Ettore Majorana et le mystère de la matière noire

Ce dossier a été réalisé par Nils Barrellon pour l’épisode 398. Niels est l’auteur du polar Le Neutrino de Majorana et vous raconte ici la vie et la physique de celui qui a inspiré son livre.

La vie d’Ettore

Ettore Majorana naît le 5 août 1906 à Catane, dans un petit immeuble de la via Etna (petit rappel, Catane est en Sicile).Une plaque de marbre apprend au visiteur que :

In questa casa il 5 agosto 1906 e nato Ettore Majorana, fisico teorico, il suo genio solitario e schivo ha scrutato et illuminato i segreti del mundo col bagliore di una meteora che troppo presto si dileguava nel marzo del 1938 lascandioci il misterio dei suoi pensieri

(Dans cette maison, le 5 août 1906, naquit Ettore Majorana, physicien théoricien. Son génie solitaire et timide scruta et illumina les secrets du monde avec la lueur d’un météore qui disparu trop tôt en mars 1938, nous laissant le mystère de ses pensées.)


 Nils en 2018, devant l’immeuble où est né Ettore Majorana, à Catane (un genre de pèlerinage…)

Né en août 1906 donc… Conçu en 1905, l’une des deux annus mirabilis de la physique (La première année merveilleuse est en 1666 => Newton crée les outils d’analyse qui lui permettront, 21 ans plus tard, d’énoncer les trois lois de la dynamique que l’on étudie au lycée). En 1905, Einstein publie 4 articles qui vont révolutionner la physique (E=mc2, énoncé de la relativité restreinte, la preuve de l’existence des atomes (dont certains doutaient encore à cette époque) et l’explication de l’effet photo­électrique à l’aide de la constante de Planck => Quantification de l’énergie dans la matière. Ces deux derniers articles vont permettre l’éclosion de la mécanique quantique à laquelle Majorana va prendre part.

Donc, pour résumer, au moment où Ettore Majorana voit le jour, la communauté scientifique voit la matière comme un empilement d’atome qu’elle sait ne pas être élémentaire depuis 1904 avec la découverte des électrons par Thomson (théorie du pain aux raisins).

C’est le quatrième enfant de Fabio Massimo Majorana et Dorina Majorana­ Corso. Les Majorana sont une des grandes familles siciliennes. Le grand père d’Ettore fut député et ministre à la fin du XIXe siècle. Le père de Majorana, ingénieur, est responsable de la compagnie des télégraphe et télécommunication de Cattane et son oncle, Quirino, est professeur de physique expérimentale à l’université de Bologne. Ettore est un garçon fin, au teint pâle mais avec des cheveux et des yeux très noirs.


Ettore et ses soeurs

Très vite, il fait preuve d’un talent hors du commun pour les mathématiques et ses parents le mettent en scène en lui posant des problèmes assez ardus qu’il résout pour le plus grand bonheur des invités présents, en se cachant sous la table.

Mais il reste un gamin quand même… Ainsi, à 10 ans, il grimpe au volant de la voiture de son père, démarre, et écrabouille contre un mur. Il se balafre la main et la cuisse et gardera ces cicatrices toute sa vie…

Sa scolarité est exemplaire : il obtient son bac à l’âge de 16 ans au lycée Torquato de Rome. Très attiré par les sciences, il suit les avancées qui se bousculent au sujet de l’atome dans Nuovo Cimento, la meilleure revue scientifique italienne de l’époque. On sait alors, grâce aux travaux de Rutherford que l’atome possède un noyau, fait de protons, autour duquel tournent des électrons.

Indécis quant à la suite de ses études, il s’inscrit à l’université de Rome, faculté ingénierie, pour faire comme Papa. C’est là qu’il sympathise avec Emilio Segré (PN 1959), Gastone Piqué, Giovanni Gentile notamment, qui vont jouer un rôle important dans sa vie. Ses camarades sont impressionnés par ses capacités en mathématiques (il est capable de calculs compliqués avec des cosinus, des logarithmes… Rien d’étonnant toutefois : voir le film Les figures de l’ombre, 2016) Ses professeurs aussi !

Une anecdote à ce sujet : le cours de maths du professore Severi. Ce dernier bute sur une démonstration devant la classe. Ettore chuchote à Segré que le vieux mathématicien s’y prend mal. Segré suggère alors à son camarade de lui venir en l’aide. Ettore refuse mais Severi entend leur conversation et l’engage à venir au tableau. Penaud, Ettore descend jusqu’au tableau noir, ne prend pas la peine de  corriger la démonstration pour la refaire intégralement. “Elle était trop mal engagée !” dira-t-il.

En 1927, c’est Segré qui convainc Majorana de rejoindre l’institut de physique théorique de l’université la Sapienza, via Panisperna, que vient de créer Enrico Fermi (PN 1938) Sous l’impulsion de Mario Corbino, physicien et politique italien, Fermi a carte blanche pour développer la physique nouvelle qui voit le jour dans ces années là et qui bouillonne de découvertes. Ainsi, depuis 1926 et la fameuse équation proposée par Erwin Schrödinger (PN 1933), le modèle de Niels Bohr qui décrivait la trajectoire des électrons autour du noyau sur des couches électroniques est devenu obsolète. Les physiciens commencent à se débarrasser de toutes les représentations instinctives de la matière. Et c’est là que va exceller Majorana dont le pouvoir d’abstraction est très grand.

En janvier 1928, Fermi reçoit Majorana dans son bureau pour  valider son entrée dans l’institut. Le jeune physicien trouve le moins jeune physicien (Fermi n’a que 5 ans de plus qu’Ettore) assis derrière son bureau en train de taper sur une énorme machine à calculer, une Brunsviga ­le top du moment­, appliqué à déterminer les niveaux d’énergie dans les atomes qui nécessitent des calculs assez compliqués malgré les approximations idoines (qui deviendront le modèle de Thomas­ Fermi). Certains résultats sont notés sur un tableau noir et lui ont demandé une semaine de travail . Assez mystérieux, Ettore demande à Fermi sur quoi il travaille. Il scrute le tableau noir assez intensément puis… s’en va ! Il revient le lendemain et dépose devant Fermi une feuille sur laquelle sont griffonnés des calculs. Ceux là­ mêmes qui occupaient Fermi la veille. Le tableau est complet et les résultats sont justes !

  • Vous aviez une calculatrice ? s’étonne Fermi.
  • Non, répond Majorana.

Est-­ce cela qui convainc Fermi d’embaucher Majorana ? Toujours est il que ce dernier intègre l’institut de physique via Panisperna et devient un des ragazzi avec Fermi, Segré, Amaldi, d’Agostino, Pontecorvo et Rasetti (un film de Giani Amelio intitulé I ragazzi di via Panisperna de 1988 raconte cette fabuleuse collaboration : il est visible sur le site de la Rai en replay I ragazzi di via Panisperna – S1E1 – Video et I ragazzi di via Panisperna – S1E2 – Video)

L’institut de physique via Panisperna

En 1929, il obtient son doctorat sur la théorie quantique des noyaux radioactifs. En 1930, Pauli postule l’existence du neutrino dans une lettre restée célèbre (en annexe). 

En janvier 1932, il prend connaissance des travaux des époux Joliot­-Curie (PN 1935) sur le rayonnement pénétrant de Bothe­Becker et il s’exclame « Stronzi » (imbéciles!) : contrairement à eux, il a compris qu’ils viennent de découvrir le proton neutre. Fermi le supplie de publier, il refuse (arguant que quelqu’un d’autre le fera bien assez tôt). Ce qui fera les affaires de Chadwick (PN 1935 en Physique) qui démontre expérimentalement l’existence de ce fameux proton négatif, le neutron, la même année.

La composition de la matière se précise : ainsi un atome est constitué d’un noyau composé de protons chargés positivement et de neutrons, neutres électriquement, autour duquel on trouve dans des volumes précis des électrons chargés négativement.

C’est cette année qu’il publie une Théorie relativiste des particules de moment intrinsèque arbitraire où il cherche à construire une théorie alternative à celle de Paul Dirac, physicien britannique qui, en 1931, a prédit l’existence de l’anti-matière (solution d’énergie négative de son équation liant relativité et mécanique quantique). En novembre 1932, Majorana obtient son doctorat d’état en physique théorique.

En 1933, Fermi convainc Majorana d’aller passer quelque temps en Allemagne, pour rencontrer Heisenberg (PN 1932). Ettore y passe 6 mois pendant lesquels il sympathise avec le père du principe d’incertitude dont il trouve la conversation « irremplaçable ». Les deux hommes jouent aux échecs (et Majorana gagne) ou au ping pong (et Majorana perd). Il profite aussi de ce séjour pour aller rendre visite à Niels Bohr à Copenhague (institut de physique théorique) en mars 33 avant de revenir en Allemagne où la tension montante ne semble pas le préoccuper outre mesure comme en témoignent les lettres détachées qu’il envoie à ses parents ou amis. 

C’est alors que sa santé se dégrade et il revient sur Rome le 5 août 1933. A la même époque, la découverte expérimentale du positron par Carl Anderson (PN 1936) vient confirmer la thèse de Dirac à laquelle Majorana n’a jamais crue et qui le rebute.

La trace d’un positron captée par Anderson en Californie… Il ne tourne pas dans le même sens qu’une particule chargée négativement !

Il ne réintègre pas l’Institut. Il est malade (il souffre d’une gastrite chronique) et possiblement dépressif. Il s’enferme chez lui, ne reçoit personne, renvoie les lettres en écrivant dessus « Rejetée, destinataire décédé ». Il est pourtant sollicité par les meilleures facultés du monde, tant sa renommée est devenue grande mais refuse toutes les propositions. Même ses meilleurs amis ne parviennent pas à le faire sortir de sa chambre. En 1934 son père, gravement malade meurt. Il se néglige, laisse pousser sa barbe, mange de façon anarchique. Il confie notamment à son ami Amaldi que « la physique est sur un mauvais chemin ».

En 36, enfin, il sort la tête de l’eau et le fait savoir. Il postule même pour l’une des 3 chaires de physique théorique que l’académie des Sciences a décidé d’ouvrir et, reprenant de vieux travaux réalisés à Leipzig, publie pour l’occasion son dernier article : Théorie symétrique de l’électron et du positron dont nous allons reparler !!!

En 1937, il rejoint donc Naples pour y enseigner. Seuls 5 élèves parviennent à suivre ses cours qu’il passe pourtant beaucoup de temps à préparer. Fait troublant, 15 jours après sa prise de fonction, il croise Giuseppe Occhialini qui est heureux de serrer la main du célèbre Ettore Majorana. Celui ci lui confie alors qu’il « arrive à temps. Si vous étiez venu  plus tard, nous ne m’auriez plus trouvé. Car il y a ceux qui en parlent et ceux qui le font. » Le 26 mars 1938 il prend le ferry pour Palerme. Juste avant d’embarquer il poste une lettre pour son ami Carelli qui dit :

«Cher Carrelli,

J’ai pris une décision qui était désormais inévitable. Il n’y a pas en  elle la moindre trace d’égoïsme, mais je me rends compte des ennuis que ma disparition soudaine pourra causer, à toi et aux étudiants. C’est pourquoi je te prie de me pardonner, et surtout pour avoir déçu toute la confiance, la sincère amitié et la sympathie que tu   m’as montrées au long de ces mois. Je te prie aussi de me rappeler au bon souvenir de ceux que j’ai appris à connaître et à apprécier dans ton Institut, en particulier à Sciuti ; d’eux tous je conserverai un affectueux souvenir, au moins jusqu’à onze heures ce soir, et, si cela    est possible, même après.

Il laisse une autre lettre à l’intention de sa famille qui est très claire :

Je n’ai qu’un seul désir : que vous ne vous vêtiez pas de noir. Si vous voulez vous plier à l’usage, portez, mais pas plus de trois jours durant, quelque signe de deuil. Ensuite, si vous le pouvez, gardez moi dans votre cœur et pardonnez moi.

Malgré ces deux annonces épistolaires, il débarque pourtant à Palerme d’où il renvoie un télégramme à Carelli lui demandant de ne pas tenir compte de la précédente :

« Cher Carrelli,

J’espère que mon télégramme et ma lettre te seront parvenus ensemble. La mer m’a refusé et je reviendrai demain à l’hôtel Bologna, en voyageant peut être sur le même bateau que ce mot. J’ai cependant l’intention de renoncer à l’enseignement. Ne me prends pas pour une jeune fille d’Ibsen car mon cas est différent. Je suis à ta disposition pour des détails ultérieurs. »

Dernière lettre de Majorana pour Carrelli

Il reprend alors le ferry pour revenir à Naples mais il ne descendra jamais du bateau.

Son corps n’a jamais été retrouvé (et cela contredit les expériences tentées plus tard avec des mannequins qui sont toujours revenus sur les côtes grâce aux courants). On a découvert plus tard qu’il avait pris son passeport et vidé son compte en banque avant d’embarquer.

Le Vatican n’a jamais répondu aux questions de sa famille qui supposait qu’il avait bénéficié de l’aide de moines pour passer en Amérique Latine. Des témoins l’auraient vu à Naples peu de temps après sa mort présumée…

Tous ces arguments expliquent le succès du livre polémique de Leonardo Sciascia : la disparition de Majorana dans lequel il affirme avoir rencontré Majorana en Argentine où il aurait refait sa vie, loin de la physique et des laboratoires…

Pourquoi les travaux de Majorana intéressent ils tant de scientifiques aujourd’hui ?

Les physiciens ont bien travaillé depuis 1905 et la preuve de l’existence des atomes par Albert Einstein… Le bestiaire du modèle standard s’est peu à peu enrichi de nouvelles particules…

A l’heure actuelle, il semble complet et n’a pas encore été pris en défaut !

3 familles de fermions comprenant chacune : deux quarks et deux leptons. La première famille constitue la matière ordinaire que nous connaissons bien : les quarks up and down constituent les protons et les neutrons, les électrons “tournent” autour du noyau ainsi formé d’où le neutrino électronique s’échappe à chaque désintégration béta.

Les bosons complètent le tableau de chasse et assurent la cohésion de ces particules élémentaires (on y trouve notamment le fameux boson de Higgs, prédit dans les années 50 et mis en évidence expérimentalement en 2012, dans le LHC du CERN).

A cet ensemble, il convient d’ajouter son pendant d’antimatière : anti-électron alias positron, anti-neutrino…

Toutefois, en parallèle de l’élaboration de ce modèle standard, les scientifiques ont très vite constaté une anomalie étrange. En 1933, c’est Fritz Zwicky, physicien suisse, qui mesurant les vitesses des galaxies qui orbitent dans l’amas du Coma, calcule que la gravité exercée par la matière visible ne peut pas compenser la force centrifuge qui s’exerce sur ces galaxies : elles devraient être expulsées de l’amas comme d’un manège tournant trop vite. Il en déduit la présence d’une matière obscure, dont la masse est bien plus importante que celle de la matière visible. 

De nos jours, l’existence de la matière noire ne fait plus aucun doute… Et, on sait même que la matière que nous connaissons et détectons directement, régie par le modèle standard donc, ne représente que 4 à 5% de la densité de matière (soit ⅙ de la matière) présente dans l’univers ! Mais quelles sont les particules qui constituent la matière noire ?

En 1937 avec sa « Teoria simmetrica dell’elettrone e del positrone » Majorana, qui n’avait jamais accepté la théorie de Dirac sur l’antimatière, parvint à la conclusion que les fermions neutres pouvaient être leur propre antiparticule… Aujourd’hui, beaucoup de scientifiques pensent donc que le neutrino, qui est un fermion neutre, pourrait être le constituant de la matière noire… S’il était “de Majorana” ! Pourquoi ? 

Les neutrinos ont été produits dès la naissance de l’univers et, contrairement aux photons qui interagissent avec la matière, ils se sont échappés sans difficulté aux confins de l’univers. Ils pourraient donc être un ou le composant de cette masse invisible.

Toutefois, un principe de modèle standard affirme que matière+antimatière = énergie (et donc annihilation des deux particules). Or, à la création de l’univers, les neutrinos ont été produits en quantité presque égale avec les anti­neutrinos, donc, il ne devrait pas en rester beaucoup… Pas suffisamment en tous les cas pour expliquer la matière noire… Sauf, si ces neutrinos étaient « de Majorana »… Étant la même particule, pas d’annihilation… Et donc accumulation… Et donc matière noire !

Ajoutons à cela que les neutrinos, qui interagissent très très peu avec la matière, sont très difficile à détecter… Cette matière noire pourrait être des neutrinos que nous ne voyons pas !

Les expériences ?

On a coutume de dire que, chaque seconde, 1000 milliards de neutrinos traversent notre corps. Et, pour en arrêter la moitié, il faudrait un écran de plomb épais d’une année lumière !

Détecter les neutrinos est donc une vraie gageure car ils n’interagissent que très peu avec la matière. D’ailleurs, ils ont été pressentis en 1930 par Pauli et n’ont été mis en évidence expérimentalement que vingt-six ans plus tard. Comme souvent, les scientifiques utilisent des méthodes de détermination indirecte. On peut en citer quelques unes :

Super Kamiokande est située au Japon, dans une mine, en dessous d’une montagne. C’est un gigantesque réservoir d’eau pure dans lequel un neutrino incident peut réagir avec un nucléon d’un atome d’oxygène pour donner naissance à une particule allant plus vite que la lumière et produisant donc un cône de lumière (effet Tchérenkov) que l’on détecte (même principe pour Antarès qui est immergé au large de Toulon)

Super Kamiokande (le petit point orange est un radeau pneumatique avec des scientifiques qui s’occupent de la maintenance des tubes photomultiplicateurs)

Icecube : principe assez similaire avec des senseurs optiques figés dans la glace de l’antarctique (1km2 de surface, 1 km de profondeur!) : détecte les neutrinos de hautes énergie…

Détecteur Ice cube

Mais détecter un neutrino de Majorana fait l’objet d’observations spéciales !

Les scientifiques se penchent sur la double désintégration bêta. C’est une désintégration rare mais observé : pour certains noyaux, la simple désintégration β vers  le noyau suivant est énergiquement impossible mais deux désintégrations simultanées sont permises.

Si le neutrino est de Majorana, un des antineutrinos émis peut être vu comme un neutrino par le deuxième neutron et est alors absorbé dans le second processus au lieu d’être émis. Il n’y a alors pas d’émission de neutrinos. Ce processus, s’il existe, serait 1 million de fois plus rare que la désintégration 2β2ν!

NEMO pour Neutrino Ettore Majorana Observatory, situé au Laboratoire souterrain de Modane (LSM) dans le tunnel routier du Fréjus, traque cette double désintégration béta exceptionnelle !

NEMO3 (NEMO1 et 2 étaient expérimentaux) a fonctionné pendant 8 ans, de 2003 à 2011 et a enregistré un million de double désintégration bêta sans pouvoir capter une double béta sans neutrino. L’expérience a toutefois permis de préciser la masse des différents neutrinos. SuperNEMO devrait voir le jour dans quelques années avec une précision améliorée et un bruit de fond diminué…

Notons enfin que la double désintégration béta sans neutrino s’interprète de plusieurs façons dont l’une fait intervenir l’émission de Majoron !!!! La communauté scientifique rend enfin hommage à Ettore…

Pour conclure

Majorana, malgré le nombre très faible de ses publications officielles a laissé son nom dans de nombreux domaines de la physique… Son patronyme se rencontre de plus en plus souvent ces dernières années : l’effet Majorana ­Brossel, force de Majorana, équation de Majorana, champ de Majorana, transformations de Majorana, algèbre de Majorana, sphère de Majorana, neutrino de Majorana, fermions de Majorana qui juxtapose les deux plus grands scientifiques italiens du siècle dernier. Majorana et Fermi… C’est ce même Fermi, cet illustre Fermi, qui a déclaré :

Il y a plusieurs catégories de scientifiques : ceux qui font de leur mieux, et ceux, de premier plan, qui font des découvertes importantes… Et puis, il y a des génies, comme Galilée et  Newton, Ettore était de ceux ­là…

Annexe : Lettre de Pauli prédisant l’existence du neutrino

“Chers Dames et Messieurs radioactifs,

Je vous prie d’écouter avec beaucoup de bienveillance le messager de cette lettre. Il vous dira que pour pallier la « mauvaise » statistique des noyaux N et Li­6 et le spectre bêta continu, j’ai découvert un remède inespéré pour sauver les lois de conservation de l’énergie et les statistiques. Il s’agit de la possibilité d’existence dans les noyaux de particules neutres de spin, obéissant au principe d’exclusion, mais différentes des photons par ce qu’elles ne se meuvent pas à la vitesse de la lumière, et que j’appelle neutrons. La masse des neutrons devrait être du même ordre de grandeur que celle des électrons et ne doit en aucun cas excéder 0,01 de la masse du proton. Le spectre bêta serait alors compréhensible si l’on suppose que pendant la désintégration bêta, avec chaque électron est émis un neutron, de manière que la somme des énergies du neutron et de l’électron est constante…

J’admets que mon remède puisse paraître invraisemblable, car on aurait dû voir ces neutrons bien plus    tôt si réellement ils existaient. Mais seul celui qui ose gagne, et la gravité de la situation, due à la nature continue du spectre, est éclairée par une remarque de mon honoré prédécesseur, Monsieur Debye, qui me disait récemment à Bruxelles : « Oh ! Il vaut mieux ne pas y penser du tout,  comme pour les nouveaux impôts ». Dorénavant on doit discuter sérieusement toute voie d’issue. Ainsi, cher peuple radioactif, examinez et jugez. Malheureusement je ne pourrai être moi­même à Tübingen, ma présence étant indispensable ici pour un bal qui aura lieu pendant la nuit du 6 au 7 décembre.

Votre serviteur le plus dévoué, Wolfang Pauli”

Remarque : c’est Fermi qui baptisera cette particule neutronino (petit neutron en italien) qui sera par la suite raccourci en neutrino.

Quelques sources:

  • En cherchant Majorana – Klein – Folio
  • Une destination légèrement incertaine – Cambon – Ed. Dialogues
  • La 2eme disparition de Majorana – Jordi Bonells – Liana Levi
  • Le grand roman de la physique quantique -Manjit Kumar – Champs
  • Il était une fois la révolution – Klein – Champ
  • La disparition de Majorana – Sciascia – Allia

Et bien sur le livre de Nils:

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