Dossier – L’ADN mitochondrial

Dossier d’Alan dans l’épisode #21.

Déjà entendu parler de l’ADN mitochondrial?

On en parle souvent lorsqu’il s’agit d’identifier des lignées ou d’établir des filiations. On en a parlé il y a quelques mois lors d’une première analyse de notre degré de parenté avec l’hominidé de Denisova (un proche cousin, mais tout petit, qui a vécu en Sibérie il y a entre 1 million d’années et 40’000 ans, parmi les Néandertal et nous autres, les Homo Sapiens)

Détail d'une cellule eukaryote animale, on voit bien les organelles. Merci Wikipedia :)Chaque plante et chaque animal sur cette planète compte, dans chacune de ses cellules un petit passager clandestin, un minuscule organisme (ce qu’on appelle organite ou organelle), qui contient son propre ADN: une mitochondrie.

Historiquement, les mitochondries sont sans doute un vestige de bactérie parasite, mais l’évolution a bien fait les choses: chacun y trouve son compte!

D’un côté, la mitochondrie se complaît dans l’environnement pauvre en oxygène que lui fournit la cellule hôte. De l’autre, elle produit l’ATP, qui est en quelque sorte la monnaie d’échange de l’énergie dans l’organisme. Elle joue un rôle physiologique primordial: sans mitochondrie, pas de vie animale ou végétale telle que nous la connaissons.

L’ADN mitochondrial (ou ADNmt) est super intéressant pour les analyses génétiques car:

  • chez l’humain, il ne compte que 37 gènes (alors que l’ADN humain en compte quelque 25’000). Il est en général mieux conservé et évidemment, beaucoup plus vite décodé
  • contrairement à l’ADN humain qui est un assemblage de la moitié des gènes de la mère et de la moitié des gènes du père (donc du quart de chaque grand-parent ou encore du huitième de chaque arrière-grand-parent, etc.) rendant super difficile l’établissement de la filiation au-delà de quelques générations, l’ADN mitochondrial n’est transmis que par la mère, qui le tient elle-même de sa mère qui le tient de la sienne, etc. Cela simplifie donc énormément l’étude des filiations mère-enfant et la datation des lignées. L’ADN mitochondrial des mâles provient de leur mère et n’est pas transmis à la génération suivante.

Toutes les lignées matrilinéaires devraient donc avoir le même ADN mitochondrial. Mais non… Car à intervalles statistiquement réguliers, il y a des erreurs de copie dans le processus de réplication… Les fameuses “mutations génétiques” à l’origine de la diversité des espèces. C’est en mesurant les différences entre deux génomes mitochondriaux qu’on peut établir si la lignée est la même, à quand elle remonte ou dans le cas deux lignées différentes, à quelle époque elles ont divergé (et donc à quand remonte leur dernier ancêtre commun). Darwin se demandait si les chiens et les loups étaient apparentés: l’ADN mitochondrial l’a démontré. L’ADNmt des loups et des chiens est encore incroyablement proche, on pourrait presque dire que les chiens sont des loups…

En génétique humaine, certaines caractéristiques de l’ADN mitochondrial en font un matériel de choix pour essayer de comprendre l’origine des populations humaines:

  • C’est un ADN abondant dans les cellules, puisque les mitochondries se retrouvent à des milliers d’exemplaires par cellule, alors que l’ADN nucléaire (notre ADN normal, quoi…) n’est présent, lui, qu’en 2 exemplaires non identiques par cellule (le fameux double-brin).
  • La vitesse de mutation est plus importante que dans le génome nucléaire ce qui permet d’étudier des évolutions récentes, comme c’est le cas pour la récente origine de Homo sapiens.

Ainsi des études récentes ont montré que toutes les mitochondries humaines dans le monde ont une origine commune datée de environ -150 000 ans, en Afrique. C’est la théorie de l’Ève mitochondriale.

Plus récemment, les restes du Tsar Nicolas II et de sa famille ont été identifiés en comparant l’ADNmt des restes trouvés à Iekaterinbourg avec celui du Prince Philip (dont la grand-mère maternelle était la sœur de la tsarine Alexandra). L’identification est sûre à 99%.

Voilà… J’avais en fait préparé ce dossier pour le numéro 0 de Podcast Science, enregistré avec Mathieu en mai 2010. Depuis, il y a du nouveau sur l’homme de Denisova: son génome nucléaire a également été séquencé, et il n’y a plus aucun doute aujourd’hui, c’est bien un troisième représentant du genre homo, aux côtés de Neandertal et de nous autres, Sapiens. Tout comme il y a eu hybridation entre Sapiens et Neandertal (tous les homo sapiens d’origine européenne ou asiatiques portent en eux quelque 4% d’ADN Neandertal, ce qui n’est pas vrai pour les Africains), il y a eu hybridation entre Sapiens et Denisova (les populations de Mélanésie portent en elles des traces d’ADN Denisova).

Dans le cas de l’Homme de Denisova, donc, l’analyse de l’ADN nucléaire a confirmé celle de l’analyse de l’ADN mitochondrial.

Mais ce n’est pas toujours le cas… Pour rebondir sur le sujet de Mathieu. A votre avis, le mammouth est plus proche de l’éléphant d’Afrique ou de l’éléphant d’Asie? Et bien dans ce cas, c’est paradoxal… l’ADN mitochondrial dit Asie alors que l’ADN nucléaire dit Afrique! Comme quoi, avec les mammifères en particulier, il faut toujours être très prudents quand on généralise à partir de l’ADN mitochondrial. Dans la mesure où il n’est transmis que par la lignée maternelle et que chez la plupart des espèces les femelles restent en groupe alors que les mâles partent à l’aventure et échangent joyeusement leur ADN avec n’importe qui, tout est possible 😉

Sources et lectures complémentaires:
http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nome_mitochondrial
http://www.genoscope.cns.fr/externe/Francais/Questions/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Organite
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ad%C3%A9nosine_triphosphate (ATP)
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%88ve_mitochondriale
http://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_mitochondriale
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hominid%C3%A9_de_Denisova
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/genetique-1/d/lhominide-de-denisova-un-nouveau-cousin-vieux-de-30000-ans_26821/#xtor=RSS-8
http://scienceblogs.com/afarensis/2006/09/mammoth_nuclear_dna_says_afric.php

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