Retranscription: la gravité quantique à boucles

Retranscription de l’épisode 275, présenté par David de Science étonnante.
Un énorme merci à Yves pour la retranscription !

JohanBonsoir ! Ce soir, on va parler d’une théorie que wikipedia définit comme : “une tentative de formuler, sans espace de référence, une théorie de la gravitation quantique, et donc d’unifier la théorie de la relativité générale et les concepts de la physique quantique. Elle est basée sur la quantification canonique directe de la relativité générale dans une formulation hamiltonienne, les trois autres interactions fondamentales n’étant pas considérées dans un premier temps. Une difficulté de l’approche est que le temps joue un rôle singulier et que la covariance générale des équations n’est plus manifeste.”  Bref ce soir c’est du lourd, de la physique velue: la gravitation quantique à boucle. Heureusement pour nous en parler on reçoit le très pédagogue David Louapre de la chaîne Science étonnante. Vous êtes sur podcast Science, c’est l’épisode 275, bonsoir !

Johan: Voilà donc aujourd’hui pour cet épisode, on a du monde en ligne donc, il y a même une table physique chez David autour de laquelle gravite notre invité, David Louapre,

David : Oui, Bonsoir

Johan:   qui du coup est aussi l’hôte de Nico qui est venu enregistré chez lui. Mais il y a aussi dans la boucle, Robin depuis Paris

Robin : Salut

Johan : Claire  depuis Paris mais pas au même endroit

Claire : Hello

Johan : Irène depuis Santa Barbara en Californie

Irène : Bonsoir tous le monde

Johan : Pascal, depuis une ville dont je ne me risque pas  à prononcer le nom en Alsace.

Pascal : Salut tous le monde

Johan : Et moi même depuis Baltimore. Donc au sommaire de cette édition, on a un dossier de David sur la gravitation quantique à boucle. On a déjà reçu David , il y a quelques mois qui était venu nous parler de sa chaîne Youtube, et de de son  livre. Je ne sais pas comment on pourrait te présenter, oui, on peut rappeler que tu as une chaine Youtube qui s’appelle science étonnante et tu a publié récemment un livre

David : Euh, oui, absolument.

Johan : Qui s’appelle “Mais qui a attrapé le bison de Higgs?”

David : Ouais.

Johan : Et qui est bien, enfin, moi, j’ai trouvé ça très bien, donc je vous le conseille. Je sais pas comment se porte les ventes, est ce que tu..

David: Euh, ben, en fait c’est ce que je disais à Nico, je ne sais pas trop parce que, comme, dans l’édition ce qui compte c’est les ventes des librairies au gens, et que l’éditeur sait ce qu’il a vendu aux libraires, mais il ne sait pas ce qui va lui revenir, donc je sais pas très bien.Mais ca à l’air de bien se passer.

Johan: Donc tu saura dans 6 mois combien en reviendront chez l’éditeur

David : Oui, voilà

Johan: Ou ce qu’il faudra ré-imprimer. D’accord, donc on est très contents de te recevoir pour ce sujet. Juste pour dire, tu a fait une vidéo sur le sujet il y a quelques semaines déjà, sur la gravitation quantique.

David : Ouais, ça devait être en septembre.

 

 

Johan : Voilà donc là, j’imagine que tu va peut être un peu développer et étendre ce que tu disais dans ta vidéo rapidement.

David :Ouais en gros je vais reprendre le même canevas, et puis je vais essayer aussi de développer et puis de préciser là où il y a des questions, là où je ne suis pas hyper clair, etc…

Johan : Très bien. Donc, n’hésitez pas, on a beaucoup de nouveaux dans la chatroom, je crois qu’il sont venu t’écouter, donc pour les questions, vous commencez par @ps, ce qui nous permet de les retrouver rapidement et sur ce, je te laisse commencer et on t’interromps si on a des questions ou si tu dis des gros mots trop compliqués.

David : D’accord, ca roule. Donc je vais vous parler de ce sujet un peu ésotérique qu’on appelle la gravité quantique à boucle et pour la petite histoire, c’était mon sujet de thèse, il y a déjà pas mal d’année maintenant et en fait la gravité quantique à boucle, c’est une théorie pour essayer de traiter ce problème qu’on appelle le problème de la gravité quantique. Alors le problème de la gravité quantique, c’est quoi, c’est unifier les deux grandes révolutions en physique qui ont eu lieu au 20eme siècle, qui sont la théorie de la relativité générale, donc ça c’est la partie gravité et puis la mécanique quantique. Et donc je détaillerai un peu plus tard, ce sont deux théories qui sont assez fondamentalement incompatibles, et il y a un certain nombre de personnes qui ont essayé des les rendre compatibles, de les unifier, et y a une approche très connue pour faire ca, qui s’appelle la théorie des cordes, qui aujourd’hui truste 90 ou 95 % à la fois des physiciens du domaine et des financements, etc. Et puis, il y a une approche qui est beaucoup moins connue qui s’appelle la gravité quantique à boucle, enfin qui est de plus en plus connue mais qui reste quand même minoritaire, et à côté de çà, il y a plein d’autres petites approches dont je parlerai pas. L’idée aujourd’hui est de vous expliquer quel est le problème général de la gravité quantique et puis comment la gravité quantique à boucle essaye d’y répondre, puis je ferai probablement aussi un peu de comparaison avec la théorie des cordes.

NicoTupe: Juste une question d’introduction, pourquoi on a envie de rapprocher les deux théories à part juste pour faire une jolie théorie du tout; il y a des cas pratique où il y a besoin d’avoir les deux?

David : Alors, donc, la relativité générale en gros, c’est une théorie qui est intéressante si on traite des objets très lourds. Si on a pas des objets très lourds, la gravité newtonienne fonctionne très bien, je veux dire, si demain, je lance une balle de tennis, je peux trouver sa trajectoire très bien avec la gravité newtonienne. La trajectoire de la Lune autour de la Terre, aucun problème pour la gravité newtonienne. Le seul moment où on a besoin de la relativité générale, c’est quand on commence à manipuler des objets très lourds et c’est là que la relativité générale apporte quelque chose par rapport à la gravité de Newton. A côté de ca, la mécanique quantique, c’est les objets qui sont très petits. Donc, à priori, on se dit qu’un objet qui est très lourd, il n’est pas très petit en même temps donc les cas pratiques ne doivent pas être légions. Effectivement, il n’y a pas beaucoup de cas d’application pratique de la gravité, euh, du problème de la gravité quantique, on en connait que deux essentiellement. Il y a qu’est ce qui se passe au centre d’un trou noir parce que si on croit la relativité générale toute la matière tombe au centre du trou noir, s’accumule là, et donc on a, à la fois, un point qui est très petit mais qui en même temps est très dense, et l’autre cas pratique, c’est qu’est ce qui s’est passé au début du Big Bang.  Donc c’est les deux seules choses qui nous motive à faire de la gravité quantique, donc ce n’est pas…

NicoTupe: Faut dire que le sujet est assez motivant.

David : Ben voila c’est ca, c’est quand même la raison, en tous cas, moi quand j’étais étudiant je me suis dit “il faut absolument que je travaille sur le problème de la gravité quantique”, il n’y a pas de …je peux pas laisser passer ça.

Donc voila, alors pourquoi ces deux théories, donc, petit rappel hein, la théorie de la relativité générale, c’est 1915, c’est Einstein, et ce que fait Einstein, c’est qu’il propose une variante, il propose une nouvelle théorie de la gravité qui est très différente de celle de Newton puisque celle de Newton c’est celle qu’on apprend au collège ou au lycée, je ne sais plus ,hein, donc c’est la force dont l’expression est donné par le produit des masses divisé par le rayon au carré. et qui avait un défaut notamment, c’est que si on la croit cette théorie, c’est que la force se transmet de manière instantanée. Ce qui pour Einstein semble un peu bizarre, d’autant qu’il avait 10 ans auparavant fait la théorie de la relativité restreinte, dans laquelle on sait que l’information ne peux pas voyager plus vite que la vitesse de la lumière.

Johan : Cela dit

David ..

Johan : Pardon, je t’ai interrompu, cela dit, ça paraissait déjà bizarre à Newton 3 siècles avant, c’était, on a eu un truc sur les 100 ans de la relativité générale avec Jean Philippe Uzan, et Newton dit déjà à l’époque, sa théorie de la gravitation le gène parce que ça va à une vitesse infinie.

L’épisode #226 de Podcast Science, où nous recevions Jean-Philippe Uzan pour parler des 100 ans de la relativité générale.

David : Ah bon, d’accord, ah ben tu vois, je ne savais pas, je ne connaissais pas ce détail. Il était fort ce Newton! Et donc Einstein propose une nouvelle théorie et ce qui est étonnant c’est que cette théorie est basée sur un principe qui est complètement différent de celui de Newton. Donc Newton, c’était, il y a une force voilà, et donc Einstein dit “Non, non, c’est pas comme ça que ça se passe”. Il dit “les masses courbent l’espace temps et donc les corps s’attirent parce qu’ils suivent les trajectoires courbées dans l’espace-temps”. Alors, un truc qui est vraiment, il faut bien comprendre, c’est que pour tout les cas d’applications normaux, c’est à dire si demain je m’amuse à calculer la trajectoire d’une balle de tennis avec la relativité générale, je vais trouver à quelque pouillème près exactement la même chose qu’avec la théorie de Newton.

NicoTupe: Par contre t’auras mis 2 semaines au lieu de mettre trois minutes.

David : Ouais, (rire) c’est un peu ça, ouais.Mais c’est important de comprendre que finalement la relativité générale ne modifie les résultats que donnait Newton que sur des cas très particulier qui sont les cas où justement les objets sont très lourds. L’exemple typique c’est la trajectoire de Mercure autour du soleil et bon plus précisément un aspect de la trajectoire de Mercure qu’on appelle la précession du périhélie et là la gravité de Newton de manière visible foirait. Et la relativité générale permet de corriger ce problème là. Mais c’est quelque chose dont on se rend compte uniquement parce que Mercure ressent un champs de gravité plus important que la Terre du fait qu’elle est beaucoup plus proche du soleil. Donc voila, la relativité générale c’est conceptuellement très différent de la gravité de Newton, mais il faut comprendre que dans la quasi totalité des cas pratiques, elle donne les mêmes résultats. Donc ça, c’était la première grande révolution conceptuelle  en physique fondamentale au début du 20ème siècle.

Et puis l’autre grande révolution conceptuelle, ça a été la mécanique quantique. La mécanique quantique, c’est une théorie donc qui va nous dire donc comment se comporte la matière au niveau microscopique. Alors quand on dit microscopique, les gens pense que ça veut dire juste à l’échelle du micron. Alors en fait microscopique, en tout cas, dans ce cas là, c’est tout ce qui en gros est à l’échelle de l’atome et des molécules et tout ce qui a en dessous. Donc, les atomes, les molécules, et puis toutes les particules qui les composent, notamment jusqu’aux particules élémentaires, euh, c’est le domaine de la mécanique quantique. Donc, la mécanique quantique, c’est comme la relativité générale, c’est à dire que si vous prenait un objet raisonnablement gros, je sais pas moi une balle de tennis, par exemple, et que vous vous amusez à le traiter avec la mécanique quantique vous allez trouver exactement le même résultat que ce que vous auriez trouver avec de la physique classique. Donc la mécanique quantique ne diffère de la physique classique que quand on arrive dans des objets très petits. Et donc, il y a un exemple qui est un peu le prototype de ce que que en quoi la mécanique quantique modifie notre compréhension, c’est l’atome hydrogène. Alors, historiquement, il y a eu plusieurs modèles qui ont été proposé par différentes personnes pour essayer de comprendre comment est fait un atome, et si on prends le modèle planétaire, donc je crois que c’est celui de Rutherford, c’est celui qui dit, alors un atome, ça ressemble beaucoup à une planète, enfin, ca ressemble beaucoup au système solaire, il y a un proton au milieu, et il y a un électron qui va tourner autour comme une planète tournerait autour du soleil. Donc le modèle de Rutherford, il a l’air super sympa, on prend juste ce qu’on connaît, c’est à dire la force électrostatique, on fait tourner l’électron autour du proton, et tout se passe bien. Il a un petit problème, c’est qu’en fait, un électron qui tourne il subit une accélération, c’est à dire que pour tourner, en fait, la rotation, enfin la révolution plus exactement, nécessite que l’électron soit accéléré et une particule chargée qui accélère doit rayonner, doit produire un rayonnement électromagnétique. Alors, ca ca n’a rien d’exotique, c’est comme ca qu’on fait des antennes par exemple. Quand on émet avec une antenne,  c’est simplement des charges accélérées. Alors pourquoi c’est bizarre, c’est qu’un électron qui tournerait comme ça autour d’un proton normalement devrait émettre un rayonnement électromagnétique devrait perdre de l’énergie , et en fait on peut calculer que très rapidement, genre en un centième de nano-seconde, il devrait aller s’écraser sur le proton, parce qu’il va perdre de l’énergie et donc sa trajectoire va se resserrer de plus en plus vers le proton et l’électron va se crasher sur le proton.

NicoTupe: Et pourquoi ca peut pas faire comme une planète qui est en permanence en train de tomber mais qui s’écrase moins vite, quoi?

David : Alors, la différence c’est que qu’une planète n’est pas un objet chargé, c’est à dire que…

NicoTupe: D’accord

David: Si tu prends la gravité de Newton, même dans des conditions parfaites, où tu prends juste une petite planète qui tourne autour d’un gros corps, et que tu résous les équations de manière exacte, ca va tourner indéfiniment sans aucun problème. La différence avec le modèle planétaire de l’atome d’hydrogène, c’est qu’un électron qui tourne autour d’un proton, même dans une situation très très simple comme ça, et bien il doit rayonner de l’énergie, donc, il doit perdre de l’énergie donc son orbite doit diminuer, c’est inévitable.

Et donc, le modèle de Rutherford a l’air très sympa, sauf qu’il prédit qu’en fait les atomes devraient être complètement instable. Un atome d’hydrogène devrait s’annihiler en 10 puissance -11 secondes.

NicoTupe: Et à priori, on ne s’en ait pas encore rendu compte.

David : Et à priori, c’est pas ce qui se passe. Et donc, ce paradoxe là est résolu de manière assez élégante par toute la théorie de la mécanique quantique. Alors, la théorie de la mécanique quantique, c’est compliqué, parce que c’est une théorie, autant la relativité générale, quelque part, Einstein est arrivé, il a posé son équation, et puis essentiellement on travaille toujours avec l’équation qu’Einstein a posé en 1915. La mécanique quantique, c’est devenu de moins en moins flou. C’est à dire qu’au début les gens on vu des choses, ils ont commencé à proposer des théories, etc. et la compréhension que l’on en a aujourd’hui, c’est beaucoup raffinée par rapport à ce qu’on avait fait au début du 20ème siècle. Et la mécanique quantique résout le problème de l’instabilité de l’atome d’hydrogène, alors je vais pas rentrer, je vais pas faire un cours de mécanique quantique, mais en gros, pourquoi la mécanique quantique, s’appelle quantique, c’est parce qu’un certain nombre de choses deviennent quantifiées au lieu d’être continues. Et donc l’exemple typique c’est l’énergie des atomes, enfin de l’électron dans l’atome d’hydrogène. Alors, quand je dis l’énergie, pour faire simple, vous pouvez vous imaginer l’orbite de l’électron, c’est pas tout à fait ça, mais… Et donc, un électron qui tourne autour d’un proton, si on traite ça correctement dans le cadre de la mécanique quantique, on se rend compte qu’il ne peut avoir que certaines orbites. c’est à dire, enfin, c’est plutôt certains niveaux d’énergie mais certaines orbites.

Et du coup il existe une plus petite orbite, c’est à dire une orbite qui est aussi proche que possible, que permis, du proton. Et c’est ça qui en gros protège que l’électron vienne se crasher sur le proton. Et en fait, grâce au fait que certaines quantités deviennent quantifiées, deviennent discrètes, on arrive à un modèle de l’atome d’hydrogène qui est stable par rapport à ce que nous aurait dit une théorie classique. Alors pourquoi je vous raconte tout ça, ça peut vous paraître un peu lointain mais parce que c’est des notions que je vais réutiliser quand on parlera de la gravité quantique à boucle. Donc on a deux théories, relativité générale et mécanique quantique, qui ont été formulées essentiellement dans la première moitié du 20ème siècle, même le premier quart du 20ème siècle et qui du point de vue expérimental marchent hyper, hyper bien. Pour la relativité générale, on arrête pas de trouver des confirmations, dont les plus récentes, c’étaient les ondes gravitationnelles qui ont été enfin détectées, il y a à peu près un an, un peu moins d’un an. et puis, pour la mécanique quantique, c’est tout ce qui est la version moderne de la mécanique quantique mais toute la physique des particules, avec notamment tout ce qu’on observe dans les accélérateurs de particules, jusqu’au boson de Higgs.

NicoTupe: Et toutes ces particules qu’on découvre tout les 4 matins,quoi maintenant.

David: Sauf qu’en fait ce qui est fabuleux c’est qu’on les découvre, enfin, justement, le problème c’est qu’on en découvre pas! C’est à dire que tout se passe comme c’était écrit. Le boson de Higgs, on l’a trouvé, voila. Il y avait eu la même chose avant avec le quark top, où c’était, on avait trouvé que 5 quarks et manifestement c’était sûr qu’il devait y en avoir un 6ème d’après ,la théorie et puis on a fini par le trouver et voilà et aujourd’hui tout ce qu’on observe par exemple au CERN colle parfaitement avec la mécanique quantique. Il y a même un exemple, il une certaine quantité qu’on arrive à mesurer qui colle avec, je sais plus, 11 chiffres significatifs avec la théorie, donc c’est une théorie qui est incroyablement bien confirmée. alors c’est quoi le problème avec tout ça? C’est ce que j’évoquai au début c’est que la relativité générale et le mécanique quantique sont fondamentalement incompatibles. Ca veut dire qu’en fait, quand on commence à regarder des objets qui soit à la fois très lourds et très petits, elles n’arrivent pas à se mettre d’accord, ces deux théories. La relativité générale nous dit que tout va bien se passer, tout va être lisse, continu, machin, … La mécanique quantique nous dit non, non, non, tout va être discret probabiliste, euh… Et c’est ce que j’évoquai au début, il n’y a quasi aucune situation pratique où ce conflit entre ces deux théories apparaît. Il y en a deux, c’est les singularités au centre des trous noirs et puis surtout cette question qui nous intéresse tous, enfin qui m’intéresse particulièrement, qu’est ce qui s’est passé au tout début du big bang.

Johan : Alors, en mode très avocat du diable, mais je suis sur que tu a déjà entendu plein de fois la question. et tes deux situations que tu décris, elles ont un petit détail scientifique intéressant, c’est qu’elles sont absolument inobservables. Quasiment par définition, quoi.

David : Euh, oui, mais du coup, enfin, elles sont pas totalement inobservables. On va être honnête, il n’y a pas des masses de données expérimentales, qui nous permettrait de savoir ce qui se passe exactement dans cette situation.

NicoTupe: En fait même sur le papier, au centre des trous noirs, même sur le papier, on est pas capable de regarder ce qui se passe quoi. Sans même aller mesurer d’une manière ou d’une autre.

David : Ben si, on est capable de regarder ce qui se passe, si on croit à la relativité générale. Et donc, si on croit la relativité générale, la relativité générale nous donne une réponse sur ce qui se passe au centre des trous noirs, nous donne une réponse sur ce qui se passe au début du Big Bang; c’est à dire que si j’oublie la mécanique quantique et que je fais une confiance aveugle en la relativité générale, la relativité générale me dit, il y a 13.8 milliards d’années l’espace temps était juste un point et pouf, c’est mit à se dilater et voilà. Et on sait que ca, enfin, c’est peut être pas vrai puisqu’on ne prends pas en compte les effets de la mécanique quantique . Donc ce qui est assez fascinant, c’est qu’il faut s’imaginer que la théorie du big bang, qui découle de la relativité générale, c’est une théorie qui nous permet de remonter le film de l’univers à l’envers; donc on part de la situation actuelle on voit que les galaxies s’éloignent toutes les une des autres, et puis grâce aux équations, on rembobine le film, donc on dit étant donné ce que je vois là, étant données les équations, je suis capable de dire ce que l’univers était il y a 5 milliards d’années, il y a 10 milliards d’années et ce qui est fascinant, c’est que quand on rembobine ce film, au bout de 13.8 milliards d’années, il se passe un truc bizarre, si on croit les équations de la relativité générale encore une fois, qui nous dit, l’univers était un point. Et en fait, ce qu’on pense c’est que rembobiner le film grâce aux équations, on a le droit de le faire jusqu’à un certain point, jusqu’au point où l’univers était tellement dense qu’il ne faut plus, on a plus le droit d’ignorer les effets quantiques. Et quelque part, faire le dernier pas, c’est à dire continuer à utiliser les équations de la relativité générale, alors qu’on sait qu’elles sont plus toutes seules à jouer, c’est en quelque sorte un peu une, enfin, c’est une faute, et du coup il y a un peu entre guillemet une arnaque intellectuelle, à parler de la naissance de l’univers il y a 13.8 milliards d’années parce que en fait, la seule chose qu’on sait, c’est qu’il y a 13.8 milliards d’années, il s’est passé un truc que dont on pense qu’on est pas capable de comprendre avec nos théories actuelles. donc on ne peut pas affirmer que l’univers est né il y a 13.8 milliards d’années.

NicoTupe: Mais est ce qu’on a une preuve que c’est faux? Comme pour Mercure où on avait clairement un truc qui disait que c’est pas vrai. Ici, est ce qu’on a une preuve que c’est pas vrai au delà de ce que tu dis, que je comprends bien, que la théorie de la mécanique quantique prédit pas ca.

NicoTupe: Ouais, ouais, enfin, bon, après ce qu’on sait c’est que si ça s’est passé comme ça, imaginons que la relativité générale ait tout juste alors il y a un problème avec la mécanique quantique, puisque la mécanique quantique nous dit que normalement il devrait y avoir des trucs fluctuants, probabilistes, machin, bidule… et quelque part du coup les deux théories ne peuvent pas être toutes les deux  complètement vraies en même temps. donc peut être que ça s’est passé exactement comme nous dit la relativité générale mais à ce moment, il y a un problème avec la mécanique quantique, on peut le dire comme ca.

Alors du coup, à quoi tout ça nous amène.Il y a des gens, enfin, très tôt il y a des gens qui se sont rendu compte qu’il y avait un conflit entre ses deux théories. Einstein, lui même, a passé toute la fin de sa vie à essayer de résoudre ce problème et, il a essentiellement pas fait grand chose, hein, je veux dire Einstein dans les années 30 n’a travaillé que là-dessus et il n’a rien produit de très, très significatif. Bon, il n’a pas travaillé que la dessus, mais en tout cas sur cette question là, lui, ça l’obsédait beaucoup. Et il y a plein de gens qui du coup, très tôt, ont essayé  de résoudre ce dilemme, et en fait c’est très compliqué de résoudre ce dilemme parce que la relativité générale et la mécanique quantique ont des perspectives complètement différentes sur ce qu’est le monde, euh, je l’ai déja un peu évoqué en relativité générale tout est parfaitement lisse, tout est parfaitement discret, continu déterministe, alors qu’en mécanique quantique le monde est discret, le monde est probabiliste, discontinu, etc.

Et ça, ça se traduit dans le formalisme mathématique qui est utilisé par les deux théories. Et donc, très tôt des gens ont essayé de trouver une théorie qui les unifieraient. C’est toujours un peu le Graal en physique , c’est d’unifier des théories. Un exemple, euh, un exemple, qu’on cite souvent, enfin, il y en a plusieurs,mais les deux exemples qu’on cite souvent d’unification un peu spectaculaire, c’est ce qu’a fait Newton quand il avait proposé sa théorie de la gravité, et que en fait sa théorie de la gravité, ce qu’elle avait de fabuleux, c’est qu’elle, elle expliquait à la fois le mouvement des planètes et la chute des corps sur Terre ce qui quand on se remet dans le contexte de l’époque est un truc absolument de dingue quoi, c’est à dire il débarque et il dit en fait ces planètes qu’on voit bouger dans le ciel et ces objets qui tombe juste devant nous sous nos yeux c’est la même théorie physique qui les décrit, ce qui, honnêtement je trouve conceptuellement est un truc absolument incroyable. Mais c’est vrai, aujourd’hui ça vous paraît naturel, on nous balance l’équation de la gravité voila, la chute des corps, machin, calculer, on prends la masse de la Terre…

Robin : C’est là que c’est bon d’être mauvais en physique, moi je continue à être épaté.

David (rire) donc ouais, enfin l’unification qu’a fait Newton du mouvement des astres et de la chute des corps, des pommes, voilà, est un truc de dingue. L’autre truc de dingue c’était les équations de Maxwell, où Maxwell avait réussi à unifier à la fois les phénomènes électrostatiques, les phénomènes magnétiques, et puis dans le même paquet il avait fait la lumière. Ce qui, pareil, je veux dire, c’est trois phénomènes qui étaient différents dont on avait pas de raison de penser qu’ils étaient reliés et voilà. Donc Maxwell propose ses équations, ses équations expliquent les trois trucs.

NicoTupe: Sur la mécanique quantique et la relativité générale, j’entends beaucoup et quand tu lis sur ces sujets tu entends toujours ces arguments sur le discret et le continu qui parle beaucoup au premier abord, mais toujours en mode avocat du diable parce qu’on en a un spécialiste sur place, euh, les équations de le relativités générale aujourd’hui, quand elles sont appliqués dans des calculs, elles sont appliquées de manière discrète via des ordinateurs, donc ca veut dire qu’elles arrivent à cohabiter avec du discret au sens où peut être que le discret vu que tu parle d’échelle tout petite c’est juste de dire oui en fait on échantillonne à petite échelle.

David : Non, alors elle sont pas toujours appliquée de manière. Il y a tout un tas de situations où on sait donner des solutions analytiques. Il y a par exemple, un exemple, je voulais dire assez simple mais qui est une expérience de pensée mais où il y a une contradiction flagrante entre mécanique quantique et relativité générale. Alors, je vais être obligé d’utiliser un peu des gros mots mais… En mécanique quantique, il y a cette histoire qui s’appelle la dualité onde-corpuscule et donc, à toute particule on peut associer une onde qui a une certaine longueur d’onde qu’on appelle longueur d’onde de Compton et si on imagine une particule qui soit très, très massive, et très petite et très massive donc très dense en fait, la mécanique quantique nous dit, donc, pas de problème on a une longueur d’onde de Compton et donc tout ca se comporte comme une onde, et la relativité générale nous dit, ben non, ça crée un trou noir, un trou noir qui est plus petit que la longueur d’onde de Compton. Donc, voilà, on a des situations qui sont des expériences de pensées, mais où clairement, les deux théories vont répondre des trucs différents, et il n’y a pas besoin de résoudre les équations par ordinateurs, c’est vraiment la solution analytique des trous noirs, elle est connu, il n’y a pas de problème.

NicoTupe: Parce qu’un trou noir avec un longueur d’onde plus petite que, j’ai déjà oublié le nom…

David : Compton

Arthur Holly Compton

NicoTupe: …c’est c’est pas envisageable quand on dit, c’est aussi une onde quoi. Parce que le trou noir…

David: Ben, bouffe tout de ce qui a.

NicoTupe: D’accord.

David : Donc, euh, indépendamment du fait que dans beaucoup de situations pratiques on peut pas utiliser des résolutions numériques, donc voila.

Et donc on a ces deux théories qui sont fondamentalement incompatibles, des gens qui essayent de les unifier et en fait, très vite, se heurtent à des difficultés qui sont à la fois mathématiques parce que c’est deux,.., c’est mathématiquement deux théories qui font appel à des objets mathématiques très différents, donc on a un peu du mal à savoir qu’est ce qu’il faut utiliser comme vocabulaire mathématique pour essayer de les unifier et puis on se heurte très vite à des difficultés qui sont très fondamentales, du genre encore une fois en relativité générale tout est déterministe et continu, en mécanique quantique les choses sont probabilistes, en relativité générale, le temps joue un rôle qui n’est pas très, très différents de celui de l’espace, alors qu’en mécanique quantique, ca joue un rôle différent, donc très vite on se pose des questions du genre “Qu’est ce que le temps vraiment?”  etc.

NicoTupe: En plus en mécanique quantique, la masse a très peu d’importance, c’est ca?

David : Euh, si, la masse a quand même une importance, si si, mais euh, ..

NicoTupe: C’est la gravitation qui a pas aujourd’hui d’impact.

David : Oui, c’est à dire qu’en mécanique quantique, on ne met pas de force de gravité. c’est à dire que la masse a un impact, elle joue, c’est la masse inertielle, c’est la force = ma.

NicoTupe: Donc, on est un peu dans la mécanique quantique restreinte, en fait, comme on avait la relativité restreinte.

David : Euh, oui, alors on peut dire exactement ça, parce que c’est un point que j’avais pas mentionné, la mécanique quantique se marie très bien avec la relativité restreinte. C’est quelque chose qui d’ailleurs est assez peu réalisé. C’est à dire en fait qu’on parle de toute la physique des particules, ce qu’on fait, ce qu’on découvre, au CERN etc, en fait, ça d’un point de vue théorique ce n’est pas juste la mécanique quantique, mais c’est la mécanique quantique + la relativité restreinte. Ce qui au passage, j’en profite pour faire quelques tacles, me fait doucement rigoler quand je reçois à peu près bi-quotidiennement des e-mails de gens qui me proposent leurs théories pour m’expliquer que la relativité restreinte ne marche pas. Quand je disait tout à l’heure que la mécanique quantique était confirmé avec 11 chiffres significatifs sur l’expérience du moment magnétique du muon, c’est pas juste la mécanique quantique, c’est la mécanique quantique + la relativité restreinte. donc, les mecs qui arrivent avec des théories pour expliquer que la relativité restreinte est grossièrement fausse, faut qu’ils m’expliquent comment elle marche dans toute la physique des particules.

NicoTupe: Donc, d’accord, c’est marrant en fait on a déjà un début d’unification mais c’est vraiment la gravitation qui fout la merde là dedans.

David : C’est ca. exactement.

David  Alors tout ça, je vais avancer un peu parce qu’on a toujours pas la gravité quantique à boucle. Tout ca, donc beaucoup de gens se sont intéressés à cette question, et puis, et puis on assez vite pataugé, et il y a un début de solution qui a commencé à émerger fin des années 70, début des années 80. Alors, faut que j’explique pourquoi les gens pataugeaient. Quand on veut faire de la mécanique quantique et qu’on veut considérer, alors tout à l’heure je prenais l’exemple de l’atome d’hydrogène, donc l’atome d’hydrogène, on peut le traiter de manière non quantique donc, juste une charge plus une charge moins qui se tourne autour, donc machin. Et puis, si on veut le traiter de manière quantique, on va (bruit de verre) (ca va que le verre était vide) (rire), si on veut traiter le problème de manière non quantique, euh, enfin de manière quantique, pardon, on va appliquer une certaine procédure qui va permettre en gros de passer de la théorie classique à la théorie quantique. Ca c’est une procédure qui s’appelle la quantification. Au début, quand les gens ont commencé à faire de la mécanique quantique, ils n’avaient pas compris ca, c’est à dire qu’ils découvraient un peu cette théorie résultante, mais ils n’avaient pas compris le processus qui permettait de la fabriquer. en fait, et ça été formalisé par Paul Dirac, et Dirac à en gros écrit une recette de cuisine, pour faire simple, hein, qui dit voilà, vous avez une belle théorie classique qui marche bien et vous voulez faire la version quantique, alors voilà ce qu’il faut faire. Et la recette de Dirac, la recette de Dirac, elle est sympathique, et elle est pas non plus hyper claire quoi, c’est à dire qu’elle donne des indications sur comment faut s’y prendre quel genre d’objets mathématiques il faut chercher mais c’est pas non plus totalement, totalement évident, et pour faire simple, si on applique cette théorie aux forces qu’on connaît, c’est à dire la force électromagnétique, la force nucléaire forte et la force nucléaire faible, en gros ça fonctionne, c’est à dire qu’on arrive à fabriquer des versions quantiques de ces forces qui aujourd’hui nous permettent de comprendre tout ce qui se passe dans les accélérateurs de particules. Et quand on essaye d’appliquer la recette de Dirac à la relativité générale, ça marche pas du tout. Alors, ça marche pas du tout pour une raison qui est un peu technique mais dont faut que je dise un mot, qui est que, en fait quand on applique la recette de Dirac, on se retrouve avec une théorie qui dès qu’on essaye de lui faire calculer un truc concret tel des énergies, des probabilités d’interactions des trucs comme ça, chaque fois, les équations divergent et répondent l’infini. Et ca, ca on l’avait déjà rencontré, c’est aussi ce qui se passait avec l’électromagnétisme mais on avait trouvé une méthode qui s’appelle la renormalisation qui permet en gros de guérir le problème et de se débarasser des infinis.et ça, ca ne marche pas avec la relativité générale, c’est à dire, si on essaye d’appliquer ces techniques, la méthode de Dirac et qu’on essaye d’éliminer les infinis, on y arrive pas. et ça c’était vraiment le truc qui a très tôt embêté les physiciens qui essayait de faire cette théorie d’unification. et le fait que ca marche pas, en fait, j’ai oublié de parler de quelque chose pour comprendre pourquoi ca marche pas. La recette de Dirac, essayez de l’appliquer de manière stricte, ca marche avec l’atome d’hydrogène, mais dès qu’on regarde des trucs plus compliqués ca marche plus, donc même pour regarder des interactions de particules comme dans les accélérateurs etc, on arrive pas à appliquer la recette de Dirac et donc on applique une version un peu simplifiée qu’on appelle l’approche perturbative.

Alors, l’approche perturbative en gros, c’est, on considère que toutes les ondes, par exemple, les ondes électromagnétiques sont relativement faibles, c’est à dire sont des petites perturbations, et si on se restreint à ce domaine là, on arrive très bien à appliquer la recette de Dirac. et il se trouve que c’est pas une restriction trop importante, puisque même avec ça, on arrive à comprendre à peu près tout ce qui se passe, tous les résultats qu’on observe quotidiennement dans les accélérateurs de particules, s’expliquent très bien avec tout ça. Et le truc un peu fondateur, c’est que cette approche perturbative ne fonctionne pas avec la relativité générale, et on se récupère à chaque fois des infinis qui sont impossible à éliminer. Et donc là, on arrive un peu à l’acte de naissance des théories modernes de la gravité quantique. Voyant que cette approche perturbative ne marche pas pour le cas de la relativité générale, en fait, il y a une partie des gens qui se sont tourné vers une idée qui a été proposée, en fait qui date, oui, du début des années 70, milieu des années 70, qui est la théorie des cordes. Alors, je vais pas parler de la théorie des cordes parce que sinon on va être encore là demain matin, mais essentiellement, la théorie des cordes pour faire simple, c’est je m’accroche à l’approche perturbative mais j’essaye de sacrifier d’autre trucs. Donc ce qu’il y a un peu derrière la théorie des cordes, c’est dire finalement, la relativité générale ne doit pas être si correcte que ça, elle doit être qu’une version un peu approximée d’une théorie encore plus profonde. Oui, donc une partie en fait  des gens décident de, en gros, de sacrifier une partie de la relativité générale pour préserver l’approche perturbative et créent la théorie des cordes. Alors ça ce n’est pas passé en deux jour comme ca ca été un long processus de découverte. Alors, c’est assez séduisant, alors, je vais faire court sur la théorie des cordes, c’est assez séduisant, parce que si on prends vraiment, ceux qui ont eu la chance d’étudier la mécanique quantique, je veux dire, ouvrez un livre de théorie des cordes et faite vous juste les trois premiers chapitres, et ça paraît juste magique, on se dit c’est dingue, c’est magnifique. Alors, il y a eu d’autres problèmes derrière, c’est qu’en fait, au bout d’un moment , il y a eu, enfin, le côté magnifique a fini par être pas si magnifique que ca, il y a eu des problèmes qui sont sortis et donc la version de la théorie des cordes qu’on utilise aujourd’hui est très différente de la version qu’on trouve dans les trois premiers chapitres d’un livre de théorie des cordes

Johan; C’est quand, donc a exactement, la première version de la théorie des cordes, c’est quand?

David : C’est début des année 80.

Johan : Et donc il y a eu beaucoup de modifications depuis 30, euh 40 ans maintenant.

David : Oui, c’est ça. Il y a eu, je vais citer juste quelque mots pour ceux qui ont déjà entendu ces noms la. Il y a eu la théorie des cordes bosoniques, où c’est vraiment la version la plus simple, qui est vraiment trés trés belle, mathématiquement, c’est superbe, tout se déroule, c’est magnifique.

NicoTupe: On est à quelle dimension là?

David : Alors, justement, la théorie des cordes bosoniques on dit n’importe quelle dimension, ca se passe bien. et puis, au bout d’un moment, on tombe sur un problème, et elle ne marche qu’en 26 dimensions!

Johan: (rire)

David : Alors, c’est vraiment, je vais faire un peu mon anti-théorie des cordes, mais souvent on entends la théorie des cordes prédit qu’on vit dans un univers à 26 dimensions ou 10 dimensions, etc. Faut bien comprendre ce qu’on entends par prédit. Le fait est que la théorie des cordes ne fonctionne QUE en 10 dimensions ou 26 dimensions.

NicoTupe: Ouais, mais attends, parce que il y a aussi plein de gens,bon, c’est un peu refaire le match après, mais y a plein de gens qui te dise que de toute façon le monde tel que l’on connaît ne pourrait fonctionner qu’en 4 dimensions, ne pourrait fonctionner qu’avec les constantes fondamentales qu’on a donc, c’est aussi une manière de dire les théories prévoient ces constantes et l’espace-temps.

David : Ouais, mais ce que je veux dire, c’est que le nombre de dimension n’est pas une prédiction au sens classique, tu vois, où tu injecte des trucs en entrée de ta théorie et ta théorie te sors un nombre qui te dis voilà,

Johan : (Inaudible)

David: Non mais même pas ça, si je te dis par exemple, la mécanique quantique te prédit les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène, tu prends la mécanique quantique, tu injecte les paramètres d’entrée, tu fais tes calculs, tu trouve des niveaux d’énergies, donc c’est une prédiction au sens input/output.

NicoTupe: Un truc qu’on entends beaucoup c’est la relativité générale prédit qu’on peut pas dépasser la vitesse de la lumière. Or, c’est exactement la même chose, c’est une hypothèse de départ, en fait.

David : Alors dans ce cas précis, c’est une hypothèse de départ, mais ce que je veut faire comprendre, c’est que dans la théorie des cordes c’est différent, c’est pas qu’elle prédit que y a que 10 dimensions, c’est que mathématiquement, elle ne peut fonctionner qu’en 10 dimensions, donc la démarche des physiciens ça a été de dérouler les équations, et là au bout d’un moment, merde, y a un infini et là y’a un mec qui a dit  “Ouais mais mais l’infini, il disparaît si d=10,” bon, ben d=10 et on puis continue. Enfin, littéralement c’est ca. Donc voilà, après peut être que d=10 j’en sais rien mais c’est vraiment, c’est une prédiction au sens : La théorie n’existe mathématiquement que si d=10. (Rire)

Donc, voila, je vais conclure sur la théorie des cordes, mais ce qu’il faut comprendre c’est que la théorie des cordes, c’est une approche qui a décidé de sauver l’approche perturbative, celle où on considère que tout n’est que, .. Enfin, où on ne se place que dans le cas de toutes petites perturbations.et alors faut bien avouer que pendant un moment on avait que ça à se mettre sous la dent, donc ce qui a amené en fait certains physiciens peu nombreux au départ, un plus nombreux aujourd’hui à développer la théorie de la gravité quantique à boucle c’est le fait que un jour, un physicien indien qui s’appelle Ashtekar a proposé une nouvelle formulation de la relativité générale. Alors, c’est quoi une nouvelle formulation, en gros, c’est des équations qui sont différentes de celles d’Einstein, mais qui d’un point de vue des prédictions physiques donnent exactement le même résultat, donc c’est juste mathématiquement une autre manière d’écrire les équations mais à la fois le résultat physique est le même. Et cette nouvelle manière de reformuler la relativité générale a ouvert la voie à la quantification de la gravité, donc à l’application de la recette de Dirac de manière exacte, sans perturbation, ce qui avant paraissait impossible, on se heurtait très vite face à un mur. Donc là, Ashtekar trouve ce truc un peu étonnant, il reformule les équations de la relativité générale et là il trouve une porte pour essayer d’appliquer le programme de Dirac. Et donc, en gros, pour faire simple, la gravité quantique à boucle, ça c’est beaucoup raffiné depuis, c’est arrivé à appliquer le programme de quantification de Dirac a la relativité générale, reformulé d’une manière différente pour que ca fonctionne. Et le petit miracle c’est que ça a débloqué un certain nombre de chose qu’on arrivait pas a traiter avant, tout en restant non perturbatif, c’est à dire sans se coltiner le problème des infinis qu’on avait avant.

Abhay Ashtekar. Credit: pitt.edu

Nicotupe : Donc, du coup, c’est un peu comme la relativité générale vous travaillez sur une seule équation qui a été modifiée mais y a pas tellement comme dans la théorie des cordes pleins de nouvelles choses à créer en permanence pour résoudre des problèmes.

David : Alors, il y a un truc qu’il faut avoir en tête, c’est que la recette de cuisine que Dirac nous propose, c’est pas un truc immédiat où tu déroule tout et c’est bien. En gros, Dirac te dis, “Tiens, ça serait bien de trouver un objet mathématique qui satisfasse telle propriété”. Alors, là, tu regarde, je sais pas quoi faire, ou alors, il y a plusieurs manières de le faire, donc, il y a énormément d’ambiguïté, et ce qui fait que même si je prends aujourd’hui la gravité quantique à boucle, c’est pas, UNE théorie sur laquelle tout le monde est parfaitement d’accord. Il y a des variantes, il y a des différentes manières d’attaquer le problème

NicoTupe: Et juste, je vois on a des petites questions dans la chatroom la dessus pour être clair, la théorie M, c’est la théorie quantique à boucle?

David : Euh, non, alors la théorie M, la théorie M

NicoTupe: Tu peux juste nous dire non déjà juste pour que [Rire]

David : La théorie des cordes 10 dimensions, dans sa version ancienne c’était 26. Dans sa version moderne qu’on appelle super*symétrique, c’est 10 dimensions. Et en fait là c’est pareil, les gens ont trouvé 5 théories des cordes différentes, et un jour y a quelqu’un qui a dit que ces 5 théories, c’est 5 facettes de la même théorie. Donc, c’est unifier les théories d’unification et donc notamment, ce physicien fameux qui s’appelle Witten qui est un peu le dieu de la théorie des cordes, a dit “Il doit exister une théorie qui, elle serait en 11 dimensions, donc, une de plus qui unifierait les 5 théories des cordes”. Et il l’a appelé la théorie M, alors, il dit lui même qu’il ne sait pas très bien si M ca veut dire magique, matrice ou ne sais-je encore. Aujourd’hui, on en parle quand même beaucoup moins que il y a quelques années, c’est à dire que ca reste une théorie hypothétique, c’est à dire qu’il a dit “Tient, visiblement ces 5 théories de cordes semblent être des limites d’une théorie qui viendrait au dessus mais qui est pour l’instant une spéculation, donc il n’y a pas vraiment”, …, la théorie M n’est pas une théorie au sens je suis capable d’écrire les équations de la théorie M, c’est, il doit exister une théorie qui unifie machin.

Nicotupe : Donc juste pour situer les brans…les brans c’est encore autre chose

David : Les brans, alors, c’est des objets qui apparaissent dans certaines théories des cordes, alors, pour la faire simple, mais c’est pas tout à fait ça, les cordes c’est un peu des objets unidimensionnels, les particules c’est des objets à 0 dimensions donc les brans, on pourrait imaginer des objets à 2 dimensions ou à 3 dimensions.

Nicotupe: D’accord, de toute façon on va s’arrêter là sur ces sujets là. La quantique à boucle ca va suffir, mais c’était pour cadrer sur les questions. Quantique à boucle c’est autre chose que tout ces trucs là, c’est pas les cordes, c’est pas les brans, c’est pas la théorie M, c’est encore autre chose.

David: Alors, je continue avec la gravité quantique à boucle. Donc, Ashtekar reformule la relativité générale. Ca débloque un peu l’approche non perturbative et deux autres physiciens qui avec Ashtekar sont un peu les pères fondateurs de tout ça, qui s’appelle Carlo Rovelli qui est un italien et Lee Smolin, c’est un américain, finalement, au bout d’un moment, ils vont faire un pas qui a été assez déterminant, c’est qu’ils arrivent un peu à comprendre à quoi devrait ressembler l’espace-temps à l’échelle microscopique si on applique ces principes là. Et donc, ils arrivent à quelque chose qui de manière informel paraît assez naturel, mais mathématiquement, c’est pas du tout évident, c’est qu’ils montrent que l’espace-temps d’après la théorie de la gravité quantique à boucle serait discret. Alors, pourquoi c’est assez naturel, parce que ce que nous a montré l’exemple de l’atome d’hydrogène, c’est qu’on est passé d’une vision où tout était continu, par exemple, dans l’atome de Rutherford, l’électron peut se situer n’importe où, à n’importe quelle distance du proton, et quand on prend la théorie quantique, on se rend compte que non, il n’y a que certains niveaux d’énergie qui sont permis. Donc, on passe d’une vision continue à une vision discrète. Donc, Smolin et Rovelli montrent que quand on prend en compte les principes de la gravité quantique à boucle, l’espace-temps devient discret. Alors, ca veut dire quoi, ca veut dire qu’ils montrent que les dimensions, quand on mesure les dimensions, et notamment les dimensions des objets ne peuvent pas être n’importe quoi, mais sont quantifiées, c’est à dire qu’ils peuvent avoir une certaine longueur, une longueur un peu plus grande, mais pas entre les deux. Un peu de la même manière que les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène étaient discrets. Et tout ca se traduit par le fait qu’il existe une plus petite longueur possible qu’on appelle la longueur de Planck, et qui, heureusement pour nous, est très très très petite, puisqu’elle fait à peu près 10 puissance -35 mètre. Donc, ca veut dire, que d’après la gravité quantique à boucle, à l’échelle microscopique, enfin à l’échelle de 10 puissance -35 mètre, l’espace-temps est discret, en pratique, on s’en rend pas trop compte quoi. Donc ça, c’était le gros point qui a été débloqué par Smolin et Rovelli et à partir de là, y beaucoup de gens qui ont essayé de comprendre comment le, enfin la question de l’évolution de l’espace. C’est à dire que, par exemple, si je reprends à nouveau l’exemple de l’atome d’hydrogène, on sait qu’un électron qui est sur une orbite peut sauter sur une autre orbite en émettant de l’énergie, donc il peut passer d’un état à un autre. Donc, il s’est posé la même question pour l’espace-temps quantique, c’est à dire comment l’espace-temps peut passer d’un état à un autre. Donc ca, ca c’est passé, en fait ca s’est trouvé, c’est pas si simple à traiter, notamment pour une raison qui été mentionnée dans l’introduction, qui est que la gravité quantique à boucle à ce défaut de garder, de singulariser le temps par rapport à l’espace, c’est à dire, qu’en mécanique quantique, le temps reste un truc assez particulier qui joue un rôle bien précis, qui est pas tout à fait le même que celui de l’espace. Or, ce que nous à appris Einstein et tout ça, c’est que l’espace et le temps c’est deux choses qui se ressemblent beaucoup. Et donc, il y a beaucoup de gens qui ont travaillé dans les années 90 et 2000 à essayer de comprendre comment l’espace-temps, enfin, comment l’espace pouvait évoluer, enfin, comment se comporter l’espace-temps au niveau quantique. Au delà du fait qu’à un moment donné, l’espace nous apparaît discret,  comment est ce que cette discrétisation de l’espace-temps évolue avec le temps, et donc voila. Petite parenthèse, moi, j’ai entre autre travaillé sur ce sujet là avec une approche qu’on appelle parfois les mousses de spins, pour une raison qui va être difficile à décrire sans images, mais, (rire) .. mais qui en gros si on imagine, si on imagine un espace-temps discret fait de petits…. Il faut imaginer l’espace-temps discret, vous prenez des petits tétraèdres et vous les assemblez les uns avec les autres, un peu comme des légos, fait de petits tétraèdres et donc tout ca ressemblent un peu à certaines structures qu’on obtient quand on fait des mousses de savon par exemple.

Mousse de savon (Crédit: Laboratoire « Matière et systèmes complexes » (CNRS/Université Paris Diderot))

Robin : Mais on peut pas faire un pavage avec des tétraèdres!

Nicotupe : C’est exactement la réaction (rire)

David : (Rire) Alors c’est pas des tétraèdres réguliers, mon cher.

Robin : Non, certes.J’espère bien (rire)

David : Ceci dit, en mécanique quantique, tu fais ce que tu veux tu sais, la somme des angles peut faire ce qu’elle veut , fluctue, tout ca….

Robin : Par ailleurs, enfin, je pense qu’on aura une grosse discussion à un moment forcément, pas forcément tout de suite, on peut te laisser expliquer le truc jusqu’au bout, mais il y a eu plusieurs questions dans la chatroom et puis, il y a moi qui peux pas me retenir depuis le début, dans quelle mesure c’est des modèles, dans quel mesure on est en train de parler de quelque chose qui peut coller à une certaine réalité ou quoi  et notamment cette notion de discrétisation qui est quand même. Discret ca veut quand même dire qu’il y a des endroits où on peut pas être, quoi.

David : Ouais, absolument.

Robin : c’est euh un peu en sautant quoi.

Nicotupe : ca donne une super excuse pour poser un lapin, quoi.

David: (rire)

Robin : Il va y avoir une discussion à avoir, voilà, qu’elle est la réalité de tous ces modèles quoi.

David : Ouais, ouais.

Robin : Bon, peut être pas maintenant.

Johan : On a une question pendant qu’il y a une coupure, il y a donc Schkone qui demande si “monde discret ca veut dire monde voxelizé ou alors juste dire que la plus petite longueur c’est celle de Planck, je ne sais pas si je suis clair”.

David : Euh, ouais je veux dire, les deux formulations sont raisonnablement correctes, c’est à dire que effectivement, on est dans un monde qui est en quelque sorte voxelizé et la taille élémentaire du plus petit voxel possible est effectivement la longueur de Planck plus ou moins un facteur racine de 2 pi je sais plus quoi.

Johan : Et on à un dessin de Puyo, aussi pendant que j’y suis, qui vient d’arriver dans la chatroom, et juste avant un dessin de Valentine, et donc voila, je vous encourage à aller les voir, sur Youtube, et toi tu peux aller les voir maintenant, et j’arrête mon interruption.

David : Alors, je vais essayer de conclure rapidement cette partie, euh, l’histoire de la gravité quantique à boucle, euh, donc alors où est ce qu’on en est aujourd’hui. Une fois qu’on a formulé une belle théorie. Alors la première chose qu’il faut avoir en tête, c’est que la théorie est pas un édifice parfaitement solide, sans ambiguïtés, etc. C’est ce que je disais, à tout moment quand on essaye d’appliquer cette approche de quantification pour créer une théorie de la gravité quantique on se heurte sans cesse à des choix, il faut faire des choix, choisir certains objets mathématiques plutôt que d’autre, etc donc il existe déjà plusieurs versions. Il y a des moments où on est obligé de faire un peu des entorses parce que mathématiquement, c’est pas hyper bien bordé, etc. donc voilà, d’un point de vue théorique c’est pas non plus un édifice parfaitement carré. La deuxième question qui se pose,  c’est:”Est ce qu’on a des chances de trouver des éléments expérimentaux qui peuvent nous dire si on est sur la bonne voie ou pas”. Et donc, je disais, on a essentiellement deux situations dans lesquels on a envie d’avoir une théorie de la gravité quantique, c’est le, les premiers instants du Big Bang, et puis c’est ce qui se passe au centre des trous noirs. Alors, les premiers instants du Big Bang, c’est sympa parce que mine de rien on sait quand même observer un certain nombre de chose concernant le big Bang, et notamment, il ya quelque chose d’assez fantastique c’est le rayonnement cosmologique et donc, le rayonnement cosmologique c’est quoi. Alors, on, dit souvent que c’est un peu l’écho du Big Bang. Alors c’est pas tout à fait ça, c’est un reste de rayonnement qui a commencé à se propager 3000.000 ans après l’hypothétique instant zéro.Alors, pourquoi je dis hypothétique, c’est que j’ai expliqué tout à l’heure qu’on savait pas s’il y avait un instant 0 mais mine de rien, pour compter les durée c’est quand même pratique de faire comme s’il y en avait eu un et donc de compter à partir de cet hypothétique…

Nicotupe : 300.000 ans

David : Ouais

Nicotupe : C’est le moment où la lumière à commencer à apparaître, c’est ça?

David : Alors, ce qui se passe c’est qu’avant 300.00 ans, il faisait très chaud, et donc essentiellement tous les atomes étaient ionisés, c’est à dire que le, les électrons, les protons se baladaient chacun de leur côté, et donc la lumière avait beaucoup de mal à se propager parce que quand elle rencontre des particules chargés, elle tout de suite, est immédiatement absorbé et réémis donc c’est un joyeux, …, la lumière interagit beaucoup avec ces particules et à partir de 300.000 ans, il a commencé à faire suffisamment froid, il faisait moins de je ne sais plus combien 3000°K ou un truc comme ca, les atomes ont commencé à pouvoir se former, les électrons ont commencé à tourner, enfin, se rapprocher des protons, etc, et du coup, la matière est devenu transparente c’est à dire que la lumière interagit beaucoup moins avec la matière non ionisée. Et donc, hop, le rayonnement a commencé à pouvoir se propager sans cesser d’être absorbé, et ce rayonnement se propage, se propage et on continue à le voir partout aujourd’hui, et il continue à baigner partout l’univers. Donc, c’est ça le rayonnement cosmologique. Donc, c’est pas tout à fait, c’est un vestige quand même de relativement tard après l’hypothétique instant 0 puisque c’est 300.00 ans. Il n’empêche qu’aujourd’hui on sait mesurer des choses très très précise sur ce rayonnement, et notamment on sait mesurer, c’est un peu compliqué, mais on sait mesurer ses fluctuations angulaires. Alors, qu’est ce que ça veut dire, ça veut dire que je regarde dans une certaine direction du ciel et puis je regarde 3 degrés à droite, 3 degrés à gauche, 10 degrés etc.  et je regarde dans quelle mesure le rayonnement fluctue. Et en fait, il fluctue très peu mais on arrive très bien à le mesurer avec des satellites, et la courbe des fluctuations du rayonnement cosmologique est un truc absolument fabuleux, parce que c’est une courbe qui est quand même très très typique, enfin, c’est pas n’importe quelle courbe, il y a des pics, des oscillations etc. Et ca colle parfaitement avec la théorie. Et c’est pareil, quand j’entends des gens qui me critique la théorie du Big Bang dont ils ont vaguement compris un ou deux trucs, je vais dire, trouvez moi une théorie qui arrive a fitter le spectre de fluctuation du rayonnement cosmologique c’est quand même un truc de malade.

NicoTupe : Et ça colle à, quand tu dis que ca colle avec la théorie, puisqu’on était dans la théorie des boucles là.

David : Avec la relativité générale, oui, pardon.

NicoTupe : Avec la relativité générale d’accord.

David : Euh, et donc, l’espoir c’est dire dans ce spectre de fluctuation qui est un truc hyper sensible, hyper fin, peut être qu’on va quand même arriver à détecter quelques traces de ce qui s’est passé proche de l’instance 0, à l’époque où on sait que les phénomènes quantiques jouaient et donc peut être, si, qu’une théorie de la gravité quantique aurait laissé des traces dans ces fluctuations.

NicoTupe: Et on pense que ça a joué pendant combien de temps après le Big Bang parce que là, on est a 300.000 ans plus tard, l’univers doit avoir une certaine taille.

David : Ouais, alors, la beauté de la chose, c’est qu’au tout début de l’univers, il y a eu en imaginant qu’il y ai une théorie de l’espace-temps quantique, il y a eu notamment des fluctuations de l’espace temps, et en fait, ces fluctuations là, finalement, sont restées un peu gravées dans le marbre parce que l’univers s’est étendu et même jusqu’à aujourd’hui, on vit dans un  univers qui est globalement homogène mais localement pas du tout homogène. C’est à dire que globalement, il a l’air de ressembler, d’être partout pareil, sauf que localement il y a des endroits où il y a des galaxies, d’autres où il y en a pas. Le fait que l’univers aujourd’hui ait une structure, avec des endroits où il y a des galaxies c’est finalement, un vestige amplifié des fluctuations quantiques qu’il y avait au départ, donc on a  l’espoir quand même de détecter un peu des signatures de la gravité quantique en observant notamment les fluctuations du rayonnement cosmologique. Alors, pourquoi je raconte tout ça, parce que notamment, il y a pas très très longtemps, il y a eu un papier que j’ai trouvé assez sympathique donc une publication de Ashtekar qui a été à l’origine de l’histoire, et d’un physicien français qui travaille dans la gravité quantique qui s’appelle Aurélien Barrau. et ils ont tous les deux calculé quel serait l’impact d’une théorie de la gravité quantique à boucle sur les fluctuations cosmologique et donc ils ont, voilà. Et donc ce qu’on voit c’est qu’effectivement qu’aujourd’hui les changements qui sont prédit par la théorie de la gravité quantique à boucle, par rapport à une théorie relativité générale pure, sont dans les barres d’erreur des mesures qu’on fait aujourd’hui dans le rayonnement cosmologique mais on est en droit de rêver qu’un jour les barres d’erreur vont se réduire et qu’on sera capable de dire oui ça marche, non, ça marche pas. On est pas en train de parler de demain, mais la gravité quantique à boucle fait des prédictions expérimentales qui aujourd’hui ne sont pas vérifiables parce qu’on est dans les barres d’erreurs mais qui un jour le seront.

 

 

NicoTupe: Et est ce que les différentes théories, et entre autre la gravitation quantique à boucle changent l’âge de l’univers?

David: Alors (rire)

NicoTupe : Vaste question.

David : Non, non, c’est une excellente question, Ah oui, il y a quelqu’un qui a eu la gentillesse de retrouver ce graphique donc je parle.

Nicotupe: On a une chatroom merveilleuse

 

 

David: Voila, c’est génial. Alors, je commente ce graphique pour ceux qui le voit. Vous avez, les points bleus, ce sont les données expérimentales, ce sont les fluctuations du rayonnement cosmologique mesuré notamment par le satellite Planck, la courbe bleue ou qui est quoi grise, c’est ce que prédit la cosmologie classique et donc vous voyez déjà la cosmologie classique fitte merveilleusement bien cette courbe qui n’est quand même pas une courbe anodine, c’est pas juste une droite ou un truc, je veux dire, il y a des fluctuations, avec des pics etc. Donc c’est quand même incroyable.Et en rouge, c’est la prédiction de la cosmologie quantique à boucle, donc on voit qu’elle est pareille sur les petites, enfin, je vais pas rentrer dans les détails mais disons sur la droite de la courbe qui est la fluctuation sur les petits angles mais qu’elle diffère de la théorie classique sur la fluctuation aux grands angles. Et aujourd’hui ça diffère dans une zone où les barres d’erreurs sont très grosses mais, alors on peut rêver qu’un jour on saura lever l’incertitude et ben dire si c’est la courbe grise qui marche mieux que la rouge ou autre chose. Euh, du coup, j’étais parti d’une question que tu m’avais posé.

L’épisode #311 de Podcast Science, où l’on parle de la mission Planck.

 

Nicotupe : Oui, je t’avais demandé si toutes ces théories donnaient un âge d’univers différent.

David : Ah, oui.

NicoTupe : Sensiblement.

David : Et donc alors, il y a une version  de la cosmologie quantique à boucle qui en gros élimine un peu l’idée d’un instant, d’un moment où l’univers serait né, pour une raison qui est un peu analogue que l’électron ne peut pas se crasher sur le proton dans l’atome d’hydrogène, c’est à dire que j’avais expliqué que dans la théorie classique, l’électron perdrait de l’énergie par rayonnement et irait se crasher dans le proton dans l’atome de Rutherford, et en fait la mécanique quantique empêchait ce phénomène parce que la quantification des niveaux d’énergies protégeait l’atome de ce crash là; c’est à dire qu’une fois que l’électron est sur son niveau d’énergie le plus bas, et ben, il ne peut pas descendre plus bas et il peut pas se crasher dans le proton. Et donc, en gravité quantique à boucle, il se passe un phénomène analogue qui nous dit que finalement, quand on commence, si on remonte le film de l’univers et qu’on essaye de contracter l’univers de plus en plus, et ben, au bout d’un moment ça coince. C’est à dire qu’on arrive pas à le réduire jusqu’à un point infinitésimal, quand la courbure de l’univers atteint en gros la longueur de Planck, ben, ça coince et en fait ça rebondit. Donc si on remonte les équations à l’envers, l’univers rebondit et cette théorie nous dit que ben en fait le Big Bang n’a pas été un moment de naissance de l’univers mais un moment ou un univers précédent qui aurait commencé à s’effondrer aurait pu rebondir, c’est à dire jamais atteindre vraiment où il est dans un état de taille infinitésimal mais rebondir du fait qu’il existe une plus petite longueur et donc l’univers à un moment donné, ne peut pas se réduire à un point. Voilà, j’espère que c’est clair.

NicoTupe: Ouais, ouais, d’accord.

David: Donc voilà où on en est aujourd’hui, on a une théorie qui sur le plan mathématique n’est pas encore complètement carrée, on a des débuts de prédictions expérimentales dans des domaines où aujourd’hui on ne sait pas forcément aller chercher. Je vais encore faire un peu de bashing de théorie des cordes, mais une des choses séduisantes avec la gravité quantique à boucle, c’est que c’est une théorie qui se mouille, c’est à dire qu’à un moment donné, elle dit “Ben, la prédiction expérimentale c’est cà et s’il s’avère que c’est pas ça, c’est que c’est qu’on s’est planté”. Donc d’un point de vue épistémologique, c’est relativement sain. Ça fait des prédictions falsifiables.Une des choses qu’on reproche beaucoup à la théorie des cordes, c’est qu’en fait qu’elle a tellement de paramètres libres, du genre 10 puissance 500, que de toute façon, n’importe quel résultat expérimental, elle arrivera à s’en accommoder donc, euh…. Donc autant il n’existe pas une théorie des cordes aujourd’hui qui fait une prédiction non ambiguë, autant en gravité quantique à boucle, la théorie se mouille un peu plus.

NicoTupe: La théorie des cordes, tu dis il y a 10 puissance 500…

David: paramètres libres.

NicoTupe: …. qu’on peut tourner quoi.

David: Oui, c’est ça. En gros, alors…

NicoTupe: Du coup avec des échelles comme ça, ca veut dire qu’on en est à faire de l’apprentissage par des machines, pour résoudre des théories.

David: Ouais, c’est à peu près ça, sauf que tu imagine avoir 10 puissance 500 neurones ou .. Tu vois. Alors, juste pour expliquer d’où ça vient ce truc là, c’est lié aux fameuses dimensions à laquelle la théorie des cordes nous dit, il y a 10 dimensions, nous, on en voit que 4, donc il faut dire où sont passé les 6 restantes, et en fait pour dire quel est la forme de cet espace à 6 dimensions qu’on voit pas, il y a alors, je dis 10 puissance 500, j’exagère, c’est peut être juste 10 puissance 100, manières de le faire, qui du coup on des conséquences sur les prédictions physiques. Ce qui veut dire que tu me donne demain, n’importe quel résultat expérimental, sur le papier, enfin en théorie.

NicoTupe : Il faudrait quasiment le même ordre de grandeur de résultats expérimentaux.

David : Voilà, c’est ça. La théorie des cordes peut s’accommoder de n’importe quel résultat expérimental, grosso modo.

NicoTupe : Tu voulais parler d’autre chose, ou tu veux qu’on aborde les questions, parce qu’il y a eu quand même quelques questions.

David : Non, j’ai à peu près… Si, alors, je vais juste dire un dernier petit truc aussi que je trouve assez séduisant sur ces questions de vérifications expérimentales. La théorie des cordes, euh, pardon, la gravité quantique à boucle nous dit, l’espace-temps est discret, et ça, ça nous rappelle un peu ce qui s’est passé en physique du solide, quand on a commencé à dire, ben en fait, quand on voit des matériaux comme je sais pas moi, un caillou, sa structure n’est pas continue, si on descend à l’échelle de l’atome elle est discrète. Et ça, c’est des choses qu’on sait voir quand on balance des rayons X, parce que quand on balance un rayon X, la longueur d’onde d’un rayon X est à peu près du même ordre de grandeur ou plus petite que l’espace entre les atomes, et donc les rayons X voient la structure discrète d’un caillou.

Johan : On avait fait d’ailleurs, pardon, je t’interromps, mais euh, un super dossier de Robin, LE dossier physique de Robin, qui était venu nous parler des pseudo-cristaux et qui nous montrait un tas de jolies projections, qui, .. quand on envoie des rayons X sur certains cristaux ça fait des pavages et c’est ça des structures de diffractions, et du coup certains qui sont réguliers, certains qui sont pseudo-réguliers. Je vous conseille, enfin, moi j’avais adoré c’était celui qui s’appelait Cristallographie comme épisode et c’était l’épisode de physique de Robin.

David : D’accord. Et donc voilà, avec l’espace temps, on pourrait imaginer faire de la cristallographie de l’espace-temps. C’est à dire, on nous dit l’espace-temps est discret ben, normalement, si on commence à propager dans l’espace-temps des rayons suffisamment énergétiques, à un moment donné, les rayons devraient sentir la structure discrète de l’espace-temps. Alors, le problème, c’est que des rayons suffisamment puissants pour sentir cette structure ne sont pas facile à fabriquer, mais de temps en temps, on capte certains rayons cosmiques de très très haute énergie, on n’en capte pas tout les 4 matins, et donc il y  a un certain nombre de recherches qui sont fait pour voire si dans ce qu’on capte de ces rayons de très haute énergie on pourrait pas trouvé des signatures de la nature discrète de l’espace-temps. Donc voila, avec le côté cosmologie, c’est un peu l’autre manière qu’on pourrait avoir de commencer à essayer de trouver des réponses à ces questions de confirmations expérimentales. Donc, voila, j’ai a peu près fait le tour de ma feuille. Ouash. J’ai plein de trucs dont j’ai pas parlé mais euh..

NicoTupe : On a eu quelques questions, je pense que certaines vont prendre du temps donc on va commencer par celle qui vont prendre du temps, parce que je crois que les autres tu les a à peu près abordées sur le continu/discret etc…Mais qui est intéressante, et qu’on a tendance de plus en plus à poser aux physiciens que l’on reçoit, c’est Maël qui pose cette question :

“Quand je pense à la physique en tant que matheux, et stateux en particulier, c’est tout les modèles sont faux, certains sont utiles” de, je ne sais pas son prénom, mais c’est Box son nom de famille. La question est donc “Croit on à la relativité générale et/ou à la mécanique quantique ou autres théories unifiés, ou croit on au modèle standard où pense t’on que c’est uniquement un modèle?”. Je pense que pour aller plus dans la question, en gros l’idée, c’est quand tu dis pour un exemple concret, l’espace-temps est discret, est ce que tu crois que l’espace-temps est discret ou que tu pense que c’est un modèle qui est pas si mal pour représenter tout ça?

David : Tout est modèle. Quand je dis l’espace à trois dimensions, c’est un modèle. C’est à dire quand je dis “L’espace à 3 dimensions”, en fait ce que je dit c’est “Tiens j’ai trouvé un outil mathématique pratique qui s’appelle un espace vectoriel à 3 dimensions qui colle relativement bien avec les expériences que je veux faire”. Je vais dire, ca me fait hurler, mais je le fais aussi parce que ça raccourcit le langage mais; il faut pas croire que la physique théorique nous dit ce qu’est la réalité. Quand on dit tel truc est une onde ou tel machin est discret, le verbe “être” nous laisse sous entendre que la physique théorique nous dit quelque chose sur la réalité physique profonde des choses.

NicoTupe: Ouais, mais typiquement.

David: et c’est pas vrai!

NicoTupe : Typiquement, est ce que le boson existe?  c’est pareil en fait.

David : Non, c’est juste, on a trouvé un modèle mathématique sympathique dans lequel on a une excitation du champs d’onde qu’on a choisi d’appeler le boson et qui colle assez bien avec l’expérience.

NicoTupe: Donc c’est bon, Robin, les forces ça existe pas, les flèches là, ça existe pas.

(RIRE)

David: Pour moi, la réalité, il y a qu’une seule chose qui existe, la réalité se limite à une seule chose. La réalité, c’est le résultat des manips. J’appuie sur tel bouton, il se passe tel truc. La réalité, c’est ça, c’est l’ensemble des résultats des manips.

Johan: et les manips ça inclut aussi qu’est ce que nos yeux voient qui sont une sorte d’expérience sur le monde.

David: Mouis, oui, si tu veux ouais. Mais tout les trucs du genre, même savoir dire l’espace -temps à 10 dimensions, c’est juste, on a trouvé un modèle et euh..Et notamment on pourrait tout à fait imaginer que demain, quelqu’un se pointe avec un modèle de l’espace-temps, enfin, avec une théorie de la gravité quantique qui fonctionne parfaitement, qui soit vérifiée expérimentalement, et qui utilise 4 dimensions et un autre se pointe avec une théorie de l’espace-temps qui en utilise 10 et juste, ben, les intermédiaires de mathématiques de calcul sont pas les même mais à la fin les prédictions physiques sont les mêmes. Donc, faut vraiment être prudent de ne pas identifier les objets mathématiques, ou les modèles avec la réalité. La réalité, en fait on en sait rien, et on s’en fout quoi.

Robin : Holala, comment ça fait du bien

David : J’espère que ca répond à la question.

Robin: Alors moi en tout cas ça m’a fait une cure, mais alors, tu peux même pas imaginer parce qu’on avait quand même fait une heure de discussion où j’avais tenu ce genre de discours et m’avait pris pour un cinglé. J’avais dit que ca me rassurerait qu’il y aurait plusieurs théories pour décrire un même truc et que je trouvais ça normal, et j’étais passé pour un cinglé.

NicoTupe : Non, mais et puis on a aussi des réponses un peu variés. C’est à dire qu’on avait reçu Nicolas Gisain, je vais en reparler parce que c’est mon arlésienne, mais où on avait beaucoup discuté, ou il nous avait parlait de l’intrication quantique. Bon, c’était il y a déjà deux ans donc ça a surement beaucoup progressé sans doute dessus, mais il nous disait on a une théorie qui fonctionne très très bien, mais du fait que dans l’intrication c’est non, comment, non local, aujourd’hui, on a pas d’histoire à raconter qui satisfasse les physiciens théoriques, même si on a les équations mathématiques qui marchent. Et mine de rien, on voit que malgré le fait que tu maintiennent le côté “ça n’existe pas, ce n’est que des modèles”, on a quand même besoin cette histoire, ce modèle à raconter même au delà des équations quoi.

David: Parce que, en pratique ça marche bien. En pratique se dire qu’il y a une force de gravité qui fait tomber les objets vers le sol, on a envie de penser que la force existe, qu’elle est réelle. Bon, en pratique, on a juste un type qui a dit “ben tiens, on va décrire çà par une force” et puis derrière on à un type qui a dit “ben, non, on va décrire ça par la courbure de l’espace-temps”. Je veux dire, l’espace-temps n’est pas plus courbé que la force existe, quoi.

Robin: Ouais, c’est ça. Là déjà, c’est deux manières différentes de décrire la même chose en fait. On pourrait adapter la théorie de Newton sans courber l’espace-temps pour avoir des corrections à la limite.

David: Oui, çà doit être possible, je suis pas sûr que…(rire)

Robin: Ça doit être très très emmerdant mais faisable (rire). Mais je trouve que du coup, après il y a des questions qui se posent sur l’infini et sur les points, c’est qu’effectivement on passe notre temps à parler de continu et de discret, de dire euh, est ce que le monde.. Enfin, d’une certaine manière, c’est quand même la question qui est posée. Et c’est vrai que j’aurai tendance à me dire intuitivement, vu qu’il y a une grosse différence mathématique irréconciliable entre des points séparés les uns des autres et des trucs continus de dire qu’on pourra jamais dire si le monde est l’un ou l’autre. Enfin, cette …

David : Non, c’est clair.

Robin : Cette différence entre les deux modèles mathématiques et où on voit qu’en mathématique c’est irréconciliable, pour moi, ça me donne évidemment l’intuition que ce sera toujours pareil pour la physique quoi.

David :  Ah, oui, absolument, peut être que demain quelqu’un va se pointer avec une théorie qui mathématiquement n’utilise que des variétés continues et des machins comme cà et qui va faire les même prédictions physique que la gravité quantique à boucle. Et encore une fois, le seul truc qui compte, c’est le résultat des manips. C’est à dire que quand je dis l’espace -temps est discret, en fait je suis pas en train d’énoncer le résultat d’une manip. Quand, je dis si j’observe un rayon cosmique de très haute énergie alors son spectre va être décalé comme-ci, comme-ça, là, je parle du résultat d’une manip. Et si ça se trouve demain, on va observer des phénomènes comme ça et on va trouver deux théories qui mathématiquement vont utiliser des objets différents, certains discrets d’autres continus mais qui en terme de prédictions physiques vont être exactement les même. C’est d’ailleurs un peu ce que j’ai raconté au début quand j’ai parlé de du fait que Ashtekar avait trouvé une nouvelle formulation mathématique de la relativité générale. Dans la relativité générale, il y a cet objet qu’on appelle la métrique qui sert à mesurer des distances, dans la théorie d’Ashtekar, il n’y en a pas. C’est juste un objet mathématique différent. Alors, est ce que la métrique existe? Ben, non, elle n’existe pas plus que le champs électromagnétique.

NicoTupe: On avait une question de David Loureiro qui parait technique au premier abord mais en fait revient sur des choses que tu as dis au tout début mais ça va peut être valoir le coup que tu développe un tout petit peu.”Est-ce que la situation décrite par Smolin dans son bouquin sur la crise de la théorie des cordes, sur la situation compliquée pour avoir des thésards en gravité quantique à boucle par rapport à la théorie des cordes est réelle ? Où en est-on de la proportion entre les deux?” et en fait, à priori, le bouquin est sous mes yeux, tu l’avais amené en préparation.

David : Alors, oui, la situation est réelle, euh, je pense qu’elle a bougé depuis l’époque où j’ai fait ma thèse, donc elle remonte à, oh la la, plus de 10 ans je pense qu’elle est toujours à peu près du même ordre, c’est à dire que en gros qu’aujourd’hui 90/95 % des efforts de recherche sur le problème de la gravité quantique va à la théorie des cordes, aussi bien en terme de financement que d’exposition médiatique que de postes ouverts et donc fatalement de la manière dont tu attire les jeunes physiciens. et donc moi, c’est presque un accident de parcours que je me sois retrouvé embringué dans la gravité quantique à boucle, c’est à dire que moi, deux ans avant de découvrir la gravité quantique à boucle, ben je voulais faire de la théorie des cordes, comme tout le monde. Donc, oui, c’est toujours le cas. Il y a juste effectivement  sur le côté espace médiatique où ça bouge un petit peu parce que des gens comme Lee Smolin ou Carlo Rovelli écrivent des bouquins sont des, communiquent bien, etc. Donc moi aussi j’essaye du coup de… Parce oui, je l’ai pas dit, mais pour ceux qui n’aurait pas suivi c’est un domaine que j’ai arrêté, enfin, j’ai arrêté de travailler dans ce domaine à la fin de ma thèse. Donc je n’ai plus de conflit d’intérêt, mais moi aussi à ma manière, j’essaye de populariser l’approche. Mais donc, c’est vrai encore que c’est la théorie des cordes qui truste notamment, et c’est un vrai problème, les financements et donc les postes. Donc, en gros aujourd’hui, un jeune physicien qui s’engage dans la gravité quantique à boucle faut qu’il note bien l’adresse de Pôle Emploi, quoi. (rire)

Johan : (Rire)

David : Non, mais c’est vrai, moi c’est ce qu’on m’avait dit, mais moi j’était prêt. C’est à dire qu’on m’avait dit. ” Ok, tu veux aller t’éclater dans la gravité quantique à boucle, super, va s’y, c’est quoi ton plan B?” et donc ceux  qui écoute et qui veulent éventuellement faire de la gravité quantique à boucle c’est cool.

Robin C’est à dire que tu es en plan B, là.

David : Oui, bien sur, bien sur.

Johan : Et tu parlais, pardon, j’interviens, tu parlais d’Aurélien Barrau un peu plus tôt. Ca fait parti de ces gens qui sont ces avocats? Parce qu’il est un peu médiatique Enfin, il écrit des bouquins…

David : Oui, c’est vrai. Aurélien aussi.

Robin : Et il passe au Palais de la découverte bientôt d’ailleurs, tiens.

David : Ah, d’accord, super.

Johan: J’aimerai bien l’inviter, je suis en train de lire son dernier bouquin sur la vérité dans les sciences donc c’est bien, donc on va l’inviter un jour.

David : Mais tu vois, sauf erreur de ma part, Aurélien, il est venu à la gravité quantique à boucle entre guillemet sur le tard, c’est à dire, il n’a pas fait sa thèse sur ce domaine et il y est venu après coup. C’est à dire qu’il a choppé son poste en travaillant sur des sujets différents.

Johan : Ben, euh, il vient de la cosmologie aussi, donc je sais pas exactement…

David : Oui, c’est ça il vient d’une filière plus classique je pense.

Johan : Comment est ce qu’on arrive à ce genre de théorie? On part de physique des particules? C’est une question. Est ce qu’on part plutôt de la physique des particules ou est ce qu’on part plutôt de la cosmologie et de la relativité, ou est ce que c’est les deux?

David : Alors, c’est un peu les deux. Philosophiquement, alors c’est très caricatural ce que je vais dire, mais philosophiquement, les gens qui sont des supporters de la gravité quantique à boucle ont plutôt tendance à venir de la relativité générale, alors que ceux qui sont des supporters de la théories des cordes ont plutôt tendance à venir de la physique des particules. C’est très résumé mais, y a un peu ça.

Johan : D’accord, donc on relativise la physique quantique ou on quantifie la relativité générale.

David : C’est plus la question de qu’est ce qu’on décide de sacrifier. c’est à dire que les gens qui font de la théorie des cordes décident de s’accrocher à cette méthode perturbative qui a fonctionné si bien pour la physique des particules, quitte à aller assassiner un peu la relativité générale, alors que les gens qui font de la gravité quantique à boucle se disent “Non, non, la relativité générale c’est quand même un truc sérieux, et donc changeons un peu de méthode par rapport à ce qui a été fait pour faire toute la physique des particules.”

NicoTupe : On a une question de Didier qui je pense que tu va y répondre juste avec la relativité générale mais c’est important parce que c’est vrai que des fois on passe très vite sur ces sujets là. “Au sujet de l’Univers rebondissant lorsqu’il a atteint la taille du mur de Planck, cela implique t-il que l’Univers soit fini? Car s’il est infini, il ne peut pas, même en se contractant, atteindre une taille finie?”

David : Alors, pour être précis, c’est pas vraiment la taille de l’univers qui atteint un truc fini. C’est son rayon de courbure. Donc, euh, faudrait que je…

NicoTupe: Même au début quand on dit l’univers est tout petit, en fait il est toujours infini.

David : Alors, on sait pas en fait. c’est à dire que la théorie..

NicoTupe : Après les premiers moments où on ne sais pas du tout.

David : Non, non, mais la théorie du Big Bang, qui consiste à remonter le film que j’expliquai tout à l’heure, s’accommode très bien d’un univers fini ou infini. C’est à dire qu’on peut jouer au jeu du Big Bang en imaginant un univers qui soit, disons, sur l’équivalent d’une sphère, c’est à dire un univers fini qu’on va gonfler, dégonfler, etc… Mais ça marche aussi en se mettant dans un univers hyperbolique, c’est à dire la fameuse selle de cheval, ou le pringles que l’on prolongerait à l’infini et on peut s’amuser à contracter ce truc comme ça. Donc, non, la théorie du Big Bang est..

NicoTupe: Donc on peut avoir un univers quasiment ponctuel mais infini.

David : Ouais. Ce qui est quand même assez fascinant.

NicoTupe: Je pense que ça répond à la question de David. Je suis pas sûr que ça va l’aider à dormir mais ca répond à sa question en tout cas.

David (rire)

NicoTupe : Est ce qu’on avait d’autres questions? Je crois pas.

Robin : Mais donc tu est d’accord qu’on a pas le droit de dire infiniment petit et infiniment grand ou pas quand on parle de physique? (rire)

David (Rire) : Ok, ok

Robin : Non, parce que toi ça te fout des boutons quand tu entends c’est comme ci, c’est comme ca

David Oui oui, t’a raison, t’a raison.

Robin AH! A partir de maintenant, je t’excuse alors.

NicoTupe: Tu vois y a des physiciens sympas en fait.  

Johan: J’aime bien parce que les mathématiciens sur Podcast Science invitent des physiciens mais en fait, ils gardent leurs idées (rires) bien ancrées

David : (rire)

Johan : Et ils te les placent à un moment ou à un autre.

Robin : Les physiciens nous donnent raison. Ben y a un moment ou euh, on les oblige à faire leur coming-out et à dire que ce qu’ils disent d’habitude c’est mal.

David : J’avoue.

NicoTupe : Je te laisse reprendre la main, euh…

David : Et tu sais que des fois je permute des intégrales sans vérifier que le théorème de Fubini s’applique, hein… (rire).

Robin : Il est fou!

Johan : Ahahah, y a un thésard qui m’a sorti Fubini la dernière fois pour inverser des intégrales, je lui ai dit “Arrête, Arrête” ..

Robin : Je vous rappelle qu’on à une émission avec un public relativement large les enfants.

David : Oh, excusez moi.

(Rire)

NicoTupe : On va passer au Pitch, le temps que David prépare une quote, ce dont je ne l’ai pas prévenu. Enfin, si, un tout petit peu avant.

Donc la semaine prochaine on a le retour d’un roue libre avec Alan Lamontara et Aurélie Papilloud et donc, pour la prochaine émission roue libre notre vieux dictateur Alan a invité donc, les deux personnes que je viens dire pour pas reprononcer leurs noms par peur de les avoir mal prononcé, président de l’association BioScience Network Lausane et Aurélie Papilloud membre active de l’association pour venir nous parler du projet qu’ils sont en train de monter en ce moment. Cela s’appelle “Exposure”, il s’agit d’un Hackaton de film scientifique permettant à des étudiants en science du vivant de communiquer avec le grand public et permettant au grand public d’avoir une idée de ce qui se passe dans le monde académique. Donc voilà, un vaste programme, et comme c’est Roue Libre, on retrouvera également des messages d’auditeurs et pourquoi pas quelques rubriques surprises.

Voilà Voilà, bien écoutez, ça s’annonce bien.

On passe à la quote, David, du coup?

David : Ouais, ouais, déjà la dernière fois je m’étais fait avoir, on m’avait annoncé au dernier moment qu’il fallait que j’en prépare une donc là j’avais un peu anticipé le coup même si tu ne me l’avais pas dit. Alors je vais en choisir une qui a peut-être déjà été évoqué parce qu’on a parlé, tout à l’heure, on parlait de faire l’unification et on parlait de Newton, et du fait que Newton a fait un tour de force, et donc, il y a une citation de Paul Valery que j’aime bien qui dit :

“Il fallait être Newton pour apercevoir que la lune tombe, quand tout le monde voit bien qu’elle ne tombe pas”

Ce qui traduit assez bien le fait que Newton avait vu ce truc de dingue qui était que le même phénomène physique expliquait la chute de la pomme et le fait que la Lune tourne autour de la Terre.

Robin: Ça me rappelle quelque chose. C’est pas déjà celle-la que tu avait sorti la dernière fois? (Rire)

David : Non, je crois pas, non non, la dernière fois,

Robin : Bon y a quelqu’un d’autre qui l’a donné alors.

David : euh, je vais pas la ressortir.

Robin: Non, non, non, mais ça donne (inaudible) est très belle.

David : Mais ça donne quelque chose comme “Une bonne présentation c’est comme une mini-jupe …”

NicoTupe : Comme on a pas bien répertorié nos quotes,

Robin: C’est vrai

NicoTupe : on est pas même pas capable de savoir si elle a déjà été dit

Robin : Mais c’est pas grave elle est très bien. Elle mérite d’être répétée.

NicoTupe : Voila. On a Lè qui vient d’arriver dans la chatroom, j’espère qu’il va pas reposer de questions sur son article …

Le quizz du mois, je vous laisse faire, parce que j’ai oublié quel était le quizz du mois exactement.

Robin : C’était sur les petits oiseaux, non?

NicoTupe: Ouais, va s’y.

Robin : Ben, je l’ai pas sous les yeux mais c’était “Est ce que le fait de ramasser un petit oiseau pour le remettre dans le lit, dans le nid, pardon, c’est moi qui devrait aller dans le lit, pardon, Est ce que le fait de ramasser un petit oiseau, de toucher un petit oiseau et de le remettre dans son nid fait que ses parents vont l’abandonner”. Info/intox

NicoTupe: Est ce que tu as un avis, David?

David : Hmmmm. Mouais, je vais dire info, allez.

NicoTupe : C’est un quizz proposé par Alan, donc c’est Intox normalement c’est ca?

Robin: (Rire) Après, on peut poser la question différemment, quelle est la probabilité qu’il survive, est ce que la probabilité, si on le touche est elle plus élevée ou plus forte…

NicoTupe: Un oiseau de Shrödinger quoi

Robin : Ouais, surtout s’il y a un chat dans les parages, tout ca.

David : Et puis faut le faire sur un nombre significatif d’oiseaux, en contrôlant pour les facteurs de confusions.

NicoTupe : Ok, Ok quelques plugs.

Avant toute chose, parce que j’ai pas ré-écouté toutes les émissions où  j’étais pas là complètement, est ce que vous avez déjà parlé du livre de MicMaths ou pas encore.

Robin : Non, enfin moi, non.

NicoTupe: Je crois pas. Donc on va vite faire un petit clin d’œil parce que c’est la saison des livres; on a déjà fait plein de clins d’œil sur le livre d’Eljj, sur le livre de Jean-Michel Abrassart mais y a aussi MicMaths qui a sorti son “Grand Roman des maths”. Je l’ai pas encore commencé mais ça à l’air très bien, en tout cas sa description sur Youtube me donne très envie, ca à l’air d’être quelque chose qui raconte toute l’histoire des mathématiques, les questions qui ont pu se poser et il disait quelque chose que je trouve assez vrai, MicMaths, donc qu’on avait reçu dans un épisode qui est que dans son bouquin, il rappelle que en fait plein de questions que se pose les gens sur les mathématiques aujourd’hui, des gens qui découvrent les mathématiques quand ils vont au palais de la découverte, etc… sont en fait des questions qui ont beaucoup tracassé les mathématiciens à une certaine époque de l’histoire et qui ne sont donc pas du tout des questions bêtes, et sont même historiquement très intéressantes. Voilà, voilà, je sais pas si tu partages, Robin.

Robin : Notamment les nombres négatifs c’est assez drôle de voir combien de temps ça a mis à être accepté par les scientifiques.  

NicoTupe: Ou même l’infini, ou tout ces trucs là, qui sont des choses qui ont pas mal tracassé tout une bande d’anciens voir tracasse encore.

David: Ah, mais je suis bête, j’avais une autre quote sympa vu qu’on parle pas mal, des mathématiques

Robin : C’est pas grave vu qu’elle était bien, mais va s’y quand même. Deux pour le prix d’une.

David : J’ai pensé à celle là. C’est une citation de Vladimir Arnold qui est un des grands mathématiciens du 20ème siècle que en plus j’ai eu la chance de croiser, c’était assez intéressant et donc Arnold qui était un mathématicien appliqué, il disait :

“Les maths, c’est de la physique dont les expériences ne coûtent pas chères.”

Robin: Oui

NicoTupe: Je vois, celle-là on va pas la noter.

(Rires)

Robin : Ah, si si, c’est vrai

NicoTupe: Sinon, un petit plug dans le merveilleux monde de youtube mais aussi de notre cher Taupo qui n’est pas là ce soir, c’est que, je sais pas si vous connaissez le youtubeur Dr Nozman. Il y a des grandes choses que vous le connaissiez. En tout cas il est beaucoup plus populaire…

David : Qui ne connaît pas le Dr Nozman ?

NicoTupe : …que Podcast Science. Il a quasiment 1 millions d’abonnés, c’est ca?

David: Il a, il a, … depuis quelques jours. C’est un truc de dingue, si on m’avait dit il y a quelques années.

NicoTupe: C’est un truc assez hallucinant donc voila, et il a décidé de se relancer dans les études, c’est à dire qu’il s’est inscrit en fait dans la fac où travaille Taupo qui vient régulièrement chez nous et qui va suivre carrément les cours de Taupo et à priori il va retransmettre un peu ça sur sa chaîne. Donc, déjà, c’est très courageux de sa part et puis je pense que ça va être très intéressant de suivre ça sur Youtube. Deux mots à dire la dessus David?

David : En plus, ce que je trouve incroyable, c’est le courage qu’il ait de faire ça, et le message que ça transmet à toute sa communauté, ben, mine de rien, euh, je sais pas, allez suivre les cours à la fac, c’est …lire des trucs de vulgarisation c’est pas tout quoi, c’est à dire que du coup ça transmet un message sympathique, qui est que la science, faut quand même des fois se coltiner un peu le dur et que… et le fait que lui se dise “je vais y aller, je vais au charbon” je trouve ça assez incroyable.

NicoTupe: Ben impatient de voir ce que ca va donner, j’espère qu’il va faire son année déjà (rire).

David : On va l’aider sinon (ah, non, c’est de la biolo).

NicoTupe : Bon courage à lui. Je pense qu’on aura des updates de Taupo, parce que  ce qui va être intéressant c’est que vous aurez le côté étudiant, et nous on devrait avoir le côté prof, en fait quoi. Avec Taupo qui va nous raconter ce que c’est d’avoir Nozman…

Robin: Ah, oui, c’est bon ça.

NicoTupe : La correction des copies de Nozman en direct dans Podcast science

Robin : Ah, ça me plait énormément

Nicotupe: Autre chose les amis, ou on conclut?

Robin: euh…Tiens j’annonce, mais je pourrais l’annoncer la semaine prochaine, que début décembre, il y a une exposition qui ouvre sur le hasard.

NicoTupe: Merveilleux.

Robin :Au palais de la découverte, et que c’est ça qui m’empêche de dormir en ce moment entre autre. Donc, euh. Venez, ça sera bien!

NicoTupe: D’accord. Vous allez pas l’improviser?

Robin: Euh, pffff, ça a été un peu ça, disons qu’on a eu pas beaucoup de temps pour la faire par rapport au temps que ça demande donc j’ai pas beaucoup dormi.

NicoTupe: Ok, Ok

Robin: Mais ça va être bien!

NicoTupe: Donc pour conclure, si vous avez bien compris ce qu’était la mécanique euh ou la gravitation quantique à boucle, c’est sans doute que c’est la troisième fois que vous entendez cette conclusion donc je vais être plutôt bref. Donc, vous pouvez nous suivre sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Youtube), vous pouvez aussi nous envoyer des messages sur podcastscience.fm. On se retrouve donc la semaine prochaine pour une roue Libre, où on va parler des messages d’auditeurs, répondre au fameux quizz à savoir si toucher un oiseau et en le remettant dans son nid, il se fait rejeter par sa famille. On remercie David qui nous a joyeusement parlé de la gravitation quantique à boucle.

David : Merci à vous.

NicoTupe : et qui viendra nous parler de son amour de la théorie des cordes une prochaine fois.

David: Une prochaine fois, et je promet même de les défendre.

NicoTupe : Voila, voila, et d’ici là, amusez vous bien et que servir la science soit votre joie.

 

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