L’intolérance au lactose

Dossier de Xavier Durussel dans l’épisode #111.

Introduction

J’aimerais commencer par parler de la fondation HON (Health On the Net). Vous savez que sur Internet on trouve de nombreuses informations, et pas forcément toujours très fiables. HON nous aide dans le choix des informations que l’on peut trouver sur Internet avec différents outils comme un moteur de recherches dans des sites qu’ils ont classé comme de confiance, et des labels qu’ils donnent à des sites. Cela ne doit pas vous enlever votre esprit critique et d’aller vérifier les informations tout de même, mais ça permet un premier tri. Je l’ai un peu utilisé pour faire ce dossier.

Le moteur de recherche permet de rechercher des informations par langue, ce qui est très pratique quand on ne parle pas très bien l’anglais.

Allergie ou intolérance?

Dans un premier temps, j’aimerais établir la différence entre allergie et intolérance. L’allergie est une réponse du système immunitaire à une substance. Il peut s’agir d’un métal, d’un aliment, d’un produit de nettoyage, etc. Le principe est simple, le système immunitaire considère la substance comme une menace, tel un virus, et va mettre en œuvre des moyens pour l’éliminer. Il va y avoir production d’anticorps qui vont se lier avec la substance, qui vont déclencher les réactions en chaîne pour arriver à la  libération d’histamine (et autres substances). C’est elle qui créée la réaction allergique. Les personnes allergiques prennent souvent des antihistaminiques pour supprimer cette réaction. Très souvent, les réactions allergiques sont minimes: nez qui coule, éternuement, toux, démangeaisons, etc. Mais dans certains cas, et ce très rapidement après le contact avec l’allergène, il peut se produire un choc anaphylactique, qui peut mener à un arrêt cardiaque si on n’administre pas de l’adrénaline. C’est ce qui arrive avec les personnes allergiques aux piqûres d’abeilles par exemple.

Bien qu’une personne sur 3 se dise allergique, en réalité, seuls 2% de la population l’est. La proportion est plus importante chez les enfants (3-7%), mais elles disparaissent le plus souvent après l’entrée à l’école. (Je n’ai pas fait de recherche pour savoir quels étaient les causes réelles.)

Les allergies alimentaires sont souvent d’ordre génétique( et donc héréditaire), et normalement identifiée très tôt dans la vie.

L’intolérance, elle, relève d’un autre mécanisme. Ce n’est pas le système immunitaire qui réagit, mais une autre partie du métabolisme. L’intolérance au lactose est un cas très particulier et intéressant sur de nombreux points, qui met en jeu le système digestif.

L’intolérance au lactose

Qu’est-ce que le lactose?

Le lactose est un disaccharide (un glucide) composé de deux sucres: glucose et de galactose. Le lactose n’est pas assimilé directement par notre intestin et doit être coupé en deux. C’est la lactase, une enzyme digestive, qui s’occupe de ce travail. On constate chez les intolérants au lactose une absence (ou du moins des concentrations très faibles) de lactase. Pourtant, durant nos premières années de vies, nous avons tous, à l’exception notable des allergiques au lait, consommé du lait. (Au passage, les allergies au lait sont causées par les protéines du lait, et pas par le lactose.)

Chez les mammifères, l’homme ne faisant pas exception, les adultes perdent la capacité de digérer le lactose à l’âge adulte. Pour l’homme vers 5-7 ans.

Savez-vous, au niveau mondial, combien d’êtres humains adultes sont capables de digérer le lactose?

J’ai trouvé différents chiffres qui font état de 15 à 25% de personnes tolérantes au lactose. Dans les pays asiatiques, on atteint même des scores de 90% d’intolérance. Mythe tenu.

Chez nous, en Europe, c’est plutôt la proportion inverse. Jusqu’à 80% de tolérants en France par exemple. Comment cela se fait-il?

Le Caucase il y a 10’000 ans (environ)

Une mutation génétique est apparue  il y a environ 10’000 ans (entre 10’000 et 5’000) dans le Caucase. Mutation dominante, et qui s’est répandue assez rapidement en Europe. On ne sait pas très bien si c’est grâce à l’élevage, ou si c’est ça qui a favorisé l’élevage. Il y a eu des études pour essayer de le vérifier, mais aucune conclusion définitive n’est établie. D’autant plus que l’avantage évolutif semble maigre. Même les éleveurs n’ont pas besoin d’être tolérant au lactose pour être avantagés. Sans frigo, et sous l’action des bactéries, en quelques heures, le lait est rapidement transformé en yogourt.

Le fromage, version néolithique, par Stef pour Strip Science Le fromage, version néolithique, par Stef pour Strip Science
Le fromage, version néolithique, par Stef pour Strip Science

Ce qui est remarquable, c’est que cette mutation et l’une des dernières identifiées dans l’histoire de l’évolution de l’homme et une des plus importantes. Mais il y a plus, j’y reviendrais juste après. Je m’arrête un instant sur cette mutation.

La mutation d’un variant T en -13910

Je ne vais pas entrer dans les détails très techniques des différents codons de nos gènes. Une petite chose tout de même. Ce qui a muté, ce n’est pas la portion du gène qui code pour la lactase. C’est la partie qui code pour l’expression de ce gène. Ce qui est somme tout assez logique. Ce qui change au cours de notre vie, c’est l’expression du gène qui code pour la lactase. On appelle les intolérants des “lactase non-persistant”. Les autres étant “lactase persistant.”

Il existe également une mutation qui rend inopérante la lactase elle-même. Celle-ci est détectée dans les premiers jours de la vie. Il peut s’agir d’une mutation héréditaire.

Évolution parallèle

Mais il y a plus, disais-je juste avant. Certaines populations d’Afrique sont également très fortement tolérantes au lactose.  En analysant leur génome, on s’est rendu compte que la mutation était différente. Elle est apparue entre -7’000 et -3’000 ans, et concerne une autre partie du gène, mais qui a exactement la même expression: rendre la personne “lactase persistante”.  Nous avons un magnifique cas d’évolution parallèle. Deux populations différentes convergent vers un même avantage.

L’intolérance au lactose en pratique

Si le lactose n’est pas dissocié dans l’intestin grêle, il passe tout droit, et c’est dans le colon que les choses peuvent devenir compliquées. Les bactéries présentes dans cette partie de notre intestin vont se nourrir du lactose en dégageant des gaz (hydrogène et méthane notamment). Ce sont ces gaz qui vont provoquer des ballonnements.

Les intolérants n’ont pas d’autre choix que de réduire leur consommation. La plupart du temps, de petites quantités de lactose ne posent aucun problème. De plus, de nombreux fromages sont quasiment exempts de lactose. Le lactose étant soluble dans l’eau, plus le fromage est égoutté, moins il en contiendra. Et comme il est utilisé par les bactéries du lait, plus le fromage est vieux, moins il en aura.
Dans les yogourts on trouve généralement pas mal de bactéries qui vont s’occuper de couper le lactose. On en trouve souvent moins, mais pas toujours, certains yaourts sont fabriqué avec une addition de lait en poudre, et on donc une plus grand proportion de lactose.

Quelques exemples (pour 100g de produit)

Lait entier (3,5 %) 4,8g
Beurre 0,6g
Crème fraîche 2,5g
Mozzarella 0,1-1,1 g
Emmental 0,1g
Cheddar cheese 0,02 g
Crème glacée 6,7 g
Lait de brebis 4,6-5,4 g
Fromage de brebis 0,1 g
Lait de chèvre 4,1-4,7 g

À noter que les produits qui ne sont pas à base de lait, ne contiennent pas de lactose. Cela paraît idiot à dire comme ça, mais certains fabricants l’indiquent sur l’emballage de produits. C’est le cas de certaines margarines par exemple.

Dépister une intolérance

Une solution simple consiste à supprimer le lait de son alimentation et voir si les symptômes disparaissent.  Il est également possible de faire des mesures: on fait manger du lactose au patient, puis on mesure la concentration en hydrogène dans l’air qu’il expire, et sa glycémie (taux de sucre dans le sang). Si le lactose est digéré par les bactéries du colon, elles vont libérer de l’hydrogène qui va se retrouver dans les poumons (environ 2h plus tard). S’il est digéré par la personne, on pourra voir une augmentation de sa glycémie (environ 30 minutes plus tard).

Il est également possible de faire un test ADN et vérifier la présence d’une des deux mutations connues. Mais ce test est plus cher, et demande plus de temps.

Qu’est-ce qu’un lait dé-lactosé?

Comme son nom ne le laisse pas penser, ce n’est pas un lait auquel on a enlevé le lactose. C’est un lait dans lequel on a simplement ajouté de la lactase. Cela ne change pas les qualités nutritives du lait, par contre ça change pas mal le prix.

 

Références

 

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