De l’histoire du sang en médecine – Partie II : Le sang contaminé

Ce dossier a été racontée par Irène dans l’épisode #206. Il est la suite du dossier sur l’histoire de la transfusion sanguine par Irène se trouve juste ici.

De l’histoire du sang en médecine

Partie II : Le sang contaminé

Pour ceux qui ont écouté notre précédent Podcast sur l’histoire du sang en médecine, je vais continuer cette épopée grosso modo là où nous l’avions laissée, après la deuxième guerre mondiale.  Si vous avez raté cet épisode précédent, je vais quand même replacer le décor et repeindre une image globale de la situation.

Nous allons parler de la crise du sang contaminé, et à mon avis, il est indispensable de connaître la situation mondiale pour pouvoir se faire une idée de ce qu’il s’est passé avec cette crise, que l’on connaît hélas si bien en France sous le nom de « l’affaire du sang contaminé ».  Honnêtement, pour être le plus neutre possible, il faudrait pouvoir relater toute l’histoire en détails, sans oublier la psychologie des personnalités en question, le contexte politique, et pouvoir revenir en détails sur tous les compte-rendu des heures et des heures d’audience au cours des procès, revenir sur des années de compte-rendu de réunions, de commissions, de congrès où moult intervenants ont parlé, averti, et voir quand certains ont choisi d’ignorer ou de réagir.  Des personnalités politiques, des hommes d’affaires mais aussi des médecins ont fait des choix décisifs, et il faudrait éplucher toutes les conversations, toutes les publications scientifiques de l’époque, toutes les données épidémiologiques à l’échelle de la planète pour se faire une bonne idée des circonstances et expliquer les choix qui ont été faits.  C’est bien un problème mondial, tous les pays sont impliqués, et la France à l’époque avait fait le choix, pour ses besoins en produits sanguins, d’importer une partie de ceux-ci d’autres pays, notamment des USA. 

Je me suis basée sur deux livres principalement, l’un écrit par un journaliste américain, Doug Starr, et l’autre par une journaliste française, Sophie Chauveau

Mais revenons d’abord à la période entre les deux guerres.

Dans le monde, on a finalement abandonné (autour des années 1920) après des siècles de véritable boucherie la saignée comme pratique thérapeutique qui n’a jamais trouvé de justification en médecine sauf pour un nombre très restreint de maladies bien ciblées.

Par ailleurs, les  techniques de transfusions sont enfin, on va dire, plus humaines depuis ses débuts dans les années 1660.  Avec les progrès en médecine, en cancérologie notamment, les besoins en sang ne cessent d’augmenter et les collectes de sang s’amplifient.

Mais il est important ici d’insister sur une énorme différence entre les pays, entre leurs choix éthiques, basés évidemment sur leur culture.  La France a fait très tôt le choix que l’on peut juger très honorable et louable, de baser le système de collection du sang sur une organisation non basée sur l’argent, sans profit, où les donneurs ne sont pas payés.  On ne paye pas les gens qui donnent leur sang, le sang n’est pas un produit commercial,  et surtout on ne le revend pas pour se faire de l’argent.  Ce n’est même pas un médicament dans cette perspective.  En revanche, les USA comme on s’en doute, ne voient pas l’affaire de la même façon, et très vite des entrepreneurs bien clairvoyants mais pas forcément très regardants ont imaginé les gros profits potentiels.  Payer quelques dollars les donneurs de sang pour les attirer et puis revendre à prix d’or le sang qu’on leur soutire, c’est un marché très fructueux.  Ainsi, le sang était alors appelé l’or rouge’ et il n’est pas étonnant que les organisations de collecte de sang étaient appelées des « banques du sang »…

Etudiants, travailleurs manuels, ouvriers, et d’une façon générale tous les démunis donnaient leur sang pour de l’argent.  Le nombre de donneurs s’était accru vertigineusement pendant la grande dépression évidemment, certains donnant jusqu’à 24l de sang par an (je rappelle qu’en moyenne notre corps contient environ 5l de sang).

Le sang par ailleurs était utilisé de plus en plus pour les recherches par la police criminelle, pour les disputes de paternité, avec le cas bien célèbre de Charlie Chaplin : un avocat torve mais bien doué avait réussi à convaincre un jury de la paternité de Chaplin dans le cadre d’un procès intenté par une dame malintentionnée et ce malgré les résultats de détermination des groupe sanguins qui excluait l’apport génétique de Chaplin.

C’est aussi à cette époque qu’est apparue l’idée d’utiliser du sang de cadavres et du sang de placentas.

Difficile aussi de ne pas citer le cas en 1935 de ce docteur héroïque qui en Allemagne, devant un de ses patients qui avait urgemment besoin d’une transfusion, s’ouvrit lui-même une artère du bras pour donner son propre sang.  Hélas le docteur était juif, le malade aryen.  Le premier fut envoyé dans un camp de concentration pour 6 mois.  Le sang était alors encore considéré comme un symbole de pureté raciale… 

Je vais passer rapidement la période de la seconde guerre mondiale, pourtant riche en progrès techniques énormes.  L’utilisation des produits sanguins progresse énormément avec la mise au point du fractionnement du sang en diverses parties (plasma globules rouges, etc), les méthodes de conservation,  et l’utilisation de plasma isolé ie. sans cellule.  En 1951, aux USA, l’utilisation d’anticorps extraits du sang (ce qu’on appelle les gamma globulines) permet de prévenir la polio, jusqu’à ce que 2 ans plus tard un vaccin soit mis au point.  Et j’ai déjà cité précédemment l’utilisation de plastique pour remplacer les bouteilles de verre, qui révolutionna carrément le recueil, le transport et la conservation du précieux liquide.

Par contre je ne peux pas m’empêcher de rappeler que pendant la seconde guerre mondiale, quand les besoins en France étaient si importants mais que l’occupation par les allemands était une entrave,  l’armée française est bien allée prélever du sang en Afrique du Nord.  Quand la France avait besoin d’eux elle a bien été contente de trouver des hommes dans cette région du globe…

Une autre anecdote plus marrante, c’est aussi à cette période que les donneurs de sang réguliers à Paris menacèrent de se mettre en grève.  Ça c’est un clin d’œil pour les exilés qui voient la France de loin, avec toutes ses grèves…

Beaucoup plus sérieusement j’ai aussi relevé que c’est après la guerre, aux USA que les premiers cas de transmission de l’hépatite par du plasma déshydraté ont été observés.  Les alarmes commencent à sonner, timidement, mais les banques de sang voient avant tout leurs profits.  Et de fait, de gros scandales avec procès et drames éclatent déjà un peu partout dans le monde.  Citons par exemple le cas de Kansas City dans les années 60, avec un procès fleuve entre une entreprise de collecte de sang sans scrupule et les médecins locaux.  Ou bien le cas d’un médecin de prison lui aussi sans scrupules à Oklahoma City, qui contamina des centaines de prisonniers en grande partie à cause de sa négligence. 

Mais à l’époque, les besoins en sang et en transfusions augmentaient sans cesse, il fallait trouver les donneurs et dans les années 50 aux EU, environ 60% du sang total venait des prisons.  Citons aussi un cas au Japon, quand l’ambassadeur des US fut la victime d’un attentat (première humiliation nationale) mais qu’en plus celui-ci attrapa une hépatite suite à une transfusion de sang (deuxième humiliation nationale).  Ce fut une histoire pénible pour le pays, mais au moins après quelques années il fut interdit au Japon d’acheter et de vendre du sang.

Dans les années 60, les médecins du monde entier sont de plus en plus conscients des problèmes de contamination.  En 1970 un article dans le New York Times décrit d’ailleurs la transfusion comme une roulette russe.

Les alarmes continuent donc de résonner.  Les cas d’hépatites continuent d’augmenter, le NIH aux US (équivalent du ministère de la santé) décompte 7000 nouveaux cas par an, avec 850 morts.  Nous sommes en 1972.   

Mais les besoins en sang continuent d’escalader.  Les américains vont le chercher dans les pays pauvres (Nicaragua, Costa Rica, Salvador…) et le revendent au monde entier, y compris la France, Belgique, Hollande….  Un scandale éclate au Nicaragua.  Les conditions de prélèvement sont horrifiques, où la tuberculose, le tétanos, les gastro-entérites, la malnutrition font des ravages.  Les banques de sang , mises en place par des américains, elles, s’épanouissent, les pots de vin circulent pour leur laisser toute liberté.   Jusqu’à ce que la presse soit informée par une femme dont le fils a mystérieusement disparu après avoir donné son sang.   Le journaliste fut assassiné….  Mais après le scandale public, les centres de prélèvements dans ce pays furent finalement fermés.  En revanche, les prix augmentèrent de 12 a 15 % à cause de la chute de production.

C’est à cette époque aussi que l’Institut Mérieux, s’est mis à importer des tonnes de placenta du monde entier (15 tonnes par jour), pour en recueillir le sang.

Mais il faut absolument prendre en compte un élément essentiel qui modifie encore la donne, que l ‘on retrouve dans le monde entier, y compris la France.  Ce sont les groupes de malades atteints d’hémophilie, cette maladie qui fait que le sang des patients ne peut pas coaguler.  On connaît de mieux en mieux les causes à cette époque, et les traitements qui vont avec.  Les transfusions de sang aidaient déjà bien, mais ce n’était pas facile à gérer.  Dorénavant on sait que le mieux est de suppléer cette fameuse protéine qui manque dans le sang des patients, cette protéine que l’on appelle le FVIII (je simplifie ici, il y a plusieurs formes d’hémophilie).  Le remède est un soulagement immense pour les malades et leurs familles.  Imaginez ces petits enfants qui dès qu’ils se font une bosse, même sans hémorragie externe, voient leurs articulations se remplir de sang, avec des douleurs atroces, et des risques mortels à tout instant si le saignement est dans le cerveau.  L’utilisation de produits dérivés du sang, et le fameux Facteur VIII, est un progrès sans nom pour eux.  C’est un changement radical dans la vie des patients.   Le FVIII est vendu déshydraté, il se conserve bien et s’injecte facilement.  Alors, forcément, quand on commence à leur donner du FVIII, difficile pour ces patients de retourner en arrière, vers les transfusions de sang complet qui sont des procédures longues et lourdes à mettre en place par contraste avec une simple piqûre.  Le problème des produits dérivés du sang c’est qu’il faut énormément de sang pour les produire.  Pour arrêter un épisode hémorragique il faut l’équivalent d’un volume de sang plus important que celui du patient.  Les coûts sont énormes.  Dans les années 70, il faut compter des dizaines de milliers de francs par an et par patient.  Vers les années 70, 26% du FVIII en France vient des US, le Japon importe 98% de ses besoins.  L’Allemagne de l’Ouest en consumait plus que tous les autres pays européens réunis.  Là-bas aussi de sordides histoires de gros sous ont été documentées, entre les industriels qui importaient les dérivés sanguins et les centres de soin pour hémophiles qui les revendaient. 

Les hémophiles se regroupent en association et sont très impliqués.  En France par exemple, ils entrent dans la gestion des centres de transfusions sanguines.  C’est leur vie qui en dépend, et de façon quotidienne.  Ils constituent de vrais lobbys avec une influence importante sur les décisions des médecins, des centres de transfusion, les traitements, les instituts de recherche et de production des dérivés sanguins.  Dans les années 80, ces malades n’hésitent pas à utiliser des produits importés s’ils ne peuvent obtenir des concentrés préparés en France.

Dans les années 70-75, les discussions font rage au US pour établir un système plus sain, mais en vain.  Le principal point de discorde est de décider s’il faut payer les donneurs ou non.  Les avis sont partagés, certains médecins préfèrent l’idée de payer pour un sang présentant moins de risques de contaminations.  Finalement, en 1978, la FDA (équivalent de l’agence du médicament en France), décide de ne pas prendre partie mais d’obliger à étiqueter le sang pour préciser s’il provient de donneurs payés ou non.  En l’espace de quelques jours, le sang des donneurs payés disparut du marché, les hôpitaux n’en voulaient plus.  Notons toutefois que les industries qui fabriquaient les produits dérivés du sang continuaient, elles, de l’utiliser.  Les arrangements commerciaux sont parfois glauques, entre différent pays et industries, comme le cas de ce Docteur Keller qui voulait acheter des Globules rouge aux français (De Gaulle refusa) et qui trouva un accord avec la Suisse, l’Allemagne, la Belgique et la Hollande.  En France, c’est le docteur Soulier, alors président du Centre National de Transfusion Sanguine de Paris (le CNTS) qui mena les négociations.  Mais déjà, apparaît le nom du fameux docteur Garetta.  Pour avoir une idée de ce qui s’est passé en France, il faut savoir que à ce moment-là que le ministère de la santé a demandé au CNTS d’augmenter la production de FVIII et de diminuer les importations  (20% des besoins). En  même temps, le même ministère a ordonné à l’Institut Mérieux de fermer ses centres de prélèvements en France, avec interdiction d’y vendre ses dérivés sanguins. 

En 1982, aux US, les médecins savaient que la population des homosexuels présentait des risques accrus de certaines maladies très graves, des formes de cancers spécifiques, ou des pneumonies.  Mais en Janvier 1982 est apparu le même type de maladie chez les hémophiles, avec un taux de propagation vertigineux.  L’alarme fut donnée auprès des autorités.  Un certain docteur Evatt mérite d’être cité ici, il essaya de prévenir même les associations d’hémophiles, qui restèrent sceptiques.  Et la plupart des autorités n’étaient pas prêtes à entendre ce discours.  On ne voulait pas exclure les homosexuels des banques de données.  Les discussions encore une fois firent rage, personne n‘était d’accord, certains étant dans le déni et ne voulant pas croire que des hémophiles mourraient à cause d’un agent transmis par les dérivés sanguins.  Le directeur adjoint du labo d’études des hépatites au CDC par exemple n’en croyait pas ses oreilles devant tant de résistance bureaucratique « combien de personnes doivent-elles mourir ? 3, 6, 10 des centaines, est-ce assez ?  Donnez nous un nombre de morts suffisant pour que vous réagissiez » s’est-il écrié durant une conférence.  Le nombre de cas doublait tous les 6 mois….

Le 4 mars 1983, aux US, le ministère de la santé publia des recommandations officielles relatives au virus HIV, telles qu’éviter les rapports sexuels multiples, ou de donner son sang si l’on appartenait à un groupe à risque.  En Angleterre, les hémophiles achetaient la moitié de leur besoins en FVIII à des firmes américaines.  Les allemands aussi étaient au courant de ce qui se passait aux US, les nombres de cas déclarés de patients atteints par le VIH allaient croissants, mais nombre de docteurs continuèrent de soigner leurs malades hémophiles, avec l’excuse pourtant fausse que tout cela était une maladie localisée aux US.  Plusieurs années plus tard, un médecin admis sa surprise quand il découvrit que les trois quarts de ses patients avaient contracté le virus du sida.  Situation comparable dans d’autres pays comme la Hollande.

En juin 1983, se tient une conférence internationale sur l’hémophilie, qui a fait date dans l’histoire du sida, la conférence de Stockholm.  Au programme, bien sûr les risques liés au traitement par le FVIII.  Certains y croient.  On va enfin avoir des données claires et des résolutions efficaces.  Mais c’est un bide, les médecins sont encore trop frileux, certains ne veulent pas croire les données, parfois aveuglés par les bienfaits qu’ils apportent à leurs patients hémophiles avec le FVIII.  Au moment de voter, la décision finale est de continuer à utiliser le FVIII, car on trouve qu’il n’y a pas assez de preuves convaincantes.

Au Japon, la culture japonaise ne facilitait pas du tout la situation.  Y être handicapé c’était une disgrâce, le Japon prenait à cœur la pureté nationale et considérait volontiers le problème de la contamination comme un problème restreint aux US.  Mais un certain docteur Abe, présent à de nombreuses conférences internationales dont celle de Stockholm, qui pourtant traitait ses patients en toute dignité, qui parcourait son pays, les zones rurales isolées, pour soigner les enfants dont les articulations étaient déformées par les hémorragies internes de sang, continua à utiliser le FVIII, malgré ou à cause de la conférence de Stockholm.  Lorsque son premier patient atteint de sida décéda, Abe ne put reconnaître publiquement l’évidence, même si il admit le diagnostic d’un point de vue médical.  Le mensonge planait.  En 1984, il envoya 48 échantillons de sang au Professeur Robert Gallo, un scientifique américain spécialiste des virus, travaillant au NIH, l’équivalent du ministère de la santé aux US.  23 étaient séropositifs.  Abe ne dit rien.   Il fallut attendre 1985 pour que les autorités japonaises annoncent le premier cas de sida au Japon, et encore, il s’agissait officiellement d’un japonais revenant de New York, homosexuel non hémophile, et artiste en plus…. En 1988, Abe mentait encore et ne disait pas à ses patients qu’ils avaient contracté le virus du sida.  Il s’expliqua plus tard publiquement disant que les connaissances n’étaient pas suffisamment avancées, qu’on ne savait pas comment soigner les malades, alors il valait mieux leur mentir.

C’est à cette époque, en 1983, que les premiers tests de détection du sida apparaissent. Un chercheur de Stanford avait mis au point un test indirect que l’on utilisa beaucoup, le rapport T4/T8.  Je ne vais pas expliquer ici ce que c’est, ce n’est pas utile dans ce propos, mais il faut préciser que ce test ne détecte pas le virus, il détecte une des conséquences de l’infection par le virus.  A cause de cela, il fallut des années pour que ce test soit reconnu valide par la communauté scientifique (les résultats scientifiques de ce chercheur furent rejetés de conférences par ex), et encore plus par le milieu médical.  Il faut quand même reconnaître qu’aux US certaines banques de données se sont alarmées.  Devant l’évidence de la contamination de certains patients, certaines ont détruit leurs stocks, mais pas d’annonce publique, pas de mesure publique….

A noter aussi les efforts pour stériliser les produits issus du sang.  Un chercheur aux US trouva la solution (Edward Shanbrom), en utilisant la chaleur, la pasteurisation donc.  Il fut absolument ignoré.  Il trouva aussi un  moyen pour décontaminer le sang du virus de l’hépatite, par un traitement avec des détergents.  Il fut là encore ignoré.  Dommage, car cette technique devait très probablement fonctionner sur le virus du sida.  Il faut attendre 1984 pour que la technique de pasteurisation soit reconnue et acceptée pour nettoyer les produits sanguins de l’hépatite.   Mais on ne savait pas si cela était efficace sur le virus du sida, car on ne l’avait pas encore isolé, ce virus.  Du coup, même les associations d’hémophiles étaient hésitantes à recommander ces produits. 

En 1983, le docteur Abe au Japon est toujours dans le déni, et refuse de faire importer les produits pasteurisés.  Dans une conférence sur l’hémophilie, celui-ci annonce publiquement : ‘ j’ai entendu dire que certains pensent que nous devrions stopper l’importation de produits non chauffés, mais ces remarques viennent de docteurs qui ne s’y connaissent pas en hémophilie ».

On estime à 1800 le nombre de patients infectés par le virus entre ce moment et celui où le Japon a développé sa propre technique de pasteurisation, en 1985.  Mais les produits non chauffés ont continué à être vendu au Japon jusqu’en 1987.

Il faut attendre octobre 1984, pour que le virus soit identifié.  Le premier test sanguin de détection ne fut mis au point qu’un an plus tard, par le professeur Gallo.  Certains pays comme le Canada et la Suisse mirent beaucoup de temps avant de se décider à l’utiliser et démarrèrent leur programme en mai 1986.  L’Allemagne, elle, réagit tout de suite. 

Devant ce tableau mondial, quand est-il de la France ?

Le déni fut particulièrement grave en France, atteignant hémophiles et non hémophiles.  Il est finalement facile à comprendre quand on considère la tradition française de donner son sang gratuitement, l’idée d’un bénévolat généreux, anonyme et sans profit.  On ne pouvait y associer la réalité d’un sang contaminé.  Longtemps après que Paris soit devenue la capitale mondiale du sang contaminé, les bus de dons de sang circulaient encore dans tout le pays et dans les prisons.

Jean Péron-Garvanoff (JPG) est un hémophile très actif en France.  Emigré enfant en France, ce pays lui a alors offert une vie nouvelle, avec le traitement par le FVIII.  En Bulgarie, ses parents, pour tout traitement, n’avaient que le choix de le recouvrir de neige, avec des prières.  Il fut traité par Arnault Tzank, dont j’ai parlé précédemment, le père de la transfusion sanguine en France, et le gentil docteur s’est maintes fois retrouvé relié directement à l’enfant par le biais d’un tuyau de sang.  Mais ce fut le docteur Allain qui joua le plus grand rôle dans sa vie, c’est lui qui le suivit dans son traitement par le FVIII, ils devinrent amis, jouant de la musique ensemble, passant de nombreuses soirées ensemble et en famille.  Le docteur Allain travaillait au CNTS, en tant que médecin chercheur. 

En juin 1983, JPG entend parler du virus du sida, des risques chez les hémophiles et homosexuels, et écrit déjà dans ses carnets « je ne me sens pas rassuré du tout ».   

Le docteur Allain est au courant.  Il forme un groupe d’étude des patients hémophiles en relation avec le sida.   Mais il préfère ne pas alarmer ses patients, il ment à son ami JPG.

La première personne qui a vraiment fait sonner une alarme en France fut le docteur Soulier, alors président du CNTS. Professeur reconnu, proche de la retraite, disciple de Tzank, il a participé très largement à la découverte du FVIII.  Il a vu venir l’épidémie et a commencé à recommander de la prudence, suggérant de retourner aux types de traitements antérieurs (les cryoprécipités) jusqu’à ce qu’on comprenne mieux le problème pour éliminer ensuite les risques de contamination.  Mais personne n’apprécia, et sûrement pas les hémophiles de France.  L’association des hémophiles de France, d’un ton très agressif refuse de changer les traitements, et insiste pour que les patients continuent à être traités par le FVIII, même si celui-ci doit être importé.  Ils menacent leurs médecins. 

Parallèlement, en France, les donneurs de sang ne sont toujours pas triés.  Le sang subit bien une batterie de tests visant à détecter la syphilis et l’hépatite, mais on ne remet pas encore en question le besoin de trier à la source, pour ne pas offenser les donneurs.  Un questionnaire ne sera mis en place seulement en mai 1983.  Les réactions des médias sont immédiates et violentes.  Libé titre en Une de ses journaux: « les pédés, une groupe sanguin indésirable ? ».  Le ministère de la santé, avec Jacques Roux comme ministre, publie des circulaires, donne des directives, mais il n’a pas l’autorité et le pouvoir de les voir appliquer.  Et en pratique, au final, il ne se passe pas grand’ chose. 

En janvier 1985, Roux émet une nouvelle série de mesures, plus urgentes, pour trier notamment les donneurs.  Il prévient les directeurs des CTS qu’ils seront responsables légalement en cas de transmission du sida.

Mais un autre gros problème venait aussi du fait qu’en France, on collectait beaucoup de sang dans les prisons.  Les prisonniers y voyaient parfois une sorte d’acte de rédemption, on leur donnait à manger, cela cassait la routine.  Et les banques de sang récoltaient beaucoup de sang à la fois.  Hélas, dès 1983, on sait que plus de 31 % du sang de prison est contaminé par l’hépatite B.  En 1983 et 1985, les fameuses circulaires de Roux ignorent les prisons.  Et comme les besoins en sang augmentent avec les progrès de la médecine, en 1985, le gouvernement  au contraire décide d’intensifier les collectes dans les prisons.  La ministre de la Justice d’alors, Myriam Ezratti ignorait tout des problèmes du ministère de la santé quant à ces problèmes de contamination.  Mais quand le directeur de la prison de Fresnes et un autre médecin lui expliquèrent le problème, elle refusa de changer quoique ce soit, expliquant que les directeurs de CNT étaient des adultes et qu’à ce titre ils étaient capables de traiter de ce problème sans l’aide du gouvernement.  Entre temps, l’épidémie s’aggravait.  Le docteur Jean-Baptiste Brunet, Monsieur Sida en France, met en place des études épidémiologiques dont les résultats sont plus qu’éloquents pour nous maintenant.  Le risque de contamination dans les prisons est 67 fois plus élevé que dans les quartiers les plus chauds de Paris. 

Pendant ce temps, au CNTS, un autre médecin est en train de grimper les échelons, il s’agit du trop fameux docteur Alain Garetta, aussi opposé que l’on peut l’être au médecin traditionnel Jean-Pierre Allain.  Garretta, on lui reprocha d’être débonnaire, trop bien habillé, roulant en Jaguar, portant l’image d’un businessman.  Et en effet, il a en poche quelque diplôme de management.  C’est le docteur industriel.  Tous les deux, Garretta et Allain, furent sous la coupe de Jean–Pierre Soulier pourtant.  Fin 1983, quand celui-ci prend sa retraite, il appointe Garretta comme son remplaçant.  Garretta hérite d’une situation économique difficile, de finances, il faut le dire, désastreuses.  Le gouvernement a le monopole sur les importations de sang, mais la France est obligée d’importer environ 10 à 30 % des besoins en FVIII.  Seul le CNTS a le droit de le faire en France.  Garretta n’a qu’une solution pour redresser la barre des finances, augmenter la production locale des produits sanguins pour diminuer les importations.  Un centre de fabrication par fractionnement des produits sanguins est prévu aux Ulis à Paris.  Il est immense, car on espère aussi exporter les dérivés sanguins.   Mais rien de prévu dans cette grande et belle construction pour le chauffage des produits sanguins.  Le docteur Soulier s’échine à mettre au point la technique française de pasteurisation pendant que le gouvernement refuse en même temps d’importer les produits d’industries étrangères, par exemple de la société Baxter/Travenol.  Etranglé et pris à la gorge, Soulier décide finalement de signer un accord avec une société à Vienne, Immuno, avec échange de procédés de fabrications pour divers produits sanguins.  Mais il envoie Garretta et Allain signer les accords.  Garretta essaie de négocier,  il pinaille, refuse de voir qu’il est en position de faiblesse, le ton monte, et il quitte finalement la salle des négociations, l’accord ne sera pas signé.  Peu de temps après, un médecin du CNT de Lille proposa un procédé à Garretta qui fonctionnait, celui-ci le refusa.  Les deux centres étaient en compétition, Lille développa sa technique indépendamment de Paris, mais hélas c’était bien le CNTS à Paris qui avait officiellement le monopole. 

Automne 1984, Garretta est président du CNTS donc, et seulement deux cas déclarés d’hémophiles contaminés par le HIV étaient alors recensés en France.  De quoi endormir tout le monde.  On croyait encore à la pureté du sang en France, on ne s’affole toujours pas.  Mais l’épidémie de HIV est bien là et progresse vite, très vite.

La communauté internationale est pourtant maintenant d’accord, il faut chauffer les produits sanguins pour les stériliser, les associations d’hémophiles aux US le reconnaissent aussi, les publications scientifiques fusent et rendent compte de l’évidence.

Le docteur Allain est convaincu lui aussi. Il a montré que 45 % des hémophiles en France ont dans le sang les marqueurs de contamination par le sida.  En 1985, il écrit à Garretta pour le convaincre de re-négocier avec la société Immuno.  Cette fois-ci, les accords sont signés.  Mais les finances du CNTS sont désastreuses, difficile de mettre à la poubelle des millions d’euros de produits non chauffés.  Difficile d’acheter les produits chauffés pour remplacer immédiatement les produits non chauffés.  Alors, le CNTS se décide quand même à en acheter un peu, pour une centaine de patients.  On les utilise pour les essais cliniques,  pour les enfants de moins de 4 ans et pour les hémophiles qui n’ont jamais été traités auparavant.  Garretta donna la tâche ingrate à Allain de dresser la liste des heureux bénéficiaires de ces produits chauffés. 

A la même époque, son ami le pianiste de jazz JPG entend des rumeurs sur les risques de contamination, à une soirée chez Allain lui-même ; il essaie de se renseigner, écrit des douzaines de lettres, sans réponse.  Il va voir l’association française des hémophiles et on le met à la porte.  Des années plus tard, au cours du procès, quand JPG demande à Allain pourquoi il ne lui a rien dit, celui-ci répond qu’il se voulait loyal envers ses supérieurs…  Pourtant Allain n’était pas le bon petit soldat qu’il prétendait alors, il se battait avec Garretta, et les désaccords étaient énormes. La femme d’Allain, médecin aussi au CNTS confronta Garretta lors d’une réunion au CNTS en 1985, lui demandant : « Michel, te rends tu compte que si l’on n’importe pas les produits chauffés, nous risquons d’infecter 10 à 50 hémophiles tous les mois ? »  Silence.  Après la réunion, elle se fit réprimander par Garretta. 

En février 1985, la société américaine Abbott demanda à la France d’obtenir l’autorisation de commercialiser son test de détection du sida.  Le ministère de la santé publique refusa.  Parce que le professeur Luc Montagnier de l’institut Pasteur était en passe de commercialiser lui aussi un test comparable.  Il avait déjà pris beaucoup de retard par manque d’argent, et le professeur Gallo aux US l’avait déjà doublé, il avait isolé le HIV à partir d’échantillons donnés par Montagnier, sans donner aucun crédit au français. Certes maintenant il ne s’agissait plus d’honneur, mais de vies humaines, mais le gouvernement ne voulait pas à nouveau léser Montagnier…  le test de Pasteur fut approuvé en juin 1985, un mois avant celui d’Abbott en France.   On avait encore perdu 5 précieux mois. 

Pourtant deux mois auparavant, en avril, Garretta et Allain se trouvaient à une conférence internationale sur le sida aux US.  11000 cas déclarés aux US et en Europe, le pire restait à venir en Afrique et Asie.  On connaissait dorénavant les modes de contamination par le sang et par rapports sexuels non protégés.   

Garretta est abasourdi.  Il réagit tout de suite, informe le ministère de l’urgence immédiate, du risque que près de la moitié des hémophiles en France soient contaminés, soit environ 2000 personnes.  Il faut tout de suite mettre en place une stratégie : ne pas attendre pour démarrer en France la pasteurisation des produits sanguins, et augmenter les quantités importées achetées à la société Immuno. 

Mais restait la question des stocks.  Le directeur de Lille décide de ne pas les utiliser.  Mais au CNTS de Paris, le 7 mai une circulaire propose d’utiliser ces stocks avant l’arrivée des produits décontaminés.  On décide de donner ces produits aux hémophiles qui sont déjà contaminés par le virus du sida.  Garretta essaya plus tard de se défausser de toute responsabilité, car il avait annoncé publiquement au moment des faits, que c’était aux autorités d’interdire l’emploi des produits contaminés, que cela n’était pas de sa responsabilité à lui.  Et de là, la complexité du procès qui s’ensuivit, avec des membres du gouvernement accusés en même temps que le CNTS, chacun se renvoyant la balle de la responsabilité d’une telle décision.  Pourtant, il est clair que Garretta aurait pu suivre l’exemple du directeur du CNT de Lille et détruire tous les lots contaminés. 

Un autre médecin du CNTS écrivit une lettre à tous les distributeurs en France, stipulant que si un hémophile  HIV positif insistait pour être traité par FVIII pasteurisé, sa demande devrait être spécifiquement approuvée au préalable.  JPG était parmi eux.  En juillet 1985, il monta au CNTS à Paris et demanda le traitement.  C’est cet été là qu’il avait appris qu’il avait été contaminé.  Mais il ne savait pas quand, il avait participé à de nombreuses études cliniques.  Le traitement lui fut refusé.  Dans son esprit, le docteur Allain l’avait trahi.

Pendant ce temps, la collecte de sang total continuait dans les prisons de France. Les Hongrois ne l’avait jamais fait, la Chine avait arrêté il y a 40 ans, les finlandais, australiens, canadiens, américains, avaient arrêté dans les années 70s.  La collecte de plasma seulement fut suspendue aux US en 1983.  En 1990, la France pratiquait encore cette récolte de sang dans les prisons. 

Il faut quand même dire qu’en même temps que la France, les scandales existent dans d’autres pays, avec des horreurs à chaque fois.  Le Japon n’avait toujours pas accepté d’importer les produits pasteurisés par exemple.  Diverses sociétés dans le monde entier, qui vendent des produits sanguins n’ont pas toujours détruit tous leur stocks de produits contaminés.  Ainsi la compagnie Cutter décide de se débarrasser de ses lots contaminés en les envoyant au Costa Rica, la société Armour falsifia des documents et envoya des produits contaminés au Canada.  Une société en Autriche (Plasma Pharm Sera) contamina de la même façon 120 personnes au Portugal.  En France, la société Mérieux continua d’exporter des produits dérivés du sang en Europe, au Moyen Orient et en Amérique du Sud jusqu’à la fin de 1985. Dans un article publié dans le Monde, Alain Mérieux reconnu qu’il avait été un peu lent à prendre sa décision de stopper, et qu’il le regrettait profondément.

En 1988, une patiente infectée (Susie Quintana) lors d’une banale opération, décida de porter plainte.  Dans sa petite ville du Colorado, Dolores (quel nom malheureux), Susie était ostracisée par tout le monde, on considérait que c’était sa faute, que la maladie était associée à des pratiques sexuelles répréhensibles, même son mari n’osait plus dormir avec elle.  Elle était absolument abattue moralement, ce sont des aides sociaux qui l’ont conseillée et mise en contact avec un avocat.  Son cas fit boule de neige, le procès eut lieu, mais ce fut difficile.  Le juge demanda aux jurés, dans un effort de simplification de décider si la banque de sang avait failli au respect des standards en place.  Les jurés décidèrent que non, le procès fut perdu.  Mais dans le monde entier s’ouvrirent des procès équivalents, par des patients ou des familles racontant des situations horribles, tristes et pathétiques.  C’est dans les années 1995, que certains gouvernements acceptèrent de dédommager les hémophiles contaminés, même au Japon, pays où l’honneur est si important et reconnaître ses fautes, si lourd de conséquences.  Le docteur Abe, à 81 ans, fut envoyé en prison.

C’est en 1992 que démarra en France le procès de Jean-Pierre Allain et de Michel Garretta.  Je n’aurai pas le temps, et je ne suis pas sûre que cela soit très opportun d’en retracer le fil.  Ce fut long et très douloureux, hyper médiatisé. 

Les médias se sont emparé de l’affaire d’autant plus que presque tous les éléments sont réunis pour faire scandale : le sang, l’argent, la morale, la vie, la mort, avec des victimes souvent très jeunes.  Et les journalistes se séparent très vite en deux camps.

Les deux hommes ne se parlaient plus, Allain avait quitté le CNTS en 1986, pour aller travailler chez Abbott à Chicago.  Garretta resta au CNTS jusqu’en 1991.  Mais les publications de la journaliste Marie Casteret en 1991 rendirent sa vie professionnelle impossible.  En 89, malgré une protection serrée par un garde du corps, c’est sa Jaguar qui fut pulvérisée par des explosifs.

Pendant ce temps, JPG souffrait horriblement.  Son frère, lui aussi pianiste de jazz était mort du sida en 1988, son demi-frère était lui aussi atteint (il décéda 4mois plus tard).  Tous les avocats refusaient de l’aider, n’osant attaquer le CNTS.  Ce fut l’avocat de Jean Marie le Pen, trop heureux d’attaquer les socialistes de l’époque qui finalement accepta.   D’autres hémophiles suivirent.  Mais le système de justice en France n’était pas adapté.  Les charges requises étaient ridicules, « non assistance à personne en danger », « tromperie sur la marchandise ».  Toutefois, le procès était lancé.

Garretta repoussa sa culpabilité en attaquant Roux .  Celui-ci se défendit en disant qu’il n’avait aucun pouvoir.  Allain essaya de faire porter la responsabilité sur tout le monde, sauf lui-même.  Tout le monde pointa du doigt l’association des hémophiles de France.  Appelé à la barre, même le professeur Montagnier se contredit lui même au sujet de la détection du virus et des preuves de contamination.  Le procès fut médiatisé à l’extrême, les pays du monde en entier s’en mêlant.  Les diverses associations demandèrent que d’autres membres du gouvernement, plus haut placés soient aussi mis en examen, comme Georgina Duffoix, ministre des affaires sociales, ou Laurent Fabius, Premier Ministre. 

Au final, Garretta fut inculpé pour ‘tromperie sur marchandise’ et prit 4 ans de prison.  Allain en prit  deux, Roux fut suspendu 2 ans pour ‘non assistance à personne en danger ‘. 

Mais ce fut un fiasco.  Deux erreurs fondamentales furent ignorées : l’utilisation du sang de prison et l’absence de triage des donneurs. 

Susie Quintanaquant à elle, fit appel aux US. Ses avocats étaient alors mieux armés.  A la fin du procès les jurés lui accordèrent 8 millions de dollars de dédommagement.  Ce qu’ils ne savaient pas ,c’est qu’elle était morte la veille des suites de la contamination.

Aujourd’hui, bien sur, les choses ont changées.  Il n’y a plus de contamination par transfusion, du moins que l’on sache,  publiquement.  Tous les  pays, sauf les US, ont dédommagé financièrement les patients.  Le professeur Allain enseigne aux US.  Michel Garretta est chasseur de tête (je dois quand même ajouter ici que ses frais d’avocat, pour une raison que j’ignore ont été payés par l’état).

Alors concluons sur une anecdote, une expérience positive, le dernier épisode important en date dans l’histoire du sang en médecine. 

A l’âge de 73 ans, le docteur Naito au Japon , dont nous avons parlé plus tôt aujourd’hui, se lança dans l’expérience la plus périlleuse de sa vie.  Cela faisait des années qu’il s’intéressait à un liquide bien particulier, le perfluorocarbone, qui a la particularité de pouvoir fixer et transporter de grandes quantités d’oxygène.  Une souris immergée dans ce liquide avait survécu pendant plus d’une heure.  Naito eut l’idée d’utiliser le liquide comme substitut des globules rouges.  La première étape fut naturellement d’injecter le liquide dans la circulation de divers animaux pour en déterminer la toxicité.  Résultats concluants les chiens, chats, lapins et singes n’en furent pas affectés.  Il envoya alors le précieux liquide en Allemagne, lequel liquide fut injecté à 7 victimes d’accidents, prononcés décédés par mort cérébrale.  Les autopsies ne montrèrent aucun signe de souffrance au niveau des organes que l’on puisse attribuer à l’injection.  Evidemment l’étape suivante était d’injecter le produit à un cobaye humain vivant et en bonne santé.  Et évidemment, allez trouver des volontaires…..  Alors Naito décider de s’injecter lui-même son produit.  Il garda sa décision secrète jusqu’à la veille de l’injection, et annonça à sa femme qu’il avait écrit son testament.  Le 8 février 1978, les docteurs commencèrent par 1 ml et attendirent 30min.  Rien.   Ils ré-injectèrent quelques ml, rien.   20 ml furent injectés.  24 heures plus tard, le docteur Naito rentrait chez lui.   Mais hélas, même si il n’y a pas d’effet toxique à court terme, le liquide n’est pas efficace à long terme. Mais les recherches dans ce domaine continuent, notamment par des essais de synthèse de l’hémoglobine.

Les recherches continuent, en attendant, le sang n’a pas fini de couler, pour le pire et le meilleur…

Derniers épisodes