Nicolas Baudin entre exploration et science participative

Cette chronique est une retranscription extraite de l’épisode 396, écrite par Alexandre Schohn, médiateur au Vaisseau de Strasbourg.

Né le 17 février 1754 à Saint-Martin-de-Ré (Île de Ré) et mort le 16 septembre 1803 à l’Île Maurice (nommée « Île de France » à l’époque) est un marin, capitaine, cartographe et explorateur français.

Le 27-28 juillet 1798, lors du grand défilé de la Fête de la Liberté, fête qui célébrait la chute de Robespierre et le renouvellement de la République, les Parisiens ont pu observer des objets d’histoire naturelle ainsi mis en valeur. Ainsi il se trouvait des plantes tropicales vivantes : des bananiers, des cocotiers, des palmiers, des papayers. Ces plantes font partie d’une importante collection ramassée aux Antilles et rapportée en France le mois précédent par le capitaine Nicolas Baudin, aux commandes de La Belle Angélique.

C’est de cette homme, le capitaine Baudin, né le 17 février 1754 sur l’île de Ré, cartographe et explorateur que nous allons parler un peu

Les Antilles

C’est le 30 septembre 1796 qu’il quitte le Havre avec son équipage pour récupérer des collections naturalistes qu’il avait mis en dépôt à La Trinité espagnole avec le soutien du Museum d’Histoire Naturel.

De retour le 7 juin 1798, chargé non pas de la collection trinitaise, désormais irrécupérable9, mais d’une collection de remplacement qu’il avait ramassée à Saint-Thomas et à Porto Rico, Baudin avait réussi à tenir parole. Il se montrait donc, de par l’énorme et splendide butin qu’il offrait à la patrie, à la fois « héros » de la République et voyageur scientifique de distinction.

Le directeur du Muséum, Antoine-Laurent de Jussieu déclara même : « le citoyen Baudin doit être proclamé l’un des voyageurs qui ont le plus mérité de l’histoire naturelle »

Cependant Baudin finit par tomber en 1804 à la suite de son expédition scientifique aux Terres australes.

Partons sur le voyage aux Antilles, Baudin avait toute la confiance du ministère de la Marine ainsi que du directeur du Museum pour la réalisation de cette expédition, une telle confiance que le contenu des carnets d’instructions, que l’on fournit normalement aux explorateurs, procurent une certaine autonomie et direction de la collection à apporter aux chercheurs du muséum.

Qu’est-ce que le carnet d’instruction ? Carnets rédigés par des sociétés (géographie, géologie…), ainsi que les institutions d’Etat et les administrations des ministères, publièrent d’innombrables instructions aux voyageurs. Des explorateurs, professeurs, marins ou juste de simples voyageurs qui permettaient via différentes questions ou instructions d’obtenir des informations sur les voyages réalisés et permettant de réaliser une enquête scientifique des différents lieux.

Baudin lors de ce voyage avait un objectif celui de devenir officier de marine et de voyageur-collecteur au service de la République. Pour cela, il devait à la fois ramener une collection incroyable des Antilles, mais aussi s’assurer que l’exploration ne serait pas à un coût démesuré pour la République de cette époque. D’une grande difficulté d’intégrer la marine française, son rôle de voyageur et d’explorateur lui sera grandement mis en valeur via les collections fournis aux savant et la répercussion au public.

Son exploration, ainsi que le travail à bord s’est passé parfaitement bien. L’entente entre les collectionneurs du muséum ainsi que Baudin était au plus haut, tellement que Baudin s’intégré parfaitement en tant que collecteur au sein de l’équipe, s’occupant autant de la récolte que de l’organisation sur le navire.

En fait, la reconnaissance mutuelle de leur statut commun de collectionneurs faisait la force de cette équipe, leur permettant de partager le travail des uns et des autres, entre collectionneur attitrés et collectionneur amateur comme Baudin.

Baudin se présentait en premier lieu comme un collectionneur avisé, voire indépendant. L’importance pour les voyageurs, d’obtenir une reconnaissance provenant de la société via des découvertes qui impressionneront les public “”Baudin parle souvent de son intention de chercher des objets qui impressionneront le grand public, ce qui montre qu’il aspire à une réputation qui dépassera largement les frontières du milieu savant”.

Et c’est ce travail entre des collectionneurs, que l’on pourrait définir comme des techniciens de nos jours et des amateurs qui a permis le résultat qu’on attendait de cette mission.

L’ensemble de cette collection permettra aux savants du Muséum, donc les professeurs eux-mêmes, de profiter en premier lieu des spécimens rapportés par les naturalistes et des observations qui les accompagneront.  Ainsi qu’au public de pouvoir la contempler et à Baudin de devenir un icône de l’exploration

Terre australes

On est frappé, en particulier, par le nombre et la diversité des instructions préparées pour cette nouvelle expédition. Pour le voyage aux Antilles, les instructions fournies par le ministre Truguet avaient été assez succinctes et laissaient beaucoup de liberté à Baudin ; pour les Terres australes, en revanche, les instructions se multiplient et sont bien plus contraignantes.

Pour les scientifiques, leur nombre et la variété de leurs spécialisations rendaient trop complexe la tâche de préparer des instructions générales. Son itinéraire est maintenant très détaillé et comporte des précisions sur le temps alloué à la visite de chaque lieu.

Pour Baudin il était difficile de recréer l’esprit collectif et l’atmosphère d’harmonie qui avaient caractérisé le voyage aux Antilles dû à un grand nombre de pluridisciplinarité au sein de l’équipe d’expédition p42 “La diversification des savoirs, la spécialisation du travail scientifique, les ambitions personnelles, tout poussait en fait à la désunion.” On peut aussi souligner l’affrontement entre experts et amateurs p43 “Ces mêmes ambitions personnelles étaient pour quelque chose dans l’attitude des savants aussi. Outre les facteurs de circonstance – rébarbatifs à la discipline, ils supportaient mal les privations du voyage – la rancœur des savants face au commandant avait des causes bien plus profondes. La spécialisation des savoirs s’accompagnait d’une logique d’exclusion qui ne laissait pas de place aux amateurs, même les plus avisés et expérimentés comme Baudin.”

Le passage du Consulat à l’Empire, peu de temps après le retour de l’expédition en 1804, scella le sort du commandant, qui, étant mort en 1803 lors de l’escale à l’Île de France, n’eut la possibilité ni de défendre sa réputation ni de rallier ses amis à sa cause.

Conclusion

Et sur cette histoire que je souhaite faire une comparaison avec notre époque. Baudin a toujours été considéré comme un marin, un capitaine de navire, mais durant une époque il était aussi considéré comme un collectionneur. Comme de nombreux autres voyageurs qui n’étaient pas des spécialistes dans les domaines scientifiques, mais qui avaient eu un carnet d’instruction, ou une certaine formation en amont leur permettant. Les sociétés, les institutions ainsi que le muséum s’étaient donc appuyées sur une diversité de voyageurs pour leur permettre de récolter des données (plus ou moins bonne). Et cette méthode, qui a disparu avec l’évolution des découvertes et la spécialisation des différents domaines scientifiques car il était de plus en plus difficile de préparer des explorations englobant toutes les sciences, je pense que l’on la retrouve de nos jours avec ce qu’on appelle les sciences participatives. Vigie Ciel, Vigie Nature pour ne citer que certaines du Muséum ainsi que tellement d’autres programmes nous prouvent que nous retournons à une ouverture des sciences en et à un mélange pluridisciplinaire. Que cela soit dans la recherche universitaire ou sur le terrain dans les expéditions, de plus en plus de personnes venant d’institutions, de voyageurs ou d’amateurs se regroupent pour réaliser des exploits.

écrivain Colonel Jakson: aide-mémoire du voyageur

“Tout est mutation dans le monde: l’aspect de la terre varie continuellement; les monument se dégradent; les mœurs, les institutions changent; les lumières se répandent ou s’éteignent; l’industrie avance ou rétrograde. La seule manière de résoudre bien des questions importantes est, peut-être, d’observer la marche des évènements; et cette marche ne saurait être connu que par les mêmes observations, répétés à différentes époques”

Biblio :

–          « VOYAGES ET DÉPLACEMENTS DES SAVOIRS. LES EXPÉDITIONS DE NICOLAS BAUDIN ENTRE RÉVOLUTION ET EMPIRE », Jean FORNASIERO et John WEST-SOOBY

–          « Panorama du voyage (1780-1920) : Mots, figures, pratiques » Sylvain Venayre

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