La bière et les neurones font ils bon méninges ?

Une chronique d’Elodie que vous pouvez retrouver dans l’épisode 313 sur la bière, à 1h 41min 20sec.

Dans ce dossier, je vais vous embarquer dans un voyage a bord d’une petite pinte dans les neurones et le cerveau. J’ai choisi de vous parler de cela aujourd’hui car en tant que neuroscientifique chaque fois que je bois une pinte, je me pose des questions… et j’ai décidé d’y répondre aujourd’hui !

Que ce passe-t-il dans mon cerveau quand je bois ?

Pour ceux qui ne sont pas super familiers avec le cerveau, nous avons des cellules appelées les neurones , c’est eux qui transfèrent l’info… Donc nos petits neurones tous beaux, ils ont un corps cellulaire et des petits bras, enfin un loooong bras appelé axone qui va transmettre l’info loin et des plus petits bras appelés dendrites qui vont être plus locaux.

Entre les dendrites il y a un petit espace qui s’appelle la synapse et les neurotransmetteurs vont passer d’un neurone à un autre dans ce trou. Sauf que lorsque l’on boit de l’alcool, ça bloque ces neurotransmetteurs : l’info ne passe donc plus d’un neurone à un autre et c’est là qu’on se met a être très lents et un peu stupides… ‘vous voyez de quoi je parle , hip’

Il existe 2 type de neurones, les neurones excitateurs et les inhibiteurs, en temps normal on a besoin de ces deux phénomènes pour que le cerveau fonctionne correctement sinon c’est la crise d’épilepsie (pour plus d’infos allez voir l’episode 273). L’alcool lui va baisser l’excitation les neurones seront plus lents et seuls les gros signaux vont passer… Ca veut dire quoi ? Tout simplement on va sentir moins et se rappeler moins.

Ça c’est en simplifié l’effet de l’alcool à l’échelle de la cellule, mais à l’échelle du cerveau, on peut expliquer certains effets aussi suivant la zone « atteinte » (enivrée).

Cortex frontal

L’alcool agit considérablement sur le cortex frontal (partie frontale du cerveau, ils sont allés chercher loin ce nom là). Or, celui-ci commande la maîtrise de soi et le comportement en société, ainsi que les actions ciblées, le raisonnement et la résolution de problèmes. Les dommages causés au cortex frontal entraînent donc une baisse des capacités intellectuelles. On assiste aussi à une augmentation de l’inhibition, c’est à dire un tri des pensées plus important et donc une sorte de clarté d’esprit : on pense donc moins mais très clairement. C’est pour ça souvent que les personnes ivre vont répéter une idée un peu comme si c’était l’idée du siècle. Par ailleurs, une moins bonne maîtrise de soi accentue les risques de réactions impulsives et réduit l’action de freins naturels (par exemple, pour stopper l’envie de boire).

Hippocampe

Les souvenirs ne passent plus de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme, à cause, entre autres, de l’action de l’alcool sur l’hippocampe. L’hippocampe, c’est une petite partie du cerveau qui ressemble à ça :

Cette vue ne permet pas de comprendre pourquoi cette zone est appelée hippocampe mais une fois extrait du cerveau voila à quoi ça ressemble : la version alien du petit hippocampe.

Comparaison, par le neuroscientifique hongrois László Seress, d’une préparation d’un hippocampe et d’un fornix humain avec un hippocampe (1980).

 

Cervelet 

L’action de l’alcool sur le cervelet (petit cerveau, situé à l’arrière du crâne) entraîne des troubles au niveau de la motricité, de la coordination et de l’équilibre. C’est déjà notable chez quelqu’un qui a bu beaucoup une seule fois. Une consommation excessive d’alcool de longue durée peut causer des dommages permanents au cerveau.

En gros on est mal quand on boit.. donc pourquoi on continue ?

L’alcool agit sur le circuit de la récompense et provoque une dépendance mais surtout un sentiment positif au moment de boire. Pour faire très simple, il va augmenter l’effet de la dopamine, neurotransmetteur associé au plaisir (L’écoute de la musique est un moyen fantastique de provoquer une montée de dopamine : dans une étude publiée en 2011 dans Nature Neuroscience, des chercheurs de l’Université McGill rapportaient que la musique que vous aimez, et en particulier celle qui vous procure des frissons, stimule la production de dopamine et de sensations agréables par exemple).

Donc boire vous rend très stupide et vous fait vous sentir bien… forcément vous avez envie de reprendre une pinte ! Et on ne se souvient plus de tout ça le lendemain… Tiens le lendemain, parlons-en !

Qui dit quelques verres dit gueule de bois…

Une grosse partie de l’effet gueule de bois est du à la déshydratation. Elle s’explique par un dérèglement hormonal causé par l’ivresse. L’alcool perturbe la production de vasopressine par le cerveau, une hormone qui régule l’activité des reins. Lorsqu’une personne est ivre, ses reins produisent trop d’urine et évacuent donc de grandes quantités d’eau. Or, le peu d’eau présent dans les verres d’alcool absorbés ne permet pas de compenser les pertes. En cas de forte déshydratation, le corps peut aller puiser de l’eau jusque dans le cerveau, ce qui provoque des maux de tête.

L’alcool est aussi bien reconnu comme vasodilatateur, il dilate les vaisseaux du cerveau, ce qui entraîne un afflux sanguin déclencheur de douleurs et de migraine. Et enfin l’alcool, se décompose au niveau du foie, produisant de l’acétaldéhyde, un liquide toxique qui entraîne des migraines.

Une brasserie a décidé de combattre cela en créant une bière anti-gueule de bois  (Brasserie De Prael  Amsterdam). Alors attention elle n’a pas été scientifiquement testée ! Ils ont juste ajouté quelques ingrédients qui pourraient aider le lendemain :

  • Du gingembre pour lutter contre la nausée
  • Du sel pour aider à la rétention d’eau
  • De la vitamine B12 parce que pourquoi pas (et des études montrent sa baisse chez les alcooliques)
  • Et le petit ingrédient WTF de premier abord : de l’écorce de saule pleureur… alors bien sur les experts en plantes présents lors du podcast en parleront mieux que moi et ça peut sembler fou de rajouter ça à votre bière mais le principe actif majeur du saule c’est  l’acide salicylique. Ça vous parle ? Oui c’est normal, c’est de l’aspirine.

Concernant cette bière… les avis sont partagés, il parait qu’elle sent un peu le médicament (tu m’étonnes !) mais son goût est normal… A vous de la tester et de nous dire ! Bon pour le moment, on a parcouru les effets immédiats et du lendemain… mais à plus long terme ?

Est-il vrai que quand je bois je tue mes neurones ? (Suis-je foutu-e ?)

Pourquoi pense-t-on cela ?

Des articles aiment donner des faits comme celui-là : 3 bières tuent 10 000 neurones… on à 86 milliards de neurones … donc on est quand même tranquille avant de réussir à tuer tous nos neurones même si c’était vrai. Bon mais en vrai l’alcool ne tue pas vos neurones. L’alcool bu avec modération ne cause pas non plus de dommages à long terme (au cerveau).

Cela ne veut pas dire que l’alcool ne peut pas abîmer le cerveau. Les alcooliques peuvent souffrir de dommages au cerveau dûs à l’alcool non liés à la mort des neurones mais à d’autres effets comme une déficience en vitamine B12 ou des problèmes de communication entre neurones. Je vous ai parlé des dendrites plus haut, les petits bras des neurones qui leur permettent de communiquer. Et bien ces dendrites peuvent être abimées après une consommation régulière et excessive d’alcool.

Est-ce que quand je bois, je dois avoir peur d’abimer mon cerveau au final ? Non, si la consommation n’est pas régulière et est modérée. Mais trouver des études sur le cerveau humain est difficile car on manque un peu de matériel… curieusement on ne convainc personne de donner son cerveau pour l’étudier et les tests sur animaux sont parfois trop éloigné pour comprendre ce qu’il se passe chez l’homme.

Allez, on va terminer sur un point très positif et spécifique a la bière… Dans la bière il n’y a pas que de l’eau et de l’alcool … Est-ce que certains composés peuvent être protecteurs ?

OUI  (enfin peut-être)

Le xanthohumol (2′,4′,4-trihydroxy-6′-methoxy-3′-prenylchalcone) a l’air d’avoir pas mal d’effets bénéfiques sur le cerveau, notamment pour prévenir Alzheimer. Des chercheurs chinois ont montré que ce composé était efficace contre le stress oxydatif qui a lieu dans beaucoup de maladies comme Alzheimer, Parkinson et le cancer. On ne s’enflamme pas trop car pour le moment on a pas de preuve sur organisme et cela n’a été testé que sur cellules mais peut-être qu’un jour pas si lointain on conseillera de boire de la bière pour se protéger de ces maladies !

Pour résumer, la bière et le cerveau ne font pas forcement mauvais méninges il suffit juste de boire avec modération (et oui encore lui…) !

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