas de trucs sur vous, et permettre éventuellement de vous identifier.

Déjà, combien de temps ça prend la squelettisation, c’est à dire pour qu’il ne reste de vous que vos os : la réponse c’est, ça dépend ! De beaucoup de choses. De la météo, de si il y avait des bestioles pour venir bouffer sur votre cadavre ou pas… Dans les régions très froides, la squelettisation peut survenir dans un délai de 6 semaines à 8 ans, bonjour la précision, et dans les régions chaudes la squelettisation survient en une à quatre semaines. Et ça c’est si on ne prend que les températures, puisque les insectes ça change beaucoup la donne, puisqu’on a recensé des cas de squelettisation complète d’un cadavre adulte en seulement 7 et 16 jours.

Bref à vu de nez c’est un peu compliqué tout ça, quand vous déterrez des os dans votre jardin pas facile de dire au premier coup d’oeil s’ils sont là depuis longtemps ou pas.

Donc si jamais la mort est sans âge, la victime sans nom et que du cadavre il ne reste que les os, ce sont les anthropologues médico-légales qui entrent en scène !

Ce qu’ils vont pouvoir faire ces anthropologues médico-légales, c’est utiliser leur compétences en anthropologie et la mettre au service des enquêtes criminelles pour dresser un profil de la victime.

Et donc si jamais, on pose le scénario, vous déterrez des os dans votre jardin, ils vont se poser plusieurs questions.

Avant de faire quoi que ce soit d’autre, ils vont déjà commencer par vérifier que c’est bien des os que vous avez déterré. Parce qu’il existe d’autres matières qui peuvent être confondus avec de l’os pour un oeil non averti, surtout si c’est recouvert de terres ou de poussières. Donc l’anthropologue commence par nettoyer et observer tout ça, à l’oeil nu et avec un microscope. Et il regarde la structure à échelle macroscopique et microscopique dont on parlait au début du dossier, vérifier que c’est bien du tissus osseux.

Ensuite deuxième point, il va regarder que ce que vous lui donnez à analyser ce sont bien des os humains. Non parce que bon, si vous avez déterré des os de chèvre…

Tous les mammifères partagent la même organisation spatiale de leur squelette. On retrouve à chaque fois un crâne, une colonne vertébrale, des côtés et 4 membres. Sauf que la forme des os et la manière dont ils sont reliés entre eux diffère d’une espèce à une autre. L’anthropologue va donc regarder la taille et la forme des os. Au bout des os vous avez des saillies ont sont attachés les tendons et des ligaments, et des trous par où pénètrent vaisseaux sanguins et nerfs.

Une fois qu’on est sur que ce sont bien des os humains qui ont été déterrés dans votre jardin, les anthropologues reconstituent sur une table la « position anatomique », ils refont l’organisation physique du squelette. C’est une étape utile car cela permet un inventaire visuel rapide du squelette de l’individu et voir les morceaux manquants. Ce qui est assez urgent car ça permet aux autres qui sont restés sur le site de savoir ce qu’ils leur restent à chercher. Ca permet également de mettre en évidence s’il n’y a pas plusieurs victimes. Car si vous avez des doublons, comme deux fémurs droit, il y a probablement plus d’une victime. Mais si vous avez aussi un fémur gauche et un fémur droit de taille très différente, ça n’appartient probablement pas à la même personne… et donc plusieurs victimes également ! Et là il faudra alors départager quoi est à qui, en se penchant sur l’analyse de la composition physico-chimique de l’os. Si vous vous rappelez du début du dossier, on a vu que la composante minérale de l’os était très variable d’un individu à l’autre.

Une fois que vous savez combien de victimes vous avez, on va établir pour chaque un profil de cette personne. En fait on peut dire pleins de choses, de pleins de façon différentes. Je ne vais pas être exhaustive dans cette partie du dossier, sinon ça va vite faire listing.

Détermination du sexe 

Une fois que vous avez votre victime, ça peut être sympa de savoir le sexe. Pour ça on peut regarder la base du crâne, le front et la mâchoire. De façon générale les femmes ont un crâne plus petit que celle des hommes. Le crâne présente aussi quelques différences.

Au niveau des arcades sourcilières par exemple, ou de la crête occipitale. J’ai commencé par le crâne, mais niveau sexe, c’est le bassin qui fournit la différenciation la plus aisée. Et là je vous glisse un extrait d’un bouquin parce que j’ai adoré la phrase :

« En effet, tous les humains sont adaptés à la marche bipède, mais les femmes ont la particularité de donner naissance à des bébés qui ont des têtes relativement grosses. ». C’est vendeur ! Celui de la femme, adapté à la grossesse, est plus large, tout comme le sacrum, qui est l’os pyramidal formé des cinq vertèbres sacrales.

Pareil il y a aussi pleins de petits détails au niveau du bassin. Par exemple vous avez l’angle subpubien, sur le devant du bassin au niveau où les branches ischio pubiennes se rejoignent sous la symphyse pubienne qui est un plus grand chez la femme. Globalement en fait chez la femme les os du bassin sont plus fins et plus légers, et il y a plus de place. En fonction de la conformation du bassin et du sacrum de la femme d’ailleurs, on peut même savoir si elle a donné naissance ou pas !

Age 

Pour ce qui est estimation de l’âge du défunt, le squelette adulte compte 206 os alors que le nourrisson à la naissance en a 270. Alors évidemment on ne les jette pas en grandissant, mais certains os fusionnent entre eux avec la croissance. À la naissance, nos os sont principalement constitués de cartilage souple, et au fur et à mesure que nous grandissons, ce cartilage est remplacé par de l’os solide à partir des centres d’ossification. Étant donné que ces centres d’ossification croissent et se fusionnent selon un schéma temporel que l’on connait, il est possible de déterminer, à partir de leur observation, l’âge d’un enfant. Sachant que la précision de l’évaluation de l’âge diminue avec l’avancement de la vie. Plus vous êtes vieux, moins on sera précis.

Par exemple, les parents savent que les fontanelles, les points mous sur le crâne du bébé entre les os du crâne se solidifient lentement durant les premiers mois de la vie, mais on sait moins que les autres sutures crâniennes, continuent à se solidifier toute au long de la vie. Du coup c’est un peu l’opposé de la peau. Plus lisse est le crâne et plus vieux est le bonhomme.

La main et le poignet sont aussi révélateurs, comme on peut le voir sur les radiographies de la main gauche d’un sujet masculin à 6 mois, 6 ans, 8 ans et adulte.

Quand on est petit on est tout cartilagineux. Ensuite sur les autres clichés à 6 et 8 ans on a des petits os qui sont en train d’apparaitre sur les extrémités des os longs au niveaux des doigts, qu’on appelle des cartilages de conjugaison, et ces os vont finir par fusionner avec les os longs pour ne former plus qu’un sur la main adulte.

La clavicule, dernier os à achever sa croissance, peut aussi grandir jusqu’à l’âge de 28 ans. Un peu avant trente ans, la croissance des os se termine et l’âge au décès doit, par conséquent, être évalué à partir des changements liés aux processus dégénératifs de l’organisme. Les articulations sont très sujettes à la détérioration et c’est notamment  le tissu spongieux, situé en extrémités des os longs qui se raréfie avec l’âge. Pareil je vous liste pas tout, mais on peut par exemple aussi regarder la quatrième côte chez les adultes pour estimer l’âge au décès d’une personne, car son extrémité qui la relie au sternum s’ossifie constamment avec l’âge.

Détermination de la taille/poids/musculature/traumatismes/maladies 

On peut aussi déterminer la taille, le poids, la musculature, les traumas ou les maladies. Pareil je ne liste pas tout sinon ça va être redondant, mais je vous donne juste quelques exemples : si le squelette est retrouvé en totalité pour la taille on ajoute à la taille du squelette une valeur correspondant à la masse des tissus. Sinon, la longueur des os des jambes et le fémur en particulier est révélateur de la taille.

Pour le poids et la musculature peuvent être déterminés grâce à la taille, la position et le type des attaches musculaires. Les attaches musculaires au niveau du poignet peuvent réveler si le sujet était droitier ou gaucher. Elles sont plus fortes du coté dominant.

Les violences laissent aussi des traces sur les tissus osseux. Un trauma pendant la vie se révélera via votre squelette. Des problèmes génétiques ou nutritionnels, ainsi que toutes sortes de maladies, d’infections et de fractures guéries peuvent marquer l’os d’une manière unique. Au niveau maladie, les problèmes nutritionnels peuvent par exemple laisser des traces sur les os. Les anémies (carences en fer) liées à l’alimentation entraînent un gonflement de l’espace réservé à la moelle dans les os, surtout au niveau de la voûte crânienne. Les cancers peuvent aussi engendrer de la pression sur les os environnants qui montrent alors des lésions, voire même des trous. D’autres types de cancers impliquent la croissance de tumeurs à l’intérieur même des os. Niveau trauma et fractures, les os guérissent, mais gardent souvent des traces du traumatisme, à la manière d’une cicatrice sur la peau. Si la fracture était importante et a requis une intervention médicale, il est possible que des plaques de métal ou des vis soient présentes. Certaines de ces pièces possèdent un numéro de série qui peut permettre de retracer le manufacturier et vous identifier.

Informations raciales 

Le type racial peut aussi être indiqué. Même si aujourd’hui on a une société pluriethniques et qu’on va y aller avec prudence. Beaucoup d’anthropologues n’émettent plus d’avis définitifs sur ces questions.

Les crânes des personnes d’origine asiatique se distinguent souvent par des pommettes saillantes, ce qui est moins le cas des crânes de type caucasien, qui ont eu généralement un menton proéminent et un nez haut. Tandis que les personnes d’origine africaine ont un crâne plutôt reconnaissable à une large ouverture nasale.

Etiez vous beau ?

Voilà, alors juste avec vos os, pour récapituler, on a pu dire votre sexe, estimer votre âge et votre origine ethnique, votre taille, une idée de votre poids et de votre musculature, vos éventuels traumas et maladies. Et si tout ça n’a pas suffit à l’identification, il reste un dernier truc pour finir ce dossier, on peut faire de la reconstitution faciale a partir du crâne, et avoir une idée de ce à quoi ressemblait le mort.

Le pionnier c’est Mikhaïl Gerasimov, un anthropologue qui aux alentours des années 1950 a enfoncé des aiguillettes dans les chairs mortes de milliers de cadavre pour déterminer l’épaisseur des tissus et des muscles en fonction de leur place sur le crâne et de l’âge du sujet. Technique amélioré depuis et remise à l’heure du numérique. Avant c’était plutôt des techniques manuelles comme des ajouts de couche d’argile sur le crâne, ou une combinaison d’un dessinateur qui écoute la description de l’anthropologue. Maintenant c’est plutôt fait avec des logiciels qui font de la reconstitution 3D sur ordi, et qui disposent de tables de calcul des épaisseurs moyennes de tissus au niveau de 12 points précis du visage, qui permettent de redessiner la forme d’un visage. Par contre ça permet juste de donner la forme du visage, il n’y a pas d’informations sur la teinte de la peau, des cheveux ou des yeux, et il y a des endroits ou ça reste super vagues, comme les oreilles ou le bout du nez, vu que c’est que du cartilage, et que c’est plus mou, on ne peut pas dire si le nez était retroussé ou pas à partir d’un crâne ou si les oreilles étaient petites ou grandes.
Et si vous avez déjà une idée de l’identité de la personne à qui appartient le crâne et que vous disposez d’une photo, on peut faire de la craniophotométrie comparative : comparaison de mesures et indices angulaires entre le crâne et une photographie d’un visage. En 1985 cette technique a permis d’identifier le crâne exhumé de Joseph Mengele, médecin SS d’Auschwitz qui avait fui, ce salopard, en Amérique du sud. Et ça a été confirmé plus tard par une comparaison odontologique puis en 1992 par une analyse ADN. Et donc oui, c’était bien son crâne !

Conclusion

Une dernière info pour finir ce dossier sur une note un peu plus « joyeuse » ! Sachez que votre squelette peut aussi devenir une œuvre d’art ! J’ai découvert cet après-midi qu’un photographe appelé Robert François a acheté un squelette humaine « par erreur », et qu’il en a fait toute une très belle série de photos qui dénonce des choses comme la violence, les conflits ou les armes.

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