L’histoire de l’alcool en Europe

Dossier diffusé dans le cadre de notre live public à l’ESPGG “les sciences de l’apéro

Je vais essayer, très succinctement de vous faire voyager à travers l’histoire de l’alcool.

Déjà… Quand est-ce qu’on a commencé à consommer de l’alcool? Eh bien, il y a très longtemps! Une hypothèse présentés par les professeurs Dustin Stephen et Robert Dudley et apellée poétiquement “The Drunken Monkey Hypothesis” – l’hypothèse du singe bourré – explique même que l’attirance et l’addiction pour l’alcool présent dans les fruits mûrs auraient présenté un intérêt évolutif pour nos ancêtres hominidés. Nos problèmes d’alcool s’expliqueraient alors par les progrès récents de la technique et donc de la concentration en alcool quelque peu supérieure dans les alcools distillés que dans les fruits légérement fermentés (la concentration d’alcool dans ces derniers ne dépassant pas les 5%).
Mais vous aurez l’occasion de voir dans la chronique de Pierre que la consommation d’alcool chez les animaux ne se limite pas aux mammifères.

Par contre, toujours au niveau de l’alcoolisme chez les animaux, il semblerait qu’au vu des quantités d’alcool nécessaires, l’hypothèse des éléphants fortement éméchés à la suite de la consommation de simple fruits de marula soit erronée.

La consommation d’alcool  chez l’homme, obtenu par fermentation, semble dans tous les cas dater du néolithique. On en trouve les trace en Chine en 10 000 Av JC et certains anthropologues ont suggéré que la technique de fabrication de la bière avait sans doute précédé celle du pain. En 650 Av JC, en Chine, un commentateur anonyme affirma que l’on “ne peut se passer de bière. Et que l’interdire et s’assurer d’une totale abstinence est impossible, même pour les plus sages.”

Mais ce n’est que quelques millénaires plus tard qu’un alcool bien plus fort entra dans les habitudes de consommation humaine. Je parle bien sûr du vin. Si l’on ne peut dater et localiser avec précision cette innovation, il est admis que la fabrication du vin se généralisa dans l’Egypte antique 4 000 ans av JC. Et cela nous donne l’occasion de constater une première fois les liens entre consommation d’alcool et religion. Si dans la culture populaire on associe plutot spontanément le vin aux dieux grec et romain Dyonisos et Bacchus. Un dieu égyptien non moins fameux était lui aussi associé au vin : Le dieu mort vivant Osiris. Il faisait partie des dieux les plus populaires de l’Égypte antique et l’on retrouvait ses temples tant dans la Haute- que dans la Basse-Égypte, ce qui atteste en plus d’une popularité relativement homogène. La vigne et le vin lui étaient donc associés, la couleur sang du vin évoquant comme Osiris la mort et la vie éternelle.

D’ailleurs, même si sa consommation, initialement limitée à la famille royale et aux rites funéraires, s’est progressivement généralisée à l’ensemble de la population, le vin en Égypte antique est resté intimement associé à des pratiques religieuses. L’ébriété qu’il génère étant souvent perçue comme une forme de transe mystique.

Quelques millénaires plus tard le vin et l’alcool se sont peu a peu répandus dans le nouvel acteur dominant le monde européen :  l’Empire Romain. Celui-ci privilégiait initialement une consommation modérée des boissons alcoolisées mais la conquête du reste de l’Italie par l’Empire qui s’acheva en 200 AV JC s’accompagna d’une valorisation des excès dans la consomation d’alcool et c’est dans ce contexte qu’apparût… Le premier jeu à boire dont j’ai pu retrouver la trace!!!  Ce jeu était assez basique; les romains se contentaient de lancer un dé et de boire le nombre de verres que ce dé indiquait. Petite partie geekoroliste, j’imagine qu’ils utilisaient des dés à 6 faces, ce qui devait suffire à rapidement les rapprocher de l’état d’ébriété. Néanmoins, j’en profite pour signaler que des dés à 20 faces existaient déjà à l’époque romaine et que l’on ne sait toujours pas à quoi ils pouvaient bien servir.

Ce qui est assez rigolo aussi, c’est que la concurrence que se mèneraient quelques siècles plus tard la chrétienté conquérante et le judaïsme eut lieu, elle, sur le rapport à l’alcool. Et c’est dans ce contexte que la consommation de vin fut introduite dans des cérémonies religieuses puisque des règles concernant la consommation du vin furent ajoutées au Talmud. La capacité des religieux pour se rendre compte a posteriori et selon la situation politique de la volonté divine me surprendra toujours.

Quelques siècles plus tard, après l’effondrement de l’Empire Romain, ce furent les monastères qui devinrent les principaux dépositaires du savoir-faire concernant la fabrication du vin et la bière ansi que le principal vecteur de propagation. La consommation de ces alcool se répandant donc via les monastères. Et ceux-ci prenant de plus en plus d’importance à tel point qu’à la fin du Moyen-Âge, l’adultération de la bière et du vin étaient passibles de la peine de mort en Écosse.

Et c’est dans ce contexte que justement, en Irlande ou en Écosse, au début du XIIIe siècle, une innovation technologique majeure dans la fabrication de boissons alcoolisées arriva ou réarriva en Europe: la distillation. Quand cette technique fut introduite, l’eau-de-vie était essentiellement considérée comme un médicament. La technique se propagea lentement, à travers les moines, les physiciens et les alchimistes.

Pour information, la technique de la distillation (ainsi que le nom alcool) nous est arrivée, assez ironiquement vu le rapport qu’entretient actuellement la région avec les boissons alcoolisées, à du monde Arabe. Et la distillation semble remonter à la Mésopotamie et au 2e millénaire AV JC. Mais elle n’est pas nécessairement associable à la création d’alcool, le procédé étant utilisé entre autres dans la fabrication de parfum et la purification de l’eau. Enfin, hors d’Europe, en Asie, il existe des vins distillés depuis au moins le IIIe siècle après JC.

La consommation d’alcools fort s- de spiritueux – elle, ne se généralisa que plus tard : “the sixteenth century created it; the seventeenth century consolidated it; the eighteenth popularized it”. Et c’est en effet à partir du XVIIIe siècle que la consommation d’alcool comença à étre réellement perçue comme problématique. D’abord comme un vice puis au XIXe siècle comme une maladie. On peut considérer que ce changement de perception fut aussi lié à l’industrialisation et à l’urbanisation. L’industrie nécessitant des travailleurs ponctuels.
Et l’urbanisation, où l’on ne connaît bien évidement pas tout le monde, fait craindre l’homme inconnu et fortement titubant.

Cette nouvelle perception de l’alcool aboutit à la mise en place pendant plusieurs dizaines d’années de la prohibition. Ce qui nous amena à la popularasisation d’une dernière innovation majeure : le cocktail. Le premier coktail, le Sazerac apparaît en 1830 et se trouve être un mélange d’absinthe, de sucre et de cognac. Mais durant la prohibition ces mélanges se répandent en devenant entre autres un moyen de masquer le gout de l’alcool frelaté de mauvaise qualité courant à cette époque et aussi de cacher la nature alcoolisée de certaines boissons. C’est sous la prohibition que seront inventés le Cuba Libre (rhum coca), et le Bloody Mary (jus de tomate, vodka, tabasco…). Le B-52 quant à lui a été inventé en Californie en 1969, il consiste en une petite couche de liqueur de café versée relativement rapidement, une couche de Bailey’s versée délicatement, une couche de Cointreau versée sur le dessus. On enflamme le Cointreau, on prend cela à la paille et en shots en partant du bas et c’est très bon. Mais ce qui limite le côté cool du cocktail, c’est qu’il a été inventé en Californie pour motiver les troupes américaines qui revenaient de la guerre du Vietnam après y avoir dévérsé des cocktails chimiques nettement moins appétissants.

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