Retranscription de l’interview de Nicolas Grandjean sur les lasers

» Notes d’émission

Retranscription réalisée par Guillain Seuillot. Un immense merci à lui 🙂

(Illustrations à venir)

 

Longtemps considéré comme une solution géniale à la recherche d’un problème, le laser fait tellement partie de notre quotidien aujourd’hui qu’il est difficile d’imaginer qu’on n’ait pas su quoi en faire au départ. Quatre prix Nobel plus tard, qu’il s’agisse de prendre des mesures pour prévoir les éboulements, de booster la fibre optique, de corriger des problèmes de vue, de manier la souris de votre ordinateur ou même d’éliminer les poils indésirables, les lasers sont partout. Et nous n’en avions jamais parlé sérieusement sur PodcastScience ! Heureusement, il n’est jamais trop tard et nous avons le plaisir de recevoir une nouvelle fois Nicolas Grandjean, professeur à l’EPFL, directeur du laboratoire de photonique pour nous en parler. Après les LED, le laser. Nous sommes le mardi 31 mars 2015, vous êtes bien sur PodcastScience et c’est l’épisode 212. Bonsoir et bienvenue.

Nicolas Tupe : Bonsoir à tous. Dans notre nouveau studio de Lausanne en Suisse (et oui, Alan vient de déménager), nous avons Nicolas Grandjean (il est maintenant un habitué, je ne sais pas quand il sera membre officiel) et Alan. Dans notre nouveau studio de Paris… oui, je viens aussi de déménager puisque je copie Alan dans tout ce qu’il fait… nous avons moi-même tout seul, Nico. En direct du studio de boson, nous avons Robin. En freestyle sur la planète, nous avons une pensée pour Julie qui est en train de monter l’épisode d’il y a deux semaines… Au sommaire de l’émission, nous avons la présentation de Nicolas Grandjean sur les lasers à semi-conducteurs et les questions d’auditeurs, le pitch du prochain freestyle, une quote et c’est tout. Lausanne, à vous les studios !

Alan : Tu fais ça très bien, c’est merveilleux ! Montez une émission de science sérieuse, confiez-la à des matheux et ça devient n’importe quoi… Mais il y a quand même des moments où on a l’impression que ça roule, c’est cool. Merci Nicolas (pas Tupe mais Grandjean) d’être une nouvelle fois avec nous. Cette intervention va se faire sous forme un peu freestyle, tu es tellement à l’aise, on n’a même pas vraiment préparé d’interview… Tu as la délicate mission de nous parler des lasers à semi-conducteurs, de l’effet laser, de l’histoire du laser. Tu étais l’homme des LED jusqu’à maintenant, tu es l’homme des lasers à partir de maintenant. Tu as carte blanche ! Je te propose de commencer par les applications. J’en ai évoqué une ou deux et je t’ai senti faire la grimace à un moment. J’ai dit une bêtise ?

NG : Je ne sais pas si on va parler des lasers à semi-conducteurs ou de l’effet laser, tu m’as dit que vous n’en aviez jamais parlé. J’ai bien fait d’insister pour venir, finalement ! Des lasers, il y en a vraiment partout maintenant. Pour les communications par fibre optique, c’est vraiment la révolution. Pour transmettre des informations à partir de laser, tu vas découper la lumière (on appelle ça le multiplexage) puis, avec des répétiteurs, tu vas pouvoir franchir l’Atlantique sans aucun problème. Tu vas me dire, pourquoi des lasers  et pas des LED ?

A : Oui… pourquoi des lasers et pas des LED ?

NG : Il y a plusieurs paramètres dans les lasers. Il y a la couleur, c’est à dire une seule longueur d’onde. L’émission se fait sur une toute petite plage de longueurs d’onde. On appelle ça une émission monochromatique. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai, il y a une certaine largeur de raie d’émission, qui dépend du type de laser. Et tu as surtout la directionnalité. Pour moi, c’est un point très important. Pourquoi tu arrives à coupler la lumière dans une fibre optique ? Typiquement une fibre optique a un coeur qui fait quelques dizaines de microns. Si tu veux faire entrer la lumière d’une LED dedans, c’est comme faire entrer un éléphant dans le chas d’une aiguille. Le laser, lui, est directionnel, sur une toute petite dimension. Le faisceau laser à la sortie d’un laser à semi-conducteurs, mesure en gros 0,2 microns. C’est à dire un dixième de cheveux. Sa longueur est typiquement d’un millimètre, voire moins. Pour faire simple, on va dire un millimètre sur un dixième de la largeur d’un cheveu et, en hauteur, la largeur d’un cheveu découpé en cent. Le faisceau à la sortie fait donc un centième de cheveux sur un dixième de cheveux. C’est un ovale. Le faisceau est un peu elliptique. On peut alors le coupler sur une fibre optique (monomode) dont le coeur fait un ou deux microns. C’est ce qui fait la différence entre un laser, qui peut concentrer la lumière sur une toute petite dimension, et une LED, qui pose des problèmes de focalisation et de critères de Rayleigh avec des lentilles.

A : Tu es allé très vite, il y a plein de critères que tu as évoqués qu’il va falloir décortiquer. Au niveau des applications, tu as autre chose ?

NG : En gros, tu as trois grandes familles de lasers. Ceux à gaz, qui sont énormes. Des lasers à solides, comme le rubis. Et le laser à semi-conducteurs. Ce dernier est tout petit : un millimètre voire moins. Un laser argon, au contraire, fait deux ou trois mètres. Tu pourrais dire : mais pourquoi un laser à gaz est aussi gros ? Tu touches alors le coeur du laser. Pour un laser à gaz, comme son nom l’indique, tu vas exciter des atomes dans un milieu amplificateur dilué. Pour un laser à semi-conducteur, c’est un solide. En simplifiant, chaque atome est un milieu amplificateur. La densité par unité de volume est beaucoup plus grande que dans un laser à gaz. Pour comparer, en laboratoire, si un laser argon de trois mètres de long sort 1 Watt de puissance optique, un petit laser de 1 millimètre sort également 1 Watt. C’est juste la densité du milieu actif qui fait que tu peux avoir une grande puissance sur une petite dimension.

A : Pas mal de concepts sur lesquels il va falloir qu’on revienne… Ce qu’on appelle laser dans la vie de tous les jours, ce sont des lasers à semi-conducteurs ?

NG : Tout ce qui est pointeur laser, télémétrie laser, les lasers rouges, le Blu-ray (laser bleu/violet de 405 nm à 0,4 microns), des traitements en médecine, etc… sont des lasers à semi-conducteurs, effectivement. La communication par fibre optique utilise aussi des lasers à semi-conducteurs. C’est petit, ça consomme peu d’énergie et ça ne coûte pas cher. En gros, c’est moins d’un franc Suisse. Même si le franc Suisse est cher, c’est quand même pas grand chose (presque 1€).

A : Les lasers à gaz ou à rubis, ça s’utilise encore dans certains contextes ?

NG : Les plus gros lorsque tu veux vraiment sortir de la puissance. Si tu as peu de volume, comme dans un laser à semi-conducteurs, tu peux générer beaucoup de puissance mais il y a une limite. La question est la densité de puissance et un rendement qui n’est pas de 100%. Pour un laser, on injecte de l’énergie électrique et on obtient de l’énergie optique. Aujourd’hui, le meilleur rendement est autour de 50%. Je dois donc dissiper les 50% de perte sous forme de chaleur. Tu imagines bien qu’il faut fortement dissiper lorsqu’une petite puce de 1mm reçoit plusieurs Watts, parce qu’elle va chauffer et les propriétés du laser vont être perdues. Avec un laser à gaz énorme, je peux le refroidir avec de l’eau ou autre. Tous les lasers de puissance qui sont utilisés par exemple en découpe… d’ailleurs, j’encourage les auditeurs à aller voir sur Youtube la vitesse à laquelle on peut faire des trous dans des tôles d’un centimètre, c’est assez spectaculaire ! Ce sont des lasers pulsés. Ce qui est génial c’est que non seulement on peut émettre des photons en continu mais aussi envoyer des paquets de photons de haute énergie. L’énergie est stockée dans le laser et, d’un seul coup, le train de photons est libéré avec une puissance (énergie/temps) énorme. Tu peux avoir des impulsions femto-secondes (10^-15 secondes) qui vont venir taper le matériaux et vaporiser les atomes. Les atomes vont absorber l’énergie et former un plasma qui décompose complètement le matériau. Aujourd’hui, on parle beaucoup de la fusion nucléaire et du projet ITER, il faut savoir qu’il y a deux projets concurrents avec le Laser Mégajoule à Bordeaux et aussi aux É.-U. Ces projets consistent à provoquer la fusion en tapant sur (imaginons) de petits comprimés qui font 1mm3 avec des lasers de puissance (pression de radiation). Si tu tapes avec un laser de puissance, par exemple sur une porte, tu peux l’ouvrir ! J’exagère mais c’est le gros domaine de la physique : je prends des photons,  je tape sur un pendule et je regarde le couplage entre la partie matière et la partie lumière. Donc… avec les gros lasers de puissance, tu viens taper sur les petites pastilles avec la pression de radiation : la température augmente et tu crées de la fusion. Il y a déjà des projets de centrales à fusion nucléaire, notamment aux États Unis, où tu aurais un goutte-à-goutte qui fait tomber les pastilles. Chaque fois que l’une d’elle est au bon endroit, tu tapes dessus, réaction de fusion, chaleur, ce qui fait chauffer de l’eau qui entraîne une turbine qui crée de l’énergie comme dans les centrales classiques.

A : C’est un projet viable, comparable à ITER ?

NG : Tout a fait. Les investissements à Bordeaux (Laser Mégajoule) ou aux É.-U. sont colossaux.

A : Je vois ta gestuelle aussi. Je vois tes photons qui pulvérisent tout sur leur passage et j’ai l’impression qu’il faut mettre une puissance phénoménale.

NG : Oui, on peut en voir sur Internet. Ce sont des lasers qui font cent mètres de long. Si tu passes devant, tu es pulvérisé.

A : On arriverait à dégager plus d’énergie qu’on en mettrait ?

NG : C’est ça l’intérêt. En une fraction de seconde tu vas consommer beaucoup d’énergie mais tu vas en récupérer beaucoup plus. Comme la fusion nucléaire, avec des projets de Tokamak, des réacteurs plus classiques, le principe est le même. Au début tu as besoin de micro-ondes avec une énergie énorme mais une fois que c’est amorcé, tu récupères plus que ce que tu as mis au départ.

A : Waouh pour les applications ! Je n’imaginais pas tout ça. Peut-être un peu d’historique pour comprendre le phénomène, les matériaux, etc… Ça sort d’où le laser ?

 

NG : Ce qui est, là encore, extraordinaire, c’est que si tu reviens au développement de la mécanique quantique, du côté corpusculaire avec les travaux de Planck et d’Einstein au début du XXème siècle, tu trouves l’émission du corps noir. Si tu sais que tu émets dans l’infra-rouge et moi aussi, à une température donnée, tu as un spectre qui y correspond. L’enjeu de l’époque était de rendre compte de l’émission du corps noir. Dans le développement que fait Einstein à partir des idées de Planck (les deux ont d’ailleurs eu le prix Nobel en 1917 pour Planck et 1921 pour Einstein) on arrive à ceci : si tu prends deux niveaux d’énergie, par exemple des électrons sur le niveau de base. Au repos ils ne sont pas excités… (je regarde Alan et il n’a pas l’air très excité, donc il est dans son état de base)… Tu envoies de la lumière qui correspond à l’énergie entre les deux niveaux. Cet électron va absorber le photon et sauter sur le niveau excité. Il est alors dans son niveau supérieur à haute énergie. Si tu ne fais rien, il va se désexciter (comme chacun d’entre nous) et retomber dans l’état de base. C’est le truc classique : c’est vrai pour les photons, c’est vrai pour les humains.

A : Juste pour être sûr de bien comprendre… tu parles de l’électron qui s’éloigne du noyau ?

NG : Non, je prends un modèle qui peut être des couches électroniques dans un atome mais prends un modèle conceptuel à deux niveaux d’énergie qui peut être dans un atome ou dans d’autres systèmes plus compliqués. Tu as juste deux niveaux d’énergie : un bas, un haut. Ça peut être deux échelons d’une échelle. Je suis sur le niveau de base (la première marche) et je monte d’une marche et au bout d’un certain temps, je vais retomber sur la marche de base. Ce que montre Einstein dans son développement, c’est que quand tu es sur le niveau excité, de haute énergie, et que tu envoies de la lumière, tu as deux processus. Soit le retour au niveau fondamental qu’on appelle l’émission spontanée, soit la désexcitation dépend du nombre de photons qui arrivent. Dans un cas c’est spontané, dans l’autre cas c’est proportionnel au nombre de photons qui arrivent. Cela s’appelle l’émission stimulée. Dans tous les matériaux tu as des processus d’absorption de la lumière avec des électrons qui vont absorber cette énergie, vont passer sur des niveaux excités et se désexciter pour réémettre de la lumière ou simplement réémettre de l’énergie sous forme de recombinaison non-radiative, c’est à dire pas de photon mais de la chaleur. Maintenant, imagine un système où j’aurais de la lumière emprisonnée. Lorsqu’ils sont réémis, les photons peuvent, du coup, déclencher cette émission. Si j’ai des électrons sur le niveau supérieur, puisqu’ils baignent dans un bain de photons, le terme d’émission stimulée, qui est proportionnel au nombre de photons que j’ai dans mon petit espace, va forcer les électrons à descendre et à émettre à nouveau un photon. Il y a toujours cette image d’émission stimulée qui est (on le voit sur des cartoons) : un photon arrive, j’ai mon électron à haute énergie qui émet un photon en phase avec le photon qui arrive. A partir d’un photon, j’en obtiens deux. Tu peux répéter ce mécanisme et avoir une amplification. Il y a quand même un problème. Si tu prends les deux niveaux, ce que je te raconte est vrai à condition que l’occupation du niveau supérieur soit plus grande que l’occupation du niveau inférieur. Ça devient très compliqué mais c’est simplement un autre prix Nobel ! C’est le pompage optique. Prenons donc deux niveaux. Je prends un électron du niveau de base et je l’amène sur le niveau supérieur. J’ai créé un trou, une lacune, un vide, un état libre sur mon niveau inférieur. Si j’en mets dix en haut, j’en aurai dix en moins en bas. Sur un système à deux niveaux, tu as toujours la population du niveau excité qui est égale au nombre de vides sur le niveau de base. Cela ne remplit pas les critères de l’émission stimulée. Pour avoir de l’émission stimulée, l’état de haute énergie doit être plus peuplé que l’état de basse énergie. On parle d’inversion de population. Il faut donc arriver à avoir plus d’électrons dans le niveau excité que de lacunes qu’ils ont laissés dans le niveau de base. Ça, c’est un révolution. Einstein en avait l’intuition mais c’est Alfred Kastler qui a réussi à préparer un système expérimental. En jouant avec la lumière, on appelle ça le pompage optique, il a réussi à mettre des atomes dans une configuration où, effectivement, le niveau supérieur était plus peuplé que le niveau inférieur. Comment faire ça ? Tu prends un système à trois ou quatre niveaux. Le plus simple est à trois niveaux. J’ai un niveau qui absorbe la lumière. Une fois que l’électron est à très haute énergie, il va très vite descendre sur le niveau intermédiaire où il a un temps de vie relativement long. Il va s’accumuler et la population de ce niveau va ainsi devenir plus grande que le niveau de base que tu vides par ton laser. Pour résumer, il y a un niveau à grande énergie qui permet de vider le niveau de base et un niveau intermédiaire qui se remplit par ton autre laser. De cette façon tu peux déclencher l’émission stimulée.

A : Moi je vois bien parce que tu fais beaucoup de gestes et je vois très clairement les trois niveaux.

NG : On fera un croquis dans les notes de l’émission.

laser_3_niveau_grandjean

A : On est arrivé à Kastler, dans l’histoire.

NG : C’est typiquement 1950-52. A la même période, tu as Charles Townes qui fait le premier maser, dans les micro-ondes. En fait, il travaillait plutôt sur les radars. Il était physicien et s’intéressait à du fondamental. D’ailleurs, il est parti à l’université pour essayer de faire le premier laser (ce qu’il n’a pas réussi, malheureusement). Il a fait le premier maser. C’est l’équivalent du laser mais dans le régime micro-ondes. C’était pour des raisons de durée de vie sur l’état excité. C’était plus facile avec des micro-ondes que dans le domaine visible.

A : Le «M» est pour micro-ondes et le «L» de laser pour lumière ? C’est un acronyme, laser ?

NG : Oui, je ne connais jamais mais je devrais… Laser, c’est Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation, amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement. Laser, c’est mieux, hein ?

A : Oui ça sonne quand même mieux. Donc avec le maser, on est dans les années 50…

NG : Oui, premier maser, années 50. Puis Charles Towns sent bien qu’il peut passer dans le visible donc il essaie de réduire la longueur d’onde mais il n’y arrive pas. C’est Theodore Maiman, au début des années 60, qui obtient un effet laser avec un cristal de rubis. Comme il s’agit plutôt d’une prouesse technologique, il n’a pas eu le Nobel pour l’invention du laser.

A : Qui a eu des Nobel dans cette histoire ? Einstein a eu le premier ?

NG : Là, on est encore loin du laser à semi-conducteur. Mais ce qui est assez étonnant avec le pompage optique et l’émission stimulée, c’est que les gens ont commencé à regarder dans beaucoup de matériaux. Dans des systèmes gazeux, des solides genre rubis, des systèmes assez complexes. Il ne faut pas oublier que, fin des années 40 début des années 50, c’est l’apparition des semi-conducteurs, du silicium. Il y a de gros efforts de recherche sur les transistors : bipolaire puis le mosfet qui donne aujourd’hui toute la technologie des cmos. De gros efforts de recherche sont fait sur les semi-conducteurs variés comme le silicium et l’arséniure de gallium. Ce dernier est un semi-conducteur qu’on dit à gap direct qui a la propriété d’émettre de la lumière alors que le silicium… comme chacun sait (ou devrait savoir), malheureusement, il n’y a pas de laser à silicium. Jusqu’à présent, le silicium est bon pour tout sauf pour émettre de la lumière. En travaillant sur l’arséniure de gallium, les gens obtiennent cette émission stimulée. Là est le début de l’histoire du laser à semi-conducteur et c’est 1962.

A : C’est un Nobel aussi ?

NG : En fait, c’est deux Nobel. Pour la petite histoire, j’ai eu la chance de rencontrer Kroemer, prof à l’UCSB, qui doit avoir maintenant huitante-cinq ans. J’étais là-bas pour un séminaire et je visitais les différents profs. J’entre dans son bureau et il me dit : «écoutez, votre séminaire ne m’intéresse pas, vous voulez parler de quoi ?» Alors je lui demande de me raconter son Nobel. Il me raconte alors qu’il était à RCA, une boite américaine, chercheur sur les transistors. Il assiste à un séminaire où il y avait la première émission. C’est une histoire que je raconte souvent quand on parle de la finalité de la recherche et des projets de recherche. Il assiste au début des années 60, à un séminaire où il y a de l’émission stimulée. Je rappelle : tu prends un laser à gaz et tu tapes le matériaux avec beaucoup de lumière pour l’exciter et tu obtiens, à basse température (quelques Kelvins, la température de l’hélium liquide, donc très très froid) une toute petite radiation d’émission stimulée sur un matériau qu’on ne maîtrise pas très bien. A la fin de l’exposé, le patron de Kroemer dit que c’est que des conneries, que veux-tu faire avec des émissions stimulées aussi peu puissantes, avec tellement peu de signal, à basse température, ça ne marchera jamais ! Lui, retourne dans son labo pour chercher à améliorer les performances des transistors et il se dit que, pour que ça marche, il faut confiner les porteurs, confiner les électrons. Il faut arriver à augmenter la densité parce que pour avoir cette émission stimulée dans les semi-conducteurs (on pourrait y revenir) il faut vérifier les conditions qu’on appelle les inversions de population, conditions de Bernard-Duraffourg, où il faut avoir une densité d’électrons très forte, très localisée au même endroit. Il écrit sur un bout de papier, je ne te mens pas, sur une demi page, son idée fait une demi page ! Il pond ça dans la revue technique RCA de sa boite et, en même temps, Alferov, en URSS, à accès à cette revue RCA. Il travaille sur le même sujet mais maitrise la fabrication des semi-conducteurs. A partir de l’idée de Koemer, il va faire le premier laser à la fin des années 60. Les deux ont été récompensés par le prix Nobel parce que la communauté a jugé que c’était d’un côté cette idée, toute simple, qui était le transfert de ce qu’il faisait sur les transistors appliqué à l’optique, au laser et celui qui fabriquait les matériau et a réussi à faire le premier laser.

 

A : Une question me vient : il y a un brevet sur le laser ?

NG : Il y en a des milliers sur le laser ! Il y en a plein qui sont tombés dans le domaine public. Entre faire un laser en laboratoire et faire un laser qui dure suffisamment longtemps pour être commercialisé, je peux te dire qu’il y a plusieurs années ! Je peux t’en parler parce qu’on a pas mal de projet là-dessus.

A : Il y a un cimetière à lasers qui n’ont pas tenu la route. Je me demandais si RCA n’avait pas posé un brevet qui empêcherait d’autres…

NG : Les brevets durent vingt ans donc ils sont dans le domaine public. Mais pour le laser bleu, il y a énormément de brevet et il y a des batailles entre les différentes boites comme Nichia, Sony ou Osram. De plus en plus, pour contourner les brevets, les gens publient comme ça, ça les bloque. Même si tu n’es pas sûr que ce soit une bonne idée, tu la publies. Dans les boites, ce n’est pas l’utilité du brevet qui compte mais l’épaisseur de brevets ! En gros, c’est : moi j’ai un mètre de brevets, toi tu as un mètre plus deux millimètres… tu gagnes…

A : Ça n’a pas entravé le développement du laser, en l’occurrence. Tu as quelque chose à ajouter sur l’aspect historique ?

NG : On en est au premier laser, dans les années 60, mais la route est longue. La recherche n’est encore une fois pas à la hauteur du temps du politicien. En fait, début des années 60, c’est la première émission stimulée. On peut dire quelque chose où ça bouge. Fin des années 60, premier laser injecté électriquement. C’est à dire que tu passes de quelque chose que tu démontres au laboratoire à basse température, où tu as à peine la queue d’un photon qui bouge à un dispositif (fin des années 60) que tu ne pourras jamais commercialiser parce qu’il est à basse température et va fonctionner quelques secondes. Et surtout en pulsé, c’est à dire que tu te mets en conditions d’excitation où tu ne veux pas qu’il chauffe sinon il meurt tout de suite (la chaleur est souvent dramatique pour les lasers). Le premier laser, avec la même technologie, produit au Japon, date de la fin des années septante ! Regarde le premier CD…

A : C’était au début des années quatre-vingt [NOTE : oui oui, Alan a dit «quatre-vingt» ! ].

NG : Voilà, c’est vingt ans après. Pour moi, l’histoire du laser est exemplaire : c’est vingt ans de R&D, partout dans le monde, sans frontières. Alférov a collaboré avec Kroemer et tout le monde collaborait. J’étais cet été au Iofée où Alferov intervenait devant des Israéliens, des américains, etc… C’est naïf mais c’est un côté universel qui a été le cas et qui reste le cas.

A : Je ne m’étais pas rendu compte de cette chronologie. J’avais l’impression que le laser existait depuis un moment et tout à coup quelqu’un a eu la bonne idée de créer les CD mais, en fait, le CD est venu parce que le laser était au point.

NG : Non. Moi je dis toujours : «faites le composant !» Par exemple, on essaie de faire des VCSEL (lasers à émission par la surface) qui sont dans le rouge. C’est aussi une excellente histoire à raconter aux boites et aux investisseurs. Il y a dix ans, les VCSEL étaient une technologie trop chère. Aujourd’hui, tu prends n’importe quelle souris, tu as un laser à émission par la surface. Et ça vaut moins d’un euro.

A : Les trucs qu’on achète à sept-nonante chez Interdiscount ?

NG : Exactement ! Il y a dix ans, Philips s’était débarrassé de son activité parce que ça coûtait trop cher. Après ils s’y sont remis mais c’est pour dire que, là encore, à l’échelle des managers il y a une évolution plus rapide… En fait ça dépend. Par moments tu vas beaucoup plus vite en terme de coût et par ailleurs, tu as des technologies qui mettent du temps à prendre racine. Pour finir avec le VCSEL bleu, pour l’instant, on te dit qu’il n’y a pas d’application. Moi je dis : «faites le composant et les gens trouveront et on verra s’il y a des applications utiles».

A : C’est ce qu’il s’est passé avec le laser.

NG : Exactement.

A : Concrètement, tu peux nous expliquer un peu comment marche un laser à semi-conducteur ?

NG : Il faut peut-être revenir à ce qu’est une diode électroluminescente. Pour un laser, il faut quand même, au départ, un matériau qui émet de la lumière. Il va donc falloir prendre le bon semi-conducteur. Dans la précédente émission [sur les diodes blanches], on avait parlé de «gap», de bande interdite. J’ai parlé des deux niveaux, c’est pas par hasard : dans un semi-conducteur tu as aussi deux niveaux. Mais ces deux niveaux sont plus larges. Je prends souvent cette image de deux marches que tu imagines très profondes et très larges. Comme deux terrasses. Il y a donc deux niveaux, qu’on appelle bande : la bande de valence et la bande de conduction. A l’état de base, la bande de valence est pleine d’électrons et la bande de conduction est vide. Si tu crées une excitation, tu fais passer un électron dans ta bande de conduction. Il peut se désexciter et émettre un photon. Tu vas avoir des semi-conducteurs à bande interdite directe qui émettent directement un photon avec une probabilité très élevée et d’autres semi-conducteurs à bande interdite indirecte, comme le silicium, qui passe par l’émission d’un phonon, c’est à dire une vibration du cristal. Pour relaxer l’énergie, il faut aussi créer une vibration du cristal, une respiration. Du coup la probabilité l’émission de ton photon est faible. Ça, c’est pas bon pour faire un laser. Il faut donc choisir le bon matériau. On peut citer l’arséniure de gallium avec ses alliages à l’aluminium et à l’indium. Pour les lasers bleus, tu as le nitrure de gallium (qui a donné un Nobel avec la LED bleue).

A : On en avait parlé.

NG : Encore une fois, ce que tu veux, c’est que ton matériau émette de la lumière sous injection électrique. Pour ça, comme dans une diode électroluminescente, tu vas t’arranger pour bloquer le passage du courant par une jonction PN pour y forcer l’émission de photons. Tu pars d’une diode électroluminescente pour avoir de la lumière. Mais là, tu es encore loin du laser ! Comment passer de la LED au laser ? C’est là la magie du laser à semi-conducteurs : plein de choses fonctionnent dans le bon sens (ce qui n’est pas forcément évident au départ).

A : C’est à dire ?

NG : Imagine que tu crées ta lumière dans ton matériau. Il faut peut-être revenir sur le principe du laser. Ils fonctionnent tous avec un milieu amplificateur et une cavité. Comme une boucle de contre-réactions, tu vas emprisonner les photons pour qu’ils interagissent avec ce milieu amplificateur. De cette façon, si tu arrives à inverser la population de ton milieu amplificateur, sous excitation, alors tu vas pouvoir amplifier le nombre de photons dans la cavité. Pour cela, il faut avoir deux miroirs. Dans les lasers à gaz, tu mets un gaz, dans les lasers solides, tu mets un cristal, entre deux miroirs. Dans un semi-conducteur, tu vas prendre ta LED  et créer ces deux miroirs. Comment faire ? Le cristal est formé d’atomes parfaitement répartis. Parfaitement, ça veut dire que si tu considères un atome, dix centimètres plus loin, tu sait exactement où est un autre atome. La régularité est mieux que l’angström. Pour créer tes miroirs, comme une fermeture éclair que tu ouvres, avec une sorte de scie atomique, tu vas créer une petite contrainte. Techniquement, tu prends un petit scalpel, une pointe diamant et tu viens appuyer sur ton semi-conducteur et il se clive. Il ne se casse pas. Tu vas avoir un plan de clivage, tu vas casser les liaisons dans le plan où elles sont les plus faibles. Ceci à l’échelle atomique de façon parfaitement régulière. Tu le fais à un endroit puis à un autre un millimètre plus loin pour créer deux faces parfaitement parallèles à l’échelle atomique. Tu vas me dire qu’une face n’est pas un miroir. Ça un principe optique. Avec de l’eau, tu vas avoir une réflexion parce que l’indice de l’eau est plus grand que l’indice de l’air. Avec les semi-conducteurs, l’indice est lié à la densité du matériau. Comme tu as des matériaux très denses, l’indice est très élevé.

A : Il y a un effet de miroir naturel.

NG : Si tu prends par exemple l’arséniure de gallium, comme dans les premiers lasers, l’indice est 3,6. En faisant simplement deux faces cristallines parallèles, ils avaient déjà des miroirs de réflexivité 30%. Ça suffisait à faire une cavité, qui n’était pas terrible en terme de réflexivité mais suffisante en terme feedback pour piéger les photons entre les deux faces cristallines du matériau.

A : Et pourvoir produire ce fameux effet laser.

NG : Exactement.

A : En gros, c’est une LED trappée (piégée) entre deux miroirs ?

NG : C’est une LED entre deux miroirs mais ce n’est pas fini.

A : Que faut-il encore ?

NG : Kroemer propose de piéger ces électrons. C’est à dire que si tu ne fais rien dans une LED, tes électrons se dispersent sur une distance assez importante. Dans un semi-conducteur, il faut obtenir cette inversion de population. Tu l’obtiens facilement avec trois niveaux, par exemple dans le rubis ou les systèmes laser à gaz. Dans les semi-conducteurs, tu n’as que deux niveaux. Mais ce ne sont pas des niveaux, ce sont des bandes d’énergie. Quand tu injectes des porteurs dans ces bandes d’énergie, du fait de leurs propriétés électronique, à un moment tu vas satisfaire la condition de Bernard-Duraffourg. Je lâche les termes mais je ferai un schéma pour comprendre.

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Tu vas avoir des quasi-niveaux de Fermi qui vont aller dans les bandes de conduction et de valence. Quand la différence entre le niveau de Fermi de la bande de conduction et la bande de valence est plus grande que ta bande interdite, tu entres dans le régime de gain, c’est à dire d’inversion de population.

A : Même avec deux bandes ?

NG : Justement, tu n’as pas deux niveaux mais deux bandes d’énergie. C’est la densité d’état électronique de ces deux bandes qui font que, quand tu commences à faire passer beaucoup de courant, tu obtiens ce régime d’inversion de population. Ce qui compte, c’est combien j’ai d’électrons localisés dans mon cristal. Si je suis dans une LED et que je ne fais rien, je vais pouvoir obtenir mon laser mais avec des courants très très importants parce que ce qui compte est la densité d’électrons par unité de volume. L’idée et le Nobel de Koemer est de les piéger dans une toute petite couche. Ce piège augmente la densité volumique. Tu obtiens plus vite la condition de Bernard-Duraffourg, tu obtiens plus vite ce régime d’inversion et tu arrives à avoir l’effet laser à plus faible courant. Tu as ainsi moins de problèmes de dissipation et ça peut fonctionner à plus haute température (température ambiante). On peut aller encore plus loin ! Kroemer passe de un micron, le volume de ta LED, à 0,1 micron. Mais cela ne permet pas de faire un laser qui fonctionne de manière optimale à température ambiante. C’est pour ça qu’il a fallu dix ans. Là, on passe à la technologie de la fabrication. Il faut réduire encore plus ! Non pas à 0,1 micron, mais à 0,01 micron. On change d’échelle on passe au nanomètre. Je rappelle : un atome c’est 0,3 nanomètre. On va piéger les couches sur dix nanomètres. Il s’agit là des travaux de Bell Lab. Notamment Al Cho qui invente la technique d’épitaxie par jet moléculaire.

A : Quelle technique !? Ça c’est gros mot !

NG : Epitaxie, c’est donner de l’ordre par dessus et les jets moléculaires sont des jets d’atomes. Il se met sous vide et il envoie les atomes un par un pour construire le matériau couche atomique par couche atomique. De cette façon, il arrive à faire des couches de quelques nanomètres d’épaisseur qui vont devenir la couche active du laser. Au coeur de la LED, il vient ajouter une toute petite couche dont la bande interdite est plus faible. C’est comme un puits quantique. Tu imagines une couche très fine de plus faible énergie donc les électrons vont venir se piéger dedans. La condition de Bernard-Duraffourg s’obtient alors très facilement et tu descends le seuil d’émission laser. C’est cette technique qui a permis, à la fin des années septante, d’obtenir des lasers qui fonctionnent à très faible courant et qui partent en production.

 

A : Très impressionnant, je suis épaté par cette histoire. On vient de voir les notions que tu voulais couvrir…

NG : Je peux aller un peu plus loin !

A : Je t’en pris, vas-y. Jusque là, moi j’ai compris donc je pense que c’est ok pour les auditeurs.

NG : On est toujours sur cette petite couche, imagine un plan, une tranche, dans laquelle tu vas piéger les électrons. On parle d’électrons dans la bande de conduction puis, pour les auditeurs qui ont plus l’habitude, de trous dans la bande de valence, qui est, en fait, un électron qui manque, qui est parti dans la bande de conduction. On peut aller encore plus loin. Je te pose la question : comment confiner encore plus ? Si tu pars d’un système qui est une tranche, qu’est-ce qu’on peut faire encore plus petit ?

A : On a réduit une dimension, j’imagine qu’on peut en réduire une autre.

NG : C’est exactement ce que vont faire les gens. Ils vont dire qu’on arrive à la limite de ce qu’on peut faire à quelques nanomètres. Si tu fais trop fin, la mécanique quantique intervient alors : quand tu mets un électron dans une petite couche et que tu le squeeze, sa fonction d’onde fait que tu vas quantifier ses niveaux et donc le niveau d’énergie va remonter et il va sortir du puits (c’est l’électron qui veut ça, c’est pas nous). Du coup, tu te dis que je vais commencer à le confiner de l’autre côté. Tu as eu des confinements dans ce qu’on appelle des fils quantiques. Les chercheurs se sont dit qu’ils allaient le faire dans toutes les dimensions de l’espace et on a fait des boites quantiques. Au lieu d’avoir des électrons piégés dans une tranche fine bidimensionnelle (comme un panneau d’un mur), on a mis ça dans des petites boites. Dans ces petites boites, on a pu réduire encore plus le seuil laser. Derrière il y a la mécanique quantique, quand tu commences à créer des boites quantiques, tu recrée des atomes artificiels et tu joues sur ce qu’on appelle la densité d’état électronique et tu atteints des seuils… en gros, tu mets à peine de courant dans ton laser et ça y est, tu as un effet laser. Ça, c’est les années nonante.

A : Pour résumer, on a d’abord squeezé par le haut histoire de confiner un maximum puis on s’est dit qu’on pouvait squeezer par les côtés. Et on a obtenu les rendements qu’on connaît aujourd’hui.

 

NG : Ce que je te raconte sur les laser à boite quantique, c’est vraiment quelque chose de très récent qui commence à être produit commercialement, notamment au Japon par Fujitsu. La France a été très active. Il y a eu des recherches, des équipes très performantes sur les lasers à boite quantique. Pour l’instant, le problème est que si tu mets peu de courant et que tu as tout de suite un effet laser, comme la puissance de sortie dépend de l’énergie que tu injectes, si ça lase avec très peu d’énergie, tu as très peu d’énergie au bout. Ce sont des laser très performants mais très peu puissants.

A : Tu as dit : «ça lase», c’est le jargon ?

NG : Heu… le verbe «laser» existe, non !?

A : Je ne sais pas, je ne l’avais jamais entendu mais ça me plaît beaucoup !

NG : Voilà à peu près où l’on en est aujourd’hui sur les lasers.

A : D’accord. On entrevoit déjà les applications de ces trucs-là ?

 

NG : Pour les laser à boite quantique, ce n’est pas très clair. C’est assez compliqué à faire mais ça marche super bien. Ce que tu gagnes, à part un seuil faible (mais avec peu de puissance en sortie), c’est sur les modulations. On pense que tu peux moduler le signal beaucoup plus rapidement avec des boites quantiques (dues aux propriétés électroniques de ces lasers). Il n’y a pas encore d’applications déterminantes mais ça viendra peut-être un jour.

A : Tu voulais nous parler de la fiabilité ?

NG : Attends, un laser c’est encore plus compliqué. Là, on a confiné les électrons et les photons. Ils sont dans une cavité. J’ai parlé des deux miroirs. Mais ils peuvent aussi se balader un peu partout. Il faut donc pouvoir, une fois les photons émis, les garder alors que la couche est très fine. Puisque tu veux que lorsqu’un photon rencontre un électron il stimule l’émission d’un photon, il faut bien que le photon soit là où est l’électron. Je dois m’arranger pour prendre la lumière et la ramener spatialement dans la zone active, là où sont les puits quantiques, les couches et les électrons. Il faut rajouter, cette fois-ci verticalement, des couches qui vont compresser (on appelle ça le mode optique). On va venir avec deux autres miroirs. On n’arrive pas à faire d’excellents miroirs alors ont fait des structures avec des couches d’indices différents pour venir confiner la lumière et la garder là où tu as les électrons et les puits quantiques.

A : Ça donne la direction du laser ?

NG : Il nous manque la géométrie d’un laser : tu pars d’une plaque, le substrat, le wafer et tu dépose tes couches. Ensuite, les deux miroirs sont perpendiculaires. Il faudrait que les gens fassent un dessin chez eux…

A : Ou qu’ils fassent comme toi, qu’ils tiennent les mains face-à-face.

NG : Donc les deux miroirs sont des plans perpendiculaires à la surface du substrat.

A : Tu as le substrat posé par terre et les deux plaques sont debout.

NG : Voilà. La lumière voyage dans le plan des couches, parallèlement à la surface de la table. Elle voyage mais n’est pas confinée verticalement. Comme les couches font plusieurs microns, elle va se trouver délocalisée sur plusieurs microns. Or, verticalement, les couches font 10 nanomètres. Donc je vais rajouter verticalement des couches, qu’on appelle des couches de confinement, de matériaux différents pour venir piéger les photons là où j’ai mes puits quantiques et mes électrons.

A : Du coup, on va forcer la trajectoire des photons ?

NG : Du coup, les électrons vont se balader dans un plan qui fait entre 0,2 et 0,5 microns (en fonction de la longueur d’onde). Les photons font entre 0,2 et 0,5 microns (200 à 500 nanomètres) alors que les électrons sont piégés dans des couches qui font 10 nanomètres. Il y a un facteur 10. Pourquoi ? Parce que l’électron a une masse plus élevée. Le photon n’a pas de masse mais en optique, en cavité, on peut lui associer une masse. Tu vois que plus la masse est légère, plus la fonction d’onde associée est grande. Tu ne peux pas piéger un photon sur quelques nanomètres. Mais un électron, oui.

 

A : L’électron empêche le photon de passer, c’est ça ?

NG : C’est toute l’ingénierie du laser. Tu joues avec d’un côté le piégeage des photons et de l’autre le piégeage des électrons. On parle de facteur de confinement et c’est tout ce que tu vas faire pour optimiser la géométrie du laser. C’est cette interaction qui va donner les performances de ton laser.

A : On peut faire un petit rewind ? On est parti des équations d’Einstein qui ont conduit au laser mais je me rends compte qu’il a fallu une technologie absolument époustouflante pour pouvoir les mettre en pratique. Il a vraiment envisagé tout ça ?

NG : Je ne pense pas qu’il ait imaginé le dispositif. Par contre, l’effet, oui, clairement. Ce qui est hallucinant, c’est que Einstein, avec Bose, un physicien indien, en 1924-25, pond une théorie de la condensation de Bose-Einstein où il prédit la formation d’un condensat dans lequel les atomes ne forment plus qu’une seule entité quantique (que tu peux décrire avec une seule fonction d’onde). C’est prédit en 1924 et c’est démontré en 1995, grâce aux progrès de la technologie parce qu’il fallait descendre à quelques centaines de nanokelvin pour observer ce phénomène. Des gens ont eu le prix Nobel en 2001 ou 2002 pour la condensation de Bose-Einstein prédite par Bose et Einstein soixante dix ans auparavant.

A : C’est juste fascinant. Est-ce qu’on a fait le tour de la technologie ou j’ai loupé quelque chose ?

NG : On a dit confinement des électrons, confinement des photons, les facettes. Ensuite il faut faire des contacts et faire passer du courant. Si tu as bien travaillé, ça lase ! Tu vas avoir inversion de population et tu vas observer un comportement de diode électroluminescente (je pourrais faire des photos au labo, l’avantage c’est que tu vois ce qu’il se passe). Quand tu augmentes le courant, tu as une émission dans toutes les directions de l’espace (comme une LED) et quand tu t’approches du seuil laser, les électrons vont émettre un photon qui vont émettre dans le mode optique, c’est à dire dans ta cavité, et tu vas voir apparaître une tache de plus en plus intense, qui est ton faisceau laser. C’est spectaculaire ! Au début tu as quelque chose de très diffus, dans les trois dimensions de l’espace, et quand tu es au seuil, d’un seul coup tu vois cette tache qui apparait. Désormais, quand tu vas augmenter le courant, tout électron qui arrive dans la zone active se transforme en photon. C’est ce qu’on appelle le clampage (barrage). Ta densité d’électron est clampée et tout électron supplémentaire (si tu augmentes le courant) se transforme en photon. C’est pour ça que c’est très efficace.

A : J’ai eu le privilège de voir une présentation ad hoc quand je suis venu te voir dans ton labo pour que tu nous parles du prix Nobel. Je confirme. Même aux yeux du néophyte qui ne comprend rien, c’est totalement spectaculaire quant tout à coup ça lase !

NG : Ce qu’il faut retenir, c’est un mélange de technologies. Tu ne peux pas faire un laser à semi-conducteurs si tu ne maîtrises pas l’empilement des couches. C’est la prouesse technologique de la croissance des matériaux qui a permis d’arriver aux lasers qu’on connaît aujourd’hui. C’est souvent sous-estimé. Pour avoir discuté avec Al Cho… il était sur la shortlist des Nobel et on l’aurait retiré au dernier moment. Il l’a très mal vécu car il était à la base de plusieurs prix Nobel. Ce contrôle des matériaux à l’échelle atomique, c’est aussi l’effet Hall quantique fractionnaire qui sont deux autres prix Nobel. Ses travaux ont donné lieu à trois prix Nobel et lui n’a rien eu… sauf la médaille du mérite américain.

A : On va essayer de réhabiliter sa mémoire comme on pourra sur PodcastScience.

 

NG : C’est souvent le cas des gens qui sont en cuisine… Tu as le physicien d’un côté et ceux qui font la technologie et la cuisine de l’autre. Ce sont les parents pauvres dans les prix.

R : C’est un fail à l’envers !

NG : Pour la petite histoire, le prix Nobel 2014 est une révolution. Parce que Nakamura, Amano et Kasaki sont des pizzaiolo. C’est justement les gens qui ont fait les matériaux, pas ceux qui ont fait la physique. La physique était connue. J’ai des collègues qui m’ont dit que, quand même, ce ne sont pas vraiment des physiciens…

A : Hoo…. on ne donnera pas de noms.

R : Il y a des remarques au Palais de la Découverte aussi. Des gens disent que ce n’est pas un vrai prix Nobel de physique, que ce n’est pas très intéressant… J’ai ouvert ma gueule mais comme je ne suis pas très compétent, je n’ai pas trop insisté mais ça m’a paru assez choquant.

NG : C’est effectivement ce que j’ai pu entendre. Il faut juste relire ce qu’Alfred Nobel a écrit dans les attendus de son prix. Il faut que ça ait un impact sociétal. Une découverte qui a un impact sur la société.

R : D’autant plus que c’est exactement dans l’esprit de Nobel parce que Nobel lui-même était très pratique. C’est ce qui l’intéressait et c’est, a priori, l’une des raisons pour laquelle il n’y a pas de prix Nobel de Math. C’est trop loin des applications.

NG : C’est exactement ça. Dans le système universitaire aujourd’hui, les étudiants sont peu intéressés par les aspects concrets de la physique. Intellectuellement, il y a un esthétisme que tu peux trouver dans certains domaines de la physique alors que, quelque part, la science des matériaux et la technologie des composants, c’est un peu sale.

A : C’est des matheux qui ont mal tourné ! Cette fois je crois qu’on a vraiment fait le tour. Enfin, je crois avoir enfin compris comment fonctionne un laser. Faudra pas me poser la question demain matin mais je réécouterai l’enregistrement. Tu voulais dire autre chose ?

NG : Oui, on ne peut pas finir sans parler de deux autres types de lasers. Surtout en étant en Suisse. Il y a le VCSEL, laser à émission par la surface. On le trouve dans les souris. Ce n’est pas très différent, le principe est le même mais les miroirs sont dans le plan. Au lieu d’émettre sur les côtés parce que tu as clivé ton matériau, tu t’arranges pour faire des miroirs avec les semi-conducteurs eux-mêmes. Tu vas donc émettre directement par la surface et non plus par les côtés. Aujourd’hui, on sait faire des miroirs excellents en faisant des alternances de couches. On appelle ça des miroirs de Bragg. Tu prends deux couches d’indices différents, tu les empiles et, si tu as les bonnes épaisseurs, en fonction du nombre de paires, tu vas avoir des réflexivités de plus de 99%. Tu vas me dire mais pourquoi il faut avoir 99% dans ce cas-là ? C’est que ta cavité, là où sont les matériaux actifs, ne fait que 10 nanomètres. Puisque tu es transverse et non plus longitudinal, l’interaction entre les électrons et les photons n’a lieu que sur 10 nanomètres au lieu d’un millimètre. C’est le nombre d’aller-retours qui va permettre d’amplifier. Il faut piéger fortement les photons dans la cavité pour augmenter l’interaction avec le milieu actif et obtenir cet effet laser. L’intérêt des lasers à émission par la surface est qu’ils sont tout petits, typiquement un micron. Comme ils sont à la surface, sur un wafer qui fait 10cm de diamètre, tu vas pouvoir avoir des dizaines de milliers (voire des centaines de milliers) de VCSEL. C’est pour ça que ça ne vaut plus rien et que tu peux les mettre dans tes souris. L’autre laser que je voudrais mentionner, c’est le laser à cascade quantique (en plus il a un joli nom).

A : Oui c’est très poétique. Ça s’appelle aussi laser sans seuil, non ?

NG : Pas encore. Le laser à cascade quantique, la première publication date de 1994 par Jérôme Faist dans le groupe de Capasso à Bell Labs. Il faut savoir que Bell Labs était le temple de la recherche dans les semi-conducteurs dans les années 70 jusqu’à 2000. Dans les années 2000, avec la crise des télécom, ils n’avaient plus assez d’argent pour payer la clim, c’est pour te dire l’évolution de la recherche… Il y a eu énormément de ruptures technologiques (comme disent les investisseurs) dans tous ces domaines liés au semi-conducteurs et à la physique en général. Jérôme Faist, qui est aujourd’hui prof à l’ETH à Zurich, est le premier auteurs de ce papier dans Science et il est cité je-ne-sais combien de milliers fois. Le laser n’a plus besoin de jonctions PN. C’est le laser ultime qui illustre l’ingénierie quantique dans les semi-conducteurs. C’est à dire que c’est un empilement de couches très compliqué qui permet de créer un système à trois niveaux où lorsque tu fais passer un électron (tu n’en fais passer qu’un, tu n’as plus de jonction PN), il va sauter (d’où le nom de cascade quantique) d’énergie en énergie, il va tunneler et tu vas avoir localement ce système à trois niveaux que tu vas répéter des centaines de fois. Du coup, tu vas avoir un électron qui va donner des centaines de photons. Le même électron traverse le matériau, il cascade et il émet des photons. Tu mets ça dans une cavité et tu as ton laser. C’est vraiment génial.

 

A : Waouh. Je t’avais demandé si on travaillait sur des optimisations ou sur quoi portait la recherche aujourd’hui. On semble en être à ce qui est déjà optimal, si je comprends bien.

NG : Les efforts sur la partie matériau portent sur la longueur d’onde. Tu as par exemple des lasers à semi-conducteurs dans l’infra-rouge pour les Télécom. Tu as les lasers à cascade quantique qui permettent d’aller dans l’infra-rouge lointain, très utiles pour faire de la spectroscopie de molécules dans ce qui est analyse d’air. Par exemple, il y a un laser dans la mission sur Mars pour faire des analyses, etc… tu as aussi des lasers qui sont visibles dans le rouge et dans le bleu. On n’a pas encore de laser dans l’ultra-violet (à semi-conducteurs). On commence à avoir des lasers verts. La recherche aujourd’hui est d’aller vers des lasers verts performants (ça commence à arriver sur le marché) et on n’a pas de laser jaune. C’est un peu moins important mais le laser vert, si tu combines avec le laser bleu et rouge, tu me vois venir…

A : RGB !

NG : Voilà. Ce que tu auras dans les smartphones dans quelques année, c’est trois lasers qui projettent une image. Tu vas recréer le tube cathodique mais au lieu d’avoir un faisceau d’électrons qui balaye du phosphore, tu auras trois faisceaux lasers qui vont balayer et recréer l’image. Il y a un problème pour les spécialistes (et pas uniquement eux) c’est que l’image est dégueulasse. Tu as déjà regardé un spot laser sur une feuille ? Tu as des speckles (chatoiement). Comme ta lumière est cohérente, tu as un phénomène d’interférences lié à la texture de surface. Ce n’est pas agréable à l’oeil. Ce que tu peux faire, c’est un dispositif qui ressemble au laser (entre la LED et le laser) mais en «single-pass». Ton photon, dans la cavité, est amplifié mais ne fait pas d’aller-retours, il sort directement. Du coup, tu es directif mais tu gardes le spectre d’une LED. Tu n’as plus ces problèmes de speckles et d’interférence. Le futur des mini projecteurs sera à base de des ni-diode ni-laser qu’on appelle des diodes super-luminescentes. Mais si tu me poses la question sur le futur des lasers… nous travaillons par exemple sur un laser sans seuil. Je t’ai parlé d’inversion de population, de condensation de Bose-Einstein, rien n’est laissé au hasard, on essaie de faire un condensation de Bose-Einstein dans les matériaux semi-conducteurs de façon à tirer partie de cette phase cohérente de tes électrons et de tes photons pour obtenir comme une émission laser mais sans seuil. On a publié ces travaux il y a quelques années et on continue à travailler dessus. En théorie, tu pourrais arriver à faire un laser sans inversion de population et donc sans seuil.

A : Quel est l’avantage ? Un gain d’énergie ?

NG : Je reviens à ma remarque initiale…

A : Faisons-le, déjà, ensuite on verra bien !

NG : Voilà ! Parce que le truc c’est : s’il n’y a pas de seuil, il y a peu de puissance. OK mais peut-être qu’un jour… Tu sais qu’on met des LED dans le cerveau avec Harvard Medical School, on en avait parlé. On essaie de mettre des dispositifs pour faire de l’optogénétique, pour essayer de contrôler les fonctions dans le cerveau avec de la lumière. Si tu mets un composant avec beaucoup d’énergie, ça chauffe. Si tu arrives à avoir juste le photon qu’il faut… tu m’as compris.

 

A : On a quelques questions d’auditeurs, Robin ?

R : On a deux questions d’Evi. Comme j’ai raté la moitié de l’émission, j’espère que je vais être clair… Les lasers qu’on trouve dans les télémètres, chez Sick par exemple, coûtent la peau du cul. Pourquoi une telle différence avec les lasers d’un CD ou d’un souris ?

NG : Moi je dirais que c’est tout ce qui est autour du laser. Le laser en soit, tant qu’il est dans le rouge visible, ça ne coûte vraiment pas très cher. Par exemple les lasers dans les lecteurs Blu – ray, sont vendus par Nichia à Sony quelques dollars (pour ne pas dire un dollar).

R : Donc sur l’explication de la différence de prix avec les lasers qu’on trouve dans les télémètres, ce sont autre chose que le laser.

NG : Encore une fois, le fait que la quantité de matière soit très très faible, qu’on puisse sortir des dizaines de milliers de lasers sur un wafer, baisse le coût. Certains lasers sont très chers parce que pas encore très courants. Il y a aussi des blocages : certains lasers ne peuvent pas être exportés du Japon ou alors en toute petite quantité. C’est alors vendu très cher, par exemple mille dollars le laser brut. Ensuite, derrière, quand on parle de laser, il y a le packaging, il y a la durée de vie, l’électronique et toute la boite autour, le marketing et les réseaux de distribution. Le laser rouge lui-même ne coûte presque rien.

R : Il précise que c’est un laser invisible.

NG : A infra-rouge ? Ça dépend de la longueur d’onde. Il y a des lasers infra-rouge qui sont plus couteux mais ce n’est vraiment pas le laser en soi qui coûte cher.

R : La deuxième question est : comment réduire le cône d’un laser ?

NG : La largeur d’émission ou la divergence ?

[MEUBLAGE EN ATTENDANT LA PRÉCISION]

A : Tu disais qu’on ne sait pas faire de laser dans le jaune, le vert et l’ultra-violet ?

NG : Dans le vert ça commence. Osram et Nichia sont les deux boites qui en font. Alors on va me dire qu’il existe des pointeurs lasers verts. Attention, ce sont les lasers infra-rouge qui sont doublés. On met un cristal qui a la propriété de doubler la fréquence (de diviser par deux la longueur d’onde). C’est pour ça que tu changes souvent de batterie dans un laser pointeur vert. Parce que le laser rouge est à très forte puissance parce qu’on utilise des effets non linéaires d’un cristal qui va sortir quelques pourcents dans le vert à partir de la puissance que tu as dans l’infra-rouge. Ce que tu veux, c’est de l’émission directement dans le vert et ça se fait avec les mêmes matériaux que pour les lasers bleus. On commence à avoir des lasers corrects mais un peu chers parce que pas encore bien maitrisés.

A : La difficulté de les faire dans l’ultra-violet ?

NG : Toujours pareil, les matériaux. La qualité doit être parfaite et pour l’instant ceux qu’on connait pour l’ultra-violet, nitrure de gallium avec de l’aluminium, on ne sait pas bien contrôler la conductivité électrique, donc ça chauffe, il y a des défauts. Pour l’instant, ça reste en recherche. Des démonstrations ont été faites mais on est encore loin de l’application du produit. Il faut entre 5 et 10 ans entre un développement en laboratoire et le produit fini.

[FIN DU MEUBLAGE EN ATTENDANT LA PRÉCISION]

R : C’est sur la divergence du faisceau.

NG : C’est lié à la taille de la cavité. C’est inversement proportionnel aux dimensions de la cavité. Le faisceau sort avec un angle. Il est un peu elliptique : verticalement il fait dans les 0,5 microns donc la divergence va être grande et latéralement c’est quelques microns donc la divergence est plus faible. On peut déjà orienter la partie verticale et la partie latérale. On peut faire des laser avec une plus faible divergence en augmentant l’épaisseur verticalement et en augmentant la largeur du laser. Par exemple passer de 10 microns à 20 microns. Quand tu fais ça, pour un courant donné puisque ce qui compte c’est la densité de courant (la densité de porteurs), pour atteindre le seuil laser, il va falloir que tu fasses passer beaucoup plus de courant. Le seuil va être plus haut. Si tu mets des piles, ça ne lasera plus ou tu vas bouffer les piles en cinq minutes. Il y a un compromis entre le seuil laser (directement lié aux dimensions) et les propriétés du faisceau plus ou moins divergeant (que tu peux corriger avec une lentille). Ce que je n’ai pas dit, c’est que les lasers sont multi-mode. Si tu regardes un spectre laser avec un spectromètre, tu vois une multitude de petits pics qui sont liés aux modes longitudinaux. Tu as aussi les modes transverses. Plus tu vas élargir ton laser plus tu vas avoir des modes optiques compliqués. Pour certaines applications tu veux être monomode, si tu veux coupler avec une fibre par exemple. On sait faire mais il y a des contraintes, des caractéristiques, des spécifications qui ne sont pas forcément compatibles avec la divergence. Ce qu’il faut retenir c’est que la divergence est inversement proportionnelle à la cavité. Si je prends un ovale, le grand axe c’est la partie verticale du laser (puisque l’angle est plus grand) et le petit axe est la partie latérale du laser.

A : Y a-t-il d’autres questions dans la chatroom ?

R : J’ai eu des grosses interruptions pendant l’émission, mais sauf erreur, tu en as déjà parlé : pourquoi, quand on regarde un laser, c’est granuleux ?

NG : C’est les fameux speckles. Tu as une lumière cohérente et donc, quand tu projettes un laser sur une surface, tu as des ondes stationnaires, ta lumière va être diffusée, et ces ondes de surface interfèrent pour donner cette granulosité qu’on appelle des speckles. Ce n’est pas très confortable à l’oeil. Si tu veux créer une image à partir de lasers, il faut s’affranchir de ces speckles. Ça peut être fait de façon mécanique en bougeant. Tu peux imaginer bouger ton laser. Tu peux aussi le chauffer pour changer la longueur d’onde. Tu perds ainsi la cohérence en élargissant le spectre. Ou alors tu passes à ces nouveaux composés qu’on appelle les diodes super-luminescentes.

R : Super, ça fait une deuxième fois la réponse, en plus développé.

A : Et une chance de plus de s’en souvenir. J’avais lu qu’il fallait faire chaque apprentissage au moins trois fois si on veut avoir une chance de mémoriser les choses !

NG : Et dans les 48 heures !

A : Là c’est dur, ça fait déjà deux… d’ici une petite heure on te redemandera de répéter et on sera bons !

NG : (suite aux dessins) Les scientifiques ont de l’humour, parce que quand on prend un électron de la bande de conduction, il laisse un trou dans la bande de valence. Ça nous fait une charge positive et une charge négative qui se lient par interaction coulombienne pour former un exciton !

A : C’est joli. Si on n’a pas d’autres questions, on va en rester là. De quoi vas-tu nous parler la prochaine fois ?

NG : Et bien… tu m’appelles !

R : Maintenant, tu es le mec qui parle de trucs qui brillent et qui tiennent dans la poche, donc… à part le briquet, je ne vois pas trop !

NG : C’est les exposés bling-bling.

R : Il te reste aussi les montres de luxe.

 

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