L’exploration martienne

Dossier réalisé par notre invité Damien Loizeau et diffusé dans les épisodes 271 et 272 de Podcast Science.

Les martiens existent-ils ? Bah, la question se pose toujours, et c’est la question qui pousse encore la plupart des recherches sur la planète Mars.

Bon, aujourd’hui on n’imagine plus des petits hommes verts (d’ailleurs, pourquoi dire des petits HOMMES verts ? il n’est pas question qu’il s’agisse d’humains, même verts !). Donc, on n’imagine plus de petites créatures vertes, mais on cherche quand même si des formes de vie primordiales, genre unicellulaire, comme des bactéries, existent sur Mars. Et plus précisément, auraient existé dans le passé ?

Alors trouver des microbes sur Mars, ça peut paraître pas très excitant, mais ça pourrait vouloir dire que la vie est apparue ailleurs que sur Terre, et ça, ça serait ENORME ! Si la vie est apparue à 2 endroits différents, rien que dans le système solaire, alors dans l’Univers, il pourrait y avoir une infinité de mondes habités (et quand je dis habité, c’est pas forcément par des humains ou des civilisations comparable, c’est juste habité par une forme de vie).

Toutes ces questions ne datent pas d’hier, depuis le 17eme siècle on scrute la planète rouge, longtemps depuis le sol, depuis des observatoires, à travers des lunettes et des télescopes, et aujourd’hui avec des sondes en orbite autour de Mars, et des robots qui roulent à sa surface.

Et la question de la vie sur Mars est en fait liée essentiellement à une chose: l’eau liquide. Bah oui, les seules formes de vie qu’on connaisse, c’est sur Terre, et de ce qu’on en connait, elle est apparue dans l’eau, et la vie a toujours besoin d’eau pour se développer.

Du coup, pour rechercher nos martiens… enfin, nos petits microbes martiens, on va partir à la recherche de l’eau sur Mars. Et vous savez qu’on découvre régulièrement de l’eau sur Mars ! Toutes les quelques années, les journaux titrent: “les scientifiques découvrent de l’eau sur Mars !” alors, ils n’ont pas tout à fait tort, à chaque fois il y a une découverte qui amène un peu plus de connaissance sur l’eau sur Mars, et dans cet épisode de podcast science on va parcourir l’histoire des observations de Mars et voir tout ce qu’on a découvert ! (enfin, tout, peut-être pas hein, on va essayer de pas être trop long !)

1. Depuis la Terre

Alors, Mars, c’est un astre “errant”, il bouge par rapport aux autres astres, il danse… Aujourd’hui on sait pourquoi, c’est une planète ! D’ailleurs, c’est pour ça qu’on dit “planète”, planète ça vient du latin Planetae, et ça veut dire “astre mobile”. Une planète, ça fait quoi ? Ca tourne autour du Soleil, et donc quand on est depuis la Terre, ça bouge en apparence au cours de l’année par rapport aux étoiles, qui elles sont beaucoup beaucoup beaucoup plus loin.

Et puis en 1610, Galileo Galilei, oui, Galilée tout simplement, a la bonne idée de pointer une lunette vers le ciel étoilé, et d’observer (entre autres) Mars. Bon, pas très intéressant par rapport à Jupiter et ses satellites, mais il pense au moins avoir vu qu’elle n’était pas ronde.

On commence à avoir un peu plus de détails avec Christiaan Huygens: en 1659 (ça fait déjà 50 ans depuis Galilée !), il reconnaît une forme sombre à la surface, et en profite pour calculer la période de rotation de la planète, il trouve 24h, pas mal puisque la valeur est de 24h et 37 min.

Mars vue par Huygens en 1659

Là où ça devient intéressant, c’est avec Cassini, Giovanni Cassini. Il est né en Italie, mais fait la plupart de ses observations en France. Il est d’ailleurs le premier directeur de l’observatoire de Paris.

Il trouve une rotation en 24h40, c’est pas mal, mais à part la longueur du journée des Martiens, on veut en savoir plus ! Eh bien, je disais que ça devient intéressant avec Cassini, parce qu’il observe pour la première fois des taches blanches aux pôles de Mars, des calottes polaires comme sur Terre ! Du coup on ne doute pas à l’époque qu’elle soient faites de glace d’eau. Bon, voilà, on a de l’eau sur Mars apparemment, mais elle est gelée…

On saute de plus de 100 ans, nous voilà autour de 1780, en compagnie de Sir William Herschel, d’Hanovre, mais qui observe essentiellement en Angleterre. C’est un très bon fabricant de lunettes, et puis il a découvert Uranus et observe beaucoup les étoiles, mais aussi Mars à ses heures perdues.

Herschel pense que de nombreux mondes extraterrestres doivent être habités. Il veut calculer l’épaisseur de l’atmosphère de Mars. Pour ça il se sert d’occultations d’étoiles par Mars : quand une étoile passe derrière le disque martien, sa lumière s’éteint progressivement en passant tout d’abord dans l’atmosphère martienne, avant de passer derrière le disque de la planète. Les 26 et 27 octobre 1783, Herschel suit ainsi deux faibles étoiles alors qu’elles passent derrière Mars, mais les étoiles ne semblent pas du tout s’éteindre progressivement à l’approche de Mars, mais bien brusquement ! Il en déduit donc que l’atmosphère est au mieux très ténue. Bon, pas très sympa pour nos voisins les martiens.

Il arrive aussi à déterminer l’inclinaison de l’axe des pôles, et trouve 28° (en fait c’est 25°, pas mal !). Sur Terre c’est 23.5°, c’est quasiment pareil, il y a donc des saisons sur Mars comme sur Terre !

Un collègue allemand de Herschel, Johann Hieronymus Schröter, voit en plus des zones sombres et des zones claires sur Mars, il pense que ce sont des nuages dans l’atmosphère martienne. Peut-être des nuages d’eau ? Bon, ses observations vont être écourtées, les Français envahissent l’Allemagne et détruisent son observatoire…

Justement, un astronome français, Honoré Flaugergues, fait des observations intéressantes. Il essaie de voir si il y a des changement à la surface de Mars, et il trouve que les calottes polaires changent de taille assez rapidement. Il en tire des conclusions… étonnantes, voilà ce qu’il dit : “Si la fonte des glaces polaires sur Mars est bien plus rapide et bien plus complète qu’avec nos propres calottes de glace terrestre, dont la majeure partie résiste à la chaleur de l’été, il semble que la chaleur sur Mars est plus grande que sur Terre, alors qu’à cause de la plus grande distance entre la planète et le Soleil elle devrait être moindre dans un rapport de 43 pour 100. Ceci est une raison supplémentaire à ajouter à celles qui ont fait croire aux physiciens les plus doués que les rayons du Soleil ne sont pas en eux-mêmes la cause de la chaleur, mais seulement une cause indirecte.” On commence à s’égarer…

François Arago, un autre astronome français, observe que la calotte polaire sud montre des variations de surface plus élevées, parce que le climat doit y être plus extrême.

Mais alors elles fondent ces calottes ?

En fait, jusque là, la moitié du 19eme siècle, la plupart des astronomes supposent que les zones sombres sur Mars sont des mers, et les zones ocres, plus claires, des continents. Il y a même un astronome français, Emmanuel Liais, installé au Brésil, directeur de l’observatoire de Rio de Janeiro, qui publie une théorie selon laquelle les régions sombres sont en fait des traces de végétation, et les claires des déserts… c’est pas bête, c’est comme ça sur Terre. Mais bon, tout le monde n’est pas d’accord, et le Père Pietro Angelo Secchi, de l’observatoire du Vatican, écrit même deux ans plus tard que « l’existence de mers et continents (…) a été définitivement prouvée ».

On commence à cartographier de mieux en mieux ces mers et océans, et on a de belles cartes du Français Camille Flammarion et du hollandais Frederik Kaiser.

Les continents et mers sur Mars (copyright: Patrick Moore on Mars, chez Cassell Illustrated)  

Voilà une carte de Flammarion, de 1884. On voit des zones claires au niveau des pôles, et des zones sombres et d’autres ocres aux latitudes moins élevées. Chacun commence aussi à donner des noms à ces mers et ces continents. Mais chacun y va un peu de ses propres noms.

C’est finalement Giovanni Virginio Schiaparelli qui introduit un nouveau système, une nomenclature, en 1877, et dont beaucoup de noms sont toujours utilisés aujourd’hui.

Ah oui, Mars a également ses petites lunes, des satellites naturels. Ils sont deux, Phobos et Deimos, bien plus petits que la Lune : la Lune fait environ 3500 km de diamètre, eux font 70 et 40 km de large, et c’est un astronome américain, Asaph Hall, qui les découvre et les dénomme donc Phobos et Déimos, Terreur et Frayeur en grec, deux personnages qui accompagnent Arès dans la mythologie grecque (et Arès, c’est Mars !). Du coup on retient ces noms là, c’est bien trouvé.

Donc là, on est fin 19eme, on connaît la rotation de Mars, les principales formes de couleur à sa surface, les calottes polaires et leur variations saisonnières… mais on voit encore des mers, et des grandes calottes de glace d’eau ou de neige. On considère aussi une atmosphère relativement dense, moins que la Terre quand même. On imagine des températures un peu plus faible que sur Terre. Du coup, l’idée d’une vie évoluée est bien présente. Flammarion décrit par exemple les conditions de vie sur Mars, de la Flore, la Faune, et des êtres intelligents ! Il va jusqu’à représenter la cosmogonie telle que la civilisation ancienne martienne devait la voir, avec Mars au centre de l’univers !

2. les canaux

Et c’est à ce moment là que tout va s’emballer… j’aborde un épisode qui a tenu en haleine les astronomes pendant plusieurs dizaines d’années.

Schiaparelli, celui qui a définit les noms des provinces martiennes toujours utilisées aujourd’hui, il a aussi décrit une observation qu’il a faite à la surface de Mars: des “canali” en italien, qu’on devrait traduire par “chenaux” mais qu’on a traduit par “canaux”. Mais voilà, des canaux, c’est creusé artificiellement, et qui dit canaux dit que quelqu’un les a creusé !

Bon, là, il faut que je vous explique un petit truc. On ne peut pas vraiment observer Mars tout le temps. Mars et la Terre tournent autour du Soleil à des vitesses différentes, du coup, des fois elles sont du même côté, assez proches, on appelle ça l’opposition, et quelques mois plus tard, elles sont carrément diamétralement opposées par rapport au Soleil. Et quand le Soleil est entre les deux et qu’on ne peut vraiment plus observer Mars, on appelle ça la conjonction. Il se passe à peu près 2 ans entre 2 oppositions successives, donc on n’observe Mars que tous les 2 ans. Et puis en plus, Mars et la Terre décrivent des orbites elliptiques autour du Soleil, surtout Mars, elle ne sont pas toujours à la même distance du Soleil. Du coup, quand au moment de l’opposition Mars est au plus près du Soleil, on dit à son périhélie, et la Terre est au plus loin, son aphélie, on est super proches de Mars !

Eh bien revenons avec Schiaparelli. Nous sommes en 1877, durant l’opposition, et Mars est à son périhélie, le plus proche du Soleil, du coup des super conditions pour l’observer depuis la Terre. Et voilà pourquoi la carte qu’il dresse en 1877 est sans doute la meilleure à l’époque. Il complète sa carte avec les oppositions suivantes de 1879 et 1881-82.

Le début des canaux martiens (copyright: Patrick Moore on Mars, chez Cassell Illustrated)

Voici sa carte de 1881-82. Voilà ce qu’on y voit: il y a toujours des zones très sombres, d’autres un peu moins sombre et d’autres très claires, mais ce qui frappe c’est un grand nombre de lignes, presque droites, très sombres, et beaucoup de doubles lignes, qui traverse les zones claires, les “déserts” tels qu’on le croit à l’époque. Voilà ce qu’il écrit à propos de ces lignes: “j’en ai reconnu un nombre considérable qu’on ne peut pas estimer à moins de soixante. Ces lignes courent entre l’une et l’autre des tâches sombres que nous considérons comme des mers, et forment sur les régions claires ou continentales un réseau bien défini. Leur disposition paraît invariable et permanente (…). Ils ont bien 2 degrés de largeur, ou 120 kilomètres, et plusieurs s’étendent sur une longueur de 80 degrés ou 4800 kilomètres. (…). Ce n’est pas tout. En certaines saisons, ces canaux se (…) se doublent. (…) Dans l’état actuel des choses, il serait prématuré d’émettre des conjectures sur la nature de ces canaux. Quant à leur existence, je n’ai pas besoin de déclarer que j’ai pris toutes les précautions commandées pour éviter tout soupçon d’illusion : je suis absolument sûr de ce que j’ai observé.”

Alors, il y d’autres astronomes à l’époque qui observent Mars aussi, et voient quelques lignes sombres, mais pas de tels réseaux de canaux ! Deux astronomes français à l’observatoire de Nice et sa lunette de 76 cm de diamètre viennent appuyer Schiaparelli, ils dressent une carte similaire en 1888. Les canaux deviennent alors à la mode et d’autres astronomes commencent à les observer.

Deux observateurs américains prennent ensuite le devant de la scène des observations de Mars.

D’abord William Pickering. Il donne le nom d’oasis aux zones sombres où se croisent les canaux.

Et puis Percival Lowell. Celui-ci fonde un observatoire à Flagstaff en 1894, où il fait installer une lunette de 60 cm de diamètre, et il va beaucoup regarder Mars avec (oui, tous les 2 ans, forcément). Il est persuadé de la présence des canaux, il écrit “les canaux martiens, quand bien vus, ne sont pas à la limite de la visibilité, mais bien en deçà des limites du doute”. Comment ne pas le croire ?

Un des nombreux dessins de Lowell des faux canaux de Mars

Selon Lowell, Mars est à court d’eau car elle est plus avancée que la Terre dans son évolution, et a vieilli plus vite. Les Martiens font donc tout leur possible pour extraire la moindre humidité des réserves d’eau restantes : la glace et la neige des calottes polaires. Ils ont donc creusé un système d’irrigation global, pour amener l’eau depuis les calottes polaires, vers les régions plus chaudes et plus habitées de l’équateur !

Les observations de Lowell vont plus loin. Il note qu’aux récessions des calottes polaires, une bande sombre apparaît le long de leurs frontières, et cette bande suit la récession des calottes. Il attribue ce phénomène à la présence de lacs et d’une zone humide qui doit assombrir la surface. Il affirme ensuite que les canaux sont affectés par la récession des calottes. Selon lui, l’humidité libérée migre vers l’équateur, et la végétation se réveille de son hibernation : une vague sombre est ainsi vu sur une période de quelques semaines ou mois. Lowell calcule même que cette onde parcourt approximativement 3 km par heure.

Bah finalement il y a pas mal d’eau sur Mars ! des calottes qui fondent, des lacs, la végétation, des canaux d’irrigation…

Bon, tout le monde n’est pas certain de la théorie de Lowell. Alfred Russel Wallace par exemple, il conclut dans un livre sur le sujet en 1907 que l’eau doit être absente de la planète et que la température doit être extrêmement basse, il termine en disant “Ainsi Mars n’est-elle pas habitée par des êtres intelligents comme le postule M. Lowell, mais elle est absolument INHABITABLE !” avec inhabitable en majuscules !

Mais qui a raison ?

Il faut quand même expliquer toutes ces lignes sombres que beaucoup d’astronomes ont vu ! Certains font l’hypothèse que ce sont en fait des frontières entre des terrains de couleurs différentes, ou des séries de traits ou de points, que l’oeil ou le cerveau ont tendance à rejoindre. D’autres ne voient aussi aucun canaux ! La plupart des astronomes ne trouvent en tout cas pas que leur présence est aussi évidente que Lowell le dit !

Bon, Lowell a fait aussi des trucs très bien, il a fait les calculs qui ont conduit à la première observation de Pluton, découvert des années après sa mort. Voilà, après sa mort en 1916, de plus en plus d’astronomes doutent de la réalité des canaux.

Dans l’entre-deux-guerres, c’est Eugène Antoniadi qui va faire des observations de Mars importantes. Il travaille avec la grande lunette de Meudon, et il dessine les cartes les plus précises qui existeront jusqu’à l’ère spatiale. Il y en a de superbes dessins originaux au Palais de la Découverte, des dessins de Jupiter aussi. Il pense aussi que les canaux sont en fait des traces irrégulières, des séries de points, des frontières… ou des lacs !

Grande lunette de Meudon

Voilà deux dessins qui comparent la même région de Mars, un de Schiaparelli, et un autre de Antoniadi. Sur la version de Schiaparelli, on voit des lignes simples et doubles bien nettes, sur la version d’Antoniadi, c’est surtout des séries de points sombres, et des frontières entre des terrains plus ou moins gris.

Le mirage des canaux (copyright: Patrick Moore on Mars, chez Cassell Illustrated)

Son opinion a beaucoup de poids dans les années qui suivent. Mais pour le coup de grâce aux canaux martiens, il faudra attendre les premières sondes spatiales.

Les canaux ont quand même bien marqué les esprits, et quand on pense extraterrestre, on pense avant tout martien ! Et l’hypothèse des martiens est tellement encore présente en 1938 que Orson Welles a réussi à créer une certaine panique parmis la population et la police aux Etats-Unis, avec une émission radio. C’était une fiction jouée par plusieurs acteurs à la radio, inspirée par La Guerre des Mondes de H.G. Wells. Ouais, Orson Welles qui lit du H.G. Wells, il faut suivre, moi j’ai du mal !

On arrive quand même là dans les années 1950-1960, et on construit des télescopes de plus en plus gros, de plus en plus puissants, on fait de la spectroscopie, on fait de l’astrophotographie depuis déjà pas mal d’années… L’astrophotographie c’est faire des longues poses avec des plaques ou un film photographique derrière la lunette ou le télescope, au lieu de mettre l’oeil, ça permet d’être beaucoup plus sensible à la lumière, et ça permet de montrer ses observations aux autres au lieu de leur montrer des dessins interprétatifs ! Eh bien avec tous ces outils, les grandes questions qu’on se pose à l’époque sur l’atmosphère de Mars, la nature des calottes polaires, ou l’existence des canaux, tout ça reste à peine résolu !

Pour l’atmosphère, on fait des occultations de plus en plus précises (l’occultation c’est quand on observe la façon dont une étoile s’éteint en passant derrière la planète), mais tous les résultats donnent encore des valeurs de pression bien trop élevée, 10 à 20 fois trop élevées !), et alors pour la composition de l’atmosphère, c’est du grand n’importe quoi ! Pour la composition de l’atmosphère martienne, on fait de la spectroscopie, c’est à dire qu’on décompose la lumière qui nous vient de Mars, c’est de la lumière du Soleil qui est réfléchi par Mars, et donc de la lumière qui est passée à travers l’atmosphère martienne, et en comparant lumière du Soleil et lumière de Mars, on regarde les zones du spectre qui se sont assombries, et paf, ça veut dire qu’on a détecté quelque chose. Le problème, c’est qu’on fait tout ça depuis la surface de la Terre, et donc, cette lumière qui vient de Mars, elle passe aussi par l’atmosphère terrestre, et du coup, difficile de savoir ce qui vient de Mars et ce qui vient de la Terre ! Là, ils ont utilisé 2 façons de faire : déjà, au 19ème siècle, Jules Janssen, de l’observatoire de Meudon, va en haut de l’Etna avec son spectromètre, déjà, ça fait moins d’épaisseur d’atmosphère terrestre. Et puis il compare la lumière qui vient de Mars avec celle qui vient de la Lune : l’hypothèse, c’est que les 2 ont traversé l’atmosphère terrestre, mais celle de la Lune n’a pas traversé d’autre atmosphère, alors que celle de Mars, elle a traversé l’atmosphère de Mars justement. Et avec cette méthode, Janssen trouve pas mal de vapeur d’eau dans l’atmosphère de Mars.

On saute en 1933 aux Etats-Unis, aux Mont Wilson en Californie, avec Adams et Dunham. Eux vont utiliser une autre méthode, en se servant du fait que Mars se déplace par rapport à nous, elle s’éloigne ou se rapproche… vous me voyez venir ? l’effet Doppler ? ça vous parle ? Je croyais pas qu’il y ait d’épisode de Podcast Science dédié à ça, mais aller par exemple voir l’épisode 160 sur les Exoplanètes. Donc l’effet Doppler pour étudier l’atmosphère de Mars ? Oui oui… en fait, dans le spectre, on cherche des longueurs d’ondes où la lumière est absorbée, par exemple, pas le dioxygène, ou le dioxyde de carbone, ou l’ozone…etc. et on sait très bien à quelles longueurs d’onde chaque gaz absorbe. Alors voilà, si il y a de la vapeur d’eau dans l’atmosphère terrestre, et oui, il y en a, on sait à quelle longueur d’onde on va la voir sur les spectres. Et maintenant, si il y a de la vapeur d’eau dans l’atmosphère de Mars alors que Mars est en train de s’éloigner ou de se rapprocher de nous, alors on devrait voir sa trace dans les spectres légèrement décalée par rapport à l’eau dans l’atmosphère terreste: comme ça on peut séparer ce qui est terrestre et ce qui est martien ! Pas bête comme idée ! Encore faut-il avoir un instrument assez précis. Donc, en 1933, Adams et Dunham font ça, et ils trouvent que, selon leur instrument, il n’y a pas assez d’oxygène dans l’atmosphère de Mars pour être détectable. Avec la même méthode, en 1947, Gérard Kuiper, celui qui a donné son nom à la ceinture du même nom, Kuiper donc, trouve des traces de dioxyde de carbone depuis un observatoire des Etats-Unis. Et en 1963, Audouin Dollfus, depuis les Alpes suisses, dit voir un peu de vapeur d’eau.

Pour l’atmosphère de Mars, à l’époque, on n’a pas beaucoup de point de comparaison, on connaît la composition de l’atmosphère terrestre… et on sait que la Lune n’en a pas… Du coup les gens imaginent surtout que sur Mars, on doit avoir essentiellement du diazote.

Et pour les calottes polaires… Vu les gigantesques surfaces qu’elles occupent et libèrent chaque saison, on imagine qu’on devrait avoir d’énormes quantité d’eau dans l’atmosphère en inter-saison… mais on détecte peu ou pas de vapeur d’eau dans l’atmosphère, certains du coup pensent que les calottes polaires doivent être très fines, juste quelques centimètres, ou juste une petite gelée blanche qui se dépose aux pôles. Et en 1950, on pensait toujours fermement qu’il s’agissait de glace d’eau, même si certains avaient proposé de la glace de dioxyde de carbone, de la glace carbonique quoi.

On arrive à la veille des années 60, et… on n’est toujours pas sûr de grand chose sur Mars ! Il y a des calottes polaires, ok, on pense qu’elles sont faites de glace d’eau, mais après tout on n’a pas encore vérifié. On a parlé de continents, d’océans, de déserts, de canaux qui font plusieurs km de large et des milliers de long, d’oasis, de lacs, de végétation qui varie au cours des saisons… mais finalement tout ça, ce sont juste des spéculations pour le moment !

3. les premières mission spatiales

Voilà les années 1960, on arrive enfin à quitter notre bonne vieille Terre et à envoyer des sondes dans le système Solaire pour prendre des images. On veut aller voir à quoi ressemblent nos planètes voisines, et vérifier la présences des martiens bien sûr ! Et puis, la géopolitique aidant, Mars fait rapidement partie de la course vers l’Espace entre les USA et l’URSS. Mais la chance va souvent manquer comme on va le voir, surtout à l’URSS, et à la Russie depuis… En fait bon nombre de missions vont partiellement ou totalement échouer, que ce soit au lancement ou à la mise en orbite, ou même à cause des conditions climatiques martiennes.

Vous vous souvenez que la semaine dernière j’ai parlé des oppositions tous les 2 ans à cause des orbites de la Terre et de Mars ? Eh bien, pour envoyer une sonde vers Mars sans avoir à embarquer trop de carburant, on profite de positions relatives favorables de la Terre et de Mars, ce qui arrive aussi à peu près tous les 2 ans (tous les 26 mois pour être précis), on parle à chaque fois de fenêtres de tir. Si vous voulez revoir comment ça marche, vous pouvez aller ré-écouter l’épisode 189 de podcast science, sur les sondes Voyager, où on parle pas mal des orbites de transfert d’Hohmann, ou d’assistance gravitationnelle.

Transfert d’Hohmann pour le rover Curiosity, de la Terre à Mars (Grotzinger et al.)

La semaine dernière, on a parlé de ce qu’on a appris sur Mars en l’observant depuis la Terre, avec des grandes lunettes et des télescopes. Et voilà un petit dessin pour la chatroom, pour illustrer les positions des planètes au moment de la fenêtre de tir, et puis à l’arrivée sur Mars. C’est pas bien compliqué comme orbite ! Il faut juste lancer la sonde au bon moment pour qu’elle atteigne l’orbite martienne juste au moment où Mars passe par là ! Donc, vers Mars, on a une fenêtre de tir tous les 26 mois, c’est ce qui impose un tempo à l’exploration spatiale de Mars. La majorité de ces fenêtres de tir ont été utilisées depuis les années 1960. On devrait maintenant voir un portrait de famille des sondes dans la chatroom, il est super bien fait.

Aujourd’hui, au total, il y a eu 43 sondes qui ont été lancées spécialement pour Mars, mais comme je le disais, il y a eu énormément d’échecs ! En ce moment, il y en a  7 qui fonctionnent, autour de Mars et sur Mars, la doyenne a été lancée en mars 2001, plus de 15 ans oui !, et la dernière en mars 2016, et elle doit arriver… demain 19 Mars ! C’est pas génial ça ? Super bien placé cet épisode de podcast science ! Et d’autres sondes sont déjà prévues pour 2018 et 2020. Et maintenant Elon Musk avec SpaceX veut s’y mettre aussi ! Ok, plein de missions, mais on fait la différence entre plusieurs types de mission, avec dans un ordre à peu près chronologique :

  • les survols (flyby) où la sonde ne fait que passer à côté,
  • les impacteurs où la sonde va finir directement dans la planète, sans ralentir,
  • les orbiteurs où la sonde est mise en orbite autour de la planète,
  • les atterrisseurs (lander) où la sonde se pose à la surface,
  • et les véhicules (rover) où la sonde se pose puis roule à la surface.
  • En attendant d’autres choses comme les vols habités !

Alors, quand les américains et les soviétiques commencent l’exploration du système solaire au début des années 1960, C’est Vénus qui attire en premier : en 1961 les soviétiques lancent Venera, perdue pendant sa phase de croisière (ah oui, la croisière c’est le trajet entre la Terre et la Planète de destination), et en 1962 les américains lancent Mariner 1 (qui fut détruite au lancement) et Mariner 2 (qui fait un survol réussi de Venus). Bon, rassurez-vous, la première tentative de “conquête” de Mars n’attend pas longtemps, et le 1er novembre 1962 l’URSS envoie Mars 1 vers la planète rouge. Bon, à cette époque, les soviétiques ont des problèmes réguliers avec leur système de communication à longue portée. Mars 1 commence correctement sa course, dans la bonne orbite, transmet quelques informations sur le milieu interplanétaire, c’est déjà pas mal !, mais le contact avec la sonde est perdu au bout de 5 mois. Elle continue sans doute toujours sa course autour du Soleil aujourd’hui, 54 ans plus tard !

Les américains maintenant : ils préparent 2 sondes Mariner, comme celles pour Vénus. Elles s’appellent Mariner 3 et 4, et elles doivent faire un survol et envoyer quelques photos. En novembre 1964, les deux sondes décollent. Mais là aussi, pas de chance avec la première, après le décollage, le bouclier abritant la sonde refuse de se détacher, ça empêche le déploiement des panneaux solaires, et conduit rapidement à l’épuisement des batteries de la sonde. Mais ouf!, ils ont le temps de résoudre le problème juste avant d’envoyer Mariner 4. Et donc, lancement réussi, et quelques mois plus tard, en juillet 1965, Mariner 4 survol Mars et transmet les toutes premières images prises de près ! Vous pouvez voir une image sur la chat-room. La meilleure image des 22 prises par Mariner 4 pendant son survol.

15 Juillet 1965 : Image de Mariner 4 montrant les cratères in the Memnonia Fossae sur Mars. (Credit : NASA/JPL-Caltech)

Qu’est-ce qu’on voit sur cette image ? pas grand chose en fait… déjà c’est assez flou. On voit une surface avec pas mal de cratères… ça ressemble pas mal à la Lune en fait ! Bon, il n’y a que 1% de la surface qui est photographiée pendant le survol, mais ça n’annonce rien d’exceptionnel, aucun signe de canaux pour le moment en tout cas ! Ah oui, il y a des cratères, aussi bien sur les zones sombres que les zones claires, pas de mers et de continents, ou de zones de végétation !

Et puis Mariner 4 en profite pour analyser l’atmosphère de Mars ! quand la sonde passe de l’autre côté de Mars, les ondes radio envoyées par la sonde passent un moment par l’atmosphère, comme pour une occultation, et on en profite pour déterminer la pression : 4 à 7 mbar, c’est moins que ce qu’on pensait, moins de 1% de la pression à la surface sur Terre. Et puis la composition : surtout du CO2 : la présence de Martiens semble VRAIMENT difficile maintenant ! Tant qu’on est dans la fenêtre de tir de 1964, les soviétiques tentent encore une fois avec Zond 2, mais ils perdent le contact avec la sonde en cours de route… Ca va refroidir les russes pour quelques années.

Bon, après Mariner 4, Mariner 6 et 7 sont déjà prévues, donc on va avoir l’occasion d’en voir un peu plus ! On passe une fenêtre de tir sans lancement, et on se retrouve en 1969, Les deux sondes vont survoler Mars quelques jours seulement après le petit pas de Neil Amstrong sur la Lune ! Elles prennent plus d’images que Mariner, de loin, de près… on voit les calottes polaires, mais pas de bande sombre due à l’humidité ou la végétation à leur bord comme des astronomes disaient les voir depuis la Terre. Mais à nouveau on voit des surfaces pleines de cratères ! Du coup, difficile de motiver la NASA à continuer l’exploration, mais bon, Mariner 8 et 9 sont déjà programmées, et cette fois-ci, fini les survols simples, on va tenter la mise en orbite !

Nous voilà à la fenêtre de tir suivante, 1971. 4 projets cette année ! Mariner 8 et 9 côté américain, Mars 2 et 3 côté soviétique. Les sondes russes doivent même atterrir sur Mars ! On va commencer par les échecs, pour y voir plus clair ! Mariner 8 finit dans la mer, près de Puerto Rico, après son départ de Cap Canaveral. Mars 2 et Mars 3 partent quelques jours plus tard. Ce sont des sondes énormes, plus de 4 tonnes, contre 1 tonne pour Mariner 8. Chacune a un orbiteur et un lander. Tout se passe bien au début, à l’approche de Mars, les landers sont libérés, et tentent des atterrissages dans l’hémisphère sud de Mars. Celui de Mars 2 est le premier objet artificiel à toucher Mars, mais n’a jamais rien transmis, et celui de Mars 3 commence à transmettre une image… puis s’éteint à jamais. L’image ne montre aucun détail… il faut dire aussi que Mars était en pleine tempête de poussière à ce moment là. Par contre, les orbiteurs, eux, fonctionnent ! Mais la tempête de poussière n’aide pas.

La dernière sonde à décoller est Mariner 9. Le décollage se passe bien… et elle arrive bien à se mettre en orbite autour de Mars. Et là aussi les premières images montrent… de la poussière ! On devrait voir maintenant dans la chat-room une des premières images de Mariner 9.

Une des premières images de Mariner 9 (NASA/JPL/Caltech)

L’image est assez marrante, on voit une surface toute uniforme, recouverte de nuages de poussière, et puis juste 3 boutons sur le visage de Mars. En fait ce sont 3 volcans assez haut pour dépasser des nuages. Bon, heureusement, la tempête finit par se calmer, la poussière retombe, et on va enfin pouvoir commencer à imager toute la surface de Mars. Cette fois-ci on a le temps, on ne fait pas que passer comme les sondes précédentes, on reste des mois et des mois en orbite, avec des passages  assez proches de la surface, à 1600 km d’altitude. En fait, Mariner 9 tourne sans doute toujours autour de Mars aujourd’hui !

Après les surfaces cratérisées vues par Mariner 4, 6 et 7, on va enfin découvrir des trucs intéressants ! Mariner 9 voit de grandes structures formées par des écoulements anciens ! On dirait des anciens lits de rivières, certains sont immenses, plusieurs centaines de kilomètres de large ! Bon, rien à voir avec les canaux de Lowell, mais on dirait bien que de l’eau a coulé sur Mars ! Ca y est, on l’a trouvé, de l’eau sur Mars ! On reçoit environ 7000 images en pas loin d’une année en orbite. Pas mal !

Fenêtre suivante: 1973, occupée par 4 sondes russes ! Mais voilà…

  • Le système de freinage de Mars 4 tombe en panne et la sonde ne peut pas se mettre en orbite. Quelques images sont quand même acquises pendant le survol, mais de basse qualité.
  • Mars 5 est mise en orbite avec succès, renvoie des images de cratères et de vallées, mais pas comparables avec la qualité des images de Mariner 9 prises déjà 2 ans plus tôt.
  • Mars 6 envoie son lander, qui réussit à entrer dans l’atmosphère de Mars, à utiliser les rétrofusées et le parachute, mais le contact est finalement perdu.
  • Enfin le lander de Mars 7 se détache trop tôt et manque Mars de 1300 km.

La série noire continue pour l’URSS.

Voilà, on a découvert des anciens lits de rivière, et si on allait les voir de plus près maintenant ? Etape suivante, arriver à placer une sonde à la surface de Mars, et qu’elle marche ! On va maintenant une fenêtre de tir plus loin, en 1975. La NASA construit 2 sondes identiques à nouveau, Viking 1 et 2. Elles doivent chacune mettre en orbite un satellite, puis libérer un module qui devra aller se poser au sol, dans 2 régions différentes de Mars, dont l’une sur une grande plaine au débouché de plusieurs grandes vallées, il y a eu de l’eau à cet endroit là !

Quand les sondes Viking arrivent, elles ne libèrent pas tout de suite les landers, elles vont se mettre en orbite avec, et prendre plein d’images pour vérifier la sécurité des sites d’atterrissage prévus. Et heureusement ! En fait, un des sites d’atterrissage a énormément de rochers à la surface, c’est dangereux ! on ne veut pas que le lander se renverse dès l’atterrissage ! On regarde aussi la surface avec le radiotélescope d’Arecibo (vous l’avez sûrement déjà vu, c’est une immense soucoupe, construite à Puerto Rico dans un bassin naturel, on le voit dans le film Contact, au début, et il apparaît aussi dans un James Bond), et ce radiotélescope montre aussi une rugosité trop  importante au même endroit. Bref, ça ne va pas, il faut déplacer le site, on a bien fait de vérifier avant !

Après la séparation, les 2 sondes en orbite continuent à faire des mesures et prendre des images pour faire la cartographie complète de la surface, avec des images qui font jusqu’à quelques dizaines de mètres par pixel: on pourrait voir des gros bâtiments avec ca ! On assemble tout ça en grandes mosaïques. Alors à l’époque, on imprime chaque image envoyée, et on superpose les images sur des tables, on fait du découpage, et on essaie d’avoir des grandes régions complètes comme ça. Aujourd’hui des logiciels font ça très bien ! Et en fait, pendant longtemps les images de Viking sont restées LA référence dans l’étude de la surface de Mars. En fait, de 1976 à 1997, plus de 20 ans, on n’avait pas mieux !

Et là, en étudiant toute cette banque d’images, on voit plein de réseaux de vallées un peu partout à la surface de Mars. Il y a un fluide qui a coulé ! Alors, là, on se pose plein de questions, est-ce que c’était vraiment de l’eau ? est-ce que des coulées de lave peuvent faire la même chose ? l’érosion par le vent même peut-être ? ou l’activité tectonique dans certains cas, avec des failles qui se forment ? ou encore des fluides “exotiques” comme on dit ? Du coup, maintenant, on connait la composition de l’atmosphère, la température, la pression… il semble que comme fluide, l’eau soit le plus probable (pas de rivière de gaz carbonique liquide, ou de méthane liquide comme sur Titan !), vu la morphologie des vallées, il semble que ça ne peut pas être des coulées de lave non plus, ni des failles tectoniques. Bon finalement, on en est sûr quoi, de l’eau a coulé sur Mars, et il y a du avoir des précipitations, de la pluie ou de la neige, un vrai cycle de l’eau !! Alors, non, pas de belles rivières qui coulent aujourd’hui… on se rend compte que les vallées ont… plus de 3 milliards d’années ! Effectivement, les astronomes avaient raison sur un point, il y a des déserts sur Mars, c’est même un seul grand désert, mais il n’y a pas de réseau d’irrigation pour aider une éventuelle civilisation martienne !

Bon, on se dit qu’on ne va pas trouver de civilisation martienne, mais peut-être quelques bactéries ! Du coup, sur les atterrisseurs, la NASA a installé des expériences qui doivent analyser le sol et voir si il y a quelque chose de vivant dedans. Du coup, il a fallu stériliser les landers, on ne veut pas découvrir la vie sur Mars si on l’a amené avec nous ! Avant le décollage, les landers ont été monté dans des salles blanches, fermés hermétiquement, et mis dans un four à 110°C pendant 30 heures. A la fin de la cuisson, on espère que rien n’a survécu ! Enfin, si, le lander et tous ses instruments ! Ils faut qu’ils résistent à ça, au vide, au froid, aux secousses… Ca doit être du solide !

Alors, nous voilà à la surface de Mars, maintenant, on regarde autour, bon, d’abord, pas de martien ! non, en fait, c’est un champ de cailloux, rougeâtre, avec du sable, des pierres de toutes tailles. Le ciel est entre jaune et rose… Les roches semblent toutes d’origine volcaniques, pas de roches sédimentaires qui auraient pu se former dans l’eau. Et pour Viking 2, c’est pareil.

Il nous reste les analyses du sol. Les deux landers sont équipés d’une petite pelle au bout d’un bras, assez puissant pour creuser une petite tranchée ou déplacer des roches. A l’intérieur du lander, toute une série d’instruments pour étudier la composition. Les premières expériences montrent que les roches correspondent bien à des roches volcaniques.

Mais il y a aussi 3  expériences différentes pour essayer de détecter la présence de vie dans le sol. Deux sont basées sur la fixation et la détection de carbone par des organismes vivants (grâce au carbone 14, facilement détectable), et la dernière sur l’émission de gaz lorsqu’un échantillon de sol est soumis à une atmosphère humide. Bon, les expériences donnent des détections… mais les résultats ne sont pas tout à fait concluants, en fait, les réactions qu’on observe peuvent être chimique autant que biologiques, et la question d’une contamination terrestre avant le décollage se pose toujours, malgré la stérilisation. Bon, et puis même, même dans le cas d’une absence de traces de vie à cet endroit, on n’a peut-être pas choisi le meilleur endroit, et le meilleur moment : il reste la possibilité d’une présence de vie passée, ou encore présente mais alors cachée dans le sous-sol par exemple.

Alors, Viking a quand même été un grand succès, les atterrissages ont super bien réussi, les orbiteurs ont fourni une cartographie totale de la planète, on connaît à peu près la topographie de la surface aussi, on sait que de l’eau liquide a coulé à la surface de la planète, il y a longtemps certes… aujourd’hui encore, après la Terre, c’est le seul objet dans l’univers où on est sûr qu’il y a eu de l’eau liquide à la surface ! Bon, c’est à peu près sûr que sur certaines exoplanètes, il y a de l’eau liquide, mais dans le système solaire, c’est le seul endroit où il y a pu avoir des rivières, des lacs, des mers… Donc, pas mal de données grâce au programme Viking, et il va falloir que les planétologues se contentent de ça pendant très longtemps !

Alors, fenêtre de tir suivante… rien, et celle d’après non plus… en fait, il faut attendre 1988, déjà 13 ans après Viking ! L’union soviétique envoit 2 sondes jumelles, Phobos 1 et Phobos 2, avec des instruments russes, européens et américains, pour étudier Mars et son satellite Phobos. En fait, elles emmènent deux petits lander qui doivent se poser sur Phobos. Enfin, s’harponner sur Phobos ! La gravité est trop faible pour se poser normalement, et si on rebondit ne serait-ce qu’un petit peu, on risque de repartir dans l’espace, c’est aussi ce que le petit Philae aurait dû faire sur la comète P67 surnommée Chury, fin 2014.

Alors, pour Phobos 1, le contact est perdu, à nouveau, à cause d’une erreur de commande reçue par la sonde… aîe aîe aîe, j’aimerais pas être à la place de celui qui a écrit les commandes !

Phobos 2 a plus de chance, elle approche de Mars, prends quelques photos et des données de bonne qualité de Phobos et Mars, mais là aussi, le contact est perdu avant la phase principale de la mission. Encore raté !

On saute la fenêtre de tir de 1990, et on se retrouve en 1992. Là ce sont les américains qui lancent Mars Observer, qui approche aussi de Mars, prends quelques images… mais on perd encore le contact après la phase de freinage !

Rien en 1994, et on retrouve les russes en 1996, avec Mars 96 ! Ca doit être la plus grosse mission jamais lancée vers Mars, plus de 6 tonnes ! Un orbiteur, deux landers… qui n’ont pas été bien loin ! Le dernier étage de la fusée Proton n’arrive pas à mettre la sonde en route vers Mars ! Et Mars 96 finit par ré-entrer dans l’atmosphère terrestre et brûler. Encore, encore râté !

Bon, on fait une petite pause dans les échecs ? On est toujours en 1996, les américains lancent aussi 2 missions cette année, Mars Global Surveyor, et Pathfinder.

On commence avec Pathfinder. La mission pose une plate-forme sur Mars, qui abrite un petit rover, Sojourner, le premier rover sur Mars ! Alors, après les landers Viking, Pathfinder n’a pas beaucoup d’instruments, c’est quand même surtout une mission de développement technique. Elle atterri sur Mars le 4 juillet 1997, le jour de la fête nationale américaine, bien joué ! Le 2eme jour, le petit rover sort de la plateforme et commence à explorer les quelques mètres autour de la plateforme. Le rover fait une cinquantaine de cm de long, il a six roues, et un panneau solaire sur le dos pour le recharger. Il transmet ses données à la plateforme, qui les envoie ensuite vers la Terre.  La NASA décide de le faire atterrir à l’embouchure d’une immense vallée, Ares Vallis, dans une plaine assez plate : le slogan de l’époque est “follow the water”, suivons l’eau, eh bien oui, il y a de l’eau qui a coulé à cet endroit, une énorme inondation qui a tout chamboulé sur son passage, et ramené plein de rochers sur la plaine. Du coup le paysage, c’est une grande plaine désertique jonchée de pierres, et les analyses montrent qu’il s’agit de roches volcaniques, l’eau n’a pas eu beaucoup d’influence ici ! Le rover et sa plateforme résistent pendant 3 mois.

La même année, on est toujours en 1996, la NASA a envoyé le satellite Mars Global Surveyor, MGS, et tout se passe bien ici aussi. MGS entre en orbite autour de Mars et doit rester active 2 ans, et elle le sera pendant 10 ! On a enfin des nouvelles images de la surface depuis Viking à la fin des années 70, ça fait 20 ans ! Il y a une caméra qui permets de voir des objets de moins de 10 m de large ! bon, à cette résolution là, on n’a pas pu couvrir toute la planète, juste quelques % de la surface, mais c’est déjà génial d’avoir des images à une telle résolution ! On peut enfin voir un peu mieux les anciennes vallées, et surtout, on découvre plein de roches stratifiées, des sédiments ! sans doute dans d’anciens lacs, ça y est, on en est sûr, il y a eu de l’eau pendant assez longtemps sur Mars pour avoir des lacs ! On essayera d’aller voir ça de plus près. Un autre super instrument sur ce satellite, c’est MOLA, le Mars Orbiter Laser Altimeter, c’est un altimètre laser. Alors c’est quoi un altimètre laser ? eh bien le satellite, pendant qu’il orbite autour de Mars, tire avec un laser vers Mars, et il calcule le temps entre le tir laser et le moment où il voit le retour de la lumière du laser réfléchie par la surface de Mars. On connaît la vitesse de la lumière, et on en déduit l’altitude de la surface, d’où le nom, altimètre laser. Alors l’instrument fait des millions de tir laser comme ça répartis sur toute la surface, et on finit, après plusieurs années, par avoir un modèle topographique de toute la planète. Pas mal !

Super ces réussites, hein ! bah, on repart dans les échecs ! Le Japon envoie sa première mission vers Mars en 1998, Nozomi, “espoir” en japonais, un orbiteur. Eh bien… l’espoir n’a pas suffit… Bon, Nozomi est envoyée en dehors d’une fenêtre de tir vers Mars, du coup elle emprunte une route différente des autres sondes, elle doit mettre plusieurs années pour atteindre Mars, et au cours de son périple, Nozomi montre des problèmes électriques, et les japonais décident finalement d’abandonner la mission et de la dévier de son orbite vers Mars pour éviter qu’elle ne s’y écrase et qu’elle ne pollue Mars avec des microbes qu’elle pourrait abriter : vue qu’elle n’était pas censée se poser sur Mars, elle n’avait pas été stérilisée avant le départ, et on sait aujourd’hui que des bactéries et même quelques êtres pluricellulaires comme les tardigrades peuvent survivre à un séjour long dans l’espace.

Quelques mois après Nozomi, la NASA envoie Mars Climate Orbiter, un satellite qui doit étudier l’atmosphère martienne. Et là l’histoire est… navrante et marrante à la fois. Pour la mise en orbite, la sonde doit recevoir ses données orbitales dans les unités impériales, du système anglo-saxon, sauf que… elles lui sont transmises dans le système métrique ! eh voilà ! la sonde entre dans l’atmosphère de Mars et elle a sûrement finie bien brûlée ! Ce qu’on a voulu éviter avec Nozomi !

Dans la même fenêtre de tir que Mars Climate Orbiter, la NASA lance aussi Mars Polar Lander, dernière mission du 20ème siècle. C’est un lander, un atterrisseur donc, qui doit atterrir près du pôle Nord, et récolter des échantillons pour les analyser sur place. Mais le contact est perdu après l’entrée dans l’atmosphère, encore raté !

Bon, aller, on retrouve quelques succès maintenant : l’orbiteur Mars Odyssey est lancé en avril 2001 et arrive autour de Mars en octobre, c’est la doyenne des missions martiennes, 15 ans que ça dure ! Aujourd’hui elle sert surtout de relais pour communiquer avec le rover Curiosity, mais elle a aussi plusieurs instruments, dont un spectromètre à neutron qui a permis, depuis l’orbite, de déterminer la concentration en hydrogène des premiers mètres de la surface ! L’instrument a montré que de l’eau était présente dans le sol autour des calottes polaires, il y a donc un pergélisol sur Mars, c’est un sol glacé toute l’année, comme en sibérie ou au Canada. Bon sur Mars, c’est quand même plus sec, mais il y a un peu d’eau.

Et voilà une sonde que j’adore, et avec laquelle je bosse depuis des années, Mars Express ! C’est l’ESA qui la lance en 2003, mais depuis Baïkonour, sur une fusée Soyouz. Mars Express est un peu la réincarnation des instruments européens qui sont partis sur la mission russe Mars 96, et qui ont finit dans le pacifique. On est 7 ans plus tard, on reprend les mêmes instruments, on les mets à jour un peu, on fait un satellite rapidement, et c’est parti ! Et ça marche ! Presque parfaitement ! Mars Express se met en orbite, mais elle emmène aussi un petit atterrisseur, Beagle 2 : après l’atterrissage, Beagle 2 doit déployer des panneaux solaires tout autour de lui et ensuite des instruments pour analyser le sol, mais on n’a jamais reçu de signal de la sonde après l’atterrissage… aucune nouvelle de Beagle 2 jusqu’à… 2015. On devrait avoir dans la chatroom une image maintenant, c’est une images de la surface de Mars à très haute résolution prise dans la zone où devait tomber la sonde, et on voit quelques pixels très clairs , il semblerait en fait que la sonde a commencé à déployer ses panneaux solaires, mais pas entièrement, et elle n’a pas du pouvoir déployer son antenne.

Image HiRISE de la sonde Beagle 2 partiellement déployée à la surface de Mars.

Bon, Beagle 2 est un échec, mais Mars Express est un grand succès, elle fonctionne toujours aujourd’hui, la plupart des instruments sont toujours en parfait état de fonctionnement, et ils ont fait des super découvertes ! Et pour notre question de l’eau sur Mars, un radar de Mars Express a déterminé l’épaisseur et la composition des calottes polaires : plusieurs km de glace d’eau pure à 95% !

Et puis Mars Express a aussi un spectro-imageur, alors c’est quoi un spectro-imageur ? c’est une caméra, mais pour chaque pixel des images, on enregistre le spectre de la lumière réfléchie par la surface de Mars, et avec ça on peut cartographier la présence de minéraux, de glace d’eau, de glace de CO2… du coup on peut super bien suivre les changements sur les calottes polaires, et puis chercher des minéraux formés avec de l’eau liquide ! Eh oui, jusque là on a vu des anciennes rivières et des anciens lacs, mais si l’eau liquide est restée vraiment longtemps, on devrait trouver des traces de réactions entre les roches et l’eau. Et on les trouve ! des argiles, des sulfates, des oxydes… ça y est on peut vraiment commencer  à quantifier combien de temps l’eau liquide a été présente du Mars ! Et pour les calottes polaires, on arrive à suivre chaque saison : chaque pôle a une calotte polaire permanente, faite essentiellement de glace d’eau, et à chaque hiver, de chaque côté, une couche de glace de CO2 vient recouvrir une grande zone sur le pôle et tout autour. C’est ça en fait que les astronomes voient depuis des siècles depuis la Terre !

Et encore un truc génial de lancé en 2003 : la NASA envoie 2 rovers, Spirit et Opportunity. Pour la phase finale de l’atterrissage, on les entoure d’airbags pour amortir l’impact, et les rovers vont rebondir plus de 25 fois avant de s’arrêter ! D’ailleurs, je sais pas si il y a des amateurs de golf parmi vous ? Eh bien, au golf, quand on met la balle dans le trou en deux coups de moins que normal, que le par, on dit qu’on fait un “eagle”. Eh bah justement, Opportunity, avec un voyage de plusieurs centaines de millions de km, atterri au fond d’un trou, enfin, un petit cratère, d’environ 10m de diamètre, et du coup ce cratère s’appelle Eagle maintenant !

Spirit et Opportunity sont identiques, ils ont 6 roues, font 1m50 de long, pèsent 175 kg, peuvent grimper sur des cailloux de 30 cm de haut, ou rouler sur des pentes de 30°. Des 4×4 sur Mars quoi ! enfin, des 6×6 ? bon, en vitesse par contre, c’est pas les mêmes performances, on fait du 20 m/heure en gros ! Côté eau liquide, on envoie Opportunity sur une plaine où on a détecter des oxydes qui pourraient s’être formé avec de l’eau liquide, et Spirit dans un cratère où on pense qu’il y a eu un lac. Bon, un peu raté pour Spirit, on découvre des roches volcaniques, et heureusement, au bout de 2 ans, il atteint des collines pas loin de là, et il finit par y découvrir un ancien site hydrothermal, les martiens auraient peut-être pu y construire des thermes ? Enfin, heureusement que le rover a marché plus longtemps que prévu ! la mission d’origine était de 3 mois seulement ! La fin de Spirit est un peu triste par contre… le rover traînait déjà la patte avec une roue qui ne marchait plus, et il finit par s’embourber dans un petit cratère rempli de sable. Eh voilà, L’hiver est rude, et le rover doit aller positionner ses panneaux solaires vers l’équateur pour maintenir ses batteries au chaud, mais comme il ne peut plus bouger, impossible de chercher la meilleure position. Et pendant l’hiver, on finit par perdre le contact, et au retour du printemps, impossible de rétablir la communication avec lui.

Du côté de son jumeau, Opportunity, on fait dans la longueur, le rover roule toujours aujourd’hui, il a fait plus de 43 km en 13 ans, et il a découvert une zone où une nappe d’eau souterraine est montée jusqu’à la surface et redescendue, peut-être plusieurs fois. On retrouve plein de sulfates, et plein de concrétions d’hématite, un oxyde qui a du se former à cause de l’eau liquide qui a circulé dans les roches. C’est assez marrant pour ces concrétions d’hématite en fait : elles se sont formées à l’intérieur de la roche, ça forme des petites billes de quelques millimètres à 1 cm de diamètre. Et avec le temps, la roche autour d’elle, du grès, s’érode, mais les billes sont plus résistantes, et du coup, elles restent sur place alors que la roche qui était autour disparaît.Du coup, aujourd’hui on a des tapis de petites billes grises qui recouvrent toute la région !

Fenêtre de tir suivante, on se retrouve en 2005, et la NASA envoie Mars Reconnaissance Orbiter, ou MRO. MRO a une super caméra, on peut voir des objets de moins d’1 m de large à la surface de Mars ! On peut voir à quoi ressemble les roches formées dans de l’eau liquide, les argiles, les sédiments… et en plus c’est super pour aider les rovers à la surface, on sait à l’avance où on s’aventure ! Et la super résolution des instruments de MRO a peut-être aidé à repérer des écoulements à la surface qui ont lieu aujourd’hui, De l’eau qui coule aujourd’hui sur Mars ? ouais peut-être… Bon, c’est pas gros ! On a repéré des zones où du sable coule et s’assombrit à certaines saisons, ça fait juste quelques mètres de large, quelques centaines de mètres de long, et on soupçonne que de l’eau, saturée en sels, une sorte de saumure, mouille le sable, et facilite la coulée. On est loin des rivières, mais c’est peut-être le seul signe d’eau liquide à la surface de Mars aujourd’hui. Et puis les caméras ont permis plein d’autres choses, comme l’étude des sédiments, des vallées ou des calottes polaires.

Ensuite, on se retrouve en 2007, la NASA envoie encore quelque chose ! Phoenix, c’est un atterrisseur qui va atterrir près du pôle Nord. La NASA l’a appelé Phoenix parce qu’il est né des cendres des missions Mars Polar Lander (qui a échoué, j’en ai parlé) et Mars Surveyor (qui a été annulée, j’en ai pas parlé). Juste après son atterrissage, Phoenix va gratter le sol avec une petite pelle, et il découvre une matière blanche très claire, de la glace d’eau ! Bon, en analysant le sol, il découvre aussi du perchlorate, un très bon désinfectant, coup dur pour la vie à la surface ! A la fin de sa vie, Phoenix voit aussi du givre le matin, déposé sur les roches et le sol autour d’elle (les landers Viking en avaient vu aussi), puis il voit des nuages de glace, sans doute d’eau, et un instrument a détecté de la neige qui tombe du ciel. Alors, à la place des bonhommes de neige, on peut faire des martiens de neige ? Là on devrait voir dans la chatroom un GIF animé avec les nuages qui se déplacent au-dessus de Phoenix, j’adore cette image, on dirait vraiment un orage qui se prépare. Du coup, une fois l’hiver arrivé, la sonde ne marche plus, et elle a sûrement été recouverte par quelques mètres de glace carbonique, et les batteries de la sonde n’ont pas résisté au froid ! Au printemps, on a essayé de reprendre contact, avec peu d’espoir, mais aucun signal …

Nuages de glace(s) au dessus de la sonde Phoenix sur Mars, tôt le matin. Crédit: NASA/JPL-Caltech/University of Arizona/Texas A&M University

On laisse passer une fenêtre de tir sans lancement, et on se retrouve en 2011, lancement de Curiosity ! Le rover arrive à la surface de Mars en août 2012 avec un atterrissage très impressionnant, il faut déposer un véhicule de 800 kg en douceur à la surface ! C’est pas rien ! C’est 5 fois plus lourd que les rovers Spirit et Opportunity !

Curiosity est envoyé au fond d’un cratère où il y a du avoir un lac. Bon, c’est comme Spirit vous allez me dire, si vous avez suivi… et du coup on va juste trouver des coulées de lave ? Non non, là on a BEAUCOUP plus de données que pour Spirit, entre temps on a eu Mars Express et MRO avec leurs super caméras et super spectro-imageurs, et du coup on sait qu’il y a eu des rivières qui ont coulé sur les bords du cratère, et qu’il y a des argiles et des sulfates au fond. C’est  justement ces argiles et sulfates qui sont la cible principale de Curiosity, sauf que c’est trop dangereux de se poser directement dessus, la surface est trop accidentée à cet endroit, il faut aller atterrir à côté, à plusieurs km. Donc, atterrissage sans problème, on fait quelques dizaines de mètre, et on voit des conglomérats de petits galets, c’est bien le lit d’une ancienne rivière ! Quelques dizaines de mètres plus loin, on a repéré sur les images satellites une zone avec des roches différentes, on va voir… et on tombe sur des roches qui contiennent des argiles et des sulfates, qu’on n’avait pas détecté depuis les satellites. C’est bon, l’eau est là ! enfin, était là ! Maintenant, reste plus qu’à détecter des anciennes formes de vie ! Et pour ça, Curiosity a embarqué un petit laboratoire sur son dos ! C’est un peu comme une grosse grosse tortue, il se déplace pas vite, mais il a un laboratoire sur son dos, c’est pour ça qu’il est si lourd ! Il peut faire une première analyse des roches à plusieurs mètres de distance en tirant dessus avec un laser, il peut récolter des échantillons avec son bras, puis les analyser avec différents instruments… tout ça pour essayer de trouver de la matière organique. Bon, jusqu’ici, on pense en avoir trouvé, mais on s’arrache encore les cheveux pour savoir quelles molécules c’est exactement, si ça n’a été apporté par des micrométéorites où si elles ont été formées sur place, si elles n’ont pas juste été formées par de la chimie ou vraiment de la biochimie… On en saura sûrement plus avec les analyses des strates plus profondes où Curiosity est en train d’arriver ! En attendant, Curiosity a vérifié que toutes les conditions ont été réunie pour un milieu favorable à la vie : de l’eau, un pH convenable, tous les éléments qu’il faut… et puis un truc super intrigant qu’il a détecté aussi, dans l’air autour de lui, c’est des bouffées de méthanes à certains moments ! et ça c’est super étonnant, c’est comme si quelqu’un avait pété à côté de lui !

Bon, le rover a eu lui aussi quelques petits problèmes, des problèmes d’ordinateur de bord au début de la mission (mais heureusement, il y a 2 ordinateurs, et on peut basculer sur l’autre pendant qu’on recopie les données sur le premier, les premiers bugs sur Mars !), et des problèmes de roues, qui sont percées à cause des pierres trop pointues sur lesquelles il a roulé ! Heureusement, c’est pas des pneus, il ne va pas crever ! pas de garage avant 100 millions de km !

Curiosity a quand même fait 14.5 km, en… 4 ans environ. On n’est pas encore à Opportunity qui a dépassé les 43 km, depuis 13 ans. Mais Curiosity, même si il peut rouler plus vite, jusqu’à plus de 100 m en une journée, passe plus de temps à analyser les roches.

Ca roule toujours pour Curiosity, mais pendant ce temps, il y a d’autres missions !

Phobos-Grunt est parti en novembre 2011, quelques jours avant Curiosity. Et c’est une sonde russe… et qu’est ce qui arrive aux sondes russes ? hein ? Ouais… ça fait un moment que je ne vous ai pas parlé d’échec, hein ? eh bien Phobos-Grunt a bien décollé, s’est mise en orbite autour de la Terre, et au moment d’allumer son dernier étage pour se mettre en route vers Mars… eh bien rien, plus rien, et elle est retombée sur Terre quelques semaines plus tard. Phobos-Grunt devait atterrir sur Phobos, la lune de Mars, et en ramener des échantillons.

Début 2014, il y a 2 sondes qui partent pour étudier la haute atmosphère de Mars et comprendre pourquoi l’atmosphère de Mars est si ténue. La NASA envoie MAVEN, et un nouveau pays se joint au cercle très fermé des nations qui sont allées vers Mars (pour le moment, uniquement les Etats-Unis, la Russie (soviétique) et l’Europe), c’est l’Inde qui envoie la Mars Orbiter Mission. Les deux sondes sont maintenant en orbite autour de Mars et ont l’air de très bien marcher.

On se retrouve maintenant cette année, en 2016, en Mars, l’ESA a fait envoyer par la Russie (oui, par la Russie, ils ont pas peur à l’ESA !) un satellite vers Mars, premier volet du programme ExoMars. Ce satellite c’est TGO, Trace Gas Orbiter, et il doit étudier l’atmosphère aussi, mais pour comprendre où et pourquoi on a du méthane, et TGO doit aussi servir de relais de communication au 2ème volet de la mission ExoMars, qui sera un rover, le premier rover européen, et qui doit décoller en 2020. Le lancement de TGO s’est bien passé (ouf !) et il est en route vers Mars, tous les instruments ont l’air de bien marcher ! Et le 19 octobre (hiiiii ! c’est demain), TGO se met en orbite autour de Mars ! Et en même temps, l’Europe tente un nouvel atterrissage, un petit atterrisseur, qui porte le nom de Schiaparelli (on a parlé de Giovanni Schiaparelli la semaine dernière !, l’histoire des canaux, vous vous souvenez ?). Alors Schiaparelli, l’atterrisseur, il ne va pas vivre très longtemps, juste quelques jours, il va fonctionner sur batterie uniquement, et il va prendre quelques mesures de l’atmosphère surtout.

Voilà, on arrive enfin au temps présent ! On a 2 rovers à la surface de Mars, 5 satellites en orbite, et un de plus demain. Mais c’est pas fini !

En 2018, la NASA envoie un lander qui doit poser entre autres un sismomètre à la surface pour étudier l’activité sismique de Mars, des tremblements de Mars ! Bon, en fait, il devait partir cette année, là, en Mars 2016, et en fait ils ont eu des problèmes avec le sismomètre au moment des tests de vibration, et ils n’ont pas eu le temps de trouver une solution, du coup, départ en 2018.

En 2020, du coup, le rover européen ExoMars, qui pourra forer jusqu’à 2 m de profondeur pour récupérer des échantillons à analyser dans son petit labo sur son dos, comme Curiosity. Et puis en 2020 aussi, la NASA doit envoyer un rover un peu comme Curiosity, il n’a pas encore de petit nom pour le moment, c’est Mars2020… et il travaillera pour la première phase du retour d’échantillons de Mars vers la Terre ! Première phase oui : il doit juste trouver, prélever et encapsuler des échantillons, et on ira les chercher plus tard, un jour…

Oh, et puis, les humains sur Mars… c’est une autre histoire, un jour aussi, sûrement !

Je vous fait un petit récapitulatif de l’eau liquide sur Mars ? Alors, dans les grandes lignes hein…

  • Il y a plus de 3.7 milliards d’années, on avait des lacs, des petites mers, des nuages, des précipitations, des rivières, les sols et les roches ont été altérées, on a vait des nappes phréatiques, avec des sources, un vrai cycle de l’eau… bon, on a du mal à savoir combien de temps ça a duré, et si c’est arrivé plusieurs fois au début de l’histoire martienne
  • Après, au cours des milliards d’années suivants, il y a eu des épisodes de grande débâcle qui ont créé d’ENORMES vallées en emportant tout sur leur passage, sûrement dû au réchauffement de réserves de glaces. Ca a peut-être créé un petit océan temporaire à quelques reprises dans l’hémisphère nord de Mars.
  • Plus récemment, on a des petites ravines qui se sont formées sur certains reliefs, on se dit que c’est peut-être des écoulements d’eau quand l’obliquité de Mars est très élevée et que les saisons sont très très contrastées, c’est arrivé il y a quelques centaines de milliers d’années ou quelques millions d’années,
  • Et aujourd’hui, eh bien… peut-être quelques microns d’eau saumâtre parfois en été dans le sable ? Ca donne envie ?

Bon du coup, si on recherche des traces de vie, on va plutôt aller voir les dépôts les plus anciens, quand on avait de l’eau, et c’est justement là que vont aller les missions comme ExoMars et Mars2020.

Et voilà, où on en est après 400 ans d’exploration martienne !

Citations:

“Somewhere, something incredible is waiting to be known”

Carl Sagan

“La science, mon garçon, est faite d’erreurs, mais d’erreurs qu’il est bon de commettre, car elles mènent peu à peu à la vérité.”

Jules Verne, Voyage au centre de la Terre (1864)


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