Vélèlles et Physalies

On dirait des îles flottantes, mais ce ne sont ni des desserts, ni de vraies îles parce qu’elles flottent vraiment sur l’eau.  Mais on en trouve beaucoup, échouées sur les îles, telles que la Corse, ou les Açores et en ce moment on en voit vraiment beaucoup.  Et comme ce sont des créatures vraiment intrigantes, aujourd’hui je voudrais vous parler de deux espèces animales peu connues : les Vélelles et les Physalies.

Chronique d’Irène pour l’épisode 475 sur le thème des îles

Carte Postale 1 : Vélèlles et Physalies, des cnidaires

Ce sont des animaux qui ont en commun de flotter sur les mers, et d’être dirigés par les vents et marées. Et de fait, on en voit énormément lorsque l’on navigue. Ce groupe des organismes qui flottent est parfois appelé le Neuston, ou Pleuston : “ensemble des organismes vivants, généralement très petits, qui vivent habituellement au-dessus ou au-dessous du film de surface des eaux calmes” (def du Larousse).

Les Vélelles et les Physalies sont des cnidaires , un groupe d’animaux aquatiques urticants pour l’homme. Cet embranchement des Cnidaires regroupe notamment les anémones de mer, les méduses et les coraux. Ils possèdent des cellules capables de lancer un minuscule harpon urticant pour attraper leurs proies ou se défendre, cellules que l’on appelle le nématocyste ou cnidocyste.

Le cnidocyste est une cellule on va dire explosive.  Elle forme une vésicule dans laquelle se trouve un filament urticant, comme un harpon enroulé sur une tige, pointe en bas.  L’extérieur de la cellule est équipé d’un cil.  Lorsque ce cil entre en contact avec une surface, une grande quantité de calcium contenu dans la vésicule passe dans le cytoplasme de la cellule. Cela crée un gradient osmotique énorme et un fort appel d’eau dans la cellule avec une forte augmentation de volume.  L’augmentation de pression oblige le filament à être renversé et éjecté en même temps de la vésicule  Cette décharge prend quelques microsecondes et peut atteindre des accélérations d’environ 40 000 g . [1] [2] (Voire même 700 nanosecondes, atteignant une accélération allant jusqu’à 5 410 000 g . [3])

Ce sont des cellules «à usage unique», qui coûtent beaucoup d’énergie à leur propriétaire

Les cnidaires existent sous deux formes : les formes fixées ou Polypes (corail, anémone de mer) et les formes libres et mobiles (Méduses). (Le nom de Polype a été donné par René Antoine Ferchault de Réaumur à ces organismes car ils ressemblaient à des poulpes (du Grec ancien: poly, “beaucoup” et pous, “pied”) dans leur structure globale : une bouche centrale et des tentacules tout autour.).

Les Vélelles et les Physalis sont des Hydrozoaires, qui sont des polypes, donc en théorie fixés, même si elles flottent en surface. Mais leur structure les est bien celle des polypes. Les polypes ressemblent à un tube fixé grâce à un pied. Ils sont donc cylindriques et à leur sommet se trouve un orifice  entouré de tentacules qui sert de bouche et d’anus.

Dans les cas des Vélelles et Physalies,
les polypes vont s’organiser pour former
des colonies, des superorganismes complexes.

Reproduction sexuée

Les polypes enferment leur matériel génétique dans une structure un peu compliquée appelée le gonodendron, et qui contient les cellules sexuelles (gamètes) mâles et femelles. La fécondation peut avoir lieu s’il y a rencontre entre deux gamètes. Si ces deux proviennent du même individu il y a autofécondation, autrement il y a fécondation croisée. Les gamètes fécondées vont se développer et former une larve, la planula, qui formera un nouvel organisme.

Les Vélelles: Velella velella

On en voit énormément en Méditerranée. Quand elles viennent s’échouer sur les plages, on dirait parfois des plaques poudreuses, un peu comme de la neige. On les trouve occasionnellement le long de la côte ouest des Îles Britanniques et de l’Irlande. Sur l’eau, on peut les voir à perte de vue, petits bateaux flottants tranquillement sur les vagues.   

La vélelle ressemble à un petit radeau avec un voile. Le radeau est un flotteur qui ressemble à du cartilage, mais qui est rempli d’air, qui est de forme ovoïde, de quelques cm, et de couleur bleuté. On voit aussi des anneaux ovoïdes de taille croissante qui partent du centre. La base est donc surmontée d’une sorte de voile transparente, plus ou moins triangulaire, avec des nervures, orientée obliquement au flotteur vers la droite ou vers la gauche.

Pour se nourrir, la vélelle possède de nombreux polypes relativement courts qui se nourrissent de plancton océanique. Ceux-ci sont reliés par un système de canaux qui permet à la colonie de partager la nourriture ingérée par les polypes individuels. La vélelle est planctonophage, elle se nourrit donc en capturant les microorganismes du plancton grâce à ces polypes pêcheurs nourriciers qui sont suspendus en cercle sous le disque. Ceux sont ces derniers qui sont garnis de cnidocytes qui harponnent les petites proies (petits crustacés, œufs de poisson, etc…) qui sont ensuite acheminées vers le (il n’y en a qu’un) polype nourricier central (le gastérozoïde).

La symbiose (association bénéfique pour les deux partis) avec des zooxanthelles (micro-organismes unicellulaires, capables de se nourrir par photosynthèse, en captant la lumière du soleil, et vivant en symbiose avec plusieurs animaux marins et d’eau douce, comme les coraux et les vélelles) procure à la vélelle un apport supplémentaire en matière organique.

En ce qui concerne la reproduction, les gonozooïdes produisent chacun de nombreuses petites méduses par un processus de bourgeonnement asexué, de sorte que chaque colonie de Vélelle produit des milliers de petites méduses, chacune d’environ 1 à 3 mm de haut et de large, en plusieurs semaines. Les méduses atteignent la maturité sexuelle en trois semaines environ en laboratoire.  Elles vont alors à leur tour libérer dans l’eau les gamètes males et femelles. Après fécondation il y a formation d’une larve (Conaria) qui va se développer pour former une nouvelle colonie flottante d’hydroïdes Velella.

Un des prédateurs de la Vélelle, c’est le poisson lune qui en raffole.  Et comme le poisson lune à une physionomie très bizarre, en ce moment, en Méditerranée, vous pouvez voir parfois à la surface de l’eau une sorte d’aileron de 30-40 cm, qui bouge de façon chaotique, qui ne se déplace pas: c’est un poisson lune : la Mole,(ou Mola mola) en train de faire un festin…. 

Je vous invite à visionner si vous le pouvez une merveilleuse vidéo, elle est vraiment magnifique: 

La Physalie: Physalia physalis

Voyons maintenant un autre Cnidaire, que l’on rencontre souvent en ce moment sur les mers : la physalie (Physalia physalis) du grec phusalis qui signifie bulle d’eau. On la voit surtout à la surface de mers tropicales et subtropicales des océans Atlantique et Indien. Par exemple, en ce moment on en voit beaucoup aux Açores. On peut parfois voir des bancs de millions d’individus flottant à la surface de l’eau. Elle apparait comme un joli ballon allongé de forme ovoïde, flottant tranquillement à la surface de l’eau, translucide, avec une teinte bleutée violacée. Brillant au soleil, ce ballon délicat mesure environ 5 à 15 cm de long.  Son dessus est crénelé, comme les bords d’une pate à tarte! Si on s’approche, on remarquera sous la partie immergée des filaments bleus marines, qui plongent dans l’eau. La physalie est très jolie, elle porte d’ailleurs le charmant nom vernaculaire de Galère portugaise. Moins poétiquement, Vessie de mer.

Mais sa joliesse n’empêche pas la Physalie d’être redoutable pour de très nombreuses espèces animales, dont l’homme d’ailleurs. douleurs musculaires locales ou généralisées. Dans les cas graves : gêne respiratoire, vomissements, tachycardie, hypertension artérielle, crise hémolytique aiguë et défaillance rénale. D’ailleurs elle est à l’origine d’une découverte en médecine, l’anaphylaxie (par Charles Richet et Paul Portier) grâce à leur expérimentation à partir de 1901 sur leurs toxines. 

La physalie est formée par 4 types de polypes, ou zoïdes, qui n’ont pas tous la même fonction.

1- Les zoïdes qui forment le flotteur, lui-même appelé “pneumophore”. Le flotteur est asymétrique, avec des tentacules décentrés qui pendent sur environ la moitié de sa longueur. L’autre moitié du flotteur forme une partie verticale au dessus de l’eau. Imaginez un flotteur comme un boudin, avec une moitié qui se redresse au dessus de l’eau, qui joue le rôle de voile, et l’autre partie qui flotte sur l’eau et d’où partent les tentacules sous l’eau. 

Le flotteur est rempli d’air ou de monoxyde de carbone. La physalie peut le vider très brusquement pour plonger rapidement et brièvement et prévenir une attaque venant de la surface. Cette partie flottante possède aussi une sorte de crête, et la partie redressée peut être à droite ou à gauche de la crête. Ainsi la population se répartit entre ceux qui ont leurs tentacules à droite de la voile, et naviguent sur tribord, et ceux qui ont leurs tentacules à gauche et naviguent sur bâbord. 

Les filaments font entre 10 et 15 m de long (parfois j’ai lu 50 m), et leur pouvoir urticant permet de tuer des petits poissons, et peut induire un état de choc chez l’humain. Les tentacules jouant le rôle d’une ancre flottante, cette double dissymétrie permet à la Physalie de dériver à 45° de la direction du vent, et assure ainsi une meilleure dispersion des populations dans les océans.

2- Rôle de défense et de chasse des dactilozoïdes qui forment les filaments ayant un aspect perlé. Chaque «perle» contient cnidocystes. Un tentacule peut tuer un banc de petits poissons. Le venin de la physalie (physalitoxine) est dangereux pour l’être humain.

3- Les gastrozoïdes (polypes nourriciers), qui permettent la digestion des proies (crevettes, petits poissons et crustacés…), pendent et sécrètent des sucs digestifs sur la proie qui a été capturée. Les gastrozoïdes se présentent sous forme de bourgeons à l’avant de la colonie et sont transportés vers l’arrière par une tige allongée.

4- Polypes reproducteurs, gonozoïdes, qui émettent les cellules de la reproduction, les gamètes donc, équivalents des spermatozoides et ovules humains. Quand il y a fécondation, dans l’eau, il y a formation d’une larve, mâle ou femelle qui va bien se transformer en un nouvel superorganisme. De nouvelles colonies sont formées par bourgeonnement où des polypes se séparent de la colonie principale, donc de manière asexuée.

Les prédateurs de la physalie sont principalement des :
pieuvres, tortues et quelques mollusques

Références

  1. Holstein T .; Tardent P. (1984). “Une analyse ultra-rapide d’exocytose: décharge de nématocyste”. La science . 223 (4638): 830–833. 
  2. Kass-Simon G .; Scappaticci AA Jr. (2002). “La physiologie comportementale et développementale des nématocystes”. Journal canadien de zoologie . 80 (10): 1772-1794.
  3. Nüchter Timm; Benoit Martin; Engel Ulrike; Özbek Suat; Holstein Thomas W. (2006). “Cinétique à l’échelle nanoseconde de décharge de nématocyste” . Biologie actuelle . 16 (9).
  4. Scientific American 202, 1960.  Charles Lane, The Portuguese Man of war. PP158-168.
  5. Scientific RepoRtS | (2019) 9:15522 | https://doi.org/10.1038/s41598-019-51842-1

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