La Fibre Optique au service de la science

Cette chronique est une retranscription extraite de l’épisode 396.

Bonjour, ici Cleora. Un petit nouveau sur podcast science. Qui reste encore mystérieux mais se dévoilera peut-être au fur et à mesure des épisodes ! 🙂 Si vous avez déjà entendu parlé de moi, c’est parce que depuis un petit moment déjà, je publie les épisodes de Podcast Science sur YouTube. Et aujourd’hui, je me suis demandé comment, de YouTube, une vidéo arrive à tous nos ordinateurs et autres appareils connectés. Dans cette petite chronique, je partage alors avec vous mes découvertes.

Pour bien comprendre internet et son fonctionnement, il a fallu que je reprenne les choses à l’essentiel. La base de la base. Premièrement le réseau internet ce n’est pas quelque chose de magique sortant de nulle part. On a beau rapidement parler de dématérialisation ou de cloud, tout le contenu du web est bien enregistré matériellement quelque part sur des gros serveurs continuellement alimentés en électricité. Et deuxièmement, pour se connecter à ces gros serveurs et accéder à son contenu, comme écouter ce podcast, ce n’est pas non plus miraculeux. Des structures bien matérielles le permettent. Des milliers de kilomètres de câbles relient nos ordinateurs à ces serveurs. Certains de ces câbles sont enterrés. Et d’autres sont tout bêtement déposés au fond des océans pour relier les continents. Selon un décompte de Radio France Internationale datant de l’année dernière, on dénombrerait plus de 380 câbles sous-marins, soit plus d’un million de kilomètres !

Les câbles sous-marins pour la télécommunication

En fait, cette idée de connecter de lointaines terres fermes par un câble de télécommunication posé sous la mer ne date pas d’hier. Les premiers datent des années 1850. Oui, oui. Au milieu du XIXème siècle on avait déjà relié la France et l’Angleterre, puis le continent Européen avec le continent Américain. Bon, de nombreuses tentatives se soldaient par des échecs, mais quand ça fonctionnant.. bah.. ça fonctionnait ! À l’époque, il s’agissait de câbles télégraphiques transportant le signal sous forme d’électricité. Vous savez, les fameux télégraphes et télégrammes en envoyant des messages codés en morse à ses copain. Eh bien ces câbles télégraphiques ont été très utiles en temps de guerre. C’était tellement stratégique, qu’on envoyait carrément des sous-marins pour trouver et couper ceux des ennemis.

Aujourd’hui, bien qu’ils ne soient plus télégraphiques, les câbles de télécommunication sont tout aussi stratégiques. Rappelons que la quasi-totalité des communications se font à travers ces câbles sous-marins ! Des boycotts anglosaxons à des compagnies asiatiques (Huawei jette l’éponge, latribune.fr, Juin 2019) aux histoires d’espionnage, la dure réalité de la guerre de l’information s’y ressent facilement. D’ailleurs, sur les cartes de sites de télécommunication(www.submarinecablemap.com/; https://submarine-cable-map-2012.telegeography.com/; https://submarine-cable-map-2019.telegeography.com/), on pourrait aisément interpréter les diplomaties entre les pays, rien qu’en notant qu’un câble relie tel ou tel pays. Ou plus précisément, quels pays acceptent qu’une compagnie de nation étrangère installent leurs câbles. Par exemple, un câble reliant le Brésil au Cameroun a été financé par une entreprise chinoise. Alors que plusieurs câbles reliant la Chine aux Etats-Unis se font encore attendre malgré les financements déjà présents. En effet, tout le monde n’a pas les ressources financières pour dérouler des milliers de kilomètres de fibres optiques au fond des océans. À ce titre, les fameuses grandes entreprises du GAFAM — GAFAM pour les géants du web que sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft — rachètent petit à petit toutes ces autoroutes du web. D’un réseau internet partagé par plusieurs entreprises de plusieurs nations, le réseau deviendrait donc de plus en plus privatisé sous les géants que sont les GAFAM.

Le fonctionnement d’une fibre optique :

Fin de la petite digression géo-politique. Il y aurait pourtant de quoi dire ! Parlons plus technique. Aujourd’hui, donc, les câbles ne sont plus télégraphiques mais renferment la fibre optique. Ou plus précisément plusieurs fibres optiques grandement protégées. En effet, un câble fait environ la grosseur d’un tuyau d’arrosage et est en grande partie composé de multiples couches de plastique et de métal. En comparaison, une fibre optique fait la grosseur d’un cheveux. Le truc est totalement blindé. Parfois, on va jusqu’à utiliser du kevlar, un matériau bien plus résistant que l’acier ! C’est pour ça qu’un câble est si épais. À vrai dire il l’est encore plus à l’approche des côtes pour limiter les incidents quand un bateau jette son ancre par exemple.

Passons un temps sur le fonctionnement d’une fibre optique. Oh juste très rapidement, n’allons pas dans les détails. Est-ce que, tout jeune, vous avez confectionné un téléphone à ficelle ? Le fait de relier deux pots de yaourt ou deux boîtes de conserve vides par une corde. Le récepteur positionnait le premier récipient à l’oreille et l’émetteur parlait dans le second. Phénomène purement mécanique, l’onde sonore de l’émetteur se transmet à travers les vibrations de la corde jusqu’au récepteur.

Le téléphone à ficelle est déjà un exemple de télécommunication. La fibre optique, c’est pareil. Elle correspond à la corde. Sauf que l’onde n’est pas mécanique mais électromagnétique, c’est-à-dire de la lumière propagée dans du verre. De plus, le message est codé, comme en informatique, avec des 0 et des 1 puis mis en petits paquets. Enfin, mieux qu’une simple corde, la fibre optique permet de transmettre plusieurs messages à la fois en utilisant plusieurs fréquences lumineuses tant qu’elles n’interfèrent pas entre-elles.

Maintenant, reste à savoir comment le signal émis arrive à bon port après des milliers de kilomètres. Pour cela, comparons un câble à une paille. Si vous essayez de faire passer de la lumière à travers cette paille, il vaut mieux qu’elle soit rectiligne c’est-à-dire parallèle à la paille pour qu’elle ne rebondisse pas sur les parois et connaître une perte du signal. Et ça juste pour une paille de quelques centimètres.

Maintenant imaginez une paille parcourant des milliers de kilomètres. Énoncés rapidement, deux problèmes se posent à nous. Non seulement cette paille doit éviter les virages trop brusques au risque de perdre le signal ; mais en plus ses parois ne doivent pas absorber la lumière si celle-ci se mettait à la toucher.

Alors du coup, comment remédier à ces problèmes ? Faudrait-il placer des miroirs sur les parois internes du câble pour que la lumière se réfléchisse entièrement ? Eh bien, c’est presque ça. L’idée est la même, sauf qu’au lieu de faire rebondir ou réfléchir la lumière, on la dévie petit à petit lorsqu’elle approche la paroi pour la remettre dans le bon sens de la marche. C’est ce qu’on appelle une gaine.

En réalité, la fibre optique se compose de deux couches. De plusieurs fibres de verre en son cœur, – que l’on appelle d’ailleurs de manière très poétique l’âme – et ces fibres sont elles-mêmes entourées d’une gaine qui a pour but de remettre la lumière dans le droit chemin. Pour vous expliquer le principe de la gaine, il suffit de comprendre la réfraction de la lumière. Lorsque vous plongez un bâton dans l’eau, en le regardant vous aurez l’impression que le bâton est brisé. En fait ce n’est qu’une illusion d’optique, la lumière se propage de manière différente que ce soit dans l’air ou dans l’eau. On appelle ce phénomène physique la réfraction de la lumière. La lumière est réfractée, c’est-à-dire qu’elle est déviée lorsqu’elle change de milieu.

On peut utiliser ce principe de déviation de la lumière à l’infini en la faisant parcourir dans plusieurs milieux ou plusieurs matériaux à la suite qui la fait de plus en plus déviée. De cette manière, le chemin parcouru par la lumière peut être redirigé. La gaine de la fibre optique, se composant de plusieurs couches de différents matériaux, permet cela. Elle permet de rediriger la lumière dans le bon chemin, sans toucher la moindre paroi.

Ce que nous apprend l’article

Donc, tout ça pour vous dire, qu’une fibre optique ce n’est pas du vide ou un tuyau avec un trou qui laisse passer la lumière. Une fibre optique est pleine. Pleine de verre, de la silice, de la matière donc ! Et dès fois il y a quelques petits défauts à l’échelle atomique. Des impuretés existent au sein de la fibre optique. C’est ce que j’ai appris en lisant un récent article publié le 18 Décembre dernier dans la fameuse revue Nature, où des chercheurs français ont utilisé ces défauts pour en tirer un avantage. Ces impuretés renvoient la lumière à l’émetteur et peuvent être ainsi utilisés comme des milliers de capteurs ! Des milliers de capteurs dans une seule fibre optique ! Et souvenons-nous que les câbles sous-marins tapissent plus d’un million de kilomètres les fonds marins. Des lieux encore plutôt méconnus et difficiles d’accès. L’équipe provençale s’est alors posée la question si toutes ces fibres optiques pourraient être utilisées au profit de la science.

Les chercheurs ont utilisé un câble optique déjà installé sur les fonds marins près de Toulon. Celui-ci sert notamment à d’autres études physiques. Sur les 41,5 km de câble de fibre optique qui tâpissent les fonds de la Méditerranée, ils y ont utilisé et dénombré plus 6 400 capteurs en tout en les espaçant à un peu plus de 6,4 mètres. Et ce, pour capter des ondes acoustiques. Une fibre optique pour capter des ondes acoustiques donc. Je vais maintenant tenter d’expliquer comment un tel dispositif peut être sensible à des ondes acoustiques, sismiques ou un simple déplacement de terrain.

Le principe est très simple. Grâce à un laser on envoie une impulsion lumineuse dans la fibre optique et on mesure ce qui est renvoyé. Nous aurons donc non seulement l’impulsion lumineuse qui aura fait les 41 et quelques kilomètres du câble puis revenu vers l’émetteur en reparcourant les 41,5 kilomètres du retour, mais également toutes les réflexions renvoyées par les impuretés que sont les plus de 6 400 capteurs. À chaque impulsion, tant que le câble n’est pas déformé, les signaux reçus restent identiques pour tous les capteurs.

Prenons maintenant un exemple très grossier. Imaginons que le fond marin se mette à légèrement s’écarter entre le capteur 100 et le capteur 101, c’est-à-dire que le fibre optique se dilate très légèrement entre le capteur 100 et 101. Tous les signaux reçus par les capteurs 1 à 100 seront similaires. En revanche, tous les signaux au-delà du cent-unième auront mis légèrement plus de temps que d’habitude car la lumière doit alors parcourir en peu plus de chemin. Bien sûr cette différence n’est pas de l’ordre du centimètre et encore moins du mètre sinon le câble céderait. Mais grâce à l’interférométrie – qui est une technique de mesure de différences de déphasage sur une même onde lumineuse – on peut être précis à la longueur d’onde de la lumière près ! C’est-à-dire de l’ordre du nanomètre, à l’échelle des molécules. L’exemple grossier pris ici est le sol qui s’écarte. Mais en réalité c’est bien le câble lui-même qui se dilate ou se compresse au passage d’une onde sonore.

C’est d’ailleurs ce même principe qui a été utilisé pour détecter la première fois les ondes gravitationnelles. Grâce à l’interférométrie, en soustrayant l’onde lumineuse d’origine et de référence à celle qui a été déphasée par la vibration on peut donc mesurer la moindre petite vibration spatiale et donc acoustique – car n’oublions pas qu’une onde acoustique c’est un mouvement de la matière dans l’espace.

Selon les chercheurs français, la méthode de mesure par la fibre optique serait tellement sensible qu’elle pourrait être capable de détecter la houle de l’océan ou même capter les bruits sous-marins produits par les navires ou les animaux. Tout cela, en plus que de les localiser, car les 6 000 capteurs sont spatialement dispersés le long de la fibre optique.

Pour terminer, je le répète une toute dernière fois, aujourd’hui il existe plus d’un million de kilomètres de câbles sous-marins utilisés pour la télécommunication. De tous, certains seront bientôt délaissés ou abandonnés. En effet, les plus anciens câbles datent des années 90, et ils sont aujourd’hui très largement dépassés. Les câbles actuels atteignent un débit de la 100aine de Tb/S, soit 10 000 fois plus que les anciens à 10 Gb/s. C’est comme si dans les années 90 on pouvait télécharger un film à la seconde dans une fibre optique et aujourd’hui plus de 10 000 films à la seconde. Ces anciens câbles seront de fait un jour ou l’autre délaissés. Peut-être pourront-ils être utilisés à l’avenir par les océanographes et sismologues ? C’est en tout cas sur cette ouverture que se termine l’article en question. C’est sur cette ouverture que je termine. À noter que je n’ai fait qu’effleurer le sujet des câbles sous-marins que ce soit au niveau technique, historique ou géopolitique. Il y aurait de quoi dire. N’hésitez pas à nous le faire savoir si un dossier complet dessus vous intéresserait !

https://www.nature.com/articles/s41467-019-13793-z
http://www.cnrs.fr/fr/les-cables-sous-marins-des-milliards-de-capteurs-sismiques-potentiels
http://webdoc.rfi.fr/ocean-cables-sous-marins-internet/chapitre-1.html

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