Manger trop salé augmente le risque d’hypertension artérielle, info ou intox?

Vous avez été nombreux à répondre à ce quizz et l’unanimité était quasi sans faille. “Info” avez-vous presque tous répondu d’une seule voix. Pourtant, quand j’ai lancé le sujet, j’avais en tête un article que j’avais lu il y a un peu plus d’une année. Je l’avais déniché sur le site DocBuzz et il était intitulé “Chute d’un dogme médical : l’augmentation de la consommation de sel n’augmente pas le risque d’hypertension artérielle“. L’article reprenait une nouvelle publiée dans le New York Times qui relayait une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (Jama) par des chercheurs de l’Université de Louvain, en Belgique. Les chercheurs avaient étudiés 3681 participants qui n’avaient jamais eu de maladies cardio-vasculaires. 2096 d’entre eux n’étaient pas non plus hypertendues. Ils les avaient suivis pendant près de  8 ans en mesurant le sel dans leurs urines –  reflet de la consommation de sel –  et en surveillant l’apparition d’hypertension artérielle ou d’événements cardiovasculaires. Les patients étaient divisés en trois groupes en fonction de leur consommation de sel: faible, moyenne ou élevée. Une faible relation avait été trouvée entre l’excrétion urinaire de sel et une augmentation de  la pression artérielle et ne concernait que la pression artérielle systolique (c’est à dire la pression mesurée au moment de la contraction du coeur) et pas la diastolique (c’est à dire la pression mesurée lors du relâchement du coeur). Bref, l’étude n’avait retrouvé aucun lien entre consommation de sel et l’apparition d’une hypertension artérielle : la différence entre la survenue d’hypertension entre les 3 groupes n’était pas significative.  La consommation de sel ne semblait pas non plus entraîner de risque accru de mortalité cardiovasculaire.  Cette étude remettait donc en cause le lien qui était supposé entre consommation de sel et augmentation d’hypertension artérielle, voire de décès cardiovasculaires. Et comme j’avais cet article  dans un coin de la tête, j’ai lancé mon quizz comme un gros malin. Plus je voyais entrer de participations indiquant “info” et plus je buvais du petit lait, du haut de ma petite certitude, convaincu que j’allais faire mon petit effet en surprenant tout le monde… Seulement, voilà… La science est parfois crispante… Elle n’hésite pas à remettre en question les petites certitudes… Ainsi lorsque je suis allé voir dans Google Scholar si ce papier avait été beaucoup cité, j’ai découvert que pas mal d’eau avait coulé sous les ponts depuis l’été 2011. Le papier est cité 85 fois, et la plus part du temps par des articles qui contredisent ses conclusions. Contrairement à l’article original, qui est en accès libre, la plupart des articles critiques ne sont malheureusement disponibles qu’en accès payant, ce qui ne facilite pas du tout la mission d’information des podcasts scientifiques amateurs, merci les éditeurs! J’en ai quand même trouvé un gratuit sur le site de l’Université de Warwick, en Angleterre. Un “viewpoint” anglo-canadien (c’est à dire un article court qui n’a pas forcément bénéficié d’un comité de lecture), signé de plusieurs universitaires, qui indique (études à la clé):

  • qu’il a été démontré que réduire le sel dans l’alimentation est plus efficace en terme de coûts de la santé que de réduire la consommation de tabac dans les pays développés;
  • que ce genre d’études doit prendre un compte une multitude de paramètres comme le niveau social, le niveau d’études, l’hygiène de vie en général, ce qui n’aurait pas été suffisamment fait dans cette étude;
  • que le protocole de l’étude (qui mesurait le sel dans l’urine sur des périodes de 24 heures) n’était pas à l’abri d’erreurs de manipulation des échantillons;
  • que la population testée était particulièrement jeune, et donc moins sujette aux risques cardio-vasculaires;
  • que d’autres études comparables avaient été invalidées;
  • et finalement que cette étude n’est pas représentative du consensus issu de plusieurs centaines d’autres études, au-dessus de tout soupçon, au cours des 50 dernières années qui ont pu établir une corrélation entre la consommation de sel et les risques cardio-vasculaires.

Donc info ou intox? Je n’ai pas la compétence pour trancher et il n’y a aucune certitude à 100% (comme toujours en science), mais en cas de doute, je pense que c’est un sage réflexe que de se placer du côté de la majorité des études. Donc: info! Accessoirement, même si on en parle assez peu en terres francophones, c’est très largement diffusé outre manche: de plus en plus d’études établissent un lien entre surconsommation de sel (plus de 6 grammes par jour pour un adulte) et cancers de l’estomac. Le risque de cancer de l’estomac serait multiplié par deux chez les personnes qui consomment trop de sel, un facteur aussi important que le tabagisme et les diètes sans aucun végétal. Voir, par exemple: http://www.dailymail.co.uk/health/article-205378/How-salt-heavy-diet-double-cancer-risk.html En conclusion, ben c’est comme d’hab… Comme disait notre ami Paracèlse, c’est la dose qui fait le poison. Varions les plaisirs 🙂 Manger saler... Infos et intoxs

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