Dérapages scientifiques par Dave Sheik

Episode présenté par Dave Sheik (chaine youtube) dans l’épisode #293.

Avant de commencer, je voudrai vous donner une petite définition de l’éthique. Selon le Larousse, l’éthique c’est un ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un. Gardez bien ça en tête. Bon comme tous les concepts sa définition a changé au fil du temps et des lieux, mais on a fini par arriver à un moment ou tout le monde s’est dit à l’unisson ‘oker là c’est chaud !’ (Ce moment c’est la seconde guerre mondiale, l’holocauste tout ça tout ça).

Le code de Nuremberg

Du coup suite a tout ça est édité en 1947 le code de Nuremberg. Encore une fois, je vous contextualise tout ça : Du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 s’est tenu le procès de Nuremberg, à Nuremberg en Allemagne. En gros après la 2nde guerre mondiale on a jugé plusieurs dirigeants et scientifiques nazis, parce que bon ils avaient quand même fait des trucs pas trop jojo pendant la guerre. Et de ce procès a résulté le Code de Nuremberg.

Le procès de Nuremberg

C’est une série de 10 articles tentant de définir des conditions acceptables pour les expériences conduites sur des êtres humains, du genre : ‘Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel.’ ; ‘L’expérience doit être conduite de façon telle que soient évitées toute souffrance et toute atteinte, physiques et mentales, non nécessaires’ ou encore ‘Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes scientifiquement qualifiées’.

Du coup, après la seconde guerre mondiale on a pris plein de jolies décisions pour que ce genre de choses ne se reproduisent plus jamais. Et on a recommence à faire n’importe quoi tout de suite après ! Avec vous aujourd’hui, on va faire un petit tour du monde de trucs pas cools commis au nom de la science !

La seconde guerre mondiale

Bah tiens, vu qu’on parlait de la sortie de la 2nde guerre mondiale. Je ne vais pas d’entrée commencer en parlant d’expériences douteuses, mais de choix discutables. Vu que maintenant on a la définition de l’éthique, j’ai une question à vous poser. Est-ce que vous seriez prêts à bosser avec des nazis ? C’est un peu bizarre comme question, mais c’est celle que le gouvernement américain s’est posée en 1945. Et leur réponse, aussi surprenant que cela puisse paraitre, a été oui !

Du coup en 1945 est mise en place l’opération Overcast, qui vise à déplacer des scientifiques allemands dans la campagne afin qu’ils ne soient pas récupérés par les soviétiques (qui eux pendant ce temps sont en train justement d’envahir l’Allemagne par l’ouest). Suivi par l’opération Paperclip, ou trombone en français (trombone a papier, pas l’instrument hein). En gros, entre 1945 et 1947 c’est plus de 1600 scientifiques allemands qui sont envoyés aux USA pour continuer les recherches qu’ils menaient pendant la guerre.

Un groupe de 104 ingénieurs en aérospatial à Fort Bliss, au Texas (opération paperclip)

Parce que quand les américains ont débarqué en Allemagne, le premier truc qu’ils se sont dit c’est pas ‘wow c’est chaud’ mais plutôt ‘ils ont quand même fait du bon taf les gars’. Le souci c’est que parmi les 1600 gus rapatriés une bonne partie était affiliée au partie Nazi, si ce n’était pas carrément des cadres ou des dirigeants pour certains. Mais ça le gouvernement américain s’est bien garde de le laisser savoir à la justice. On a plutôt trouvé des bobards pour un peu tout le monde histoire qu’on ne pose pas trop de questions sur les mecs fraichement débarqués.

Certains seront d’ailleurs renvoyés peu de temps après en Allemagne pour être juges au procès de Nuremberg. On peut prendre l’exemple d’Hubertus Strughold, qu’on surnomme le père de la médecine spatiale. Ses recherches ont permis de grosses avancées dans l’étude de la survie dans l’espace, et il a même eu un prix a son nom, le Strughold Award, délivré par l’Association Medicale Aerospatiale, jusqu’en 2013.

Jusqu’en 2013 parce qu’en fait on a fini par se rendre compte qu’a la base le mec, pendant la 2nde guerre mondiale, il supervisait déjà des expériences de survie en milieu extrême. Mais c’était plutôt des trucs du genre plonger des gars dans l’eau glacée, des opérations chirurgicales sans anesthésie, fin les bons bails quoi ! Et il s’en est sorti à Nuremberg en disant juste ‘moi je faisais mes recherches dans mon labo, je n’étais pas au courant que les mecs ils testaient ça sur des gars vivants !’. Oklm.

Alors du coup, oui ces collaborations (lol) ont été importantes et ont permis des avancées non négligeables (genre, tout le programme Apollo), mais quand on voit le passif de certains des mecs qui ont été rapatries aux US pour bosser, on peut se demander comment se passaient les discussions autour de la machine a café le matin (‘et tu faisais quoi avant toi ?’ ‘rien de bien fifou, on tuait des gosses et des handicapes, et toi ?’)

Bon je dis ça mais les russes ne sont pas en reste niveau import de scienceux nazis ! Le 22 octobre 1946 est lancée l’opération Osoaviakhim. C’est près de 2000 scientifiques et ingénieurs allemands qui sont ‘recrutés’ (Enfin recrutés, on les tuait eux et leurs familles s’ils refusaient) pour aller travailler en URSS.

Ambiance quoi !

La guerre froide

Allez, après la 2nde guerre mondiale, c’est la guerre froide. Bon j’vais pas vous refaire les cours que vous avez tous déjà eu, ça s’appelle la guerre froide parce qu’y a pas eu d’affrontements directs entre les différents protagonistes (c’est à dire les USA et l’URSS), mais ça ne veut pas dire qu’il ne s’est rien passe non plus ! Les gars ont passé des années à se foutre sur la tronche par pays interposes, majoritairement en Asie (en Corée, au Vietnam, en Afghanistan et plein d’autres !). Y a un truc que les soviétiques faisaient beaucoup, c’était se débarrasser d’opposants gênants. Et ils ont développé tout un tas de techniques pour y arriver sans se faire pincer ! Mais le souci avec ce genre de trucs, c’est que pour faire des tests bah, faut tuer des gens, et ça a pas eu trop l’air de poser problème non plus…

En 1921 débute un programme de recherches pour développer des poisons qui seraient inodores, sans gouts, et indétectables à l’autopsie. 18 ans plus tard, sous Staline, le programme est renommé Laboratoire 1, ou kamera (chambre en russe), et on va tester toutes sortes de poisons sur des prisonniers enfermes dans les goulags, du genre gaz moutarde, la ricine, le curare, enfin plein de joyeusetés quoi !

Et les patients qui survivaient étaient tout simplement abattus, au cas ou…

Alexander Litvinenko, avant et après le polonium.

Officiellement le programme s’est terminé en 1953, mais on soupçonne que des opérations similaires aient continue, peut-être jusqu’à aujourd’hui. On peut prendre l’exemple d’Alexander Litvinenko, assassine à Londres en 2006. Ancien agent du KGB, il avait critique à plusieurs reprises le régime de Vladimir Poutine et l’accusait de corruption. Après un déjeune dans un resto de sushi il tombe subitement malade. On pense d’abord à un virus mais son état se dégrade très vite. Les médecins décèlent des traces de polonium 210 dans ses urines, et on soupçonne un empoisonnement. Mais aucune preuve, aucune trace d’une arme. Le bon pitch de film d’espionnage, dans la joie et la bonne humeur ! Bon sauf qu’on n’est pas dans un film, et on sait toujours pas ce qu’il s’est réellement passe.

Et quand les Russes empoisonnaient des prisonniers, les ricains eux, bah ils empoisonnaient leurs civils et les militaires ! Y a eu tout un tas d’expérimentations au sein des états unis, par le gouvernement ou des institutions officielles plus ou moins en détente.

On va commencer avec l’exemple de Tuskegee, en Alabama. De 1932 à 1972, les médecins vont observer sur des patients atteint de syphilis, majoritairement pauvres africain-américains, les effets de cette maladie sans traitement. Le truc c’est qu’au début des années 1940 on découvre que la pénicilline c’est super efficace pour traiter la syphilis, mais les médecins de Tuskegee vont faire leur possible pour que leurs patients n’aient jamais vent de cette info. Ils vont même dissuader ceux enrôlés pour aller sur le front européen d’être traites (parce que les médecins de l’armée eux ils savent pour la pénicilline), annulant au passage leur déploiement. Le truc dans toute cette opération, c’est que les médecins récupéraient les patients en leur promettant d’être traités, mais sans leur dire ce qui se passait réellement pendant les expérimentations.

Une enflure fait des prélèvements de sang sur des noirs américains dans le cadre de l’expérience de Tuskegee (début des années 70).

Quand l’affaire est devenue publique en 1972, c’est un scandale qui éclate. Et on rajoute la notion de ‘consentement éclairé’ dans le droit américain. En gros le patient doit pouvoir donner son consentement a un traitement en ayant connaissance de toutes les infos sur le dit traitement. C’est ballot parce que cette notion était dans les codes de Nuremberg. Codes que les américains ont soigneusement décidé d’ignorer, parce que bon, ça avait surtout été prononcé pour les vilains méchants nazis, pas pour eux !

Autre histoire brève, en 1950, l’armée américaine déploie dans la zone de San Francisco la bactérie Bacillus Globigii, a l’époque supposée inoffensive, mais proche de l’anthrax, donc pratique pour étudier les conséquences d’une attaque biologique sur le pays. Sauf que bah c’était pas si inoffensif que ça. On compte des centaines de cas ressemblants a une pneumonie, et un mort. La famille de ce dernier portera plainte contre l’état, et évidement, perdra. Bon y a pas que les maladies ! Même si beaucoup de scientifiques avaient l’air de faire une fixette sur la syphilis.

La guerre froide c’est aussi la peur constante d’un bombardement (et ça aurait pu arriver, déjà pendant la seconde guerre mondiale les japonais ont envoyé des bombes attachées a des ballons à travers le pacifique pour s’écraser aux US, et y en a qui ont réussi à faire des dégâts ! Enfin c’est pas le sujet du jour). Le souci quand on joue avec des atomes, c’est qu’on sait pas vraiment ce que ça peut faire sur le corps humain. Et le meilleur moyen de savoir beh, c’est encore d’irradier des gens et d’observer !

Le département de la défense, et la commission a l’énergie atomique vont toucher un peu a tout en matière de radiations. Je sais pas si vous connaissez la marque Quaker Oats, bon c’est une marque de flocons d’avoine bien connue aux USA, pas de quoi fouetter un chat me direz-vous. Sauf qu’entre 1946 et 1953, ils vont passer un contrat avec le département de l’énergie. En gros, l’Université d’Harvard et le MIT vont recruter 57 garçons déficients mentaux, pour les intégrer dans un ‘club de science’, et de temps en temps les emmener en sorties pour voir des matchs de baseballs, ce genre de trucs cools.

Sauf que pour nourrir les gamins, ils leur filaient des flocons d’avoine irradies aux isotopes de calcium et de fer.

On analysait ensuite leurs selles pour voir ce qui restait dans leur système. Malheureusement j’ai pas pu trouver plus d’infos sur les résultats de ces recherches. Et on ne sait même pas pourquoi la compagnie Quaker oats a accepté le contrat.

Enfin dans l’ensemble on a les histoires mais très rarement les résultats…

Nouvelle histoire du coup, jvais aussi vous parler du Dr Eugene Saenger, de l’université de Cincinnati, qui entre 1960 et 1971 va tester sur des patients cancéreux des ‘traitements’ radioactifs. Financé par le pentagone bien sûr. Encore une fois on va prendre des pauvres, donc pas capables de payer un traitement, et leur promettre un traitement expérimental. Bon dans les faits on va surtout les exposer à des doses allant jusqu’à 20 000 fois celles reçues pendant une séance de rayon x. Environ ¼ des patients mourront des causes de ces expériences, et évidemment personne ne sera guéri de son cancer.

Le docteur lui ne sera jamais inquiété, et est mort pepouse en 2007, a l’âge de 90 ans.

Bon là on parle de gens à qui on a inoculé des éléments radioactifs, mais l’armée a fait beaucoup plus simple pour ses tests à elle. Des années 50 à 70, l’armée américaine effectue des tests de bombes atomiques dans le désert du Nevada. Bon déjà, avec les retombées des explosions les nappes phréatiques locales sont complètement pourries, le nombre de leucémies et de cancers en tout genre explosent dans la région. On estime à plus de 10 000 le nombre de morts directement liées aux retombées des explosions.

Troupes militaires américaines observant un essai nucléaire sur le site d’essai du Nevada en novembre 1951 (Operation Buster)

Mais ça suffit pas ! On envoie des troupes quelques instants seulement après les détonations sur place pour des entrainements, enfin ça c’est la version officielle, la vraie raison c’est qu’on veut voir les capacités des soldats à opérer dans un environnement radioactif. Alors opérer, les mecs ils savent faire, mais ce qu’on retient surtout c’est que le nombre de cancers a augmenté de 50% chez les soldats déployés.

Et la France dans tout ça ?

Entre 1966 et 1996, la France a effectué des largages de bombes atomiques et nucléaires dans l’océan pacifique, au large des atolls de Mururoa et Fangataufa. Durant ces 30 ans c’est 196 essais qui seront effectués. Et dans les zones proches on compte plus de 2000 habitants. Je dis dans les zones proches parce que bon, entre la mer et le vent, les poussières radioactives ont été dispersées jusqu’à Tahiti, mais le gouvernement ne reconnait comme zone directement à risque que les deux atolls les plus proches. Encore une fois on voit une explosion des cas de leucémies et de cancers, autant chez les locaux que chez les ouvriers et militaires travaillant sur le projet. Malheureusement on trouve très peu d’infos sur les conséquences réelles de ces tests. Tout ce qu’on sait, c’est que seulement un millier de dossiers d’indemnisations ont été soumis.

Essai nucléaire du 3 juillet 1970 à Mururoa.

Pourquoi seulement un millier ? Parce que les procédures sont ultra compliquées, et qu’en plus il faut se rendre à Tahiti pour déposer le dit dossier. Ça serait pas drôle si on simplifiait la tache aux victimes ! Et aujourd’hui, à peine une vingtaine de dossiers ont été pris en compte, 20 ans après l’arrêt des essais en question… Le pire dans tout ça, c’est qu’on ne sait toujours pas tout sur certaines de ces expériences aujourd’hui, et que par-dessus tout, ça a été finance avec des fonds publics, avec les impôts des citoyens des pays concernes !

Et lesdits gouvernements refusent toujours aujourd’hui de révéler une bonne partie des informations concernant ces expériences. Et dans la grande majorité des cas, les résultats. Ce qui pose encore plus de questions…

Alors quand vous vous plaignez que vous payez pas d’impôts pour financer le nouveau rond-point en bas de la rue, posez-vous quand même 2 secondes et repensez à tout ça !

Enfin bref !

Les sources !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_Nuremberg

Nazis – paperclip

http://www.avclub.com/article/after-wwii-us-hired-nazi-scientists-en-masse-opera-213472

https://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Paperclip

http://www.smithsonianmag.com/smart-news/why-us-government-brought-nazi-scientists-america-after-world-war-ii-180961110/

Cerpan

http://nypost.com/2013/12/28/the-soviet-union-spent-1-billion-on-mind-control-programs/

https://arxiv.org/pdf/1312.1148.pdf

Kamera

https://en.wikipedia.org/wiki/Poison_laboratory_of_the_Soviet_secret_services
http://modernnotion.com/the-kamera-the-soviet-unions-secret-poison-laboratory/

https://www.wsj.com/articles/SB111282082770699984

http://www.paulbogdanor.com/left/soviet/experiments.html

US Medical experiments

http://www.nytimes.com/1994/04/11/us/cold-war-radiation-test-on-humans-to-undergo-a-congressional-review.html?pagewanted=all

https://en.wikipedia.org/wiki/Unethical_human_experimentation_in_the_United_States

https://en.wikipedia.org/wiki/Human_radiation_experiments

Operation sea-spray

https://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Sea-Spray

https://books.google.fr/books?id=CLCTL4woX_4C&pg=PA79&lpg=PA79&dq=san+francisco+Bacillus+Globigii&source=bl&ots=1e8Il1D28I&sig=Rn9qkmO06j7L3gbgUo09LfvDWdw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwivkcbkkvnbAhVIWhQKHdgmBD0Q6AEINjAB#v=onepage&q=san%20francisco%20Bacillus%20Globigii&f=false

Essais nucleaires Fr

https://fr.wikipedia.org/wiki/Essais_nucl%C3%A9aires_fran%C3%A7ais

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