La contraception orale masculine

Mini-dossier publié dans le cadre de la soirée radio-dessinée “L’Amour est dans la Pipette“, enregistrée en public à Paris, à l’Espace des Sciences Pierre-Gilles de Gennes avec le collectif Strip Science le 23 mars 2013

Lorsque nous avons annoncé la présente soirée sur Facebook en teasant, entre autres, sur le viagra féminin, Chloé, une facebookonaute, nous a demandé avec un petit smiley ironique pourquoi nous ne parlions pas de contraception masculine. Excellente question! Qui m’a donné bien envie de relever le challenge…

On a énormément entendu parler de contraception orale masculine en 2006, lorsque tous les journaux titraient “Bientôt un contraceptif masculin!“,  en citant notamment les travaux de Peter Liu  de l’Université de Sydney, en Australie. Et depuis, plus rien, jusqu’à l’été 2012. Mêmes titres… On cite cette fois les travaux de James Bradner, oncologue à Boston. Ses recherches se veulent rassurantes pour les mâles soucieux de leur virilité. Tous les sujets traités avec la nouvelle molécule JQ1 – capable d’inhiber la production de spermatozoïdes sans pour autant perturber la production d’hormones mâles – ont retrouvé une fertilité intacte  après l’arrêt de leur traitement.

Bon, les sujets étaient des souris… Il faudra encore quelques années avant que la molécule soit en vente dans les pharmacies. Vous vous demandez sans doute pourquoi c’est un oncologue (c’est-à-dire un cancérologue) qui a publié cette étude? Eh bien parce que la molécule, au départ, a été mise au point pour traiter un cancer de l’épiderme. Et il se trouve qu’elle est finalement plus efficace pour ses vertus contraceptives. Tout comme le viagra avait été mis au point au départ pour traiter les angines de poitrine… C’est ce qu’on appelle des découvertes par sérendipité: c’est très courant dans le domaine pharmaceutique, on se souvient notamment de la chlorpromazine, issue de la recherche en anti-histaminiques, écartée car trop sédative et dont on a failli passer à côté des effets antipsychotiques! Idem pour le botox, au départ, un poison 40’000’000 de fois plus toxiques que le cyanure!  Ou encore la bupropione, commercialisée sous la marque Zyban. Cet anti-dépresseur s’est finalement révélé beaucoup plus efficace pour aider les gens à arrêter de fumer…

Mais je m’égare… Nous parlions contraception orale masculine. Son usage généralisé serait super intéressant dans la mesure où la responsabilité de la contraception ne reposerait plus que sur les femmes. À ce stade de la recherche, il y a encore du boulot… De fait, elle repose toujours sur les femmes et éventuellement sur quelques souris. À croire que les hommes ne sont pas du tout pressés. Je parierais que les hommes sont, au fond, morts de trouille…

Que voulez-vous, on y tient à nos petites gamètes! Et bon, je crois surtout que c’est une question d’enjeux personnels et de risques… La nature est injuste, Mesdames. Mais c’est vrai qu’en cas d’oubli, ce ne sont pas les hommes qui vont se taper 9 mois de grossesse et de nausées…

Ceci dit, la recherche continue:

  • Les bloqueurs de canaux calciques (qui empêchent le calcium d’entrer dans les cellules) peuvent provoquer une infertilité réversible en agissant sur les lipides des spermatozoïdes, les rendant incapables de fertiliser l’oeuf. Aujourd’hui, cette technique fonctionne parfaitement pour… Les souris!
  • Sinon, un composite qui interfère avec les circuits de la vitamine A a pu rendre des mâles stériles sans affecter leur libido. Là aussi, le mécanisme semble parfaitement réversible. Les mâles libérés du traitement retrouvent leur fertilité après quelques temps… Mâles… Souris, l’ai-je précisé?
  • L’adjudine et la gamendazole semblent être des molécules prometteuses pour bloquer la production de spermatozoïdes de manière réversible… Chez… Les rats!
  • Sinon, la phénoxybenzamine, une molécule utilisée pour lutter contre l’hypertension,  est également une candidate intéressante, en cela qu’elle bloque l’éjaculation, ce qui est assez efficace en termes de contraception. Là aussi, l’effet est réversible par simple arrêt du traitement.
  • Mieux, la silodosine,  une molécule utilisée dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate bloque complètement l’éjaculation sans ôter la sensation d’orgasme. Et on ne parle pas de rats, pour une fois, mais de bonshommes bien humains. Ceci dit, ils ont plutôt l’air de considérer ça comme un problème…
  • D’autres méthodes, enfin, comme l’utilisation de certains anabolisants, réduisent le nombre de spermatozoïdes, mais en général pas sans effets secondaires

Bref, tout ça pour dire que ça bouge bien dans le domaine… Bon, ce n’est pas parce qu’une méthode marche bien sur des souris qu’elle marche forcément bien sur les humains… C’est le cas de la miglustate par exemple, un médicament qui sert à traiter des maladies rares, et qui a un effet contraceptif sur certaines souris mâles. On s’est rendu compte  qu’il n’a aucun effet sur d’autres mammifères et les recherches ont dû être abandonnées…

Ceci étant dit, la principale barrière dans l’adoption de ces nouveaux principes actifs va très certainement résider dans les mentalités… Pour que les hommes adoptent la pilule masculine, il faudra qu’ils soient totalement rassurés quant à leur virilité, ce qui demandera sans doute pas mal de travail d’éducation…

Affaire à suivre!

Sources

 

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