Dossier: le bonobo

Dossier d’Alan dans l’épisode #2.

Bonobo (Wikipedia)
Bonobo (Wikipedia)

En anglais, il existe deux mots pour désigner les singes… Les singes à queue « Monkeys » et les singes sans queue, « Apes ».
Les grands singes sans queue, « Great Apes » ou « Hominidés » constituent une famille qui compte aujourd’hui 4 genres :

  • Le genre « Pongo », soit les Orang-Outans ;
  • Le genre « Gorilla », le nom parle de lui-même ;
  • Le genre « Pan », les chimpanzés et bonobos ;
  • Et le genre « Homo » : rien à voir avec l’orientation sexuelle… C’est juste le genre humain !

Lançons un nouveau pavé dans la mare : l’HOMME NE DESCEND PAS DU SINGE !

L’homme EST un singe !

Un ami me disait récemment qu’il faut avoir beaucoup d’imagination pour faire le rapprochement entre un homme et un chimpanzé. Vraiment ? Moi, je pense plutôt qu’il faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour ne pas faire le rapprochement.

Si on demandait à un souriceau intelligent et habile de créer un homme ou un chimpanzé en pâte à modeler, il devrait s’y prendre à peu près de la même manière…

Deux pieds, deux jambes, faites d’un mollet, d’un genou, d’une cuisse. Un bassin, un abdomen étroit, un torse, des glandes mammaires pectorales, deux épaules, deux bras, coudes, avant-bras, deux mains de cinq doigts dont un pouce opposable, des ongles, un cou, une grosse tête contenant un gros cerveau, avec des oreilles un peu décollées, deux yeux intelligents installés dans une orbite osseuse, un nez, deux narines, une bouche contenant 32 dents, une langue rose…

Des accouplements possibles tout au long de l’année, des grossesses produisant un seul petit (rarement des jumeaux)…

Et ça, c’est la partie visible… Je ne vous parle même pas de la similitude du squelette, des organes internes, des systèmes nerveux et musculaire…

Au niveau génétique, une gigantesque étude conduite en 2005 par plus de 18 institutions dans 5 pays, consistant à mettre côte à côte chaque gène du génome humain et de celui du chimpanzé et de chercher les différences, a conclu que l’homme et le chimpanzé partagent 99% de leur patrimoine génétique. Les quelques différences tiennent dans un ridicule petit pourcent ! Le chimpanzé est plus proche de l’homme que du gorille ou de l’orang-outan. Ca remet les choses en perspective, non ? (Bon, pour être tout à fait honnêtes, aujourd’hui, ce chiffre de 99% est un peu controversé. On l’a vu, les preuves scientifiques ne vivent jamais bien longtemps… Mais, bon, on se bat sur des zéros après la virgule : l’ADN de l’homme et celui du singe restent extrêmement proches)

Les différences quand on y pense, ne sont pas si nombreuses : on a le museau un peu plus aplati, on a (en général) moins de poils, on s’est parfaitement adaptés à la bipédie, on a un plus gros cerveau et un système phonatoire qui nous permet de parler…. Et même la capacité de se mettre à la place de quelqu’un qui se met à notre place!

Pour autant, nous ne sommes pas plus évolués que le chimpanzé. Mais chacun s’est adapté au mieux aux conditions de son environnement depuis notre ancêtre commun dont on pense qu’il vivait il y a quelque 5-7 millions d’années. Et on peut dire qu’on a eu le temps et l’occasion de changer, en quelque 400’000 générations côté chimpanzé et 383’000 générations côté humain (on estime que depuis un million d’années, une génération humaine dure environ 20 ans. Avant cela, elle était estimée à 15 ans, comme pour les chimpanzés, qui en sont toujours à 15 ans).

Mais bon, tout cela est fascinant, mais l’évolution humaine n’est pas le sujet du jour… Le sujet, c’est le bonobo !

Alors, le bonobo, c’est qui ?

On l’appelle aussi chimpanzé nain (ou pan paniscus) et c’est le cousin germain du chimpanzé commun (ou pan troglodytes). Le bonobo se distingue notamment de son cousin par une face plus sombre et par une bipédie plus fréquente. Le bonobo serait également moins intelligent que son cousin, ce qui serait compensé par un comportement social moins agressif que chez le chimpanzé (lui même moins intelligent et moins agressif que l’homme… Intéressante corrélation !)

Mais bon, je digresse à nouveau… Ce qui est super intéressant, chez les bonobos, et vraiment instructif pour l’homme, c’est leur organisation sociale. L’article de Wikipedia à cet égard, est super intéressant, je cite :

Chez les bonobos, les relations sexuelles, feintes ou réelles, sont plus souvent utilisées comme mode de résolution des conflits, à côté des mécanismes de domination. Les études suggèrent que les 3/4 des rapports sexuels entre bonobos n’ont pas des fins reproductives, mais sociales, et que presque tous les bonobos sont bisexuels. Des scientifiques ont appelé cette méthode d’accouplement le « sexe convivial ». Ils copulent en moyenne 8 fois 10 secondes par jour.

Par exemple, il est courant qu’un membre du groupe pratique des actes sexuels dans le but de plaire à un autre membre ou pour réduire les tensions sociales (par exemple, un individu subordonné peut utiliser des actes sexuels pour calmer un autre individu plus fort ou plus agressif). Mais si cette fréquence des rapports est exceptionnelle dans le règne animal, et supérieure à celle de tous les primates, les accouplements sont rapides et furtifs, sans aucun geste préparatoire, et ne durent en moyenne qu’une quinzaine de secondes. Leur seul tabou sexuel serait l’inceste.

(…)

À côté des pratiques sexuelles variées dont la sexualité orale, le baiser avec la langue et les rapports homosexuels (…) le bonobo serait l’un des seuls à pratiquer, comme l’humain, le coït ventro-ventral (face à face).

(…)

Par ailleurs, l’organisation sociale des bonobos en captivité présente une autre particularité. La paix du groupe est également maintenue par l’existence d’un bouc émissaire (ou pharmakos). Lorsqu’un groupe de chercheursa retiré un bonobo blessé et frappé par les autres membres du groupe, une accentuation de la violence et une baisse de la sexualité ont pu être remarquées. A contrario, lorsque ce dernier fut ré-intégré au groupe, la paix du groupe fut ré-instaurée.

Takayoshi Kano, de l’Institut de primatologie de Kyoto, a commencé, en 1973, à étudier les bonobos dans leur milieu. Dans son livre, The Last Ape (Le Dernier Grand Singe), il oppose sans cesse le chimpanzé brutal et jaloux au bonobo pacifique et libertin. Selon lui, la société humaine serait née d’une liberté sexuelle comparable, et non de l’agression (…). De même, de Waal parle d’une espèce qui « fait l’amour, pas la guerre ».

Bon, l’article met également en garde quant à l’idéalisation des sociétés de bonobos. On en a fait une espèce de mythe d’un modèle social un peu flower-power, et ce modèle ne colle pas toujours à la réalité… Quand les bonobos se battent, ils ne font pas dans la dentelle… Ils visent directement les parties génitales, en particulier les testicules des mâles; ça fait froid dans le dos, mais ça a sans doute le mérite d’être efficace. Et si un mâle étranger à la tribu a la mauvaise idée de passer par là, il se fait tout simplement massacrer par les mâles de la tribu. Leur modèle de politique d’immigration n’est pas franchement peace & love non plus.
Mais bon, modèle intéressant quand même… Ah oui, encore une petite précision… La plupart des sociétés Bonobo observées fonctionnent sur le mode matriarcal. C’est à dire, en résumé, que même s’il existe aussi une hiérarchie chez les mâles, ce sont les femelles qui ont le dernier mot. La position hiérarchique de chaque mâle, d’ailleurs, est déterminée par le statut de sa mère.

Mieux, on vient de découvrir que les mères des jeunes mâles moins bien lottis interviennent pour qu’ils aient leur chance de se reproduire et de s’assurer une dépendance… L’envie d’être grand-mère plus forte que tout… Heureusement que le parallèle s’arrête là, vous imaginez votre mère en entremetteuse ? 😉

Il y aurait encore des centaines de choses à dire sur les bonobos… Leur habitat, leur extinction, les éthologues, les primatologues qui consacrent leur vie à les étudier…

Je voulais juste faire ce sujet 1. pour être un peu moins abstrait que la semaine dernière, 2. car il nous a été soufflé à demi-mot par une auditrice et 3. pour montrer une fois encore que la science, ce n’est pas forcément des maths et de la physique, des trucs super compliqués étudiés en laboratoire, mais que ses champs d’application d’investigation sont plus variés encore qu’on ne peut l’imaginer. La science cherche à expliquer l’origine du cosmos, l’origine de la vie et pour cela elle décortique aussi les petits riens qui font notre quotidien et celui de nos lointains cousins… En observant les sociétés animales, nous en apprenons également très long sur nous, à condition bien entendu de conduire les observations avec patience, rigueur, honnêteté, de manière systématique et, en l’occurrence, avec une sacrée dose de modestie!

http://en.wikipedia.org/wiki/Human_evolution

http://en.wikipedia.org/wiki/Common_descent

http://en.wikipedia.org/wiki/Chimpanzee-human_last_common_ancestor

http://en.wikipedia.org/wiki/Ape

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hominidae

http://fr.wikipedia.org/wiki/Panina

http://en.wikipedia.org/wiki/Human_evolutionary_genetics

http://eskeletons.org/

http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_bones_of_the_human_skeleton

http://www.astrobio.net/pressrelease/1848/chimps-and-humans-on-similar-clock-time

www.pnas.org/content/103/5/1370.full.pdf

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/08/31/AR2005083102278.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Goodall

http://fr.wikipedia.org/wiki/Frans_de_Waal

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bonobo

http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/zoologie/d/revant-de-devenir-grand-meres-les-mamans-bonobos-aident-leurs-fils_25023/#xtor=RSS-8

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