Les Thérapies Cognitivo-Comportementales

Dossier réalisé pour l’épisode 487

I. C’est quoi une TCC ?

Définir les TCC parmi la santé mentale

La santé mentale

Une TCC, une Thérapie Cognitive et Comportementale, est une approche psychothérapeutique. Une thérapie psychologique, donc, qui vise la santé mentale de l’individu. Commençons par là. La santé mentale. Une composante essentielle de la santé globale d’un individu souvent minimisée dont on ne parle certainement jamais assez. Quand on évoque la santé mentale ou pense tout de suite aux maladies mentales qui touchent au moins 1 personne sur 8 dans le monde selon l’Organisation Mondiale des Maladies (OMS). Les troubles mentaux tels, les dépressions, les schizophrénies, les troubles de l’anxiété et j’en passe.

Mais la santé mentale ce n’est pas que résoudre des problèmes complexes comme les troubles mentaux. C’est plus globalement s’assurer un bien-être mental pour qu’on puisse vivre ce qu’on a envie de réaliser et d’apporter à la société. En clair, contrer tout handicap et toute souffrance psychique qu’une personne pourrait rencontrer dans la vie par rapport à la personne moyenne. Que la personne soit autonome et en plein potentiel de ses ressources. Voilà le but ultime d’une bonne psychothérapie.

Figure1. Les interactions entre pensées, comportements et émotions. Qui est la cause de qui ? Là est toute la question dans l’histoire de la science qu’est la psychologie où plusieurs modèles et discussions ont vu le jour. Aujourd’hui on parle de « complexité » de « processus » et de « fonctionnement en réseau ». En TCC, on appuie davantage sur une prédominance causale des pensées sur les comportements et émotions.

On s’intéresse au « comment c’est là aujourd’hui »

Une TCC, une Thérapie Cognitive et Comportementale, vise la santé mentale donc, et plus particulièrement en se centrant uniquement sur l’individu. Centrée sur l’individu c’est-à-dire qu’on s’intéresse à sa subjectivité, ses comportements, ses émotions, ses pensées. Ou plus particulièrement, en TCC on s’intéresse à savoir comment tout ça – pensée, émotion et comportement – s’articule entre-eux :
– comment cette émotion est arrivée là (analyse fonctionnelle, histoire de l’individu) ;
– comment ce comportement est resté là avec le temps (habituation, conditionnement) ;
– puis comment vivre avec (thérapie d’acceptation) ;
– ou idéalement comment s’en débarrasser (restructuration cognitive).

Vous l’aurez compris, en TCC on ne s’intéresse pas au « pourquoi » (Pensée abstraite-analytique). On s’intéresse au « comment » (Pensée concrète-expérientielle ; Processing Mode Theory de Watkins, 2008)  des problèmes, de manière concrète et actuelle contrairement à d’autres thérapies cherchant une résolution en cherchant le « pourquoi » dans les souvenirs passés. Pour paraphraser Jean Cottraux, psychiatre psychothérapeute français communiquant sur les TCC, on ne traite pas le symptôme. On change les chemins qui mène à ce symptôme. « […] Les TCC cherchent à modifier les facteurs de déclenchements et de maintien des perturbations perçues par le patient. » (Cottraux, 2020, p.5)

Tentative de définition simple d’une TCC

Ainsi, si je devais, moi, définir ce qu’est une TCC je la définirais comme ça : une TCC, une Thérapie Cognitive et Comportementale, vise la santé mentale de l’individu en modifiant sa propre manière de fonctionner via ses comportements, émotions et pensées.

Une TCC tente donc de modifier le fonctionnement d’une personne pour qu’elle devienne plus adaptée. Plus fluide. Plus à l’aise avec soi et son environnement. Du point de vue des TCC, un mauvais fonctionnement par rapport à son environnement équivaut à inadaptation, un handicap ou une maladie. Et ce mauvais fonctionnement est là parce qu’on l’a appris durant toute sa vie. C’est l’environnement qui a changé, et nous on est là avec un fonctionnement appris du passé.

Illustrer un peu le «fonctionnement inadapté »

Exemple simple, disons que je suis français et qu’au passage piéton j’ai l’habitude de traverser n’importe comment et n’importe quand. Un comportement habituel, quotidien et que la plupart des gens fait autour de moi. Imaginons que je change de pays. L’Allemagne par exemple. Et que je traverse sur un passage piéton alors que le petit bonhomme est rouge. Les allemands me verront réaliser un comportement comme totalement inadapté. Parce que eux attendent, évidemment, que le petit bonhomme soit vert pour traverser.

Bon. C’est un mauvais exemple. C’est un comportement culturel duquel on peut s’adapter facilement sans en être malade ou handicapé. Mais c’est juste pour illustrer l’idée que : un comportement appris devient inadapté quand l’environnement change.

TCC : une thérapie scientifique

Parmi la constellation de thérapies

D’autres psychothérapies centrées sur l’individu existent. Elles peuvent s’inspirer davantage par exemple de la psychanalyse, regroupées sous le nom de thérapie psychodynamique et psycho-analytique. D’autres sont plus axées sur l’expérience, la phénoménologie et l’humanisme sous le nom de thérapie existentielle, d’analyse transactionnelle ou de Gestalt-Thérapie. Toutes ces dernières, dont les TCC donc, sont grandement centrées sur l’individu, contrairement à d’autres psychothérapies plus sociales comme la thérapie de couple, thérapie systémique, thérapie interpersonnelle ou thérapie familiale.

D’autres psychothérapies encore, sont davantage dans le soutien. Les études scientifiques étant encore trop récentes actuellement, malgré des résultats prometteurs. Ces autres types de thérapies utilisent un média innovant. Par exemple le cheval, à travers l’équithérapie, ou plus globalement l’animal, et là on parle alors de Zoothérapie. Ou encore le média de l’art, à travers l’art-thérapie, la musicothérapie, la danse-thérapie voire même la dramathérapie par le théâtre et les jeux de rôles !

Figure 2 : classification PERSONNELLE (← rien d’officiel ou de scientifique, c’est juste pour illustrer ♥ ) des psychothérapies

Toute psycho-thérapie ne se vaut pas !

Parmi toutes ces thérapies citées, toutes sont prometteuses voire efficaces plus ou moins en fonction de la souffrance psychique. Les thérapies psychodynamiques auraient, par exemple, des effets positifs pour contrer certaines attaques de panique ou gérer les troubles de la personnalité (APA division 12, 2015 ; Fonagy, 2015). Tandis que nos thérapies cognitivo-comportementales sont efficaces pour la plupart des souffrances et troubles mentaux ; et notamment à prescrire en premier pour tous les troubles anxieux et dépressions de légère à modérée.

En dehors des psychothérapies citées, tout le reste avec le mot thérapie promouvant le bien-être a de grande chance d’être de l’ordre des pseudo-sciences comme l’auriculothérapie, sylvothérapie, lithothérapie… Quant aux phyothérapies et aromathérapies, je laisse Eléa en parler pour un futur dossier. 😀 Car il y a du bon et du mauvais. Du tri à faire. Et ça dépasse la psychothérapie seule allant jusqu’à la médecine et la pharmacopée soignant même le corps.

TCC : la meilleure des psychothérapies

Après cette mise au point parmi le vaste champs des thérapies, revenons à la meilleure ; revenons à notre TCC. Pourquoi je dis la meilleure ? Car c’est bel et bien la seule psychothérapie ayant autant d’études scientifiques à l’appui ! (Exemple du taulier rapport de l’Inserm.) Une TCC, une thérapie cognitivo-comportementale, est une thérapie scientifique. Basée sur les travaux scientifiques.

Pour illustrer comment on étudie scientifiquement l’efficacité d’une psychothérapie, je vous propose alors d’éplucher une étude ensemble. N’allons pas chercher une souffrance psychique des plus extraordinaires. Parlons d’une des souffrances les plus simples que tout le monde peut s’imaginer : un mal de dos quotidien. Car oui, la souffrance d’un mal de dos chronique peut être traitée efficacement par une thérapie cognitive (Hoffman et al., 2007).

Figure 3 : les colonnes de Beck exemple tiré de anebquebec.com

Exemple d’une étude scientifique

Une étude sur la douleur chronique

J’ai pris une étude de 1993 (https://doi.org/10.1016/0304-3959(93)90128-C) réalisée par des chercheurs de Washington : Judith Turner psychiatre & Mark Jensen psychologue. Tous les deux sont toujours aujourd’hui spécialistes des douleurs chroniques. Je suis remonté à une vieille étude d’il y a 30 ans car aujourd’hui on mélange pas mal de variables. Ici, cette étude évalue la thérapie cognitive seule, sans la combiner avec quoique ce soit. De plus, elle est citée par plusieurs méta-analyses sur les thérapies cognitives ; je me remets donc à la crédibilité des scientifiques internationaux sur plusieurs années, pour tomber sur une bonne étude à illustrer.

Figure 4 : thérapie cognitive de Beck

Objectifs de l’étude

Dans l’étude, l’efficacité d’une thérapie cognitive est comparée à la fois à une thérapie centrée sur la relaxation et à un groupe contrôle n’ayant aucune thérapie. Trois groupes donc, plus un quatrième dans lequel on évalue l’efficacité de la combinaison des 2 thérapies : cognitive + relaxation. Pour un total de 102 participants – ayant un mal de dos chronique qui dure depuis plus de 6 mois – on a alors à peu près 25 personnes dans chaque groupe, qu’on suit avant, pendant et après la thérapie pendant un an.

Les participants faisant partie du groupe de la relaxation, suivent une séance hebdomadaire d’entraînement à la relaxation avec un praticien, pour la pratiquer quotidiennement. Quant aux participants faisant partie du groupe évaluant la thérapie cognitive, ils suivent un protocole d’une thérapie cognitive classique (Beck et al., 1979) avec un/e thérapeute :

  1. identifier les émotions négatives liées à la souffrance ;
  2. identifier les pensées inadaptées ou handicapantes liées à ces émotions ;
  3. apprendre une manière plus objective et adaptée de penser les choses pour les contrer ;
  4. noter les différentes manières de penser ou d’agir autrement.

Les patients-participants sont invités à réaliser ce protocole de manière quotidienne, en notant par exemple tout ça, émotions, comportements et pensées, sous une forme de tableau (appelé colonnes de Beck, cf. Figure 3).

Variables bloquées et contrôlées Vs Variables mesurées

Ensuite, pour limiter les variables qui peuvent influencer l’expérience, les chercheurs en contrôlent intelligemment le maximum. Par exemple, les attentes et motivations de chaque participant sont évaluées avant thérapie, ainsi qu’un retour sur expérience après thérapie. Les chercheurs ont même pris la peine de contrôler que la variable thérapeute ne soit pas prise en compte. Parce que peut-être qu’un thérapeute aurait pu être plus efficace qu’un autre, par exemple.

Quant aux variables mesurées, avant et après thérapie, c’est-à-dire les critères auxquels on s’intéresse pour évaluer l’efficacité de la thérapie, elles sont au nombre de 5 :
l’intensité de la souffrance (par le Visual Analogue Scale) ;
les difficultés ressenties comme handicapantes (par le Sickness Impact Profile)
la dépression (par le Beck Depression Inventory, cf. Figure 10) ;
le fonctionnement cognitif et pensées inadaptées (par le Cognitive Error Questionnaire) ;
une observation qualitative des comportements et signes visuels de souffrance par autrui, des personnes entraînées (grimaces, prudence, le fait de se tordre de douleur…).

Figure 5 : résumé de l’article en un petit schéma

Les observations intéressantes

Je dois avouer ne pas bien comprendre l’intérêt de ce dernier critère. Mais peu importe car c’est le seul pour lequel on observe aucune différence entre l’évaluation avant et après thérapie. Cela veut dire que finalement, peu importe l’intensité des signes visuels de souffrance que la personne fait ressortir, ce qu’elle ressent peut tout à fait être d’une intensité différente.

Tous les autres critères cliniques, donc, ont été amélioré quel que soit le groupe, quelle que soit le type de thérapie. Fait rigolo, c’est même le cas pour les personnes qui n’ont reçue aucune thérapie ! Le groupe contrôle donc. Juste le fait d’annoncer à ces personnes qu’ils participent à une expérience, sur ce qui leur fait souffrir au quotidien, permet déjà de baisser leur souffrance. Autrement dit, le simple fait de s’intéresser aux problèmes des gens, améliore leur bien-être. Irène et Eléa en avait déjà parlé dans l’épisode 350 :

On pourrait presque parler d’effet Hawthorne. C’est un effet observé scientifiquement la première fois lorsque des chercheurs se sont intéressés aux conditions de travail d’ouvriers dans une usine Hawthorne. Rien que le simple fait d’être au courant de participer à cette expérience, les personnes concernées ont augmenté leur productivité. Dit plus simplement donc, s’intéresser aux gens augmente déjà leur bien-être et leur motivation. Mais pas autant que ceux qui suivent en plus une thérapie appliquée. Bien sûr.

Figure 6 : L’usine Hawthorne Works

Les résultats attendus

En effet, l’amélioration des signes cliniques est significativement plus grande pour les groupes ayant reçu une thérapie par rapport au groupe contrôle. Ça montre donc l’efficacité de la thérapie cognitive. Mais aussi de la relaxation. Ces signes cliniques, sont, je le rappelle : l’intensité de la souffrance, les difficultés ressenties comme handicapantes, la dépression et le fonctionnement cognitif lié aux pensées inadaptées.

Ça c’était leur première hypothèse. Validée donc : (H1) Toutes les thérapies sont plus efficaces que le groupe contrôle. Les chercheurs avaient formulées 3 autres hypothèses comme quoi ils observeraient des différences sur certains signes cliniques mesurés entre les 3 autres groupes – le groupe avec thérapie cognitive, le groupe avec relaxation et le groupe ayant reçu les 2 thérapies :
(H2) Relaxation plus efficace que Thérapie Cognitive sur intensité de la souffrance
(H3) Thérapie Cognitive plus efficace que Relaxation sur le côté dépressif et fonctionnel
(H4) Le groupe ayant reçu les 2 thérapies observent la plus grande efficacité

Or, aucune différence n’a été observée entre les 3 groupes (avec thérapie(s)). Est-ce parce qu’il n’y a réellement aucune différence ou c’est à cause d’un échantillon trop faible ? C’est une question que les chercheurs posent en discussion. Est-ce qu’une simple relaxation est aussi efficace qu’une thérapie cognitive, même sur la cognition ? Tout ce qu’on peut dire aujourd’hui 30 ans plus tard, c’est que la relaxation fait maintenant partie intégrante d’un certain nombre de thérapies cognitivo-comportementales.

Les origines des TCC

La science, ce chemin de la connaissance : les 3 vagues

Figure 7 : les 3 vagues des TCC

Oui relaxation et thérapie cognitive ont finalement fusionné. En science il y a des courants et théories qui émergent, s’opposent ou s’additionnent. Hé bah, pour les TCC, c’est exactement pareil. Il y a 100 ans, au tout début c’était une science du comportement. On parle alors d’habituation et de conditionnement. Puis s’est ajouté l’aspect cognitif, il y a 50 ans. La cognition, c’est-à-dire nos processus et pensées pour utiliser et acquérir de la connaissance. De là, d’une thérapie comportementale, elle est devenue thérapie cognitive et comportementale. Et enfin depuis une vingtaine d’années, s’est ajouté l’aspect émotionnel ou « relaxionnel » si le mot pouvait exister.

On a l’habitude d’enseigner ça comme les « 3 vagues des TCC ». La vague comportementale, la vague cognitive puis la vague émotionnelle. Je ne vais pas m’attarder dessus. Il y a déjà pas mal de ressources sur internet. Et c’est tout un cours magistral avec plein de notions et de noms : Skinner jusqu’à Bandura pour l’aspect comportementale ; Beck ou Ellis pour l’aspect cognitif ; Rogers ou Hayes pour l’aspect humaniste et émotionnelle.

TCC : de la psychologie « froide et mécanique » ?

Ce que je vous propose plutôt est de détailler les 5 grandes lignes, les 5 grandes étapes, du déroulement d’une thérapie cognitivo-comportementale. TCC qui, comme on vient de la voir avec la prise en compte du côté émotion et relaxation, contrairement aux idées reçues, n’est pas une thérapie froide et mécanique où on applique sèchement des protocoles pour que la personne entre dans un modèle parfait et idéal. Non. L’individu est pris en compte. Ses émotions. Ses ressentis. Bref, sa subjectivité. Les thérapies sont individualisées en fonction de l’histoire, des motivations et des attentes de la personne.

Exemple simple, une personne qui consulte de sa propre initiative a des attentes et une motivation différentes d’une personne qui est là parce qu’on lui a fortement invité à le faire. Autre exemple, une personne atteinte d’une anxiété sociale parce qu’elle a une faible estime de soi ne sera pas prise en charge de la même manière qu’une personne atteinte de cette même anxiété sociale parce qu’elle a été agressée par un groupe de personne dernièrement.

II. Déroulement d’une TCC

Étape 1 : analyse des difficultés

Figure 8 : grandes lignes du déroulement d’une TCC, SELON MOI

La souffrance parmi la triade biologie-psychologie-sociologie

Ce que l’on vient tout juste d’évoquer, par ces exemples, fait partie de la première étape essentielle au déroulement d’une psychothérapie. En terme technique on parle d’anamnèse, c’est-à-dire comprendre l’histoire de la personne (PSYCHO), son livre de bord personnel et médical. Des traitements pharmacologiques (BIO) aux relations sociales (SOCIO). On parle aussi d’analyse fonctionnelle, c’est-à-dire le travail réalisé par le ou la thérapeute pour comprendre la problématique évoquée parmi les facteurs psychologiques, biologiques et socio-environnementaux, puis commencer à entrevoir les hypothèses à travailler.

Reprenons l’exemple de l’anxiété sociale présente chez deux personnes : chez l’une elle est conséquente à une agression et chez l’autre conséquente à une faible estime de soi. On ne va pas travailler de la même manière cette anxiété sociale car les processus derrières sont différents. Hé bien, tout ce travail de comprendre les processus derrières, c’est ça l’analyse fonctionnelle.

L’armada d’outils d’entretien clinique

Pour la réaliser plusieurs outils et grilles d’analyse existent. En soi, ces grilles n’inventent pas grand-chose, mais elles permettent de ne rien oublier. C’est plus un mémo qu’autre chose, entre :
– le côté contexte, social et environnement avec les stimulus déclencheurs ;
– le côté psychologique avec l’histoire de la personne, ses attentes et motivations ;
– le côté biologique du corps, les sensations et émotions ;
– le côté cognitif avec les pensées, images, ruminations et traitement de l’information ;
– et le côté comportementale dont le comment un tel comportement s’est maintenu au fil du temps.

Figure 9 : Environnement-bio-psycho

Le petit chercheur

Une fois cette analyse réalisée, le ou le thérapeute va pouvoir sélectionner des tests et questionnaires standardisés pour tenter d’objectiver les plaintes et souffrances de la personne. Au-delà de son retour subjectif, les tests et questionnaires aident à savoir à quel point la souffrance est hors des normes et problématique. Fréquence, intensité et handicap engendré au quotidien sont des indicateurs classiques par exemple.

Ces indicateurs et résultats aux questionnaires seront alors comparés avec ceux évalués en toute fin de thérapie, pour en conclure si la thérapie a eu son effet. Une TCC, une thérapie cognitivo-comportementale, est une thérapie scientifique. J’ai dit cette même phrase un peu plus tôt pour évoquer que ce sont sur les travaux scientifiques que les TCC sont basées. Mais cette phrase peut aussi évoquer la manière dont fonctionne les TCC. Patient et thérapeute réalisent, en quelque sorte, une petite étude scientifique sur les souffrances évoquées, en les évaluant avant et après l’expérience thérapeutique réalisée.

Un rapide exemple d’outil

Aujourd’hui bon nombre de questionnaires sont standardisés et sortent tout droit de papiers scientifiques. Pour ne prendre qu’un bon vieil et classique exemple, on peut reprendre l’un des outils utilisés dans notre étude épluchée sur le mal de dos chronique : l’Inventaire de Dépression de Beck (Beck Depression Inventory). Ce test mis en place à la fin des années 1980 par Aaron Beck (grand nom des TCC !), permet encore aujourd’hui d’aider à diagnostiquer l’intensité de la dépression d’une personne.

Un test rapide de 21 questions. Exemple d’item : on me demande d’indiquer si je pleure plus que d’habitude ou si je ne pleure pas plus qu’avant, ou si je pleure tout le temps, ou si finalement je ne suis plus capable de pleurer même si j’en ai envie.

On ne s’intéresse pas uniquement à ce qui ne va pas

Là c’est un exemple d’outil qui s’intéresse aux plaintes, souffrance et problématiques. Mais un thérapeute ne se limite pas qu’à ça. On prend la personne dans sa globalité. On ne va pas uniquement s’intéresser à ce qui ne va pas, mais aussi à ce qui va bien, aux comportements et processus qui ne sont pas problématiques.

Toute cette analyse qui précède la thérapie, permet de choisir laquelle prendre et d’individualiser cette dernière. Une grande première étape très importante donc qui se réalise donc durant l’une ou deux premières séances. S’enchaîne ensuite l’accord de la collaboration entre patient et thérapeute. Tous deux se mettent d’accord sur les objectifs à atteindre et donc de la thérapie choisie. Ça c’est la rapide deuxième étape, mais ô combien importante symboliquement car elle concrétise le début d’un « aller mieux ».

Figure 10 : inventaire de dépression de Beck

Étape 2 : mise en place d’objectifs

Confiance mutuelle : alliance thérapeutique

En psychothérapie, le ou la thérapeute doit jouer cartes sur table. Comme dans un papier scientifique. Il doit évoquer ses hypothèses, ses questionnements et inversement répondre aux questionnements du patient. Si le patient a envie de comprendre telle théorie derrière telle pratique, alors allons-y. Si le patient ne ressent pas un bon feeling ou a envie d’une autre approche de thérapie, alors tant pis, on change de thérapie ou on recommande d’autres collègues plus spécialisés.

Et surtout, le thérapeute ne doit pas hésiter à reformuler encore et encore pour bien qu’il comprenne les ressentis et les problématiques de la personne. Car oui, malheureusement, tout psychiatre ou psychologue n’arrive pas à lire dans l’esprit et les pensées des gens. Des petites techniques d’entretien ici et là fleurissent pour préciser la pensée d’une personne, comme la re-contextualisation, la reformulation, la répétition…

Je vous propose un exemple d’un dialogue entre thérapeute et patient où le patient consulte parce que, je le cite, il « n’arrive pas à parler aux gens comme tout le monde le fait. » Vient alors un moment où il dit clairement d’avoir peur des gens.

Avoir peur des gens. C’est sacrément vague. Alors le ou la thérapeute tente de recontextualiser : « Comment ça les gens ? Par exemple, moi, je vous fais peur ?
– Un peu. Mais avec vous, ça va.
Puis gros silence. Le thérapeute essaie alors de relancer pour l’inviter à préciser sa pensée :
– C’est tous les gens ? Ou seulement certain type de personne ?
– Nan, tout le monde. Mais genre… quand… Quand il y a plein de monde, je ne suis pas à l’aise.
– Quand il y a plein de monde ça vous oppresse au point d’en avoir le souffle coupé ?
Là il ou elle s’est tenté sèchement à une interprétation comme quelque chose autour d’une attaque de panique. Mais la patient le corrige directement. D’où la nécessité de reformuler encore et encore pour savoir exactement ce que ressent et pense la personne.
– Non. J’ai… J’ai juste l’impression qu’on va me sauter dessus à tout moment.
– Vous sautez dessus à tout moment ?, répète le thérapeute.
– Oui comme s’ils allaient venir autour de moi pour me regarder de la tête aux pieds.
– Qu’on vous juge donc ?, se tente le thérapeute à une nouvelle reformulation.
– Ouais. Et même qu’on se moque de moi.
Donc, de « j’ai peur des gens » on est arrivé à la peur du jugement par les autres. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres pour s’approcher de plus en plus à ce que pense et vis réellement la personne.

Confiance mutuelle : contrat thérapeutique

Encore une fois, en psychothérapie, le ou la thérapeute doit jouer cartes sur table. C’est une collaboration entre thérapeute et patient pour que ce-dernier se sente mieux. Ça le concerne lui. C’est avant tout lui qui doit être au courant de tout. Le ou la thérapeute évoque alors clairement ses interprétations et ses hypothèses, et propose la méthode de travail thérapeutique à suivre, propose les critères qu’on cherche d’abord à évaluer et améliorer. Tout doit être le plus clair possible. Dès fois, en psychologie, on parle même de « contrat thérapeutique ». C’est vraiment ça. Un plan d’action, clair et concret, pour aller au bout des choses. Certains thérapeutes mettent même carrément par écrit, sous forme réelle d’un contrat à signer, pour se mettre d’accord avec la personne sur le parcours thérapeutique à suivre.

Figure 11 : juste pour la blague du contrat

Étape 3 : application concrète de la thérapie

Parfois on parle de « thérapie brève »

En troisième étape, après la mise en avant des difficultés puis l’objectif qu’on veut atteindre pour pallier à ces difficulté, bah… c’est l’application concrète de la thérapie. Une TCC s’étale sur plusieurs séances de quelques semaines à quelques mois. On est loin des années de psychanalyse. Là il y a un contrat à suivre avec un certain nombre de séances et un objectif à atteindre.

Alors concrètement comment ça se passe ? Reprenons ma petite définition des TCC : une thérapie cognitive et comportementale vise la santé mentale de l’individu en modifiant sa propre manière de fonctionner via ses comportements, émotions et pensées. Le but de la thérapie est alors de modifier, changer ou restructurer la manière dont on fonctionne. Et comment on fait ? Hé bah, ça dépend puisque toute thérapie est individualisée. Mais on peut essayer d’en tirer les gros traits communs.

Identification des pensées et émotions

Tout d’abord on cherche à identifier et objectiver ses pensées en se détachant de ses émotions. On est là en TCC pour du concret. Arriver en consultation et dire que « la vie c’est de la merde », c’est sacrément large et exagéré. On essaie alors de préciser petit à petit les pensées problématiques qui génèrent cet état général jugé inadapté et problématique. Des petites techniques appelées « questionnement socratique » ou « flèche descendante » sont parfois utilisées. Reprenons notre même exemple avec le patient souffrant d’une anxiété sociale :

« – Même si tout le monde se moque de vous. En quoi c’est si grave ?
– Bah, j’aurais mauvaise réputation et je serais affiché pour toujours.
– C’est quoi qui vous dérange ? Qu’on vous colle une étiquette ou qu’on pense à mal de vous ?
– Qu’on pense mal de moi. Je suis déjà le bizarre de la promo. Et en vrai, ça… Je m’en fou de ça. Non. Juste qu’on pense mal de moi. Comme vous avez dit, la peur du jugement tout ça… Probablement. Enfin j’en sais rien…
– Hmm.. »

Le fait de penser que tout le monde nous juge constamment est un « biais d’interprétation » aussi appelé « pensée automatique » ou « croyance limitante ». En réalité, nous sommes tous une personne hasardeuse parmi la masse de gens. C’est la première fois que la patient enchaîne 2 ou 3 phrases et libère sa parole. Le thérapeute laisse un blanc au patient semblant perdu dans ses pensées. Il tente malgré tout de relancer :
« – Quel est le problème ?
– Moi.
– Comment ça ?
– Bah c’est moi le problème. J’ai l’impression que tout le monde me regarde tout le temps et n’attend qu’une chose : se foutre de ma gueule.
– Ce que vous voulez dire c’est que votre interprétation est fausse. Ça vous le savez. Mais elle est malgré tout là et vous tourmente. » Le ou la thérapeute reformule alors ses mots en essayant d’insister sur le fait que ce n’est pas lui le problème mais ses pensées. On n’est pas ses pensées. On n’est pas ses émotions. Pensées et émotions sont des manifestations, comme la sensation de froid en est une autre. Elles sont sur le même plan. Lui de son côté confirme par un oui de sa tête.

Le thérapeute continue : « Mais même si c’était le cas. Même si tout le monde se moquait réellement de vous en toute discrétion. Pourquoi c’est si grave ? Pourquoi est-ce si important qu’on ne se moque pas de vous ?
– Bah c’est évident. On veut tous une belle image de soi. Pour se faire des amis tout ça…
– Ah. En gros, ne pas se sentir rejeté.
– Oui. Bah… oui.
– Et c’est intéressant ce que vous venez de dire. Vous voulez que tout le monde ait une belle image de vous. Donc vous voulez être aimé par tout le monde ? Disons ça. Disons que toute personne veut être aimé par tout le monde. Pourquoi vous, vous voudriez être aimé par tout le monde ?
– Bah pour être plus serein !
Le ou la thérapeute venais de toucher du doigt ce qu’on appelle en TCC une croyance fondamentale. C’est-à-dire en gros une croyance primaire, à la racine d’autres croyances, d’autres manière de penser, d’autres manière de fonctionner. Ici, croire que pour connaître le bonheur il faut être aimé par tout le monde.

Restructuration de la cognition

Une fois le fonctionnement problématique décelé, le but est d’apprendre une autre manière de fonctionner plus objective et adaptée. D’apprendre d’autres pensées, d’autres comportements alternatifs. Et de ce fait, d’apprendre que notre fonctionnement problématique ou croyances dysfonctionnelles sont inadaptées par rapport à la réalité. On peut par exemple établir une sorte de « raisonnement bayésien ». Après avoir listé plusieurs manières alternatives de fonctionner, on évalue d’abord nos préjugés en pourcentage sur chaque alternative, puis on les teste sur le terrain au moins trois fois avant d’en tirer une conclusion par de nouveaux pourcentages plus réalistes basées sur les expériences de terrain.

Concernant notre exemple avec la personne souffrant d’anxiété sociale, tout le but sera de démontrer à quel point ses croyances et pensées sont à côté de la plaque par de petites expériences sociales. Il se trouve qu’il se centre énormément sur ses propres ressentis quitte à les grossir encore et encore. Au point de penser que tout le monde puisse voir tous ses défauts : bégaiement, mimiques de stress ou bizarres et ridicules mouvements.

Il y a alors plusieurs possibilités pour le vérifier. Il y a la possibilité que notre patient demande de lui-même aux personnes autour d’elle si elles ont réellement remarqué, le fait de se gratter le visage nerveusement, le fait de rougir ou le fait de trembler des lèvres, par exemple. Tous les comportements que la personne juge comme extrêmement visibles. Une autre solution serait de se filmer en train d’interagir et de discuter. Ou encore, une autre petite expérience possible serait d’exagérer un comportement juger ridicule et voir que finalement rien de grave ne se passe ; et que les personnes autour de soi sont tout autant attentionnées, sans se moquer à gorge déployée.

Invitation à l’action

Ainsi une thérapie ne se fait pas qu’en consultation mais aussi à la maison ! Ça se travaille au quotidien, tout comme on ne guérit pas d’un rhume du jour au lendemain. Parfois est demandé de noter ses pensées lors d’événements particuliers. Parfois est demandé de tester et expérimenter d’autres manières de fonctionner. Et la méthodologie est clairement expliquée. Encore une fois, le but ultime d’une thérapie est qu’on puisse, par l’avenir, avoir ce recul plus objectif de manière autonome, sur nos émotions, comportements et pensées. On terme technique, on appelle ça la métacognition.

La mise en action est d’ailleurs une notion centrale des TCC. On parle de Thérapie d’Activation Comportementale pour remettre en route des activités centrées sur les motivations et valeurs principales de l’individu, surtout lors de dépression. Autre exemple, on parle d’Exposition Progressive notamment contre les phobies, où on ne va pas directement mettre une araignée dans les mains d’une personne arachnophobe au milieu d’une cave sombre ! L’exposition est progressive. D’abord juste en en parlant, dessinant ou en montrant des images avec son thérapeute dans un contexte sécurisant. Un contexte sécurisant duquel on décortique nos pensées et fonctionnements.

Gestions des émotions

Encore une fois, une TCC ne s’intéresse pas éternellement au « pourquoi » du passé, mais se focalise sur le concret du « comment » aujourd’hui au moment présent pour comprendre le fonctionnement. On invite également le patient à se focaliser sur ce moment présent, via différentes méthodes que ce soit la métacognition, la mise en action ou la relaxation. Cela permet notamment d’aider à la gestion des émotions.

Pour de plus en plus d’auteurs et de cliniciens, on parle de Thérapies d’Acception et d’Engagement ou encore de Thérapies de Pleine Conscience. Pleine conscience, c’est-à-dire d’accorder simplement et totalement son attention sur ce qui se passe là, tout de suite, en ce moment. Résolution de problème, apprentissage, hypnose, méditation, lecture, jeux vidéos, loisirs et autres activités absorbantes sont tous des exemples d’outils pour laisser de côté notre éternelle boîte à penser et se focaliser sur le moment présent.

Cela permet par exemple de mettre de côté les ruminations focalisées sur le passé – telles les pensées bouclées sur : « je n’aurais pas dû faire ça, la honte, la honte. Qu’est-ce qu’ils vont penser de moi maintenant. Pourquoi j’ai fait ça ? Ils doivent me détester. » – ou de mettre de côté les anticipations anxieuses du futur – par exemple : « Je sens que ça va mal se passer. Je vais arriver là-bas je vais trembler de partout. Je vais bafouiller et me ridiculiser. Comme toujours. Et ça aura des conséquences graves. Je ne le sens pas. Ça va être horrible. »

Motivation et acceptation

Ainsi, contrairement aux idées reçues, une TCC n’est pas une thérapie froide et mécanique. Non. Les émotions et les ressentis subjectifs sont pris en compte. Malgré toutes ces techniques de gestion des pensées et émotions, elles sont toutefois difficiles à supprimer. On n’a malheureusement pas un clique droit puis à la corbeille pour une émotion ou une pensée. On ne peut que les gérer et les accepter. D’où un autre concept important des récentes TCC : la notion d’acceptation.

Le ou la psychiatre ou psychologue cherche à modifier la relation qu’à la personne à sa problématique, plus que de se concentrer sur la problématique en elle-même. Encore une fois, on s’intéresse au davantage « comment » du fonctionnement, c’est-à-dire les processus derrières. En bref, une TCC nous invite à prendre du recul, d’accepter que nous sommes qu’un simple être vivant avec des pensées, sensations et émotions et à revenir à ce qui nous importe le plus dans la vie : nos valeurs, nos premières motivations.

Étape 4 : les résultats en conclusion

Le petit chercheur

Comme on vient de voir ensemble, des TCC, il y en a plusieurs dont certaines fonctionnent plus que d’autres sur certains troubles. S’y ajoute à cela toute une armada de grilles d’observation, de tests et questionnaires pour évaluer le tout. Bah oui, psychologue c’est tout un métier ! À croire qu’ils ne font qu’écouter la personne. Mais non, c’est un bordel de boulot pour tout démêler. Surtout de manière la plus efficace possible, en se référant continuellement aux études scientifiques.

Donc oui. Une TCC, une thérapie cognitivo-comportementale, est une thérapie scientifique. Scientifique, pas uniquement ce sur quoi elle repose, mais aussi dans sa méthode. Le déroulement même d’une TCC se passe comme une étude scientifique. Peu importe le nom spécifique de la thérapie inspirée, on pose toujours des hypothèses puis on les teste en évaluant avant et après si ça a eu un effet. Voilà le résumé d’une TCC sur quelques séances. Le ou la thérapeute invite la personne à jouer au petit chercheur.

Une idée reçue qui est exagérée mais pas fausse

En quatrième étape, il est alors temps d’évaluer s’il y a eu progrès ou pas. On reprend les grilles d’évaluation choisies au tout début de thérapie. Puis on compare les résultats avec ceux d’aujourd’hui après thérapie. Si les hypothèses ont été bonnes. Si la personne se sent satisfaite, plus autonome, plus en bien-être.

Ainsi, contrairement aux idées reçues, une TCC n’est pas une thérapie froide et mécanique où on conditionne un comportement comme on conditionnerait un chien à donner la pa-patte. Non. Ou en fait, oui… mais pas uniquement, parce que, la vie de la personne, ses émotions et ses propres valeurs sont prises en compte. Mais ça reste une thérapie basée sur l’apprentissage voire le conditionnement. Comme le chien qui donne sa pa-patte… oui… si on veut.

Étape 5 : suivi du maintien sur le long terme

C’est bien appris et ancré ? Bien emballé et conditionné ?

Et justement, en toute dernière séance on cherche à savoir si la nouvelle manière de fonctionner a bien été ancrée, a bien été apprise. Ou, en d’autres termes si vous préférez, oui, si la nouvelle manière de fonctionner a bien été conditionnée. C’est la cinquième et dernière étape : le suivi sur le long terme. Le thérapeute propose au patient de se revoir dans plusieurs mois pour évaluer tout ça. Ouais. Tel un partiel ou un examen de fin d’études.

Les TCC restent avant tout des thérapies de l’apprentissage

En effet, bien que nos premiers préjugés annoncent avec des grands mots que les TCC conditionnent, comme si on conditionnait un animal de laboratoire, ou reprogramment comme si on injectait de nouveaux programmes informatiques préformées, en fait, beaucoup de choses repose sur le même schéma qu’un simple… enseignement. Les TCC ne restent pas plus pas moins que des thérapies d’apprentissage. On apprend comment à garder une posture plus objective en prenant du recul. On apprend comment rester calme malgré des situations stressantes qui étaient carrément envahissantes avant thérapie. On apprend à prévoir quand est-ce qu’un comportement compulsif va arriver. Bref, on apprend à mieux gérer ses pensées, émotions et comportements.

On utilise même d’ailleurs un terme pour ça. On parle de psychoéducation. En gros, une thérapie sert à mieux se connaître, comment on fonctionne. Et encore une fois, seules, les consultations avec le thérapeute ne sont pas suffisantes. C’est tous les jours qu’on s’adapte et qu’on apprend des choses. Le thérapeute peut alors recommander à la personne des auteurs, autrices et ouvrages auxquels il pourra se référer. Certains parlent de « bibliothérapie » : la thérapie par la lecture.

III. Conclusion

On ne « désapprend » pas (malheureusement)

Pour conclure, on peut lire parfois qu’une TCC s’apparente à une reprogrammation. Comme si on nettoyait les fichiers d’un ordinateur, en supprimant certains pour réorganiser le tout. Or, contrairement à certaines idées reçues et ce qu’on peut lire ici et là, une TCC n’a pas pour objectif de « déprogrammer », de « désapprendre » ou de « supprimer » les pensées, émotions et comportements gênants. Une TCC a pour objectif, non seulement d’apprendre à vivre avec, mais aussi d’apprendre « un comportement nouveau, incompatible avec le trouble présenté » (Cottraux, 2020, p.3) au point que ça devienne automatique et qu’il puisse, au quotidien, l’appliquer.

Une TCC, donc, n’est pas magique. On ne vient pas voir son thérapeute pour supprimer ce qui ne va pas et puis hop on repart. Non. On comprend et accepte notre fonctionnement puis on tente d’apprendre une nouvelle manière de fonctionner. Et ça, comme tout enseignement, ça demande quelques séances en plus des devoirs quotidiens à la maison pour le patient actif et engagé.

Les limites d’une TCC ?

Malgré tout, une TCC est limitée. En effet, on travaille sur les comportements, émotions et pensées. Mais encore faut-il qu’ils soient présents. Encore faut-il que la personne puisse elle-même en produire – des comportements, émotions et pensées – et prendre du recul par rapport à ces-derniers. Ça demande un effort cognitif et émotionnel que, certaines personnes dans un état plus grave, ne peuvent réaliser. Et dès fois, oui, même juste le simple de se lever de son lit ou de penser c’est déjà difficile à engendrer…

Enfin, comme définie au début de ce dossier, une TCC est centrée sur l’individu. Que c’est en restructurant le fonctionnement propre de l’individu que le problème peut être réglé. Mais il ne faut jamais oublié que le fonctionnement d’un individu est toujours en interaction avec son environnement. Ainsi, peut-être que finalement, le problème dès fois ne vient pas de lui, mais de son environnement.

Le problème ne vient pas que de soi : interaction (cf. Figure 9)

Exemple quotidien très simple. Si une femme citadine sort seule, le soir, dans la rue… Le fait d’être anxieuse et limite paranoïaque n’a rien d’anormal. Ce n’est pas son fonctionnement qui est problématique. Mais bien l’environnement et cette société où sexisme et agression sexuelle sont trop présents et presque sans poursuite

Autre exemple extrapolé, sur le burn-out, avec Tupe et le psychiatre Gaetan interviewé dans l’épisode 350 :

S’il fallait retenir qu’une seule chose

Pour clore ce dossier sur les TCC. Si l’expression de thérapie cognitivo-comportementale ne vous parle pas, ou vous fait peur pour je ne sais quelle raison, souvenez-vous juste d’une seule chose : c’est une thérapie objective. Autrement dit, c’est une thérapie qui aide la personne à se détacher de ses habitudes, de ses apprentissages, de ses émotions, comportements et pensées, bref de sa subjectivité pour la voir d’un nouvel œil plus objectif. Et tout cela en collaboration avec un ou une psychiatre ou psychologue qui connaît les meilleures méthodes prouvées scientifiquement.

Et si c’est ce le mot « thérapie » qui ne vous plaît pas, imaginez cela comme un atelier pratique dans le but d’aller mieux au quotidien ! En bref, une thérapie cognitivo-comportementale, est un atelier pratique avec un ou une praticienne scientifique dans le but d’apprendre à être plus objectif au quotidien de manière automatique.

Quelques liens et références

https://www.aftcc.org
https://igorthiriez.com
https://www.padesky.com
https://tcc.apprendre-la-psychologie.fr
https://www.psychopap.com/selon-mes-symptomes
https://tccmontreal.com (site de Jean Goulet et Louis Chaloult)
https://e-psychiatrie.fr/tcc-psy-paris/principes-modeles-psy-tcc-paris
Hoffman et al. (2007) Meta-Analysis of Psychological Interventions for Chronic Low Back Pain https://psycnet.apa.org/doi/10.1037/0278-6133.26.1.1
Turner & Jensen (1993) Efficacy of cognitive therapy for chronic low back pain https://doi.org/10.1016/0304-3959(93)90128-C
Fonagy (2015) Effectiveness of psychodynamic […] https://doi.org/10.1002/wps.20235
Palazzolo (2020, 2ème édition) Les thérapies cognitives et comportementales
Cottraux (2020, 7ème édition) Les psychothérapies cognitives et comportementales
Inserm (2004) Psychothérapie : Trois approches évaluées http://hdl.handle.net/10608/146
Ngô & Dionne (2018) Chapitre 5 dans Pleine conscience et intervention
Un bon début d’annuaire d’associations et thérapeutes TCC :
https://www2.aftcc.org/carte_membres

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