Dossier – Dans quelle langue pensent les sourds?

Dossier de Mathieu dans l’épisode #20.

Les sourds pensent-ils en français s’ils utilisent le langage des signes et s’ils lisent le français? Comment pourraient-ils le faire s’il n’ont jamais entendu prononcés les mots qu’ils transforment en signe et qu’ils lisent? Peut-être visualisent-ils simplement des mots au lieu de les entendre? D’une manière plus générale, peut-on penser sans langage?

  • Personne devenue sourde à un âge tardif: elle pensera dans la langue apprise durant son enfance.
  • Personne née totalement sourde:  il est préférable que sa surdité soit détectée durant les premiers 21 et 36 mois, période critique durant laquelle les bébés acquièrent facilement les fondamentaux du langage, créant ainsi dans leur cerveau l’infrastructure cognitive essentielle à la communication. Un diagnostic trop tardif de la surdité, par exemple à la scolarisation, peut entraîner des difficultés d’apprentissage sévères, même si l’intelligence de l’enfant est tout à fait normale. Si la surdité est détectée assez tôt, l’enfant sourd pourra acquérir un langage gestuel au lieu d’un langage oral.

Une langue naturelle

Le langage des signes (LS) est une langue naturelle, elle s’est formée et a évoluée petit à petit au fil du temps et a été transmise culturellement de génération en génération. On oppose les langues naturelles aux langues construites (comme l’espéranto, les langages de programmation et langages mathématiques), qui, elles, ont été formées intentionnellement par l’homme dans le but de remplir un besoin précis. Les différentes langues des signes ne sont pas des adaptations des langues orales, ce sont des langues naturelles qui ont évoluées en suivant leur propre chemin. La LS est d’ailleurs d’une certaine manière plus proche du chinois (un signe pour représenter un mot/phrase) que du français.

sourd - LSF

Illustration de Anne Goudenove pour http://www.anne-goudenove.com/TabLSF.htm

Une langue des signes universelle?

Il existe plusieurs langues des signes (il en existerait 121), selon le pays, la région (dialectes)…par exemple la langue des signes américaine diffère beaucoup plus de la langue des signes anglaise que de leur équivalent oral. On voit que lors d’événements internationaux qui réunissent des personnes sourdes de différents pays, on a besoin de traducteurs de langues des signes.

De la même manière qu’on a créé une langue orale internationale et universelle comme l’espéranto, il existe un équivalent international pour la langue des signes qui s’appelle le gestuno (la Langue des Signes Internationale – LSI). Dans les deux cas, le succès a été relatif…l’anglais s’est imposé comme langue internationale orale et dans le cas des sourds, on utilise principalement la langue des signes américaine.

En France, on utilise la LSF (Langue des Signes Française), en Suisse Romande on utilise la LSF avec quelques petites variations locales.

La langue des signes se compose de gestuelles qui représentent un mot entier ou une phrase, et d’un alphabet dactylologique (le correspondant signé de l’alphabet latin). L’alphabet dactylologique est utilisé pour épeler les noms propres ou les mots n’existant pas encore en LSF. La dactylologie de la LSF se fait d’une seule main, alors que l’anglaise se pratique avec les deux mains.

La grammaire de la LSF est en 3D, c’est-à-dire qu’il est possible d’exprimer plusieurs idées simultanément, ce qui la différencie de la grammaire française linéaire. Les expressions du visage sont aussi utilisées pour indiquer le sens de la phrase. Il n’existe pas de conjugaison en LSF, il suffit au signeur de situer l’action sur la ligne du temps (perpendiculaire à lui : derrière son épaule le passé, au niveau de son corps le présent et devant lui le futur).

alphabet dactylogogique - signes

La pensée

La langue des signes offre à leurs utilisateurs l’habilité de manipuler des symboles, capter des abstractions, acquérir et exécuter de manière active la connaissance. En d’autres termes, la langue des signes aide à ce que l’enfant en bas âge puisse apprendre à penser en langue des signes. Exactement la même chose qui nous est arrivé enfant lors de notre apprentissage à communiquer oralement dans notre langue maternelle.

Il peut aussi s’avérer utile à un sourd d’apprendre la langue orale et écrite afin de pouvoir lire sur les lèvres de son interlocuteur, lire différents panneaux et indications, lire des livres, suivre des films sous-titrés… Il existe un débat sur si l’on doit offrir aux bébés sourds une éducation strictement orale, en langue des signes ou bilingues. Ce qu’on a constaté c’est qu’un enfant sourd qui apprendrait à posteriori notre langue deviendra bilingue, mais continuera à penser en langue des signes. De la même manière lors de son sommeil, il codifiera ses rêves en signes. Il peut arriver qu’un sourd lors de son sommeil gesticule occasionnellement avec des signes de sa langue.

Sources

http://fr.wikipedia.org/wiki/Langue_des_signes_fran%C3%A7aise

http://anne-goudenove.com/TabLSF.htm

http://www.straightdope.com/columns/read/2486/in-what-language-do-deaf-people-think (article en anglais)

http://amazings.es/2010/12/11/en-que-idioma-piensan-los-sordos/ (article en espagnol)

http://soyunomas.com/index.php/articulos-de-usuarios/900-ilengua-de-signos-universal (article en espagnol)

http://elbosquedelostruenos.spaces.live.com/blog/cns!288ADD9545EC61BA!1364.entry (article en espagnol)

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