Chronique du sapin de Noël

Cette chronique est disponible dans l’épisode roue libre #ps323 à 16 min. 

En cette belle période de l’Avent, je souhaitais parler d’un sujet d’actualité… le sapin de Noël. Vous n’en avez peut-être pas retenu les paroles, mais vous les avez tous entendues, ce sont celles de notre chanson de Noël préférée :

Mon beau sapin,

Roi des forêts

Que j’aime ta verdure.

Quand par l’hiver

Bois et guérêts

Sont dépouillés

De leurs attraits

Mon beau sapin,

Roi des forêts

Tu gardes ta parure.”

Ca vous dit quelque chose ? Alors, pour ceux qui n’ont pas écouté l’épisode 323, rassurez-vous, je ne l’ai pas chanté, mais vous pouvez compenser en l’écoutant ici. Avant de parler de botanique, j’aimerais vous raconter un peu d’où vient cette chanson.

L’anecdote chanson :

Sachez que ce que l’on identifie comme un grand classique du Noël français nous provient en réalité d’Allemagne, sous sa version originale “O tannenbaum” – littéralement, “O sapin”. La première trace des paroles se retrouve dès 1550, dans des chansons populaires allemandes. Quant à la mélodie, elle provient d’une ballade du compositeur Joachim August Zarnack. Ses paroles initiales sont à propos d’un amant déçu, jusqu’à ce que Ernst Anschütz, un organiste, ne le transforme, en une chanson de Noël, en 1824. Moi qui râle souvent sur les reprises et les détournements de mélodies, les compositeurs allemands se piquaient déjà leurs tubes au 19ème siècle… Depuis “Mon beau sapin” est aussi devenu l’hymne du parti travailliste en Angleterre et en Irlande, sous le titre “The Red Flag”  à la fin du 19ème et avec des paroles légèrement modifiées. Accessoirement, c’est aussi devenu l’hymne officiel du Maryland… “Maryland my Maryland”. Je vous l’accorde, les paroles sont un peu plus sanglantes. 

Petite histoire du sapin :

Chaque Noël, nous autres occidentaux avons pris l’habitude d’installer un sapin décoré dans nos maisons. Je ne rentrerai pas dans le débat sapin/pas sapin ou sapin en plastique /sapin naturel… mais au 21 ème siècle, le sapin reste le symbole ultime de la fête et de l’esprit de Noël dans l’inconscient collectif. Tant et si bien qu’on ne se pose même plus la question de savoir d’où provient cette tradition.

Une partie de la réponse se trouve dans la chanson « mon beau sapin ». Car oui, le sapin, star de Noël « garde sa parure ». Les conifères (ou pinophytes) dont font partie le sapin et l’épicéa sont une famille d’arbre dont le feuillage est persistant. Ils ne perdent jamais leurs aiguilles, même en hiver et depuis nos ancêtres les celtes, on les associe donc à l’immortalité et au renouveau.

Petite parenthèse, De façon générale, la symbolique de l’arbre est fondatrice dans de nombreuses civilisations, que ce soit dans la mythologie scandinave avec l’arbre monde, la chrétienté avec l’arbre de la connaissance…

Originellement les celtes célébraient aux alentours du 24 décembre le solstice d’hiver comme une fête d’allégresse et de renouveau, période où les jours commencent à rallonger.  Au 4ème siècle, l’Eglise institutionnalise le 25 décembre comme la célébration de la naissance du Christ, vraisemblablement pour rivaliser avec la tradition païenne de la fête du solstice.

La coutume du sapin décoré remonterait au missionnaire saint Colomban qui fonde en 590 le monastère de Luxeuil au pied des Vosges. Un soir de Noël, il emmène avec lui quelques-uns de ses religieux jusqu’au sommet de la montagne où préside un antique sapin, objet de culte païen. Les moines accrochent à l’arbre leurs lanternes et leurs torches et dessinent une croix lumineuse au sommet. Cet acte syncrétique permet à saint Colomban de raconter les merveilles de la naissance de Jésus aux paysans accourus voir ce spectacle et d’en convertir plusieurs, lançant la coutume d’installer chaque année des sapins illuminés. 

On raconte également qu’un moine évangélisateur Allemand de la fin du VIIe siècle, Saint Boniface (né en 680), voulait convaincre les druides germains, des environs de Geismar, que le chêne n’était pas un arbre sacré. Il en fit donc abattre un. « En tombant, l’arbre écrasa tout ce qui se trouvait sur son passage à l’exception d’un jeune sapin ». A partir de là, la légende fait son œuvre. Elle raconte que Saint Boniface a qualifié ce pur hasard de miracle, et déclaré dans sa même prédication : « Désormais, nous appellerons cet arbre, l’arbre de l’Enfant Jésus. » Depuis, on plante en Allemagne de jeunes sapins pour célébrer la naissance du Christ.

Il faut aller plus loin, au XI ou XIIème siècle, pour retrouver des sapins garnis de pommes rouges, symbolisant l’arbre du paradis. On le mentionne pour la première fois comme « arbre de noël » en Alsace vers 1521. Au XVIème siècle, les décorations étaient composées de pommes, de confiseries et de petits gâteaux. A cette même époque, l’étoile au sommet de l’arbre, symbole de l’étoile de Bethleem commença à se répandre.

Ce sont les protestants en 1560 qui contribuèrent à développer la tradition du sapin de noël pour se démarquer des catholiques.

Au XVIIème et XVIIIème siècle apparaissent les premiers sapins illuminés. On utilisait des coquilles de noix remplies d’huile à la surface desquelles des mèches flottaient ou des chandelles souples nouées autour des branches.

En 1738 que Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, roi de France, aurait installé un sapin de Noël dans le château de Versailles, contribuant à propager la mode de l’arbre décoré partout en France. On trouva par la suite de plus en plus d’arbres de Noël particulièrement en Alsace-Lorraine, où existait déjà la tradition du sapin. En 1837, la duchesse d’Orléans Hélène de Mecklembourg, d’origine Allemande, fit décorer un sapin aux Tuileries, puis cette tradition se généralisa après la guerre de 1870 dans tout le pays grâce aux immigrés d’Alsace-Lorraine qui firent largement connaître la tradition de l’arbre de Noël aux Français.

Arbre de Noël dans un dispensaire lors de la Guerre franco-allemande de 1870

C’est finalement réellement à cette période que le pays entier adopta cette tradition.

 

 

Le sapin, ce conifère.

Comme l’explique si bien la chanson,  le sapin “garde sa parure” en toutes saisons, c’est là une caractéristique essentielle

La star de Noël, c’est surtout le sapin pectiné (ou sapin blanc, Abies alba en latin), mais il faut savoir qu’on utilise aussi l’épicéa (Picea abies), qui n’est pas le même arbre. 

Picea abies, épicéa commun
Abies alba, le sapin des Vosges   

Sapin contre épicéa, comment les distinguer ?

-L’épicéa pique, et le sapin ne pique pas.

– Les cônes du sapin restent dans l’arbre et se disloquent alors que ceux de l’épicéa tombent entier au sol.

– La résine contenue dans les aiguilles de sapin sentent un peu le citron, alors que celle des épicéas sent plutôt fort la térébenthine. D’ailleurs avec la résine de tous les arbres résineux, on peut faire de la térébenthine – une substance que l’on peut utiliser comme expectorant, antiseptique, comme ingrédient dans la fabrication de vernis en lutherie, ou comme solvant pour la peinture à l’huile… l’essence de thérébentine a même été utilisée comme carburant de fusée !

Une variété alternative, le Sapin de Nordmann, ou sapin du caucase (Abies nordmanniana) est venu conquérir le marché, et constitue à présent plus des ¾ de ventes de sapin.

Abies nordmanianna – Le Sapin de Nordmann

Paradoxal d’associer le sapin à des réjouissances et au renouveau alors que « Ca sent le sapin », une expression employée couramment pour signifier que la mort est proche, car les cercueils étaient souvent faits de ce bois…

Mais la vie est pleine de contradictions !

Alors même si on ne met plus de bougies sur l’arbre, n’oubliez pas que même certaines guirlandes électriques (surtout les vieilles) peuvent chauffer aussi ! N’oubliez pas d’éteindre la nuit, pour limiter les risques d’incendie et surtout… pour économiser de l’énergie ! 

 

Derniers épisodes