Les étoiles vertes n’existent pas

Dossier écrit et présenté par Johan dans l’épisode Podcast Science 457 : “On se met au vert”, diffusé en Octobre 2021

Alors commençons par une question simple, de quelle couleur sont les étoiles ? 

Deux très beaux exemples pour voir la couleur des étoiles sont les deux épaules du géant Orion. Je ne sais pas si vous sauriez la reconnaitre ? 

La constellation d’Orion (Credit & Copyright: Matthew Spinelli)

Orion c’est cette grande constellation visible en hiver, grosso modo d’Octobre à Février, et en été dans l’hémisphère sud. Elle est assez caractéristique, avec 3 étoiles alignées, qui forment le baudrier d’Orion, et 4 étoiles en rectangle, deux au dessus (Betelgeuse et Bellatrix) qui forment les épaules et deux en dessous (Rigel et Saïph) qui forment les jambes. Et bien la prochaine fois que vous regardez Orion, faites attention aux épaules (Betelgeuse et Bellatrix) et vous verrez que l’une est clairement rouge et l’autre clairement bleu. C’est d’autant plus facile qu’elles sont très proches l’une de l’autre. Sinon il y a aussi des étoiles blanches, comme le soleil. En fait elle est un peu jaune vu depuis la Terre, mais c’est à cause du passage dans l’atmosphère. Alors pourquoi ces couleurs ? 

Donc déjà, je l’ai déjà rappelé à plusieurs reprises dans cette série sur les couleurs, mais les couleurs que nous voyons correspondent à des photons de différentes énergies. L’arc-en-ciel, est créé par la dispersion de ces différents photons qui ne se comportent pas exactement de la même manière lors de la traversée de la goutte d’eau, ce qui nous permet de les observer. On a ainsi les photons les moins énergétiques que l’on peut voir, en rouge, puis on passe au jaune et vert, qui sont les énergies au centre de notre bande de vision, et puis les plus énergétiques, en bleu et violet à la fin. Et c’est tout ? Non, car nos yeux sont limités, mais ça continue ensuite dans les ultra-violets. Et puis encore plus énergétiques, les rayons X. Et puis les rayons gamma, photons extrêmement énergétiques uniquement produits dans les réactions les plus violentes. Et en dessous du rouge, il y a aussi d’autres choses. Par ordre décroissant d’énergie, on a les infrarouges, puis les micro-ondes et enfin les ondes radio.

 

Le spectre lumineux, des ondes Gamma à droite aux ondes radios à gauche. Au centre, l’arc-en-ciel que l’on connait, dans la partie visible, notre petite fenêtre sur le spectre électromagnétique.

En fait notre oeil n’est capable de voir qu’une toute petite partie de la lumière qui est autour de nous. Imaginez que l’ensemble de la lumière est un grand paysage mais notre perception est seulement une petite fenêtre, une bande finie à un endroit bien précis, une bande qui va du rouge au violet en passant par les couleurs de l’arc en ciel. 

Maintenant qu’on a un peu compris ce qu’est la couleur, on peut se demander comment les objets émettent de la lumière et de quelle couleur est elle? Il y a 3 phénomènes principaux qui permettent d’expliquer que de la lumière nous parvienne d’un objet : la transmission, la reflexion et l’émission. 

Prenons une lampe avec un abat jour dans une pièce sans autre source. La transmission c’est simple c’est ce qui passe à travers l’abat jour. La reflexion c’est ce qui vous permet de voir tous les objets en fait. Si vous éteignez la lumière il fait noir, quand vous allumez vous pouvez voir car la lumière de la lampe se réfléchie sur les objets, le plafond, les murs autour de vous… La réflexion, c’est la lumière qui se réfléchit et qui revient vers vous. En pratique la lumière de la plupart des objets autour de nous c’est de la reflexion. On voit le monde quasiment uniquement par réflexion de la lumière du soleil ou de la lumière électrique. 

Bon et bah l’émission alors. Alors il peut y avoir plusieurs sources d’émission, par exemple la phosphorescence ou la chimiluminescence, la  chimiluminescence, ou la triboluminescence mais celle qui nous intéresse c’est celle qui fait les étoiles, le soleil, et le filament d’une ampoule. Bon alors souvent les objets qui émettent ne sont pas seuls dans l’univers, ils sont entourés d’autres objets qui émettent et donc nos objets réfléchissent la lumière des autres objets autour d’eux. Imaginons un objet parfaitement absorbant. Un objet noir de chez noir. Aucune transmission, aucune reflexion. On l’appelle le corps noir en physique. Et bien cet objet ,quelle que soit sa constitution, quel que soit son matériau, il va émettre de la lumière d’une certaine couleur. 

Bon mais alors ce corps noir, c’est un objet qui existe ou c’est juste une belle idée physique ? En fait c’est un truc un peu théorique mais si vous prenez un truc qui émet des millions de fois plus qu’il ne réfléchit, vous pouvez faire l’approximation qu’il ne réfléchit pas du tout et alors on peut considérer en bonne approximation qu’il s’agit d’un corps noir. L’un des premiers physiciens à étudier ces phénomènes, le physicien allemand Wilhelm Wien utilisait des fours dans lesquels il ouvrait de petits trous pour cela. Beaucoup d’émission lorsqu’il chauffait, mais peu de reflexion car la lumière qui rentrait par le petit trou avait du mal à en ressortir. Du coup, les étoiles sont de très bons corps noir. Un photon qui arrive sur l’étoile va être absorbé par l’étoile et mettre des milliers d’années à ressortir.  Elle est tellement brillant et absorbant qu’on peut considérer que toute lumière qui en sort est uniquement produite par elle. Et du coup c’est la toute la beauté un peu paradoxale de ce concept, les meilleurs corps noir sont les étoiles, les objets les plus brillants autour de nous.

Du coup, ce type d’objet émet de la lumière, avec une belle loi expérimentale avec des exponentielles qu’on découvre à la fin du 19eme siècle. Démontrer théoriquement la loi du corps noir, c’est un peu le boss de fin de la physique classique. On arrivait à la mesurer avec des fours et des petits trous mais pas à l’expliquer théoriquement et toutes les preuves que l’on tentait avait tendance à casser la physique, avec des énergies infinies et autres joyeuseté. A la fin du XIXe, paf, ya Planck qui a dit “bam je te la prouve si les états d’énergie sont quantifiés” c’est a dire si l’énergie ne peut pas prendre toutes les valeurs, mais seulement certaines bien précise. Et la bam ça casse la physique classique, et paf la physique quantique arrive. Bon mais on va pas en parler plus que ça ce soir !

Cette loi, c’est le niveau d’énergie en fonction de la couleur. C’est une belle forme en cloche, ça commence par très peu d’émission, puis il y a un maximum d’émission à une couleur particulière, mais cette loi à une certaine largeur donc on couvre toujours pas mal de couleurs d’un coup. Et la beauté de cette fonction c’est que le pic d’émission et la largeur d’émission dépend uniquement de la température. 

Donc en gros si vous avez cet objet à une température donnée, vous savez exactement comment cet objet émet de lumière en fonction de la couleur. Prenons comme exemple un métal et chauffons le. Quand il est à température ambiante, il émet bien sur, mais il émet dans l’infrarouge donc on a l’impression qu’il n’émet pas pcq notre oeil a une toute petite bande de vision est toute petite, pas dans l’infrarouge.  D’ailleurs nous aussi, nous sommes des corps de température 37℃ donc notre pic d’émission de lumière est dans l’infrarouge, donc 20 fois moins énergétique que ce qu’il faudrait pour qu’on puisse le voir avec nos yeux. C’est pour ça qu’on ne se voit pas nous même dans le noir avec nos yeux. Revenons à notre métal, on continue à le chauffer, et le pic d’émission commence à être avec des photons de plus en plus énergétiques. Au bout d’un moment, le pic est encore loin de notre petite fenêtre de vision, mais le bords de la courbe en cloche commence à arriver dans notre fenêtre, et le métal commence à émettre de la lumière, très peu énergétique, en rouge. Cela commence à être perceptible vers 700℃. 

On continue à chauffer, et il devient de plus en plus brillant alors que le maximum de luminosité se rapproche de notre petite fenêtre. On commence à avoir du rouge et du jaune qui se mélange et le métal apparait orange. Puis l’on a du vert du jaune et du rouge, et on a l’impression que le métal devient jaune. A un moment, le maximum d’émission est centré dans notre petite fenêtre, et il émet a peu prêt de la même façon dans toutes les énergies de notre fenêtre et on voit du blanc, le mélange de toutes les couleurs. La température d’un corps qui émet en plein milieu de notre petite fenêtre est environ 5500℃, qui correspond exactement à la température des couches externes de notre soleil ! 

Ca alors qu’elle chance, on voit exactement là où le soleil émet au maximum ! Bien sur ce n’est pas un hasard ! Notre oeil a évolué pour être très efficace dans l’endroit où le soleil émet le plus de lumière, pour bien voir pendant la journée, et moins ailleurs. Notre petite fenêtre de vision est exactement centrée sur le soleil. 

Et si on continue ? Et bien le pic va sortir de notre petite fenêtre dans l’autre direction ! Et donc la lumière, pour un observateur avec notre petite fenêtre de couleur qu’est notre oeil, ne va voir que la queue de la courbe en cloche qui s’éloigne de plus en plus et donc devenir de plus en plus bleu. Bon c’est là ou on va avoir un soucis si on essaye avec un métal. J’ai été cherché et le métal que j’ai trouvé avec la plus haute température d’ébullition est le tungstène avec 5500℃. J’ai dit ébullition, pas fusion, ça veut dire qu’au delà de 5500℃ votre barre de métal n’est pas liquide, elle devient… gazeuse. Mais pour les étoiles les plus chaudes de l’univers ce n’est pas un problème. A partir de 10’000℃ environ, environ 2 fois plus chaud que le soleil, l’étoile devient bleue à notre oeil.

Intensité du corps noir pour des étoiles de différentes températures (comme si elles avaient toutes la même magnitude maximum). La couleur des courbes correspond grosso modo à la couleur avec laquelle on les verrait à l’oeil nu. La bande du visible est représenté par l’arc en ciel vertical.
Crédit: Johan Mazoyer / Podcast Science

Bellatrix dont on a parlé au début, à une température de 22’000℃ (presque 4 fois plus que notre soleil) et a donc un maximum d’émission loin dans l’ultraviolet bien au delà de notre petite fenêtre. Ce qu’on en voit c’est donc la partie de la courbe en cloche qui intersecté notre petite fenêtre, dans les tons bleus et violet. On peut se poser la question, quelles sont les étoiles les plus chaudes ? Si toi aussi, tu cherches les plus chaudes étoiles dans ta région, appuie sur 1. Certaines étoiles très massives en fin de vie n’ont plus d’hydrogène à brûler et vont se mettre a tout brûler très très vite ce qu’il leur reste pendant une période très courte. Et pendant ce moment, elles vont être très très chaudes, atteignant des température des plusieurs dizaines de milliers de degrés, plusieurs dizaines de fois la température du soleil. Ces étoiles sont extrêmement lumineuses, mais en ultraviolet ! Dans notre petite fenêtre, on ne les voit pas tant que ça, car leur pic d’émission est très très loin en dehors de notre fenêtre de vision. On les appelle les étoiles de Wolf-Rayet, du nom des 2 astronomes de l’observatoire de paris qui les ont découvertes au XIXe siècle et elles sont très rares dans notre galaxie. 

Et les étoiles les plus froides ? Et bien il s’agit des avortons d’étoiles, des objets à peine plus gros qu’une planète comme Jupiter et qui brulent très très peu. Elles sont très peu brillantes et très froides, et on les appelle les naines brunes car elles émettent la plupart de leur photons tellement loin dans l’infrarouge qu’elles apparaissent à peine rouge-brun à l’oeil nu. 

Bon on a compris comment les étoiles émettent des couleurs, du rouge, à l’orange, jaune, blanc puis enfin bleues. Mais alors pourquoi on sauté le vert ? Il est en plein milieu dans notre arc en ciel ! 

Et bien car la courbe en cloche du corps noir n’est pas assez fine par rapport à notre petite fenêtre, elle ne décroit pas assez vite ! Imaginons une étoile dont le maximum serait centré sur la couleur verte. Et bien elle emmenait 15% dans le vert mais aussi 13% dans le bleu et 13% dans le rouge… et donc apparait blanche. Ce qui se rapproche le plus d’une étoile verte, c’est le soleil ! 

Les 3 couleurs d’une étoile exactement centré sur le vert, comme le Soleil. Elle émet quasiment autant de bleu et de rouge, et donc apparait blanche !

Bon et du coup pour avoir une étoile verte, il faudrait une courbe en cloche centrée sur le vert mais qui décroîtrait très très vite dans le bleu et le rouge. Mais comme je l’ai dit, la loi du corps noir ne dépend que d’un seul paramètre… la température ! On ne peut donc pas faire bouger un paramètre pour la rendre plus fine sans changer aussi son maximum d’émission. Et donc on peut prouver qu’il est impossible d’avoir une étoile verte, dans tout l’univers… 

Couleur “à l’oeil nu” d’un corps noir à différentes températures. Les températures sont en Kelvin (0Kelvin = -273℃). Source : Planckian locus Wikipedia page

Source :

Le Lieu de Planck correspond à la couleur qu’aurait un corps noir à une température donnée, pour notre oeil
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lieu_planckien

La page du corps noir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Corps_noir

Photo de couverture : Astrophotographies et montage par Tragoolchitr Jittasaiyapan 

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