Le viagra féminin

Mini-dossier publié dans le cadre de la soirée radio-dessinée “L’Amour est dans la Pipette“, enregistrée en public à Paris, à l’Espace des Sciences Pierre-Gilles de Gennes avec le collectif Strip Science le 23 mars 2013

Ce mini-dossier aurait presque pu faire l’objet d’un vrai ou faux de Podcast Science!

En effet, me croiriez-vous si je vous annonçais que des recherches très sérieuses ont lieu autour de la mise au point d’un “viagra féminin” ?

Et me feriez-vous confiance si je vous annonçais que la consommation de “viagra” masculin peut aussi avoir un intérêt pour les femmes ?

Pas très instinctif tout ça ? Mais ceux qui ne me suivent pas dans ces affirmations ont peut-être tort… J’insiste sur le “peut-être” car, je dois vous avouer qu’après vous avoir préparé ce dossier, je n’ai toujours pas d’avis tranché. Quand j’ai choisi ce sujet, après avoir entendu nos confrères de quid novi (un podcast tech) en parler dans un de leurs épisodes, je m’attendais à quelque chose d’assez tranquille… Et bien pas du tout! Il y a de nombreuses polémiques autour de tous ces traitements et je vais essayer ici de ne pas trop prendre parti.

En rapide avant-propos, je vais devoir vous expliquer ce qu’est le viagra et comment il fonctionne chez les hommes. Le désir sexuel provoque la production d’oxyde nitrique, cet oxyde nitrique active lui-même une enzyme qui elle même augmente la quantité de guanosine monophosphate cyclique, et c’est ce messager au nom barbare qui va augmenter le flux sanguin dans les parties génitales et donc provoquer l’érection chez l’homme.

Le viagra va simplement empêcher la dégradation de la guanosine monophosphate cyclique. Le processus va donc rester le même, le désir sexuel – et non le viagra – restera le déclencheur, mais il faudra moins de guanosine pour obtenir le même effet.
Et qu’est-ce que tout ça va donner chez la femme ? Et bien un peu la même chose!  Le viagra masculin provoque (ou plutôt facilite) la vasocongestion génitale (en gros, ça aide à l’érecion du clitoris et à la lubrification du vagin), qui sont généralement problématiques chez les femmes souffrant de dysfonction sexuelle. Malheureusement, si des études montrent une amélioration en termes de vasocongestion, elles ne montrent en revanche pas grand chose en termes de satisfaction générale; les femmes souffrant de dysfonction sexuelle n’ont pas significativement (ou a peine) l’impression que l’acte sexuel se passe mieux  après la prise de viagra.

Au final, selon les études, l’éventail des conclusions va de l’inefficacité totale à une efficacité limitée au traitement de certains dysfonctionnements sexuels chez la femme, en particulier pour contrebalancer les effets secondaires de certains traitement hormonaux post-ménopause ou d’autres traitements médicamenteux de type “antidépresseurs”.

Voilà pour le viagra masculin chez la femme…

Mais il existe aussi ce que la marketing a nommé des “viagras féminins”

Je précise tout de suite que ces traitements n’ont absolument rien à voir avec le viagra précédemment cité et que l’emploi du terme “viagra” relève ici de la pure stratégie commerciale.

Que sont donc ces traitements ?

Tout d’abord, il existe des patches de testostérone à porter en permanence (voire des injections). Ces traitements sont utilisés après des ménopauses chirurgicale (une ménopause chirurgicale, c’est par exemple ce qui se produit quand on doit pratiquer une ablation de l’utérus suite à un cancer). L’idée, ici, est d’augmenter le désir sexuel et non de traiter un dysfonctionnement purement physiologique. Une fois encore, il y a controverse et l’interprétation des études publiées varie fortement d’un camp à l’autre. À tel point que ce genre de traitement, autorisés en Europe dans le cadre des ménopauses chirurgicales, n’a pas été accepté aux USA…

Récemment, on a aussi assez fréquemment entendu parler d’un viagra féminin en spray nasal. Il s’agit aussi de testostérone et de traitement du désir sexuel. Le produit est encore en phase de test au Canada. Il faut aussi souligner que tous ces traitement à base de testostérone mettent du temps à agir: les patches se portent en permanence et les spray mettent plusieurs heures à faire effet.

À ce stade, il me semble temps de vous résumer les points de vue des uns et des autres. D’après ce que j’ai pu voir (encore une fois, je ne prétends que vous donner un rapide aperçu du sujet et non pas vous livrer des conclusions définitives), on retrouve d’un côté les partisans d’une approche médicamenteuse du traitement (Industrie pharmaceutique et médecins se trouvant plutôt du côté de la médicamentation, certains psychiatres, par exemple), tandis qu’a l’oppose se rassemblent des partisans d’une approche plus psychothérapeutique.

L’industrie pharmaceutiques est accusée – sans doute à raison – de chercher à tout prix à mettre en place un business similaire à celui – très lucratif – du viagra (pour homme), et donc d’avoir une démarche essentiellement commerciale. Cet élément est appuyé par le fait qu’elles ont tour à tour cherché à “brander” comme du viagra féminin des médicaments traitant des dysfonctionnements physiologiques précis puis des produits augmentant le désir sexuel, ce qui n’a pas grand chose en commun… Par ailleurs, le fait qu’on soit ici dans un domaine où l’effet placebo marche particulièrement bien n’arrange rien à la chose.

Du côté de l’approche psychothérapeutique, il y a, j’ai l’impression, à l’inverse, un fort a priori négatif sur la possibilité même de traiter ces dysfonctionnements par voie médicamenteuse.

Le tout étant surplombé par des intérêts financiers évidents de part et d’autre, et les études étant peut-être rendus plus compliquées par l’efficacité renforcée de l’effet placebo dans cadre d’évaluations de la satisfaction suite à des rapports sexuels.

Sources:

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