Le système immunitaire

Dossier préparé et présenté par Irène au cours de l’épisode 262.

Intro

Imaginez-vous une douce nuit d’été, vous êtes allongé dans l’herbe d’un bel alpage, tout est calme et silencieux. Vous regardez le ciel. Vous regardez cette myriade d’étoiles dans ce ciel qui nous paraît si grand. Il nous paraît immense, calme, sans bruit ; on ne peut même pas compter toutes les étoiles, on a l’impression de regarder à l’infini. Et pourtant ce que l’on voit, c’est ridiculement petit, presque rien dans l’espace. On croit voir grand, et on ne voit presque rien. Et bien le système immunitaire que je vais décrire dans ce Podcast, c’est un peu ça. Un tout petit aperçu de cette machine aussi complexe qu’ingénieuse. Nous allons  ouvrir une toute petite fenêtre sur un monde fascinant parce qu’incroyablement élaboré, indispensable au monde vivant, puissant,  mais aussi imparfait …

1-La découverte du SI

Commençons par le nom bien sûr, qui vient du latin Immunis: libre de… Immunité : «être exempté d’une charge ». Ce qui se traduit en médecine par: “propriété de ne pouvoir contracter à nouveau (être exempté) une maladie que l’on a déjà eu”.

On supputait déjà beaucoup et dans le monde entier ce que Jenner, un médecin anglais allait expérimenter d’une façon plus scientifique. En 1796 il inocule un jeune garçon de huit ans avec le contenu des vésicules de variole de la main d’une fermière qui avait contracté cette maladie transmise par une vache. Jenner inocula le pus obtenu dans une vésicule avec un morceau de bois en grattant le bras du garçon. Cette inoculation a provoqué de la fièvre et un malaise général mais pas de maladie grave.

Un peu plus de quatre-vingts ans plus tard, Louis Pasteur fournit un début d’explication au succès de Jenner. En injectant à des poules des souches inertes de bacilles du choléra, Pasteur et Emile Roux les protègent d’une infection ultérieure par le même microbe.

Peu après, le chercheur russe Ilya Mechnikov propose sa théorie « cellulaire » de l’immunité, qui fait intervenir des cellules spécialisées. Pour la première fois, il suggère aussi que l’inflammation n’est pas une composante nocive de la maladie, mais une réaction de l’organisme qui cherche à protéger le malade.

C’est au tournant du XX siècle que la réaction immunitaire est rattachée à l’apparition dans le sang de protéines spécifiques, les anticorps. (En 1890, l’Allemand Emil von Berhing et le Japonais Shibasaburo Kitasato isolent les premiers d’entre eux, des substances solubles capables de neutraliser les toxines diphtérique et tétanique).

2-Présentation du SI

Les principaux intervenants sont : des cellules (beaucoup), les anticorps (Ac) et les antigènes (Ag) et tout un ensemble très compliqué de protéines qu’on appelle le complément. Il y a aussi plein de molécules dont certaines sont très connues, comme l’histamine.

Les Ac, ils font partie des acteurs principaux de la pièce : Ce sont des protéines dont on connaît bien la structure. En fait il en existe plusieurs types, avec plusieurs formes et qui peuvent se trouver préférentiellement ou dans  la peau, ou dans le sang par exemple. Les Ac ont cette capacité à reconnaître la forme d’un “objet”, une protéine par exemple, et de se fixer dessus. Cette protéine ou autre substance, c’est ce qu’on appelle d’une manière très générique l’antigène (Ag). Un peu comme la relation entre une clé et une serrure, l’Ac reconnaît l’Ag et peut se fixer dessus. Par exemple, ils peuvent se fixer sur une toxine, la recouvrir totalement pour que la toxine ne puisse plus agir sur notre corps. L’antigène est ainsi nommé parce que c’est justement l’antigène qui est le « générateur » de l’anticorps. L’antigène est le composé qui, quand on l’introduit dans l’organisme, provoque la formation d’anticorps spécifiques dirigés contre lui. Cette image de l’ensemble clé-serrure je ne l’ai évidemment pas évoqué au hasard et encore moins inventé. Elle est très utilisée en biologie. Dans le cas des Ac, on peut aussi se souvenir que certaines clés ouvrent plusieurs serrures, dans ce cas des Ac, malgré leur spécificité, peuvent se fixer sur différentes cibles, si elles ont des structures proches. Les Ac sont fabriqués par des globules blancs.

Un litre de sang recèle environ soixante-dix grammes de protéines, dont dix à vingt grammes d’Ac.

Autres acteurs primordiaux : Les cellules de l’immunité que sont les lymphocytes. Un homme adulte en contient quelque deux mille milliards. Il y en de toutes sortes, les T, les B avec toutes sortes de sous classes, et sous-sous classes, et c’est compliqué. En (très) gros, les T ce sont les tueuses, les B fabriquent les Ac. Mais il existe aussi beaucoup d’autres cellules impliquées dans l’immunité, d’autres types de globules blancs (polynucléaires, monocytes ou macrophages, mastocytes, cellules dendritiques). Toutes les cellules impliquées dans l’immunité prennent naissance dans la moelle des os.

On a aussi “Le complément”, qui est tout un ensemble de protéines (35) qui sont un peu comme des aides les aides de camp, un complément à l’action des Ac et cellules. Elles circulent dans le sang, et par exemple se fixent sur un intrus, une bactérie par exemple, et vont faciliter l’attaque des Ac ou des cellules tueuses, elles facilitent la reconnaissance et l’attachement en fait des Ac.

Le système immunitaire c’est aussi les ganglions, la moelle des os, la rate, les amygdales, les végétations, l’appendice, le thymus (et des tissus associés au tube digestif et aux poumons), la peau…

Au lieu de rentrer dans une description fastidieuse pleine de mots compliqués, voyons plutôt comment fonctionne tout cela.  Commençons par le :

 

3- Récit d’une bataille : bactérie vs nous!

 

C’est facile d’imaginer la scène suivante : Une dose de bactéries vous est projetée dessus par votre voisin au bureau, lors d’un éternuement. Ces bactéries doivent rentrer dans votre organisme, se multiplier pour survivre, ce qui risque de vous rendre malade.

 

Comment allez-vous lutter ?

 

Elles peuvent être éliminées d’une façon non spécifique, par divers moyens. Par exemple, il y la peau à traverser avec des cellules qui contiennent des acides prêts à l’attaquer, il y a d’autres bactéries sur la peau qui ne veulent pas perdre du terrain, il y a des cellules (les phagocytes) dont le rôle est d’ingérer les bactéries… Par simple contact (mais on ne connaît pas bien le mécanisme), le complément est activé. C’est véritablement  un bataillon de tueurs qui est activé, le carnage commence. (Les anaphylatoxines C3a et C5a) Certaines protéines induisent une dilatation des vaisseaux sanguins et une augmentation de leur perméabilité́. En fait, un ensemble de protéines sont responsables des signes que l’on connaît d’une réaction inflammatoire : douleur, rougeur, chaleur, œdème, fièvre etc…

D’autres protéines (C5b) vont attirer une autre catégorie de tueurs redoutables : les polynucléaires neutrophiles, ce sont comme des gloutons, qui englobent, avalent et digèrent leur proies. Les protéines du complément, en se déposant à la surface des bactéries et polynucléaires neutrophiles facilitent la phagocytose des bactéries.

Les polynucléaires neutrophiles (PN), en réponse aux différents chimioattractants induits par l’agression bactérienne, migrent de façon orientée vers leur cible. Les polynucléaires neutrophiles reconnaissent leur cible par l’intermédiaire des protéines du complément.

 

La reconnaissance des bactéries par les récepteurs des polynucléaires neutrophiles induit leur englobement dans une vacuole de phagocytose où elles sont tuées par divers moyens.

 

(Les monocytes/macrophages interviennent dans un deuxième temps en assurant l’élimination des polynucléaires apoptotiques, et des débris cellulaires ou bactériens.)

 

C’est ce qu’on appelle en général l’immunité innée. Elle est formée avec le développement du fœtus, elle est générique. Jusque-là, c’est relativement simple. Mais ce n’est pas fini…

 

Donc, on vient de le voir, les bactéries rencontrent des cellules qui sont capables de les digérer, de les casser. Ces cellules, comme les PN, elles vont exposer à leur surface des fragments de ces bactéries, un peu comme on agiterait un drapeau pour signaler la présence de quelqu’un. Quelques Ac qui passaient par là vont les reconnaitre.

 

En pratique, on peut se demander d’où viennent ces Ac qui ont reconnu les fragments de bactéries. Un mystère…

 

Ces Ac se fixent d’abord sur les bactéries qui n’ont pas encore été ingérées, ce qui favorise ainsi la captation par les cellules dont le rôle est de dévorer la bactérie (macrophages).

Les anticorps agissent de différentes manières. Ils peuvent empêcher la liaison des bactéries aux muqueuses ou encore inhiber les sites de fixation des toxines bactériennes aux membranes cellulaires (toxines tétanique ou diphtérique). Les anticorps reconnaissent les protéines bactériennes (là encore, mais comment est-ce possible?), ils s’y attachent et en même temps ils se lient à des protéines présentes à la surface des phagocytes. Ceci d’ailleurs avec l’aide de protéines (dérivés C3b) du complément, le tout pour faciliter la phagocytose.

 

Réponses immunitaires contre des bactéries à multiplication intracellulaire

 

Certaines bactéries, comme celles responsables de la lèpre ou de la tuberculose doivent se multiplier à l’intérieur des cellules hôtes. Les Ac ont du mal à les atteindre. En fait, à la phase initiale de l’infection, les anticorps peuvent inhiber l’entrée des bactéries dans la cellule hôte. Ils peuvent également accroître leur phagocytose et leur destruction. Les bactéries à multiplication intracellulaire sont phagocytées par les macrophages et peuvent y survivent. Elles peuvent même s’y multiplier en inhibant les mécanismes tueurs du macrophage.

 

Les mécanismes de défense contre ces bactéries dépendent essentiellement d’un autre bataillon de notre armée: des lymphocytes T (CD4+ de type Th1- h pour helper) bien particuliers  au nom barbare que l’on ne prononcera pas ici.

 

Ces lymphocytes T CD4+ exprimant un récepteur T ab constituent le pool majoritaire des lymphocytes exerçant une fonction helper.

 

D’où viennent-ils? Et bien ces cellules qui avalent les bactéries, les digèrent et exposent aussi des fragments de leur victime à leur surface, vont aussi produire des substances (dans ce cas de l’IL-12) qui permet la stimulation de la production de ces lymphocytes T CD4.

 

Ces lymphocytes T CD4  sont impliqués dans l’élimination des bactéries à multiplication intracellulaire.

 

L’activation du système immunitaire par les antigènes de bactéries à multiplication intracellulaire induit aussi une réponse d’autres types de lymphocytes T (CD4+Th2). Leur rôle est de diminuer les manifestations inflammatoires délétères dus aux sécrétions des autres lymphocytes (CD4+ de type Th1). Elles diminuent en fait la protection conférée par les Th1. On voit là un bel exemple de la régulation de la réponse immunitaire …

 

Les lymphocytes T CD8+ jouent un rôle dans l’éradication de pathogènes à multiplication intracellulaire tels que Listeria monocytogenes. Leur rôle semble toutefois moins important vis-à-vis des bactéries intracellulaires que dans les défenses anti-virales.

 

 

Il y aussi intervention des lymphocytes K (Killer) et NK Natural Killer (!),qui exercent également une activité toxique vis à vis de cellules infectées par des virus ou des bactéries à multiplication intracellulaire. Donc elles détectent les cellules dans lesquelles se trouvent les bactéries, et elles vont les détruire. Comment? Et bien ces cellules ont des fragments des bactéries à leur surface (le drapeau donc), sur ces fragments viennent se fixer des Ac , et les lymphocytes K et NK viennent se fixer sur ces Ac, ce qui déclenche la salve meurtrière, la machine à tuer est mise en route, dont le but est de détruire la cellule infestée.

 

 

4- Cancer et SI

Les cellules des tumeurs malignes possèdent à leur surface des antigènes qui leur sont propres, ou absents du tissu normal de même provenance. Ces Ag sont à l’origine de réactions immunitaires avec notamment activation du complément, mobilisation des Ac et de cellules tueuses. La question est de savoir si cette réaction immunitaire nous protège des cancers. La survenue anormalement fréquente de tumeurs chez les patients immunodéprimés pourrait en effet faire penser à un rôle de surveillance immunitaire. Le rejet de la tumeur par le SI est encore plus difficile à prouver.

 

2- Comment reconnaître le soi :

Il existe dans notre corps des protéines spéciales appelées « molécules d’histocompatibilité » du grec histos, tissu.

Normalement, à l’intérieur d’une espèce, donc chez l’homme, les protéines varient peu d’une personne à l’autre, sauf anomalie génétique. Par exemple, mon albumine est la même que votre albumine. Mais dans le cas des molécules d’histocompatibilité, pour une seule protéine (c’est-à-dire pour un seul gène) on peut trouver plus de cent versions différentes dans la population. Comme ces protéines sont, de surcroît, assez nombreuses (quelques dizaines), deux individus pris au hasard ont très peu de chances de porter les mêmes. Les protéines d’histocompatibilité sont ainsi de très bons marqueurs du « soi » biologique. Autre particularité, toutes les cellules de l’organisme exhibent ces protéines à leur surface. A quelques exceptions : les spermatozoïdes par exemple en sont dépourvus.

Il existe plusieurs ensembles de ces protéines. Chez l’homme, un ensemble majeur, c’est le système HLA HLA (human-leucocyte-associated antigens parce qu’elles ont été découvertes par hasard sur les globules blancs, les leucocytes). C’est un ensemble de protéines désignées par des lettres : A, B, C, E, F, G, DP, DQ, DR…

 

Il existe pour chaque protéine environ 1 million de structures possibles (grâce aux mécanismes de la génétique), mais certaines sont beaucoup plus fréquentes que d’autres. Deux vrais jumeaux ont exactement les mêmes HLA. Deux frères et sœurs ont moins d’une chance sur seize d’hériter d’un lot identique. Connaissant la répartition des différentes formes de HLA dans la population, on estime que cette probabilité tombe à une chance sur 40 000 pour deux personnes prises au hasard. Et puis il y en a d’autres. Les systèmes ABO et Rhésus des globules rouges.

 

Donc, toutes les cellules qui peuvent présenter ces antigènes ne sont pas attaquées par votre SI, sauf erreur. Cela veut dire aussi que le système immunitaire n’est pas capable d’identifier les composés étrangers isolés. Il ne reconnaît le « non-soi » que s’il est associé aux marqueurs du « soi » : les antigènes des bactéries à éliminer ne sont identifiés que s’ils sont associés avec les protéines d’histocompatibilité du soi.

5-Les maladies auto-immunes: quand tout ne se passe pas comme prévu…

Très tôt, durant la vie embryonnaire, le système immunitaire apprend à devenir tolérant vis-à-vis de ses propres constituants. C’est en effet dans le thymus que les lymphocytes T, les cellules du système immunitaire qui détruisent les intrus, apprennent à reconnaître le soi pour ne pas l’attaquer. Plus précisément, c’est là que ces lymphocytes sont exposés aux antigènes spécifiques de nos tissus, ces molécules qui marquent l’identité des cellules de l’organisme.

Pourtant, dans les maladies auto-immunes, le système immunitaire s’attaque aux propres éléments de l’organisme : les cellules du pancréas dans certains diabètes, les neurones dans la sclérose en plaques, les globules rouges dans certaines anémies…

Une maladie auto-immune survient quand les mécanismes de tolérance au soi deviennent défaillants, permettant aux lymphocytes autoréactifs d’attaquer les constituants de l’organisme. L’origine de cette rupture reste le plus souvent énigmatique. Il s’agit probablement de l’association de plusieurs facteurs génétiques peut–être et environnementaux.

Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer aussi pourquoi les femmes sont en général plus sujettes à ces maladies, du moins pour certaines de ces maladies. En général, la réaction immunitaire est plus intense chez les femmes. Aussi il se trouve que la régulation de la production de ces antigènes spécifiques des tissus dans le thymus utilise les œstrogènes.

 

Les facteurs génétiques

Le terrain génétique est important, ce que souligne le caractère familial fréquent des maladies auto-immunes. Ainsi, dans le diabète de type 1, la fréquence de la maladie est de 0,4 % dans la population générale et de 5 % chez les apparentés.

.

(Les facteurs endogènes et environnementaux)

Parmi les autres facteurs susceptibles de contribuer au déclenchement de maladies auto-immunes, citons les hormones, une inflammation chronique ou encore la libération d’auto-antigènes par notre SI normalement séquestrés.

Les facteurs exogènes comme des virus, des bactéries ou certains médicaments jouent également un rôle important.

 

La théorie de l’hygiène

Les populations vivant dans des pays développés à haut niveau d’hygiène développent davantage d’allergies et de maladies auto-immunes. Ce constat incite certains scientifiques à considérer que l’hygiène d’une façon générale, les médicaments aussi comme les antibiotiques, favoriseraient l’essor de ces maladies dans des populations de moins en moins soumises à l’épreuve des infections.

 

Des mécanismes pathogènes bien identifiés

Suivant la maladie, les lésions observées peuvent relever d’un seul ou de plusieurs des mécanismes pathologiques :

Par exemple, les lymphocytes T induisent des lésions des cellules de notre organisme par différents mécanismes de toxicité (libération de molécules nocives pour les cellules, induction directe de la mort de la cellule cible…). L’identification de l’auto-antigène ciblé par le système immunitaire est alors cruciale pour la compréhension du mécanisme de la maladie.

Parfois, les mécanismes sont liés aux auto-anticorps. Les auto-anticorps produits par les lymphocytes B ont aussi une action pathogène : par exemple on observe une toxicité vis-à-vis des globules rouges dans les anémies hémolytiques auto-immunes. Parfois c’est un dépôt d’anticorps qui provoque des mal-fonctionnements : dans le rein dans certains cas. On peut détecter des dépôts localisés dans les noyaux de cellules (dans tout le corps) dans le cas du lupus. Autre exemple : des auto-anticorps dirigés contre des phospholipides peuvent interférer avec des facteurs de la coagulation sanguine.

Certains auto-anticorps peuvent être transmis de la femme enceinte à l’enfant qu’elle porte, via le placenta. (C’est le cas des anticorps dirigés contre le récepteur de l’acétylcholine dans la myasthénie). L’enfant présente alors les symptômes de la maladie à la naissance, mais ils disparaissent lorsque les anticorps maternels sont éliminés, au cours des premières semaines de vie.

 

6-Problème de la régulation du SI

 

Un anticorps reconnaît de façon extrêmement fine et spécifique un antigène. Or il existe, dans la nature, un nombre infini d’antigènes. Le système immunitaire peut donc en théorie produire des anticorps contre n’importe quoi, y compris des substances créées par l’industrie chimique du XXIe siècle.

Mais comment y-a-t-il reconnaissance sans avoir rencontré l’Ag auparavant.

Nous n’avons que quelques éléments de réponse.

Tout d’abord la mère transmet des Ac au fœtus pendant la grossesse.

Et puis, lorsqu’un antigène a été reconnu une première fois, le système immunitaire s’en souvient. La mémoire repose sur des cellules à durée de vie extrêmement longue : elles – ou leurs descendantes – restent dans la rate, dans les ganglions, pendant des mois ou des années, prêtes à se réveiller si l’antigène réapparaît. Parfois, le premier contact est silencieux, on ne sait pas que l’on a été exposé à cet Ag, ou bien la réaction est modérée. On peut avoir une première piqûre de guêpe douloureuse, rouge avec une inflammation locale. Mais les fois suivantes, la réaction de notre corps peut-être explosive, voire dangereuse.

 

Ce qui est intéressant aussi c’est que la très grande majorité des lymphocytes ne vivent que quelques jours : après avoir été activés et s’être multipliés à très grande allure pendant la réponse immunitaire, ils disparaissent en masse, en réponse à des signaux externes. Ce mécanisme n’est pas bien compris, et on ignore aussi complètement ce qui permet à certains d’échapper à cette hécatombe.

 

Dans la régulation de la réponse immunitaire, certains  lymphocytes (T régulateurs (Tr ou Treg, auparavant nommés lymphocytes T suppresseurs) sont une sous population de lymphocytes T CD4+ ayant la propriété d’inhiber la prolifération d’autres lymphocytes T et d’une façon très efficace.

 

7-Le privilège immunitaire (comme une immunité présidentielle ou parlementaire)

Pourquoi un corps étranger comme le fœtus ou une tumeur est-il toléré par la mère ?

Il n’existe pas d’explication unique à ce phénomène.

Pour le fœtus, le scénario suivant est avancé. Lorsque l’œuf se niche dans l’utérus, ses enveloppes ne portent pas les protéines d’histocompatibilité HLA classiques ; il échappe ainsi au rejet de greffe. Cependant, les cellules sans HLA sont normalement détruites par une catégorie spéciale de cellules immunitaires, les cellules tueuses naturelles, qui reconnaissent l’absence du soi. Et l’utérus en regorge. L’embryon échapperait à la destruction car ses enveloppes portent un autre type de protéines HLA, appelées HLA-G, qui agissent comme des immunosuppresseurs.

 

Quant aux cellules cancéreuses, elles produisent des antigènes anormaux qui devraient également entraîner leur destruction par le système immunitaire. Peut-être y échappent-elles par le mécanisme décrit ci-dessus. Leur furtivité pourrait aussi être liée au fait que ce ne sont pas de bonnes « présentatrices » d’antigènes : elles ne délivreraient pas le second signal adéquat. Autre hypothèse : les cellules cancéreuses libèrent des signaux captés par les cellules immunitaires, les poussant à un suicide anticipé ou rendant leur réponse inefficace. Ces hypothèses ne sont pas exclusives : l’homme évolue avec ses tumeurs depuis des millions d’années, aux cours desquelles a dû s’instaurer un dialogue complexe entre ces dernières et le système immunitaire.

8-Les allergies

Ce sont des réactions immunitaires exacerbées – et surtout mal aiguillées. Leur nom fait référence à cette réponse particulière du grec allos, autre, et ergon, travail. La rougeur, l’œdème, les démangeaisons sont dus à la libération dans la peau, dans les muqueuses du nez, dans les bronches, de grandes quantités de substances chimiques responsables de l’inflammation, en particulier de l’histamine. Ces substances font partie intégrante d’une réponse immunitaire normale, mais la machine s’est emballée.

Même si seulement 10 à 20 % des personnes s’en plaignent, tout le monde est plus ou moins allergique. C’est une question d’équilibre dans la réponse immunitaire. Un antigène peut, une fois qu’il a été reconnu par les lymphocytes T, donner lieu à deux réponses différentes. Schématiquement, la première voie recrute les lymphocytes tueurs et permet le rejet des greffes ou la lutte antivirale. La seconde, mise en jeu dans la lutte contre les parasites et beaucoup de bactéries, favorise la formation d’anticorps. Ces voies ont été baptisées TH1 et TH2 pour T helper 1 et 2, parce qu’elles sont mises en route par deux types de lymphocytes auxiliaires, qui émettent des signaux différents. Dans l’allergie, la production déséquilibrée d’un type d’anticorps appelé IgE entraine la libération explosive d’histamine et d’autres signaux par des cellules spécialisées, (les mastocytes).

Certains antigènes – comme ceux des pollens des graminées, qui donnent le rhume des foins – sont plus propices à la production d’IgE. Mais l’allergie est aussi une question de prédisposition génétique : certaines personnes sont plus disposées à répondre par l’une ou l’autre des deux voies immunitaires.

Derniers épisodes