Comment le caca est il produit ?

 

Dossier par Irène, présenté pendant l’émission radio dessinée spécial caca au palais de la découverte le 29 Mars 2017 (podcast Science # 292), à partir de 1h 41min et 20s

 

 

L’appareil digestif est responsable de la transformation des aliments en nutriments utilisables par l’organisme : les protéines, les glucides, les sels minéraux, les lipides et autres substances assimilables. Il permet aussi le passage de ces nutriments dans la circulation sanguine de façon à ce qu’ils soient utilisables par nos cellules.

 On peut scinder le parcours des aliments en quatre grandes étapes de dégradation mécanique. À cette dégradation mécanique s’ajoutent des processus de décomposition chimique, grâce notamment aux sécrétions des glandes annexes : les glandes salivaires, le foie et le pancréas.

 

1re étape : la mastication

C’est dans la bouche que commence la digestion, grâce au travail préparatoire de mastication. Celle-ci réduit les aliments en miettes et permet de mélanger la nourriture à la salive. Le bol alimentaire est mécaniquement coupé, déchiqueté et broyé par les dents, imprégné de salive. Il glisse ensuite vers le pharynx. La salive a donc un rôle de “diluant”. Elle peut également commencer la dégradation chimique de l’amidon des aliments grâce à son enzyme : l’amylase. La déglutition envoie ensuite les aliments dans l’œsophage. Ils chemineront, grâce aux ondes de contraction musculaire, jusqu’à l’estomac.

 

2e étape : la digestion gastrique

Dans l’estomac, les aliments sont réduits en une bouillie homogène, grâce à un malaxage intense. Ces mouvements “péristaltiques” vont favoriser l’action du suc gastrique renfermant de l’acide chlorhydrique et deux enzymes, la pepsine et la présure, qui permettent toutes deux de dégrader les protéines.

La régulation de l’écoulement des aliments broyés et liquéfiés vers les intestins est effectuée par la fermeture du pylore, sphincter fermant l’orifice inférieur de l’estomac. Il agit comme une vanne, contrôlée par les centres nerveux. Si le repas a été riche et copieux, l’écoulement sera très lent afin d’éviter une surcharge au niveau intestinal.

 

3e étape : la digestion intestinale

À la fin du temps gastrique, les aliments forment une bouillie, le chyme, qui passe alors dans le duodénum, premier segment de l’intestin grêle.

L’intestin grêle permet à la fois de continuer à dégrader les aliments, mais aussi d’absorber les nutriments issus de cette digestion. Dans le duodénum, le chyme subit l’action de sécrétions qui digèrent les nutriments :
– le suc pancréatique est le suc digestif le plus important : il contient un très grand nombre d’enzymes (amylases, lipases, protéinases, peptidases…),
– le suc intestinal assure la dégradation terminale des grosses molécules et contient également des enzymes, telles que des peptidases, des sucrases et des phosphatases,
– la bile joue un rôle particulier car elle ne contient pas d’enzymes. Elle favorise l’absorption des graisses.

Elle est sécrétée par le foie, stockée dans la vésicule biliaire et contient des sels biliaires qui permettent l’émulsification des lipides, opération sans laquelle la dégradation chimique ne serait pas possible.

Les intestins se contractent et se relâchent continuellement. Ces mouvements ont pour fonction de mélanger et propulser les aliments, grâce à de petites vagues de contractions. C’est ce péristaltisme qui propulse le chyme vers l’anus. Toute cette activité est en partie contrôlée par le système nerveux qui ralentit ou active la digestion.

Après destruction complète des aliments, les substances nutritives sont absorbées et passent dans la circulation sanguine. Afin d’augmenter la surface de contact entre le liquide digestif et la paroi intestinale, celle-ci est constituée de replis microscopiques dénommés villosités (l’intestin grêle a une surface de 50 m²). Immédiatement en dessous de cette muqueuse se trouvent les capillaires sanguins et lymphatiques. C’est à travers cette fine membrane fragile, qui se renouvelle tous les deux jours, que passent les aliments dégradés.

 

4e étape : la digestion colique
Ce qui reste des aliments se déverse dans le côlon, qui est plus gros, et qui se termine par l’anus.

Durant son transit de 6 à 12 heures dans l’intestin grêle, le contenu intestinal a été profondément modifié et presque toutes les substances nutritives ont été absorbées. Il ne reste donc qu’un liquide visqueux constitué de résidus végétaux, en particulier des fibres, de résidus animaux non dégradés et de produits de la sécrétion digestive avec le mucus.

Ces résidus non digérés vont être pris en charge par l’abondante population bactérienne de notre côlon. Celui-ci abrite plus de micro-organismes que notre corps ne compte de cellules, c’est-à-dire plusieurs dizaines de milliards. Cette flore bactérienne est divisée en deux catégories : la flore de fermentation et la flore de putréfaction.

Le rôle du côlon consiste à réabsorber l’eau afin de concentrer les matières fécales qui sont encore à l’état liquide à leur sortie de l’intestin grêle. Cependant, pour que les selles ne soient pas trop dures, il faut qu’elles contiennent suffisamment d’eau à la sortie du côlon. C’est pourquoi les fibres (pectine, cellulose) en provenance des fruits et légumes, jouent un rôle fondamental en retenant l’eau. Elles se gonflent d’eau et facilitent la migration des selles.

L’évacuation des selles marque la fin de la digestion.

 

Quelques mots sur les termes de fermentation et putréfaction.  Car autant ce dernier nous évoque des carcasses nauséabondes en train de se décomposer, autant il s’agit d’un phénomène constant, normal et utile qui se passe tranquillement dans vos jolis boyaux tous les jours…

 

Les glucides subissent un processus de FERMENTATION ACIDE qui s’accompagne de dégagement de C02. Ils sont transformés en acides organiques divers (ac.lactique, ac.butyrique, ac.propionique, ac.acétique, ac.succinique) dont une partie est absorbée et utilisée dans le métabolisme.

Les protéines subissent un processus de PUTREFACTION. Elles donnent naissance à des produits beaucoup plus variés: ammoniaque, amines, phénols, indole, scatole, hydrogène sulfuré. La putréfaction  engendre des produits BASIQUES. Les produits des putréfaction sont au contraire presque tous plus ou moins toxiques et certainement d’odeur nauséabonde…

 

Et la diarhée, c’est quoi?  Une dérégulation du passage de l’eau depuis le sang dans la cavité du colon via des canaux.   Un peu comme si nos intestins étaient trop perméables, les canaux ne sont plus régulés et laissent passer l’eau.

Causes: virus et bactéries et certains produits toxiques qui se multiplient dans les muqueuses de l’intestin (Ex du Choléra, la toxine du choléra, sécrétée par la bactérie, engendre  jusqu’à 20litres de liquide évacués par jour…)

 

 

Au final, la composition des selles varie avec le régime alimentaire. Elles sont composées d’environ 75 % d’eau. Ce pourcentage connaît bien sûr des variations;

-¾ eau, ¼ matière solide

-Aliments non digérés et/ou non absorbés (cellulose)

-Sécrétions intestinales, mucus

-Pigments biliaires, sels (potassium), enzymes

-Bactéries (1/3 de la matière solide) et  matière inorganique

-Cellules épithéliales, globules blancs

 

 

Le potassium est l’ion principal des selles : toute diarrhée s’accompagne d’une perte de potassium.

On trouve quelques enzymes encore actives dans les selles, comme la chymotrypsine et de nombreuses bactéries de la flore intestinale.

Lorsque les graisses fécales dépassent 5 g/24 h on parle de stéatorrhée(signe d’une digestion insuffisante).

 

 

Maintenant que l’on a vu comment se forment les selles, on peut comprendre comment on s’en sert en médecine.  C’est un matériel clé pour de nombreux diagnostics: le recueil non invasif, le matériel abondant.   Il est vraiment très riche en informations.

 

1- On regarde d’abord l’aspect général
2- Observation au microscope optique , avec ou sans méthode de coloration pour rechercher des oeufs de parasites par exemple ou  la présence de globules blancs,..
3- Ensuite on va pouvoir faire des cultures pour chercher des bactéries, des levures,
4- Faire des tests spéficiques si nécessaires telles que : enzymes pancréatiques de  la digestion (trypsine…), contenu en graisses,

En pratique, divers services de biologie médicale se partagent votre caca: la biochimie, la parasitologie, la virologie, la bactériologie..…

 

 

En ce qui concerne l’aspect:

1-Consistance

-très liquide: infection bactérienne possible

-liquide, avec aspect en eau de riz: choléra

2-Couleur

-Couleur foncée: présence de sang venant des intestins par exemple

-Couleur rouge : présence de sang venant du colon et partie basse du tractus intestinal.  Présence d’amibes par exemple, ou de bactéries dysentériques

-Jaunâtre: accumulation de bile dans l’intestin. Ou présence de levures type Candida

 

 

En ce qui concerne la biochimie:

 

1-Analyse du contenu lipidique

Il y a malabsorption des graisses  dans diverses maladies telles l’inflammation chronique de Crohn, pancréatites, Fibroses cystiques, jaunisses…

2- Recherche d’ enzymes et autres molécules spécifiques

3-Chimie.  Ex un pH acide:  possible intolérance au lactose.

 

 

En ce qui concerne la bactériologie:

 

Recherche d’E.coli, Vibrion du Choléra, …

On peut effectuer des tests avec détection immédiate, ou bien ensemencer des boites de cultures avec une petite noisette de caca et observer tous les jours si des colonies ont poussé. Ensuite on prélève une colonie et on effectue des tests d’identification.

Si on a identifié une bactérie, on pourra ensuite faire des essais d’antibiotique: faire pousser les bactéries en présence de divers antibiotiques pour chercher ceux qui sont efficaces.

 

 

En ce qui concerne la parasitologie:

 

Les parasites peuvent être unicelllaires comme les amibes ou au contraire relativement grands comme certains vers.  Mais le degré de sévérité n’est pas lié à la taille de l’intrus.

Beaucoup de vers parasites ont un cycle de vie qui passe par notre système digestif.  Parfois, c’est plutôt innofensif, même si l’idée d’avoir un ver d’un mêtre de long comme le ténia dans notre intestin n’est pas une idée agréable.  Mais certaines infections sont très très fréquentes dans certaines régions du globe, comme en Afrique, et sont de véritables fléaux pour les populations, et évidement en particuliers chez les enfants, personnes agées et femmes enceintes.  Ils provoquent des diahrrées avec deshydration,  des malabsorptions des nutriments, desinflammations et  saignements intestinaux…

En parasitologie, certaines maladies sont dues au « péril fécal », notamment chez l’enfant. Ce phénomène se déroule lorsqu’une personne se réinfeste (souvent via des œufs émis par les selles), via ses doigts de l’anus à la bouche.

 

Cytologie: recherche de cellules sanguines

Vers (millions de décès tous les ans)  Ex : Ascaris, Ankylostome, Ténia, Trichuris…

Parasites Ex : Giardia intestinalis, amibes…

 

 

 

Voyons juste 2 ou 3 exemples éloquents

 

Le ténia

Il est bien connu car encore bien répandu.  Contrairement à la légende, le ténia ne vous fait pas maigrir parce qu’il mange votre  nourriture!  Souvent le malade ne s’aperçoit de sa présence que par la présence des anneaux dans les selles.

L’idée d’avoir un ver comme cela dans notre intestin, c’est dérangeant. L’énergumène peut mesurer jusqu’à  10 m de long !

Il s’ancre bien dans la paroi intestinale avec des crochets  et y séjourne tranquillement jusqu’à ce que l’hôte décide que ce n’est plus possible.  Mais cela peut prendre 30 ou 40 ans!  Car il prend bien soin de vous comme tout bon parasite qui se respecte.

C’est parfois des symptômes légers d’infection qui amènent le malade à consulter, parfois la découverte des anneaux dans les selles.  L’analyse microscopique permet de trouver les oeufs en grande quantité.

Si vous ne voulez pas de ténia pour vous tenir companie, ne mangez plus ni porc ni boeuf!

 

 

Les amibes

Il s’agit d’un petit animal unicellulaire hématophage dénommé Entamoeba histolytica, transmis par l’eau contaminée.

Elle entraine une infection gastro-entérite de type dysentérique (diarrhée accompagnée de sang et de mucus), qui se propage sur un mode épidémique et fait de très nombreux morts dans les pays en voie de développement. Outre l’atteinte digestive, le parasite peut également infecter d’autres organes tels le foie, le poumon et le cerveau.

l’amibe se nourrit de bactéries et de particules de nourriture présentes dans l’intestin.

La maladie se produit quand l’amibe entre en contact avec les cellules de la paroi intestinale. Elle sécrète alors les substances toxiques, par exemple des enzymes qui détruisent la membrane des cellules et leur permettent de pénétrer et détruire les tissus humains, avec pour résultat la formation d’ulcères dits « en bouton de chemise » dans l’intestin. Elle utilise pour cela les mêmes enzymes qui servent normalement à digérer les bactéries. Entamoeba histolytica se nourrit également des cellules détruites par phagocytose et on voit souvent au microscope des globules rouges à l’intérieur des vacuoles de son cytoplasme.

Il faut faire des colorations du caca pour les voir, ce qui n’est pas facile en général.

Les symptômes sont en général  typiques : diarrhées muqueuses, parfois sanguinolentes avec pus.  Charmant…

 

 

 

Les Giardioses (agent : Giardia)

Tout petits parasites responsables de diarrhées parfois  très sévères.  Pas faciles à indentifier dans les selles, car fragiles.

une maladie parasitaire fréquente, cosmopolite, le plus souvent bénigne lorsqu’elle est bien traitée.  Il s’agit d’une maladie transmise par l’eau et qui est également hautement transmissible à d’autres membres de la famille une fois qu’un individu est infecté.

Le diagnostic de certitude est apporté par l’examen parasitologique des selles, qui retrouve des kystes typiques. Un diagnostic plus certain est établi lors d’une analyse sanguine des anticorps : Étude des immunoglobuline M (IgM), immunoglobuline G (IgG) et immunoglobuline A (IgA).

 

 

Conclusions

 

Ne méprisez pas votre caca! D’abord parce que c’est vous qui le produisez, et que si, sur une idée saugrenue, vous décidiez de ne plus faire caca, vous ne survivrez pas longtemps.  Et en plus, le caca, ça peut vous être très utile, en médecine par exemple, on vient de le voir.  En montagne, vous pourrez aussi identifier les animaux sauvages grâce à leur caca, et si vous vous perdez tout(e) seul(e)  sur Mars1, cultivez votre caca, vous y ferez pousser vos pommes de terre .

 

1- d’après le film “seul sur Mars”

 

 

 

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