Dossier – Le CERN

Dossier de l’épisode #43.

[Suite à l’excellent commentaire de Grindaizer, corrections entre crochets carrés]

CERN (photo Flick CC Certains droits réservés par Ars Electronica)

Le contexte de la création du CERN

Louis de Broglie (image Wikipédia)Petite digression avant d’attaquer… Avant de me demander ce qu’est le CERN, je me suis demandé qui en avait eu l’idée… En faisant le podcast, on se casse le nez sur des personnages plus improbables les uns que les autres… Dans le genre, vous ne serez pas déçu-e-s: j’ai le plaisir de vous présenter quelqu’un de haut en couleur que j’affectionne tout particulièrement: Monsieur le Duc de Broglie (prononcer “de Breuil”). Licencié en lettres à l’âge de 18 ans, il se dit qu’une petite licence en sciences ne lui ferait pas de mal non plus, et hop, il la passe en 2 ans avant de faire son service militaire en 1913, et, pas de bol, d’être mobilisé entre 1914 et 1918 pour cause de guerre mondiale (le site de l’Académie française nous apprend qu’il a passé ces 4 ans sur la Tour Eiffel, à tenter de décrypter les messages allemands)… Après la guerre, son frère l’initie à la physique et ça lui plaît bien… Voici ce que Wikipédia nous dit de la suite de ses aventures:

Si on se réfère à la biographie de Nobel, c’est à 32 ans, en 1924, six ans après la fin de la Première Guerre mondiale, que Louis de Broglie soutient une thèse de doctorat purement théorique  (…). Quatre ans plus tard, cette thèse lui vaudra d’être nommé maître de conférences à la faculté des sciences de l’université de Paris et un an plus tard, en 1929, elle lui vaudra le prix Nobel de physique pour sa « découverte de la nature ondulatoire de l’électron », sa thèse théorique ayant été totalement confirmée par deux expérimentateurs américains Davisson et Germer qui ont observé la première diffraction d’électron par un cristal…

Une intelligence hors du commun,  Monsieur le Duc… Un authentique génie. Membre de l’Académie des sciences, de l’Académie française, de la Royal Society, il a reçu de nombreuses récompenses, dont le prix Kalinga décerné en 1952 par l’UNESCO pour sa capacité à communiquer le savoir scientifique. En 1949, au sortir d’une seconde guerre mondiale, alors que la recherche scientifique est quasi morte en Europe et que la physique nucléaire est considérée comme extrêmement suspecte par les différents gouvernements, notre ami Louis de Broglie lance l’idée, lors de la Conférence européenne de la culture tenue à Lausanne en 1949, de créer un laboratoire scientifique partagé par tous les pays d’Europe. Il a manifestement fait le bon discours au bon moment avec les bons arguments, car il a été entendu! Le Conseil Européen de Recherche Nucléaire fut créé en 1952 par 11 pays européens avec le soutien de l’Unesco.

Un peu d’histoire, de la création du CERN à aujourd’hui

Le Conseil en question a décidé d’implanter le site du CERN en Suisse, plus précisément à Meyrin, juste à côté de Genève, sur la frontière franco-suisse. Le canton de Genève accepte le projet, par référendum, en 1953  et les premiers travaux pour la construction du laboratoire et de son accélérateur commencent au mois de mai 1954.

Fin septembre 1954, la convention du CERN est ratifiée par les 12 États européens fondateurs (la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Yougoslavie), et le CERN est officiellement créé ; il se nomme maintenant Organisation européenne pour la Recherche nucléaire. Le Comité provisoire initial est dissous, mais l’acronyme CERN étant quand même plus sexy que OERN, il est conservé. Accessoirement, si l’organisation devait être renommée aujourd’hui, on l’appellerait probablement “Laboratoire européen pour la physique des particules” car on ne s’intéresse plus tellement au noyau (nucléus/nucléaire) mais aux particules élémentaires qui le constituent.

À partir de là, tout va très vite:

  • En 1957 déjà, le premier accélérateur est mis en service. C’est un synchrocyclotron.
  • Deux ans plus tard, en 1959, le premier synchrocyclotron à protons (PS) est mis en service. Avec une énergie de faisceau de 28 GeV, le PS est l’accélérateur le plus puissant au monde à l’époque (pendant quelques mois seulement). Il a permis de faire décoller le programme de physique des particules du CERN. Depuis lors, la puissance initiale de ses faisceaux a été multipliée par mille et le PS est toujours en service aujourd’hui!
  • Dans les années 60, la recherche en physique des particules n’est pas très efficace: les chercheurs doivent examiner à l’oeil nu des millions de photographies prises dans des chambres à bulles ou à étincelles. Georges Charpak révolutionne tout cela en 1968 en inventant une nouvelle méthode de détection, la “chambre proportionnelle multifils” (pour laquelle il recevra le Prix Nobel en 1992). Reliée à un ordinateur, la technologie augmente le taux de comptage par 1’000. Le CERN sort de l’ère manuelle entre dans l’ère de l’électronique!
  • En 1971, padaboum, les ISR, ou Anneaux de stockage à intersections, produisant les premières collisions proton–proton au monde, sont mis en service. Pourquoi est-ce que c’est important? Voici ce que nous dit le site du CERN:

    Lorsque des particules à haute énergie sont accélérées et percutent une cible fixe, la plupart de l’énergie utile est absorbée par le recul de la cible, et seule une fraction de l’énergie alimente la collision. Dans les années 1950, les physiciens comprennent que si deux faisceaux de particules pouvaient être envoyés l’un contre l’autre, aucune énergie de recul ne serait gaspillée, ce qui permettrait une utilisation beaucoup plus efficace de l’énergie lors des collisions.
    Le 27 janvier 1971, les ISR produisent la première collision proton–proton du monde, fournissant au CERN un précieux savoir-faire pour ses projets ultérieurs de collisionneurs.
    Avec la construction des ISR, le CERN devient aussi international sur le terrain que sur le papier : les Anneaux sont construits en France, sur un terrain jouxtant le site d’origine de Meyrin, en Suisse.

  • Les courants neutres sont découverts en 1973 (qui lèvent le voile sur les mystères du fonctionnement de l’interaction faible, l’une des 4 forces fondamentales de l’univers, responsable de la radioactivité naturelle).  Il faudra encore 10 ans avant de confirmer l’existence des bosons W et Z, en 1983, grâce notamment à un formidable outil mis en service dans l’intervalle, en 1976, le  SPS (ou supersynchrotron à protons), le premier anneau géant du CERN (7km passant sous la frontière franco-suisse). La découverte des particules W et Z a été réalisée en exploitant le SPS en mode collisionneur, c’est-à-dire en faisant entrer en collision frontale des faisceaux de protons et d’antiprotons. Pour rappel, les bosons sont les véhicules, les porteurs, les vecteurs des forces fondamentales: le photon pour la force électro-magnétique, le gluon pour l’interaction forte et les particules W et Z pour l’interaction faible. (A l’heure actuelle, on ne sait toujours pas ce qui véhicule la 4e force, la plus faible: la gravitation).
  • En 1983, premier coup de pioche d’un chantier complètement invraisemblable: le plus grand accélérateur d’électrons et de positons (ou positrons) du monde, d’une circonférence de 27 km, le LEP (Large Electron Positron collider) qui sera mis en service 6 ans plus tard en 1989. Durant ses 11 années de service, le LEP aura permis entre autres de démontrer qu’il n’existe que trois, et seulement trois, familles de particules (auxquelles personne n’a songé à donner de nom malheureusement, ce qui ne les rend pas simples  à comprendre… Le modèle standard (Wikipedia)Pour faire simple, on va dire que cela a permis d’établir que le modèle standard est composé de 3 familles de 4 particules chacune (deux quarks, un lepton et un neutrino) [Attention, à cet égard, voir le commentaire de Grindaizer]. Le LEP aura également permis de déterminer la masse des bosons W et Z.
  • Le LHC est en fait le dernier et le plus gros maillon de la chaîneFin 2000, on casse tout et on recommence. Il faudra 8 ans pour transformer le LEP en LHC, le fameux grand collisionneur de hadrons. Le tunnel circulaire de 27 km, d’une profondeur moyenne de 100 mètres (c’est à dire entre 50 et 175 mètres suivant les endroits) est désormais doté de 1746 électroaimants supraconducteurs pour contrôler la trajectoire des protons sur cette piste de course. La température y est abaissée à moins 271,3 degrés Celsius, à un poil du zéro absolu. On espère du LHC qu’il répondra aux questions encore grand ouvertes telles que “qu’est-ce que la masse?”, “qu’est-ce que la matière noire et l’énergie sombre?”, “pourquoi la matière a-t-elle pris le dessus sur l’anti-matière?”, “à quoi ressemblait l’univers au moment du big bang?” ou encore “Y a-t-il vraiment d’autres dimensions?” En ce moment, depuis un peu plus d’une année, les faisceaux sont propulsés à une puissance de 7 TeV [3.5 TeV de chaque côté, soit une puissance de collision de 7 TeV] (en anglais, 7 trillions d’électrons-volts, ce qui correspond à la puissance phénoménale de 7’000 milliards d’électrons-volts). Pour info, le Tevatron, à Chicago, qui était l’accélérateur le plus puissant au monde jusqu’à l’arrivée du LHC ne plafonne qu’à 2 TeV. De nombreux physiciens ont postulé que 7 TeV correspondait au seuil à partir duquel on devrait pouvoir détecter des particules exotiques. D’autres estiment que le seuil se situe plutôt autour de 14 TeV, rythme de croisière que le LHC devrait allègrement atteindre dès l’année prochaine [2014] … Le problème, c’est qu’il y a déjà tant de données produites et qu’elles prennent tellement de temps à interpréter que si ça se trouve, on a déjà produit tout plein de bosons de Higgs et qu’on ne le sait pas encore…
  • Mais revenons un peu à notre petite histoire chronologie… Dans l’intervalle, entre les débuts du LEP et les débuts du LHC, la paperasse était devenue un cauchemar et en 1990, un physicien du CERN, Tim Berners Lee, a vite inventé le web entre deux projets. L’Internet existait déjà. La contribution du CERN, pour faire court, ça a été le protocole HTTP et les adresses web, ainsi que le langage HTML. Le tout premier serveur web et le tout premier site, http://info.cern.ch, était donc hébergé au CERN. On a retrouvé le premier commentaire du chef de Tim Berners-Lee, une annotation manuscrite sur sa proposition originale en mars 1989: “vague but exciting…”. J’adore! En tout cas, ça lui a permis de continuer et on connaît le résultat aujourd’hui… Pour la petite histoire, interrogé en 1996 à Paris sur le choix du nom “World Wide Web”, Sir Tim a répondu avec un humour tout britannique que c’était l’expression la moins traduisible en français ;).
  • En bleu, les membres fondateurs. En vert, les nouveaux membres. (copyright http://commons.wikimedia.org/wiki/User:CrazyPhunk)Depuis le commencement, la Yougoslavie a quitté le projet en 1961 et de nombreux autres pays on rejoint le navire: l’Autriche en 1959, l’Espagne de 1961 à 1969 avant de revenir en 1983, le Portugal en 1985, la Finlande et la Pologne en 1991, la Hongrie en 1992, les républiques Tchèque et Slovaque en 1993 et finalement, la Bulgarie en 1999. La Roumanie est actuellement candidate à l’adhésion. De nombreux pays ont le statut d’observateurs, ce qui leur permet d’assister aux réunions du Conseil et d’être tenus informés mais sans pouvoir prendre de décision (Commission européenne, l’Inde, Israël, le Japon, la Fédération de Russie, la Turquie, l’UNESCO et les États‑Unis d’Amérique). Enfin certains États non-membres prennent carrément part aux expériences (il s’agit de l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Argentine, l’Arménie, l’Australie, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, le Brésil, le Canada, la Chine, Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Géorgie, l’Inde, l’Iran, l’Irlande, l’Islande, le Maroc, le Mexique, le Pakistan, le Pérou, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie, la Corée du Sud, Taiwan et l’Ukraine)
  • Enfin, on ne peut pas conclure cette petite histoire du CERN sans parler de ses 5 prix Nobel, ce qui est tout de même pas mal pour une seule et unique organisation, même sur un espace de 50 ans.

La moitié des physiciens [des particules] du globe

Au niveau de son personnel fixe, le CERN emploie 2’400 personnes environ.
Le personnel scientifique et technique du Laboratoire conçoit et construit les accélérateurs de particules et assure leur bon fonctionnement. Il contribue également à la préparation et à la mise en œuvre des expériences scientifiques complexes, ainsi qu’à l’analyse et à l’interprétation des résultats.
Mais le gros des troupes, ce sont les scientifiques visiteurs soit environ 10’000 chercheurs sur place simultanément, soit la moitié des physiciens des particules du monde, issus de 608 universités et  de 113 nationalités. Pour communiquer entre eux, tous ces gens doivent pratiquer au moins l’anglais ou le français, les deux langues officielles du CERN.

Le LHC

Le LHC n’est pas l’unique accélérateur de particules du CERN, mais c’est le plus récent et de loin le plus grand (c’est même le plus grand au monde!) Comme on l’a vu, il fait 27 km de long et sa fabrication a coûté 10 milliards de francs suisses (8.28 milliards d’euros au cours du jour). C’est l’expérience scientifique la plus chère à ce jour. Contrairement au LEP, qui utilisait des électrons (et des positons/positrons), à l’intérieur du LHC, ce sont deux faisceaux de protons (particules de la famille des hadrons) qui sont propulsés l’un contre l’autre à une vitesse proche de la vitesse de la lumière. A chaque collision, ce sont quelque 100 milliards de particules qui se rencontrent. Aux points précis de cette rencontre, de nouvelles particules sont formées, diffusées dans toutes les directions autour du point d’impact. La difficulté, c’est que sur les milliards de particules impliquées, seules 20 collisions proton-proton ont lieu. L’un des pontes de la recherche au CERN, le professeur Brian Foster explique le concept de la manière suivante :  “les collisions de protons sont un peu crades… C’est comme de lancer deux oranges l’une contre l’autre à 70 km/h en espérant que les pépins entrent en collision. Parfois c’est le cas, mais en général, on a juste une grosse douche de jus d’orange”. Dans sa métaphore, les pépins sont le trio de quarks qui constituent un proton et qui génèrent les collisions les plus intéressantes. Typiquement seul un quark dans chaque proton va taper un autre quark dans le proton d’en face… Les quatre autres vont se manquer. La métaphore de l’orange s’arrête là car, au sein du LHC, pour optimiser les chances de collisions, les faisceaux se croisent environ 40 millions de fois par seconde!

Ces collisions ont lieu à 4 points précis, là où on a construit des détecteurs…

Les détecteurs

ATLAS

Atlas (image CERN)Atlas est un détecteur généraliste. Il a été conçu pour explorer la nature de la matière et les forces fondamentales qui régissent notre univers au sein de collisions de protons propulsés à des énergies extraordinairement élevées. ATLAS est l’un des plus formidables efforts collaboratifs jamais mis en oeuvre en physique: quelque 2’900 physiciens participent aux recherches, issus de 170 universités et laboratoires de 37 pays. Atlas cherche entre autres le boson de Higgs (ou particule de dieu), la matière noire, la supersymétrie et tout ce que la théorie n’a pas encore anticipé.

CMS (Compact Muon Solenoid ou “solénoïde compact à muons” en français)

le CMS (image CERN)Le but du CMS, qui est également un détecteur généraliste, est de rechercher une nouvelle physique, quelle que soit sa nature.  Le détecteur à proprement parler, d’un poids de 12’500 tonnes a été conçu et assemblé via une collaboration planétaire de quelque 2’000 physiciens de 37 pays différents. Le CMS a été construit sur la terre ferme et a été descendu tout assemblé  au niveau du souterrain grâce à un équipement hautement spécialisé (comptant parmi les plus grandes grues au monde, entre autres…) Pour la petite anecdote, à cet endroit précis, le terrain était tellement humide que pour procéder à l’excavation,  il a fallu congeler la terre avec de l’azote liquide pour pouvoir procéder à l’excavation!

LHCb (Large Hadron Collider Beauty Experiment)

LHCb (image Wikipedia)Le LHCb traque les différences entre matière et anti-matière. On y trouve 650 physiciens de 45 universités et laboratoires de 13 pays qui essaient de découvrir pourquoi et comment l’anti-matière a disparu pour céder la place à la matière. Pour mener l’enquête, les chercheurs cherchent les différence en le “Beauty Quark” (en français: le quark “bottom”) et son antiparticule.

ALICE (A Large Ion Collider Experiment)

ALICE (image Wikipedia)Alice a été conçue (oui, avec un tel prénom, je ne peux en parler qu’au féminin) pour étudier les collisions entre des ions lourds (des noyaux d’atomes de plomb) à la recherche de l’état de la matière qui existait dans la première fraction de seconde après le big bang, alors que l’univers était une espèce de soupe dense et très chaude appelée le plasma “quark-gluon” qui a fini par refroidir pour former la matière ordinaire. Là, ce sont 1000 physiciens qui participent aux expériences, issus de 90 universités et laboratoires de 28 pays.

Encore deux détecteurs

Il serait incomplet de parler de 4 détecteurs seulement car il y en a encore deux petits, le LHCf et le Totem, qui travaillent respectivement sur les rayons cosmiques et la diffraction, mais leurs ambitions sont modestes comparées aux 4 autres.

J’ai beaucoup insisté sur le nombre de physiciens, d’universités concernées et de pays impliqués avec une petite pensée pour notre ami Louis de Broglie… Je n’ose pas imaginer à quel point il serait heureux s’il avait pu voir ce que son rêve est devenu… Cette vision complètement improbable, au sortir d’une abominable guerre qui a impliqué tous les Etats d’Europe, ce projet d’ouverture, de collaboration, alors que tout le monde se regardait en chiens de faïence, aussi impossible qu’il ait pu sembler, ce projet est pourtant une belle réalité aujourd’hui!

Le financement du CERN

Pas super transparent… J’ai eu un peu de peine à trouver des infos et je ne suis même pas arrivé au bout…

On sait que ce sont les Etats participants qui financent le CERN, mais ma question était “combien?”

Une source indique que la cotisation de la France s’élève à quelque 100 millions d’Euro par année

Une autre, que la France contribue à hauteur de 15.9% du financement et la Suisse à 3.2% (une petite règle de trois, si les deux sources sont correctes, le budget annuel du CERN s’élèverait à quelque 629 millions d’Euro (dont un peu plus de 20 millions supportés par la Suisse… Je ne sais pas si ça inclut la nouvelle ligne de tram, mais il me semble que c’est bien peu en regard du prestige qui rejaillit sur la Suisse, mais bon, ça c’est une autre histoire…)

J’ai pu dénicher encore que le Royaume-Uni contribue à hauteur de 34 millions de livres sterling par année pour l’utilisation du LHC, plus 70 millions de redevance au CERN, soit quelque 104 millions de livres en tout, ou 117 millions d’Euro au cours du jour.

Mais au fond, la physique des particules, à quoi ça sert?

D’abord à répondre à une question au moins aussi vieille que l’humanité: d’où venons-nous, comment l’univers a-t-il commencé? A des questions plus récentes aussi, comme l’origine de la masse… Si on comprenait la masse et qu’on sache la contrôler, alors, c’est la porte ouverte à des applications hallucinantes… On peut commencer à rêver de téléportation!

Mais plus concrètement, le CERN ne nous a pas donné que le web. Les technologies issues des recherches ont permis des avancées spectaculaires dans de nombreux domaines, notamment :

  • L’imagerie médicale: Les scanners de type PET-Scan (petit nom de la tomographie à émission de positrons) dont nous parlons souvent dans Podcast Science car non seulement ils permettent de mesurer en trois dimensions l’activité métabolique d’un organe grâce aux émissions produites par les positons (ou positrons) issus de la désintégration d’un produit radioactif injecté au préalable, mais c’est encore cette technologie qui, utilisée en neurosciences permet de voir en live quelles zones cérébrales s’activent en fonction de quels stimuli. Le développement de cette technologie doit pratiquement tout au CERN.
  • La radiothérapie:l’hadronthérapieest une méthode innovante de radiothérapie pour le traitement du cancer. Elle est destinée à détruire les cellules cancéreuses radiorésistantes et inopérables en les irradiant avec un faisceau de particules. La radiothérapie conventionnelle utilise essentiellement des rayons X, l’hadronthérapie d’autres types de particules : des hadrons, notamment des protons (protonthérapie) et des ions carbone. Il est possible d’utiliser des neutrons (on parle alors de neutronthérapie). Les principaux avantages par rapport à la radiothérapie classique sont :
    • une balistique plus précise.Les cellules touchées meurent 3 à 10 fois plus vite. Et grâce à l’imagerie en temps réel, le clinicien peut visualiser la zone traitée et utiliser le faisceau d’hadrons pour cibler précisément la zone à traiter;
    • un « effet biologique » supérieur à celui des photons. Les dégâts causés par un rayonnement hadronique sur les cellules tumorales sont globalement supérieurs (d’un facteur 5 à 20) à ceux causés par des photons en radiothérapie. Ainsi, par exemple, il devient possible de traiter une tumeur au cerveau en 90 secondes, ceci sans anesthésie et sans douleur.
  • En informatique: le grid. Après avoir inventé le web qui a franchement révolutionné l’Internet, l’informatique et les usages en créant cet outil sans précédent dans l’histoire humaine qui permet de tout savoir de tout à chaque instant, le CERN pourrait bien tout révolutionner une fois encore! En effet, même équipé des ordinateurs les plus puissants, aucun centre de calcul sur la planète n’est capable de traiter les montagnes d’informations produites par les expériences du LHC. J’aime bien l’image donnée par un article de  Swissinfo à cet égard: “Lorsqu’il tournera à plein régime, le LHC, plus gros accélérateur de particules au monde, générera chaque année 15 petaoctets (15 millions de gigaoctets) de données. Si cette information était gravée sur des CD, on arriverait en les posant les uns sur les autres (sans boîtes) à une pile de près de 21 kilomètres de haut.”
    Le Grid réinvente une nouvelle fois l’informatique: il s’agit d’une puissance de calcul absolument phénoménale disponible juste au moment où en en a besoin. Composé de 100’000 serveurs sur 170 sites de 19 universités, le grid est un super-ordinateur virtuel absolument indispensable pour décoder et interpréter les données du LHC. Il a coûté la bagatelle de 500 millions d’Euros et le modèle est tellement convaincant qu’il a déjà fait des petits dans la communauté scientifique (comme par exemple le “European Grid Infrastructure“).

Et demain?

J’ai trouvé un article du journal britannique The Independent indiquant que le LHC, c’est totalement last year… Les physiciens auraient  maintenant besoin d’un tunnel de 31 km en ligne droite pour quelque 6.7 milliards de dollars US. Les collisionneurs en ligne droite permettraient un meilleur contrôle de la trajectoire des particules et donc une meilleure maîtrise des collisions…

Tout un programme!

On va s’arrêter là pour aujourd’hui, car on va tout de même garder quelques questions pour notre guide lors de notre petite sortie au CERN le 9 juillet prochain 🙂

Quelques définitions:

Antimatière

L’antimatière est « l’opposé » de la matière, c’est à dire  l’ensemble des antiparticules des particules composant la matière classique — celle dont est faite la Terre.

L’opposition se fait au niveau des charges. Par exemple, la matière comprend les protons, positifs, et les électrons, négatifs. L’antimatière comprend donc les antiprotons, négatifs, et les antiélectrons (ou positrons), positifs. Ce qui n’empêche pas l’existence de particules d’antimatières de charge nulle (par exemple les antineutrons). Il existe pour chaque particule une antiparticule correspondante.

Une particule et son antiparticule s’annihilent mutuellement lorsqu’elles rentrent en contact : elles sont alors intégralement converties en énergie radiative (deux photons).

L’antimatière a été imaginée quand Paul Dirac a écrit l’équation portant son nom.

L’antimatière n’existe qu’en quantités infimes dans l’univers local, soit dans les rayons cosmiques, soit produite en laboratoire. Les travaux sur l’antimatière consistent en grande partie à expliquer pourquoi cette rareté alors que nécessairement, selon la théorie du Big Bang, la matière et l’antimatière auraient été présentes en quantités égales.

On constate qu’actuellement il y a un déficit d’antimatière dans l’Univers.

Boson/Fermion

    • Les particules fondamentales se classent en 2 grandes familles:

Les bosons

    • qui sont des particules qui véhiculent les 4 grandes forces fondamentales: le

photon

    • pour la force électromagnétique, le

gluon

    • pour l’interaction forte (les gluons confinent les quarks ensemble en les liant très fortement. Ils permettent ainsi l’existence des protons et des neutrons) et les

bosons Z et W

    • pour l’intéraction faible. On est à la recherche du

graviton

    • toujours pas découvert qui serait le vecteur la force de gravitation.

Les fermions réunissent les particules qui sont les constituants élémentaires de la matière et qui se décomposent en deux groupes, les quarks (6 types) et les leptons (électron, muon, tauon, neutrino). Le terme « lepton » provient du mot grec signifiant « léger » et se réfère à la faible masse du premier lepton découvert, l’électron, par rapport aux nucléons.v

Boson de Higgs

    • Le boson de Higgs est une particule qui expliquerait l’origine de la masse. Il s’agit d’une particule qui permet d’expliquer pourquoi certaines particules ont une masse, pourquoi d’autres comme le photon n’en ont pas…en gros il permetterait d’expliquer d’où vient la masse de la matière.

 

    On n’a pas encore découvert ce boson de Higgs, mais le physicien Peter Higgs a postulé l’existence de ce boson en 1964.

Cyclotron

Cyclotron

    • : Le cyclotron est un type d’accélérateur de particules circulaire inventé par Ernest Orlando Lawrence en 1931. Dans un cyclotron, les particules placées dans un champ magnétique suivent une trajectoire en forme de spirale et sont accélérées par un champ électrique alternatif à des énergies de quelques MeV à une trentaine de MeV (Méga électron-volts).

 

    • D’autres types d’accélérateurs circulaires, d’invention plus récente, permettent d’atteindre des énergies supérieures :

synchrocyclotron

    • (centaines de MeV) et

synchrotron

    (comme le LHC: millions de MeV, ou TeV).

Fermion

Le modèle standard classe les particules élémentaires en deux grandes familles : les fermions et les bosons. Formellement, les fermions obéissent à la statistique de Fermi-Dirac et les bosons obéissent à celle de Bose-Einstein. Les fermions sont les particules à spin demi-entier (c’est-à-dire 1/2, 3/2, 5/2, …) : l’électron, le muon, le neutrino et les quarks sont des fermions.

En résumé, les fermions se regroupent en deux familles :

  1. les leptons, qui ne sont pas soumis à l’interaction forte ;
  2. les quarks, qui sont soumis à toutes les interactions de la nature.

Forces fondamentales/interactions élémentaires

Quatre interactions élémentaires sont responsables de tous les phénomènes physiques observés dans l’univers, chacune se manifestant par une force dite force fondamentale. Ce sont:

  • l’interaction nucléaire forte, qui maintient ensemble les particules. Si les atomes ne se désintègrent pas, c’est grâce à elle. Le vecteur de cette force est le gluon.
  • l’interaction électromagnétique est responsable de la plupart des phénomènes quotidiens : lumière, électricité et magnétisme, chimie. Le vecteur de cette force est le photon.
  • l’interaction nucléaire faible. Elle est responsable de la radioactivité beta et joue un rôle dans la fusion nucléaire. Les vecteurs de cette force sont les bosons Z et W, découverts au CERN.
  • et la gravitation, la plus faible des 4. C’est le phénomène d’interaction physique qui cause l’attraction réciproque des corps massifs entre eux, sous l’effet de leur masse. Il s’observe au quotidien en raison de l’attraction terrestre qui nous retient au sol. La gravité est responsable de plusieurs manifestations naturelles : les marées, l’orbite des planètes autour du Soleil, la sphéricité de la plupart des corps célestes en sont quelques exemples. D’une manière plus générale, la structure à grande échelle de l’univers est déterminée par la gravitation. Le vecteur de cette force est encore inconnu à ce jour! On soupçonne le graviton, mais on le cherche encore…
    Là encore, Mathieu en avait parlé -entre autres – dans son dossier sur la Théorie des Cordes en octobre 2010

Gluon

Le gluon est le boson responsable de l’interaction forte. Les gluons confinent les quarks ensemble en les liant très fortement. Ils permettent ainsi l’existence des protons et des neutrons, ainsi que des autres hadrons et donc de l’univers que nous connaissons.

Hadron

    • En physique des particules, un hadron est une particule composite formée de quarks liés ensemble par l’intéraction forte. Les hadrons sont classés en 2 familles: les baryons (composés de 3 quarks) et les mésons (composés d’un quark et d’un antiquark).

 

    • Les baryons les plus connus sont les protons et les neutrons, qui composent le noyau de l’atome.

 

    • Les mésons les plus célèbres sont le pion et le kaon qui furent découverts pendant des expériences sur les rayons cosmiques à la fin des années 40 et au début des années 50.

 

    Ceci dit, ce ne sont pas les seuls hadrons. On continue d’en découvrir.

Ion

Un ion est une “espèce chimique électriquement chargée”. En d’autres termes, un ion est un atome ou une molécule dont le nombre total d’électrons n’est pas égal au nombre totale de protons, ce qui lui confère une charge électrique négative ou positive. On distingue:

  • Cations : Ions chargés positivement
  • Anions : Ions chargés négativement
  • Zwitterions (prononcé [t͜svɪtɛrjɔ̃]): Ions possédant en même temps des charges positives et négatives.

Ion lourd

Un ion lourd est un atome ionisé qui est, en général, plus lourd qu’un atome d’hélium. Les noyaux d’ions lourds utilisés dans les expériences de physique nucléaire sont en général des noyaux de carbone, de silicone, de cuivre, de tungstène, d’or, de plomb ou d’uranium.

Lepton

Un lepton est une particule élémentaire de spin 1/2 qui n’est pas sensible à l’interaction forte.

La famille des leptons est constituée des électrons, des muons, des tauons, des neutrinos respectifs et des antiparticules de toutes celles-ci. Le terme « lepton » provient du mot grec signifiant « léger » et se réfère à la faible masse du premier lepton découvert, l’électron, par rapport aux nucléons.

Matière noire

En astrophysique, la matière noire (ou matière sombre), traduction de l’anglais dark matter, désigne une catégorie de matière hypothétique jusqu’à présent non détectée, invoquée pour rendre compte d’observations, notamment les estimations de masse des galaxies, des amas de galaxies et les propriétés des fluctuations du fond cosmologique. (Voir le dossier de Mathieu dans Podcast Science n°31)

Le modèle standard (Wikipedia)Modèle standard

Le modèle standard de la physique des particules (abrégé “modèle standard”) est la théorie actuelle qui permet d’expliquer tous les phénomènes observables à l’échelle des particules. Le modèle standard englobe donc toutes les particules connues ainsi que les trois interactions (ou forces) ayant un effet à l’échelle des particules : l’interaction électromagnétique, l’interaction forte et l’interaction faible. Le modèle standard permet donc d’expliquer tous les phénomènes naturels sauf la gravitation qui, pour l’instant, résiste aux théoriciens pour une théorie quantique…
Le modèle standard est théorie à la fois quantique et relativiste.
La théorie est bâtie sur le triptyque particule, force, médiateur, c’est-à-dire qu’elle distingue des familles de particules par les forces auxquelles elles sont sensibles, chaque force s’exerçant au moyen de médiateurs échangés par les particules qui y sont soumises.

Muon

Le muon est, selon le modèle standard de physique des particules, le nom donné à deux particules élémentaires de charge positive et négative. Les muons ont une masse 207 fois plus grande que celle de l’électron (c’est pourquoi on l’appelle aussi électron lourd) (105,66 MeV) et possèdent un spin 1/2. Les muons, tout comme les électrons, appartiennent à la même famille de fermions, les leptons. [Définition erronée, sorry, ne pas en tenir compte. En attendant la correction, merci de consulter Wikipedia (version en anglais)]

Neutrino

Le neutrino est une particule élémentaire du modèle standard de la physique des particules. C’est un fermion de spin ½.
Longtemps sa masse fut supposée nulle. Toutefois, des expériences réalisées en 1998 au Super-Kamiokande ont montré que celle-ci, bien que très petite, est différente de zéro.
L’existence du neutrino a été postulée pour la première fois par Wolfgang Pauli pour expliquer le spectre continu de la désintégration bêta ainsi que l’apparente non-conservation du moment cinétique.

Plasma

L’état plasma, tout comme l’état solide, l’état liquide ou l’état gazeux, est un état de la matière. Il n’est visible sur Terre à l’état naturel qu’à très haute température, quand l’énergie est telle qu’elle réussit à arracher des électrons aux atomes. On observe alors une sorte de « soupe » d’électrons extrêmement actifs dans laquelle « baignent » des noyaux d’atomes.
Le terme plasma, appelé aussi « quatrième état de la matière », a été utilisé en physique pour la première fois par le physicien américainIrving Langmuir en 1928 par analogie avec le plasma sanguin auquel, dans son cas, ce phénomène s’apparentait visuellement. Voir l’interview de Paolo Ricci dans Podcast Science n° 14, la Physique des plasmas.

Positon /positron

En physique des particules, le positron ou positon, encore appelé antiélectron est l’antiparticule associée à l’électron. Il possède une charge électrique de +1 charge élémentaire (contre -1 pour l’électron), le même spin et la même masse que l’électron. C’est la première antiparticule découverte, ce qui explique qu’elle n’ait pas le nom composite d'”anti-électron”.

Quark

Les quarks sont des fermions que la théorie du modèle standard décrit, en compagnie de la famille des leptons, comme les constituants élémentaires de la matière.

Ces particules de spin 1/2 sont de six sortes, appelées saveurs, auxquelles on a donné des noms poétiques. Les noms anglais restent plus utilisés. Les quarks possèdent une charge électrique fractionnaire de la charge élémentaire :

Quark Nom anglais (français) Fraction de charge électrique élémentaire
d Down (Bas) -1/3
u Up (Haut) +2/3
s Strange (Étrange) -1/3
c Charm (Charme) +2/3
b BottomBeauty (Beau) -1/3
t TopTruth (Vérité) +2/3

Solénoïde

Un solénoïde (gr. solen “tuyau, conduit” + gr. eidos “en forme de”) est un dispositif constitué d’un fil électrique enroulé régulièrement en hélice de façon à former une bobine longue. Parcouru par un courant, il produit un champ magnétique dans son voisinage, et plus particulièrement à l’intérieur de l’hélice où ce champ est quasiment uniforme. L’avantage du solénoïde réside dans cette uniformité qui est parfois requise dans certaines expériences de physique.

Spin

Le spin est une propriété quantique intrinsèque associée à chaque particule, caractéristique de la nature de la particule, au même titre que sa masse et sa charge électrique.
Le spin a d’importantes implications théoriques et pratiques. Il influence pratiquement tout le monde physique.

Supersymétrie

La supersymétrie (abrégé en SuSy) est une symétrie supposée de la physique des particules qui postule une relation profonde entre les particules de spin demi-entier (les fermions) qui constituent la matière et les particules de spin entier (les bosons) véhiculant les interactions. Dans le cadre de la SuSy, chaque fermion est associé à un « superpartenaire » de spin entier, alors que chaque boson est associé à un « super-partenaire » de spin demi-entier.

Synchrocyclotron

Le cyclotron perd de son efficacité quand on cherche à accélérer des protons au delà de 10 à 20 MeV, en raison de la variation relativiste de la masse qui perturbe le fonctionnement quand elle atteint une grandeur de 1 ou 2 %.

Un synchrocyclotron est un cyclotron dont la fréquence du champ électrique est changée (progressivement diminuée) pour compenser le gain de masse des particules accélérées pendant que leur vitesse commence à approcher la vitesse de la lumière. Le synchrocyclotron permet d’atteindre des énergies de l’ordre de centaines de MeV. Sa structure diffère de celle d’un cyclotron parce qu’il a un duant (Dee) simple au lieu de deux duants (Dees), la taille importante de l’électroaimant proportionnée à l’énergie désirée pour les particules. Le poids de l’électroaimant croit très vite avec l’énergie obtenue , comme le cube environ.

Dans un synchrocyclotron, c’est la dimension de l’électroaimant qui détermine l’énergie finale. La fréquence de résonance du système HF doit pouvoir varier facilement grâce à un condensateur variable intercalé entre le conducteur du duant (dee) et la paroi. Une tension continue, superposée à la tension HF est appliquée à l’électrode d’accélération pour faciliter l’extraction de la source d’ions.

Le synchrocyclotron est inapplicable aux électrons, parce que leur masse de départ est si petite que la variation de fréquence, au lieu d’être de 30 ou 40 % , serait dans le rapport de 1 à 500 ou 1000, irréalisable avec les techniques de radioélectricité.

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