Les sondes Voyager

Dossier écrit de l’épisode 189 de Podcast Science

Dans les planètes du système solaire, la plupart sont connues depuis l’Antiquité. Il s’agissait alors de repérer les points dans le ciel qui ne bougeaient pas avec les autres, ceux qui ne rentrent pas dans ces grands amas fixes que les grecs ont définis comme mes constellations.  On connaît alors les planètes rocheuses (Mercure, Venus et Mars) et deux planètes gazeuses (Jupiter et Saturne), et cela reste pareil jusqu’à la Renaissance. En effet, les autres corps du système solaires ne sont pas assez lumineux pour être observé à l’œil nu. En 1610, Galilée apporte un peu de nouveauté en observant 4 satellites autour de Jupiter. Ces satellites, Ganymède, Callisto, Io et Europe sont de taille comparable à celle de la planète Mercure, donc il s’agit vraiment d’une découverte incroyable qui va d’ailleurs guider sa remise en cause du système géocentrique de Ptolémée.

Il faut ensuite attendre 1781 pour avoir un peu de neuf avec la découverte d’Uranus par William Herschel. Cette découverte mène à la prédiction de la présence de Neptune par des matheux. Parallèlement en 1846, Urbain le Verrier en France et John Couch Adams en Angleterre, analysent les perturbations de l’orbite d’Uranus et en déduisent la position de Neptune, qui est effectivement observée. On trouve dans les siècles qui suivent une dizaine de petites Lunes autour de Jupiter et Saturne, 5 autour d’Uranus et une autour de Neptune. Et bien sur, Pluton, en 1930.

Cependant, on ne sait quasiment rien de ces lunes et de ces planètes. Les lunes sont a peine résolues (des points ou quelques pixels au mieux) et on n’a quasiment aucune information sur les planètes.

Ballades interplanétaires

ps189_Bz7g3bJCEAEYXJ4.jpg
Transfert d’Hohmann par Inti

Vient le moment où on commence à envoyer des trucs dans l’espace. Bon je vais pas vous faire un dossier complet sur la conquêt… pardon sur l’exploration spatiale, disons juste que l’on a commencé à envoyer des tas de sondes vers les objets proches : Lune, Mars, Venus,  Mercure et puis on a commencé à regarder plus loin.

Comment va t’on sur une autre planète ? La première méthode à laquelle on peut penser, c’est la ligne droite. On tire, la fusée en ligne droite vers l’objet, ou plutôt vers l’endroit où va se trouver l’objet quand on sera à cet endroit. C’est comme ça que les fusées fonctionnent pour mettre les satellites en orbites basses. Le problème principal de cette méthode, c’est le temps de parcours et la quantité de carburant utilisée. En effet, plus on veut pousser longtemps, plus on doit embarquer de carburant mais plus on embarque de carburant, plus on est lourd et plus on est lourd, plus on doit pousser, etc. L’idée qui émerge assez vite, c’est d’utiliser de petites poussées stratégiques seulement et de laisser la gravité faire le reste. C’est particulièrement pratique lorsque vous voulez vous rendre d’un objet à un autre qui orbite autour du même objet. Ces techniques sont connues depuis bien avant qu’on envoie des trucs dans l’espace, entre autres développées par l’ingénieur allemand Walter Hohmann (1880 – 1945).

Pour bien expliquer ce qu’est une orbite de Hohmann, il faut revenir aux bases de la gravitation. Ce qu’à remarqué Kepler, au XVIIème siècle, c’est que les corps orbitent les uns autour des autres selon des ellipses dans le cas général. Cette observation fine du mouvement des planètes fut plus tard totalement décrite par  Newton, qui mathématisa tout ça et décrit de manière général toutes les trajectoires suivies par un corps autour d’un autre. Bref ce qu’il faut retenir, c’est que les orbites d’un objet autour d’un autre beaucoup plus massif sont décrites par des ellipses (et parfois, dans un cas particulier, un cercle). On définit l’excentricité de l’ellipse, qui exprime l’écart de forme entre l’orbite et le cercle parfait dont l’excentricité est nulle (e = 0) et l’inclinaison de l’ellipse, qui mesure l’angle du plan dans lequel se trouve l’objet.

ps189_Bz7d9x9CEAAiJuB.png
Orbite d’Hohmann

L’idée du transfert de Hohmann c’est d’étudier quels sont les changements d’orbites les moins gourmands en énergie. Par exemple, un changement d’inclinaison (ou changement du plan de l’orbite) est TRES gourmand en énergie. C’est la principale erreur du film Gravity d’ailleurs car Hubble et la station spatiale internationale (ISS) ne sont pas du tout dans le même plan : inclinaison de 28.5° pour Hubble, pour passer souvent autour des US pour le retour des données et de 51.6° pour l’ISS car c’est plus accessible pour les Soyouz. Aller de l’un à l’autre est donc vraiment très couteux en énergie.

Par contre un changement d’excentricité l’est beaucoup moins ! Une orbite d’Hohmann, c’est une ellipse de transfert que l’on va utiliser pour se déplacer entre deux points à distance différente de l’objet attracteur. Par exemple, si vous voulez mettre un satellite en orbite circulaire géostationnaire (c’est à dire à 36’000 km par rapport à la mer, en rouge sur le dessin) à partir d’une orbite circulaire basse (200 km par rapport à la mer, en vert sur le dessin), l’idée, c’est de se placer sur l’ellipse qui tourne autour de la Terre, dont la partie la plus proche de la Terre (appelée périgée) est tangente avec l’orbite circulaire basse et dont la partie la plus éloignée de la Terre (l’apogée) est tangente avec l’orbite circulaire géostationnaire cible. Il suffit donc d’une petite poussée au départ pour se mettre sur l’orbite de transfert avec une grande excentricité et d’une autre pour la remettre sur une orbite à excentricité quasi nulle (un cercle) lorsque l’on a atteint l’apogée. L’orbite de transfert (en jaune sur le dessin) est appelée orbite de transfert d’Hohmann et est quotidiennement utilisée pour mettre des choses sur des orbites moyennes ou hautes.

C’est aussi comme ça qu’on envoie des trucs sur Mars. L’objet attracteur est maintenant le Soleil. Au début on est avec la Terre, sur une même orbite autour du Soleil, quasiment circulaire (e = 0.017). On veut aller rejoindre Mars sur son orbite (elle aussi quasiment circulaire, e = 0.093) autour du soleil. Une petite poussée et on se retrouve sur une orbite autour du Soleil dont le périgée est tangente à l’orbite circulaire terrestre et l’apogée est  tangente à l’orbite circulaire Martienne. Une autre petite poussée, lors de l’arrivée deux ans plus tard et on se retrouve sur l’orbite Martienne. Il faut aussi prévoir précisément dans ce cas le jour de lancement pour que l’intersection entre l’orbite de Hohmann et l’orbite Martienne se fasse le jour du passage de Mars à cet endroit ! Sinon on est sur la même orbite mais un peu avant ou un peu après, et on ne risque pas de se rattraper vu qu’on va exactement à la même vitesse ! Les fenêtres de tir des voyages interplanétaires sont donc extrêmement bien calibrées. Pour Mars, c’est environ tous les 780 jours (2 ans). Un autre exemple, c’est la sonde Rosetta qui devait aller visiter la comète 46P/Wirtanen. A cause de l’accident d’Ariane, les vols ont pris du retard et on a raté la fenêtre de tir. On s’est donc rabattu sur la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko (qui a le gros désavantage pour les vulgarisateurs scientifiques d’avoir un nom absolument imprononçable).

On a donc réglé le problème du coût en carburant en laissant la gravité faire le boulot. On peut donc partir à l’assaut… à l’aventure des planètes extérieures du système solaire.

176 ans ! Genèse du projet

Pas tout à fait. En effet, plus la planète est éloignée du Soleil, plus l’orbite de transfert est longue. Parfois très longue… En effet, pour rejoindre Neptune grâce à une orbite de transfert de Hohmann, il faut compter 30 ans. Pour rejoindre Pluton, comptez 41 ans ! A la fin des années 60, on a une histoire spatiale qui existe depuis 10 ans (Spoutnik : octobre 1957) et la NASA a un peu de mal à se projeter plusieurs décennies plus tard.

ps189_Bz7kSDpCQAAvDg5.jpg
Voyages interplanétaires par Puyo

Il faut donc utiliser autre chose : l’assistance gravitationnelle. En 1957, un article d’un physicien allemand Krafft Ehricke propose l’utilisation des planètes pour accélérer ou ralentir les sondes.

En général, les champs gravitationnels perturbateurs peuvent avoir pour effet d’accroitre ou de décroitre l’énergie orbitale ou de changer l’excentricité de l’orbite du véhicule, selon les conditions d’approche de celui ci. Si ces conditions sont correctement sélectionnées, les forces [gravitationnelles] perturbatrices peuvent être utilisés au profit de l’astronautique.

Imaginons un engin spatial se baladant dans l’espace et une planète. Au début, l’engin spatial s’approche de la planète et finit par rentrer dans sa zone d’influence. Le champ gravitationnel attire de plus en plus la sonde qui voit sa vitesse augmenter. Si la trajectoire de l’engin a été établie de manière à éviter qu’il se la prenne, il dépasse donc la planète et sort progressivement du champ gravitationnel de celle-ci, en perdant de la vitesse. L’engin spatial a perdu autant de vitesse pendant la phase de décélération qu’il en a gagné pendant la phase d’accélération. Cependant, le vrai intérêt de cette méthode est qu’elle permet de changer la direction de la vitesse et donc de gagner en vitesse pour s’éloigner du soleil, la seule qui nous intéresse vraiment. On peut donc maintenant trouver des trajectoires qui nous permettent de sortir du système solaire en un temps raisonnable ! Ces trajectoires vont être particulièrement étudiées au Jet propulsion Laboratory (JPL) laboratoire spatial à Pasadena en Californie (à une heure trente de notre correspondante en Californie, Irène).

En 1965, un ingénieur du JPL, Gary Flandro imagine le Planetary Grand Tour qui devait utiliser un alignement exceptionnel de Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton. En gros, on va jusqu’à Jupiter en utilisant une trajectoire d’Hohmann et puis on joue au billard à 5 bandes pour visiter tout le monde. On utilise le système de fronde gravitationnelle pour envoyer une sonde vers tous les astres extérieurs du système solaire, en une seule fois. On pourrait atteindre Pluton en moins de 10 ans ! Les scientifiques s’affolent !

Ici, le voyage des sondes Voyager par assistance gravitationnelle.

Cependant, la fenêtre de lancement est courte (entre 1976 et 1978) et ne se reproduit qu’une fois tous les… 176 ans. Avec ce chiffre en avant, on vend la mission à toute l’Amérique, journalistes, congrès, président. En juin 1969, le JPL a prévu les plans de plusieurs véhicules. Dans le livre dont je tire mes infos, l’auteur (Ben Evans), note que le JPL travaille « sous l’hypothèse merveilleuse que le Grand Tour était bien trop important scientifiquement pour être annulé ». LOL. Mais en juin 69, nous sommes 1 mois avant Apollo 11, qui emmènera les hommes pour la première fois sur la lune. Le budget de la NASA a atteint en 1965 4.4% du budget fédéral total et il est toujours à 2.3% en 1969. Donc on a commencé à voir les choses en grand. 4 missions identiques lancées à quelques mois d’intervalle, avec peut être des orbiteurs et aussi des modules atterrisseurs pour Jupiter et Saturne… Bref, c’est la belle vie. Le 24 janvier 1972, 4 ans avant l’ouverture de la fenêtre de tir, le congrès annule la mission. On réalise alors que :

1) Il n’existe pas de mission trop importante scientifiquement pour être annulée

2) Le programme Apollo n’avait rien d’une mission scientifique, c’était juste pour mettre une branlée aux Russes. Maintenant que c’est fait, le spatial, ce n’est pas si intéressant…

Le congrès demande alors au JPL de trouver une alternative moins chère et on se concentre sur deux sondes couvrant seulement Jupiter et Saturne.

pioneer
La plaque embarquée à bord des sondes Poineer 10 et 11 et la version de Randall Flagg (droite)

Interlude 1 : images de la Terre

Dès la conception de ces sondes, on sait que la vitesse insufflée par Jupiter vont faire d’elles les premiers objets à quitter le système solaire. Comme pour les sondes Pioneer, on va donc inclure des témoignages de l’humanité. Et comme pour les sondes Pioneer, on demande à Carl Sagan et à son équipe de spécialiste en exobiologie de les concevoir.

A bord des sondes Pioneer, on avait envoyé des plaques dorées (voir image ci dessus) contenant des informations dessinées sur :

  • la position de la Terre dans l’univers  (grâce à la position par rapport à plusieurs quasars),
  • le voyage de la sonde dans le système solaire. Ce voyage se terminait par une flèche, symbole assez critiqué, car évident pour nos sociétés issues de tribus de chasseurs-cueilleurs, mais peut être complètement abscons pour d’autres civilisations,
  • un couple nu effectuant un salut.

Pour les sondes Voyager on va voir plus grand : des disques d’or contenant ces mêmes informations mais aussi des images et des sons.

ps189_Bz7g-IiCEAALp9_.png
Le Voyager Golden Record (à droite) et son couvercle (à gauche) expliquant comment le lire.

Toutes les images, censées représenter la diversité de la Terre sont disponibles sur ce site. Parmi ces photos commençons par celle qui n’y est pas : le couple nu. En effet, le dessin de la plaque de Pioneer avait beaucoup choqué pour sa grande obscénité. Donc à la place d’une photo de couple nu, on remplace par des silhouettes évoquant un couple dont la femme est enceinte. J’imagine que les mêmes personnes ont été horrifiées en voyant Alien et ont demandé que dans le volet suivant il porte un caleçon ! Je vous présente deux autres images du disque, parmi les plus étranges. La première c’est un couple de dauphins en train de sauter, ce qui est pour moi un clair hommage au Guide du voyageur galactique : « So Long, and Thanks for All the Fish ! ». La seconde, c’est une image censée représenter le lécher, le manger et le boire et on voit 3 personnes en train de le faire de manière assez étrange…

dauphinslecher
Deux des images insérées dans le golden record de Voyager. Les autres sont disponibles ici.

Construction des sondes et lancement

Sans décrire tous les aspects de la sonde, je parle rapidement de deux caractéristiques, axées sur l’énergie et les télécommunications. Pour l’énergie, il faut comprendre que l’énergie émise par le soleil à un instant se propage sur une sphère autour de lui. Si on double la distance, la même énergie est contenue sur une sphère deux fois plus grande, donc de surface 4 fois plus importante.

ps189_Bz7mDyvCEAAWVHf.jpg
Come visit Earth par Inti

Si au niveau de la terre, on reçoit une puissance W par unité de surface, au niveau de Jupiter, on ne reçoit que qu’un 25ème de cette puissance sur la même surface. Au niveau d’Uranus, on est à 1/360 de ce même flux et pour Pluton, 1/1560… Donc on peut oublier les panneaux solaires pour des missions aussi éloignées. Il faut donc utiliser des Générateur thermoélectrique à radio-isotope soit des piles nucléaires. Heureusement, elles sont très souvent utilisées (par exemple pour alimenter des instruments scientifiques laissés sur la Lune par les missions Apollo) et relativement safe. Je dis relativement car il y a eu quelques accidents nucléaires spatiaux mais un seul (le satellite de communication Transit-5BN-3 le 21 avril 1964) qui a relâché du plutonium dans l’atmosphère… Les générateurs sont placés sur une perche pour être suffisamment loin des instruments et ne pas les perturber.

Pour les télécommunications, on a le même problème de la distance et des ondes se propageant sur une surface. Il a donc fallu équiper les sondes voyager d’immenses paraboles (3.7 m de diamètre), ce qui leur donne cet aspect particulier qu’à bien rendu Puyo sur son dessin. Enfin, les ordinateurs de bord sont le plus automatisés possibles pour pouvoir tenir prendre des décisions en cas de d’absence de réaction de la Terre (en septembre 2001, le temps nécessaire pour une communication –aller-retour– avec Voyager 1 était de 23h…)

Pour tenir le coup sur au moins 5 ans, la plupart des systèmes primordiaux (propulsion, ordinateurs de bord, communications) sont doublés. Enfin les instruments scientifiques sont variés mais nous ne parlerons ici que des caméras de type télévision de 800 par 800 pixels. Au total, les sondes font plus de 825 kg chacune.

En août 1977, les deux sondes sont prêtes. La sonde Voyager 2 est lancée la première le 20 aout 1977 puis on envoie la sonde Voyager 1 le 5 septembre. La raison de cette inversion que la sonde Voyager 2 est lancée sur une trajectoire différente pour arriver 4 mois après Voyager 1 sur Jupiter et 9 mois après sur Saturne. Cette trajectoire différente devrait lui permettre de continuer le Grand Tour vers Uranus, puis Neptune. En effet, même si ces deux planètes sont politiquement hors de portée, la NASA veut continuer à rêver de son Grand Tour. Les ingénieurs ont étudiées plus de 10’000 trajectoires possibles et en ont sélectionné deux qui permettent de maximiser la moisson de données autour des planètes cibles (Jupiter et Saturne). L’idée est de mettre Voyager 1 sur une trajectoire permettant de remplir à elle seule la mission principale (Jupiter Saturne et leur satellites principaux en particulier Io et Titan) et Voyager 2 sur une trajectoire de back up, couvrant moins les satellites importants. Si la mission de Voyager 1 échouait, la trajectoire de Voyager 2 pourrait être corrigée pour remplir sa mission. Dans le cas contraire, il y avait l’idée un peu caché que son objectif serait alors Uranus et Neptune. Il faut vraiment le voir comme un coup de  billard à n bandes (les planètes et le maximum de satellites à la fois), où l’on ne peu quasiment plus modifier la trajectoire une fois la sonde lancée, et dont le voyage doit durer 10 ans… Une fois qu’elles sont lancées, on enlève toute l’équipe et on laisse quelques personnes pour réfléchir à la rencontre avec Jupiter, 2 ans plus tard, en mars 1979.

voyagerimage
Photo de la sonde Voyager et le dessin qu’en a fait Puyo

Interlude 2 : Bonjour tout le monde !

Dans le disque d’or, on a aussi mis des sons. Parmi ses sons, on a enregistré par exemple des salutations dans 55 langues (à écouter ici).

Le texte diffère un petit peu à chaque fois. En anglais, par exemple, cela donne « Hello from the children of planet Earth » Bonjour de la part des enfants de la  planète Terre. La phrase est lue par Nick Sagan, le fils de Carl.

Parmi les plus classes, il y a notamment celui enregistré en Amoy, un des dialectes les plus parlé en Chine du Sud. « Amis de l’espace, comment allez vous ? Avez vous déjà mangé ? Rendez nous visite si vous avez le temps. » En effet, pour quiconque à vu Alien, demander à un extraterrestre s’il a déjà mangé AVANT de l’inviter à visiter notre planète tombe tout à fait sous le sens.

Enfin, le plus ridicule pour autant que je puisse en juger est celui enregistré en français : « Bonjour tout le monde ». Je sais pas quel est l’effet recherché, mais moi ça m’évoque une fille qui salue ses potes au bar un vendredi soir en arrivant en retard parce qu’elle avait un rapport à boucler.

Jupiter et Saturne !

J’évoque rapidement les avancées astrophysique qui ont été rendues possibles par Voyager sans rentrer dans les détails. Parmi les choses qu’on ne pouvait pas faire depuis la Terre, même sur une planète aussi grosse et bien connue que Jupiter c’est l’observer en mouvement. 1 mois avant son arrivée, on a donc rallumé Voyager 1 et on a commencé à faire des photos, de plus en plus fréquemment. A un moment, on prenait une photo toute les 96 secondes. L’effet est saisissant.

Time laps de l’arrivée de Voyager 1 vers Jupiter (cliquez ici s’il ne bouge plus)

La première scène du film « Another earth », sorti en 2011, utilise ces images. La voix de l’héroïne, en off, décrit bien cet émerveillement à voir la planète pour la première fois bouger, respirer, devenir vivante. Je vous encourage à regarder le film qui est un peu comme « Contact ». Par contre les fans de science fiction dure seront déçus. A travers une histoire qui parle d’autres planètes, toute l’histoire se passe sur Terre et parle principalement de gens, de leurs interactions et des accidents de la vie. Bref le film est beaucoup plus proche des films d’Iñárritu que de Gravity, mais c’est vraiment chouette.

Jupiter_red_spot_voyager1
La grande tache rouge de Jupiter. Gros plan de la surface de Jupiter par Voyager 1.

Cette observation a permis de voir que les différentes bandes de l’atmosphère de Jupiter tournaient dans différentes directions. En particuliers, la grande tache rouge, qui est visible même pour les astronomes amateurs, tourne de manière différentielle : les nuages du bord font des tours en 6 jours tandis que ceux du centre tournent beaucoup plus lentement.

Une autre grande découverte est que Jupiter a des anneaux

ring_jupiter_voyager2
La forme noire cachée en haut à droite est Jupiter. On voit l’anneau en jaune qui part de la planète sur la droite. Photo de Voyager 2.

Voyager 1 a aussi permis d’analyser de manière incroyablement détaillée les satellites de Jupiter. On voit par exemple sur cette photo les satellites Io et Europe devant Jupiter.

ps189_Bz7jWRCCIAACEUZ.jpg
Jupiter, Io (à gauche) et Europe (à droite) par Voyager 1.

Quelques jours seulement avant le passage de Voyager 1, une équipe de l’université de Santa Barbara avait prévu que les effets de marée de Jupiter créeraient des déformations telles qu’elles pourraient créer du volcanisme sur les satellites et en particulier Io (article disponible gratuitement ici). Les forces de marées sont les forces qui s’applique dès que l’on ne considère plus que les planètes et les satellites sont des points. Dès qu’on leur donne une taille, les parties les plus proches sont plus attirées que les parties les plus éloignées. Et donc on s’aperçoit que les satellites se déforment. C’est vrai pour la Lune. Pour répondre à une question jemedemandais@podcastscience.fm de Mael Thépaut, la lune est déformée et n’est pas sphérique mais en forme de « cigaroïde ». Cette forme fait que la position « toujours la même face vers nous » est plus stable, ce qui explique qu’il y ait une face qu’on ne voit jamais depuis la Terre (plus d’info ici).

ps189_Bz7kINcCcAA9EjI.jpg
Une éruption (en bleu vert en haut à gauche de la planète) à la surface de Io.

Jupiter est 300 fois plus massive que la Terre est crée donc des effets de marées colossaux sur ses satellites. Io étant la plus proche, elle est totalement déformée par Jupiter, ce qui la chauffe considérablement. Quelque jour après cette prédiction, une image de Voyager montre une énorme éruption à la surface de Io, ce qui est la première preuve de volcanisme en dehors de la Terre.

Je passe rapidement sur Saturne. Pour vous situer le niveau, le Voyager Imaging Team Leader, Brad Smith a dit après le passage de Voyager 1 (et avant Voyager 2) :

On a plus appris sur Saturne en une semaine que depuis le début de l’humanité.

Je vous met une photo prise par Voyager 2 de Saturne et de 4 de ses satellites glacés. Il était ensuite possible d’envoyer Voyager 1 vers Pluton mais on a plutôt choisi de faire un passage vers Titan puis d’utiliser l’assistance gravitationnelle de Saturne pour quitter le plan du système solaire et partir plein Nord pour sortir plus vite du système solaire. La mission de Voyager 1 ayant été nominale, la décision est prise de faire continuer Voyager 2 vers Uranus, puis Neptune. Il était aussi possible d’aller vers Pluton, mais bon il ne fait vraiment pas le poids face aux deux autres. Les chemins de Voyager 1 et 2 se séparent donc ensuite, en 1981.

Cette image prise par Voyager 2 montre Saturne, ses anneaux , et quatre de ses satellites glacés. Trois satellites (Téthys, Dioné et Rhéa) se détachent sur le noir de l’espace à gauche, et un autre plus petit (Mimas) est visible très près de l’horizon de Saturne à gauche et juste en dessous des anneaux. Les ombres de Mimas et Téthys sont également visibles sur les nuages ​​de Saturne, et l’ombre de Saturne est visible sur une partie des anneaux.

Interlude 3 : Sons de la Terre

Passons maintenant aux sons de la Terre embarqués sur les sondes. Ils sont tous disponibles ici. Là ça devient vraiment n’importe quoi… Je vous joins juste un petit extrait intitulé « 

1. Troupeau de moutons     
 »

Uranus et Neptune

Les photos d’Uranus ne sont pas aussi impressionnantes que celles prises auparavant, car il y a vraiment peu de lumière aussi loin du Soleil. A ces longueurs d’ondes pas de nuages particulier, le calme plat… Idéalement, il aurait fallu trouver des détecteurs à d’autres longueurs d’onde, mais il faut se rappeler que ces instruments n’avaient pas été conçus pour ces planètes ! 5 ans après avoir quitté Saturne, 8 ans après avoir quitté la Terre, fin 1985, Voyager 2 survole Uranus. Beaucoup de questions entourent cette planète (et toujours maintenant). En particulier le fait que son axe de rotation sur elle même est quasiment dans le plan de révolution autour du Soleil. En gros, la planète roule sur elle même autour du Soleil.

Uranus, par Voyager 2
Uranus, par Voyager 2

L’analyse détaillée a permis à de trouver 10 nouveaux satellites (en tout les deux sondes découvriront 33 nouvelles lunes orbitant autour des 4 planètes visitées) et de les analyser. On a aussi pu analyser précisément les anneaux de cette planète qui sont de nature différentes de ceux de Saturne. Après le départ d’Uranus, on éteint la sonde, qui entame son dernier voyage vers Neptune, durant 4 ans.

MirandaetTitania
Miranda (gauche) et Titania (droite), deux des lunes de Jupiter photographiées par Voyager 2

On finit en beauté avec Neptune, qui fait une des photos les plus connues de la Sonde Voyager. Pour vous donner une idée de la rapidité des opérations (de plus en plus rapides au fur et mesure que la sonde était accélérée par les planètes et de plus en plus complexes alors que la distance rendaient les communications avec la Terre de plus en plus difficiles) : le 5 juin 1989 à 3h56, passage au plus près de Netpune, 4h51, passage eu plus près de la Lune Larissa, 5h29, passage près de Protée, 9h23 passage près de Triton.

ps189_Bz7lsZMCIAAexwC.jpg
Neptune par Voyager 2

Interlude 4 : musiques de la Terre

Un dernier interlude pour vous présenter les 29 morceaux choisis par Carl Sagan et son équipe pour représenter la variété des musiques humaines. Ça va de “Johnny B. Goode” par Chuck Berry à des airs indiens en passant par des cornemuses Azerbaïdjanaises, des chants de mariage péruviens ou l’air de la reine de la nuit dans la Flute enchantée. A noter, il y a 3 morceaux de Bach. Je vous conseille de les écouter en entier, c’est vraiment bien.

La liste détaillée et l’intégrale du disque.

ps189_Bz7nxTvIYAE9BaF.jpg
Uranus paparazzi par Puyo.

Sortie du système solaire et ondes cérébrales

En 1990, avant d’éteindre les caméras, Voyager 1 a pris un portrait de famille des planètes Jupiter, la Terre, Vénus, Saturne, Uranus et Neptune. Dans cette mosaïque, l’une d’elle appelée « un point bleu pale », capture la Terre et inspire l’un des livres de Carl Sagan. A ce jour la mission n’est pas terminée. Les caméras de Voyager 1 et 2 sont éteintes, mais pas les autres instruments et elles continuent d’analyser. Les données prises depuis 20 ans ont permis de mettre en évidence les limites de notre système solaire.

En 2006, près de 30 ans après son départ, Voyager 1 a passé la barrière symbolique des 100 distances Terre-Soleil. Actuellement, Voyager 1 est a 19.4 milliards de kilomètres soit quasiment 130 fois la distance Terre Soleil. Un allez retour d’information met 35 h à se faire. On peut suivre la progression de cette durée en direct sur ce site.

La NASA a confirmé officiellement le 12 septembre 2013 (34 ans après son départ), que Voyager 1 a quitté la zone d’influence directe du Soleil, l’héliosphère (zone de prédominance magnétique, la sonde étant toujours dans la zone de prédominance gravitationnelle de notre étoile). Elle se trouve désormais dans le milieu interstellaire. Elle devrait avoir assez d’énergie pour émettre jusqu’en 2025.

Je finis sur une petite anecdote. Ann Druyan, compagne (et futur femme) de Carl Sagan raconte dans l’épilogue du livre de compilation posthume des essais de ce dernier Billions ans Billions l’anecdote suivante [la traduction est de moi]:

J’avais demandé Carl [Sagan] si ces extraterrestres supposés, dans un milliard d’années, pourraient éventuellement interpréter les ondes cérébrales de quelqu’un en train de méditer. « Qui sait ? Un milliard d’années, c’est long, très long », fut sa réponse. « Il est possible que ce soit faisable alors pourquoi ne pas essayer? »

Deux jours après cet appel téléphonique, je suis entré dans un laboratoire à l’hôpital Bellevue à New York et j’ai été reliée à un ordinateur qui a transformé toutes les données de mon cerveau et de mon cœur en sons. J’ai eu un itinéraire mental d’une heure pour enregistrer toute l’information que je voulais transmettre. J’ai commencé par penser à l’histoire de la Terre et de la vie qu’elle supporte. De toutes mes forces, j’ai essayé de penser quelque chose résumant l’histoire des idées et de l’organisation sociale humaine. J’ai pensé à la situation dans laquelle se trouve notre civilisation et à la violence et à la pauvreté qui font de cette planète un enfer pour beaucoup de ses habitants. Vers la fin, je me suis permis une description personnelle de ce que l’on ressent lorsque l’on tombe amoureux.

La retranscription sonore de ces ondes cérébrales a été aussi ajoutée sur le disque.

ps189_Bz7sG16CIAARyG1.jpg
Carl Sagan par Inti

Merci aux dessinateurs (Puyo, Inti et Randall Flagg) !

A regarder absolument :

Le site de photos de la NASA : photojournal.jpl.nasa.gov

Vous cliquez sur une planète, vous choisissez une mission et vous avez toute les photos directement. En cadeau, la dernière ajoutée, un selfie de Rosetta avec la comète en fond, à seulement 16km.

A lire :

A écouter :

A voir : 

  • Another Earth par Mike Cahill. Prix spécial du jury du festival de Sundance.
  • Contact film d’Robert Zemeckis près le livre de Carl Sagan

Derniers épisodes