Home Blog Page 104

Dossier: le daltonisme

Dossier d’Alan dans l’épisode #4.

Définition de Wikipedia:

Le daltonisme est une anomalie dans laquelle un ou plusieurs des trois types de cônes de la rétine oculaire, responsables de la perception des couleurs sont déficients. Un daltonien est une personne atteinte de cette affection.

Mes bonnes résolutions fondent en cet automne naissant comme neige au soleil. En effet, afin de limiter le nombre de sujets et, hypothétiquement, la durée du podcast, je m’étais proposé d’aller piocher le sujet du dossier de la semaine dans les sujets d’actualité scientifique, histoire de faire d’une pierre deux coups. Mais rien dans les news de cette semaine ne m’a véritablement inspiré, ça arrive… Alors j’ai choisi de me tourner vers l’explication d’un phénomène qui affecte l’un de mes proches, le daltonisme. Renseignement pris, le proche en question, sait plein de choses sur le daltonisme mais il ne comprend pas pourquoi ça lui est arrivé à lui et pas à sa petite sœur. Honte sur moi! Science bien vulgarisée commence à la maison me dis-je aussitôt (comme quoi, on a ou on a pas le sens de la formule… Mieux vaut laisser la quote à Mathieu 😉 )

Est-il vrai que c’est une maladie génétique? Qu’elle est transmise par la mère? Que seuls les garçons peuvent-être daltoniens?

Les réponses en court:

  • vrai pour la génétique (mais cela survient parfois suite à une lésion nerveuse, oculaire ou cérébrale ou encore à cause de certaines substances chimiques);
  • vrai pour la transmission par la mère (dans les cas de transmission génétique bien sûr), mais à nuancer quand même: dans les rares cas de transmission à des filles, alors les deux parents passent le gène incriminé;
  • et donc pour le dernier point: pas tout à fait vrai pour la transmission aux garçons uniquement: les filles aussi peuvent être daltoniennes. Mais la probabilité est nettement diminuée. Et la génétique mendelienne va nous expliquer pourquoi dans un instant.

Mais d’abord, le daltonisme, qu’est-ce c’est?

C’est un problème de la rétine oculaire, qui affecte la perception des couleurs. Il en existe plusieurs types, que je ne vais pas détailler ici car ils sont super bien documentés sur Wikipedia, page “Daltonisme”, paragraphe “Types de dyschromatopsie” (du petit nom scientifique de la chose… On l’appelle habituellement daltonisme, en raison du nom du premier chercheur à l’avoir documentée, un chimiste anglais du XIXà siècle, John Dalton, lui-même atteint). Bref, dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’une anomalie des récepteurs de la couleur verte, qui devient du coup impossible à distinguer de la couleur rouge.

Qu’est-ce qu’une anomalie des récepteurs de la couleur verte?

La rétine (Wikipedia)L’œil, qui est une extension du cerveau, est très complexe. Il est composé de plusieurs constituants, dont la rétine, qui est une mince membrane faite de plusieurs couches, et qui tapisse la paroi interne de l’œil. La rétine est l’organe sensible de la vision. Elle est composée, entre autres, de récepteurs sensibles

  • soit à la vision nocturne, au noir et au blanc, les bâtonnets,
  • soit à la vision diurne (de jour) et aux couleurs, les cônes.

Le daltonisme est une maladie des cônes

Dans sa forme la plus courante, la “deutéranopie”, pour les initiés, le daltonisme est une fait une absence des cônes sensibles au vert. Du coup, pour la personne affectée, il n’y aucune espèce de différence entre du vert et du rouge…

Mais il y en a d’autres formes. Des liens à la fin de cet article permettent de voir ce que voit un daltonien en fonction de son type de daltonisme.

Comment se transmet le daltonisme?

Lorsqu’il n’est pas acquis suite à une lésion, le daltonisme est transmis par un gène récessif du chromosome X, ce qui explique pourquoi il ne peut être transmis que par la mère et s’exprime en priorité chez les garçons. Dit comme ça, l’explication ne saute pas tout de suite aux yeux, pourtant, c’est totalement logique une fois qu’on a compris quelques principes. Et c’est là qu’intervient notre ami Gregor Mendel.

Mendel est un personnage formidable: c’était un moine et botaniste tchèque de langue allemande. Enfin je dis tchèque, on pourrait dire autrichien également car sa région, la Moravie, appartenait à l’époque (milieu du XIXe siècle) à la couronne d’Autriche. Les lois de Mendel sont aussi célèbres dans l’histoire de la science que le bain d’Archimède ou la pomme de Newton. Ce sont, dans son cas, des expériences menées sur le pois qui permirent à Mendel de découvrir les lois de l’hérédité. Complètement en dehors des circuits scientifiques, ses recherches extraordinaires ont été  oubliées de la communauté scientifique. Il était pourtant contemporain de Darwin, dont nous avons déjà parlé, mais personne n’a pensé à faire le lien entre les deux théories (l’Evolution de Darwin, et la génétique dont Mendel est le père incontesté!)

Les règles de l’hérédité

Ce que Mendel a découvert, en étudiant des pois, ce sont les règles de l’hérédité. Qu’est-ce qui se transmet d’une génération à l’autre et comment? Toutes les tentatives précédentes furent des échecs. Mendel est vraiment un de ces génies qui a réussi à comprendre ce que personne n’avait compris jusque là.

On va prendre le cas des êtres humains pour faire plus simple, mais le principe fonctionne pour toutes les créatures, plantes ou animaux, à reproduction sexuée:

Le mère fournit exactement la moitié du patrimoine génétique. Le père exactement l’autre moitié. Les gènes ne se mélangent jamais, mais se combinent entre eux, de manière aléatoire. (C’est pourquoi, à part pour les jumeaux homozygotes, au patrimoine génétique identique, les frères et sœurs de mêmes parents se ressemblent souvent (pas toujours) et ne sont jamais jamais jamais identique).

Quand on dit que les gènes ne se mélangent jamais, ça veut dire que pour une caractéristique donnée, c’est soit un gène du père soit un gène de la mère qui va s’exprimer, mais ce n’est jamais moitié moitié.

Oui mais, me direz-vous, si les gènes ne se mélangent pas, comment se fait-il que les enfants dont un parent a la peau noire et l’autre parent la peau blanche ne se retrouvent pas ou noirs ou blancs mais quelque part entre deux? Héhé, j’adore la question… Eh bien, il n’y a pas qu’un gène responsable de la couleur de la peau, mais une quinzaine, ce qui permet toutes les nuances de couleur!

Si je reviens à Mendel: donc, les chromosomes, qui portent l’information génétique, viennent en paires, ce qui permet, pour chaque gène, d’en avoir un en version maternelle et un en version paternelle. C’est vrai pour toutes les paires de chromosomes, sauf pour la dernière paire, la 23e, le chromosome X et le chromosome Y.

D’abord une règle toute simple, en principe, si vous avez deux X, vous êtes une fille. Si vous avez un XY, vous êtes un garçon. Lors de la reproduction, la mère passe le chromosome X et le père passe soit un chromosome X (si c’est une fille) ou un chromosome Y si c’est un garçon.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un garçon n’a qu’un chromosome X alors que la fille en a 2. Mettez cela de côté, on y revient tout de suite.

Les gènes récessifs

L’une des découvertes majeures de Mendel, c’est que certains gènes sont dominants (ils s’expriment quoi qu’il arrive) alors que d’autres sont récessifs (il en faut deux identiques pour qu’ils s’expriment). Le gène récessif le plus connu est celui des yeux bleus. Je connais le cas dans ma famille: j’ai les yeux brun-vert, ma femme les yeux carrément verts. Et pourtant notre fille a les yeux bleus. Et ma mère et la mère de ma femme avaient les yeux bleus. Ce gène nous a été transmis à tous les deux, mais ne s’est pas exprimé, car l’autre gène sur la même position, celui de nos pères respectifs, était dominant et s’est exprimé. Par contre, les aléas de la combinaison génétique a voulu que nous transmettions tous les deux le gène des yeux bleus à notre fille, qui donc s’est retrouvée avec deux gènes des yeux bleus. Et chez qui la caractéristique a pu s’exprimer.

Le gène récessif sur le chromosome X

Dans les paires “normales” de chromosomes (c’est à dire les 22 premières), pour qu’un gène récessif s’exprime, il faut qu’il existe à double, dans les deux versions des chromosomes.

Mais si c’est un gène du chromosome X, chez un garçon, pas besoin de paire! Le garçon n’ayant qu’un chromosome X, récessif ou pas, le gène va s’exprimer à tous les coups! Ce qui explique les quelque 10% de daltoniens en moyenne chez les garçons (aux Etats-Unis. En France, on parle de 8.5% et je n’ai pas trouvé les chiffres pour la Suisse).

Ceci dit, le daltonisme chez une fille peut parfaitement exister aussi, mais alors il faut qu’il existe sur les deux versions du chromosome X, ce qui est nettement moins probable (0.45% de la population) mais arrive quand même. Et dans ce cas, la transmission ne se fait pas que par la lignée maternelle, mais également par la lignée paternelle!

Donc, si je reprends la phrase un peu effrayante de tout à l’heure, qui résumait le problème, soit  “le daltonisme est transmis par un gène récessif du chromosome X”, j’espère qu’elle est moins effrayante maintenant et qu’elle fait totalement sens, sinon, je reverrai volontiers ma copie 🙂

Quelques liens:

Ce que voit un daltonien:

http://www.vischeck.com/examples/

Ressources sur le daltonisme:

Portail informatif: http://www.daltonisme.com/

Nouveaux tests de dépistage en ligne, faites le test, on ne sait jamais! http://www.opticien-lentilles.com/daltonien_beta/nouveau_test_daltonien.php

Génétique mendelienne

Les 3 lois de Mendel: http://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_de_Mendel (ou si vous lisez l’anglais, article beaucoup mieux documenté ici: http://en.wikipedia.org/wiki/Mendelian_inheritance)

Gregor Mendel: http://fr.wikipedia.org/wiki/Gregor_Mendel

Les gènes responsables de la couleur de la peau: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC212702/ (article en anglais)

Podcast Science 03 – La constante de 45 minutes

 

Cette semaine, nous nous jurons de ne pas dépasser 30 minutes et nous réduisons le nombre de sujets traités… Peine perdue, les 45 minutes semblent être une constante qui régit les lois de podcast science.

On continue d’y croire, la semaine prochaine, vraiment, c’est promis, on abrège!

Après un petit point sur les feedbacks chaleureux (merci encore à nos amis de Niptech, qui nous ont fait une super promo dans leur dernier numéro, l’épisode 46) et constructifs (merci Mme Professeur Von 😉 ), nous lançons une  question ouverte: sommaire ou pas sommaire? Merci d’avance à notre immense auditoire de son feedback!

La news de la semaine: “Les lois de la Physique ne sont pas toutes les mêmes dans l’Univers”

http://www.science.unsw.edu.au/news/laws-of-physics-vary/
http://www.newscientist.com/article/dn19429-laws-of-physics-may-change-across-the-universe.html
http://www.tendencias21.net/Las-leyes-fisicas-no-son-las-mismas-en-todo-el-Universo_a4825.html

(articles en anglais et en espagnol)

Le dossier de la semaine: “L’épigénétique (ou comment notre malbouffe altère non seulement nos gènes, mais également ceux de nos enfants, pour des générations et des générations à venir)

La quote de la semaine:

“Il n’existe aucune branche des mathématiques, aussi abstraite soit-elle, qui ne puisse un jour arriver à s’appliquer à un phénomène du monde réel.” (Nikolaï Ivanovitch Lobatchevski)

La minute culturelle:
Depuis le 1er juillet, exposition permanente « Univers de Particules » au rez-de-chaussée du Globe de la science et de l’innovation du CERN, à Genève. Exposition gratuite, comme toutes les activités de vulgarisation scientifique du CERN. C’est une  exposition plonge le visiteur dans une atmosphère féérique avec des sphères changeant de couleurs qui apparaissent dans l’obscurité du Globe. On doit s’asseoir dans des « fauteuil-œufs » pour entendre des physiciens expliquer les règles et l’évolution de l’univers…

Pour en savoir plus: http://outreach.web.cern.ch/outreach/FR/expos_cern/univers_particules.html

Une toute bonne semaine!!

(Prochain enregistrement, le mercredi 22 septembre)

Dossier: l’épigénétique

Dossier d’Alan dans l’épisode #3.

Définition de Wikipédia:
« L’épigénétique est le domaine qui étudie comment l’environnement et l’histoire individuelle influe sur l’expression des gènes (…) »

La famine néerlandaise de 1944
En juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie, avec la ferme intention d’éjecter l’occupant Nazi du continent européen. En septembre 1944, aux Pays-Bas, les Britanniques conduisent l’opération “Market Garden”, soit une tentative de récupérer les ponts franchissant les principaux fleuves des Pays-Bas, dont le Rhin, à Arnhem, et dont le succès aurait permis aux Alliés d’atteindre rapidement la Ruhr et de mettre un terme à la guerre. Les Hollandais sur les lieux s’emballent pour cette opération et entrent en rébellion contre le régime Nazi. Malheureusement, l’opération est un flop. Et les citoyens hollandais sont punis pour avoir pris parti. Leurs rations de nourriture sont réduites à des portions ridicules. Une ration d’adulte tombe à 580 calories par jour (soit environ un quart du minimum nécessaire à un être humain).
Un malheur ne venant jamais seul, l’hiver 1944-1945 est particulièrement rude, et rend le peu de nourriture encore moins accessible. Cette période a été nommée la famine hollandaise (ou l’hiver de la faim).
Parmi les adultes sous-alimentés, se trouvaient bien sûr des femmes enceintes. Affamées, elles ont accouché de nouveaux-nés en mauvaise santé et plus petits que la normale. Horrible, mais pas étonnant, étant donné les circonstances.
Ce qui est complètement étonnant par contre, c’est que les petites filles nées dans ces conditions, devenues femmes dans les années 1960 ont elles aussi donné naissance à des bébés rachitiques ! Qui une fois adultes, dans les années 1980 ont donné naissance à des bébés rachitiques, etc.
En clair, cette terrible famine, subie par des femmes enceintes en 1944 a généré des changements permanents dans leur patrimoine génétique, changements ensuite transmis de manière héréditaire de génération en génération.
Bienvenue dans le monde de l’épigénétique !

Lamarck et Darwin
Au XIXe siècle, si la théorie de l’Evolution par la sélection naturelle, proposée par Charles Darwin, a rencontré un tel succès malgré le contexte, c’est entre autres parce qu’elle mettait un terme définitif aux élucubrations de son illustre prédécesseur, Jean-Baptiste de Lamarck. En fait, Lamarck était l’un des premiers scientifiques à remettre en question le mythe de l’Arche de Noé pour expliquer l’origine des espèces. Il avait déjà compris que les espèces n’étaient pas figées dans leur moule mais qu’elles évoluaient. Il s’est planté car il pensait que les mutation acquises par un individu étaient transmises à la génération suivante. Comme il était simple de démontrer que des souris auxquelles on a coupé la queue ne donnent pas naissance à des souris sans queue, sa théorie s’est peu à peu couverte de ridicule. Et pourtant ! L’épigénétique nous montre aujourd’hui qu’il n’avait pas tout faux ! Certaines modifications acquises peuvent bel et bien être transmises aux générations suivantes.

Les yeux des drosophiles
Les drosophiles, ce sont ces petites mouches qui virevoltent dans la cuisine quand les bananes commencent à mûrir un peu trop. Leur génome est relativement simple à comprendre et du coup, elles sont les stars de la recherche génétique…
En avril 2009, le Dr Renato Paro, de l’Université de Bâle, a annoncé une nouvelle découverte formidable les concernant : si un œuf de drosophile est chauffé à 37° degrés avant éclosion, la mouche a les yeux rouges. Sinon, elle a les yeux blancs. Incroyable, non ? Mieux ! Les yeux rouges sont ensuite passés de génération en génération. Il s’agit donc d’une caractéristique acquise à cause d’un facteur externe (la température) qui devient héréditaire. Lamarck n’était décidément vraiment pas si nul après tout !
Randy Jirtle, un chercheur américain a réussi une expérience incroyable avec des souris. Il s’agissait de souris porteuses du gène agouti, rendant leur pelage beige-jaune et les condamnant à l’obésité et à une très mauvaise santé. En les nourrissant avec des vitamines B bien particulières, il n’a pas soigné ces souris génétiquement malades, mais cela a soigné leurs petits ! C’est tellement incroyable que ça mérite d’être re-phrasé : les descendants de souris porteuses du gène agouti nourries avec des vitamines B ne sont plus malades ni même beiges (le gène Agouti est toujours là, mais il n’est plus exprimé), alors que les descendants de celles qui n’ont pas reçu de vitamines B restent malades de génération en génération !

La question de Thomas Morgan
Tout le mystère qui a longtemps entouré l’épigénétique se trouve finalement assez bien résumé dans la question de Thomas Morgan, un généticien du début du siècle passé, mort en 1945, 8 ans avant qu’on réussisse à comprendre comment l’ADN stocke l’information génétique), bref, sa question était « Si les caractères de l’individu sont déterminés par les gènes, pourquoi toutes les cellules d’un organisme ne sont-elles pas identiques ? ». C’est vrai… Toutes les cellules de notre corps contiennent le même code génétique. De la crotte de nez à l’œil en passant par le foie, le salive, les cheveux, le cerveau… Pourtant, une cellule de cerveau n’a rien à voir avec une cellule de crotte de nez ! Comment ces gènes identiques peuvent-ils s’exprimer si différemment en fonction de leur contexte ? Je ne vais pas entrer ici dans le détail de l’expression des gènes en fonction du contexte, mais juste survoler la partie qui nous intéresse et qui explique certains points de l’épigénétique :

La méthylation de l’ADN

Nucléosome (wikipedia)

Lors d’un processus appelé la méthylation de l’ADN, de minuscules particules (des groupes méthyles) s’arriment à l’ADN, ce qui force les nucléosomes à se coller les uns aux autres, rendant impossible la lecture de tout le segment ADN coincé entre deux nucléosomes. En clair, c’est comme une tache sur un CD. Impossible pour le lecteur de lire ce qu’il y a dessous. L’information est perdue. Les gènes sous la tache sont inhibés. Et même si le patrimoine génétique à proprement parler est toujours le même, les gènes exprimés sont modifiés.
Comme la mutation génétique, la méthylation est une modification du génome qui se transmet de génération en génération, mais la grosse différence, c’est que la méthylation est en principe un phénomène réversible !
Alors qu’est-ce qui peut provoquer, chez l’être humain, ce phénomène de méthylation des gènes ?

Non seulement nous sommes ce que nous mangeons, mais nos erreurs alimentaires actuelles auront des conséquences sur les générations à venir !
Quand on a besoin d’un matériau qui résiste longtemps aux chocs et à la chaleur (voire aux flammes) on utilise un plastic spécial : un polycarbonate à base de bisphénol A. On s’en sert par exemple, pour les casques de vélo, les téléphones portables,  les CD et DVD, les lunettes, les caméras infrarouge, les vitres des phares de voiture, et… les biberons ! (Enfin, pour les biberons, ce n’est plus vrai depuis quelque temps, au Canada, en France, dans certains Etats américains, au Danemark… En Suisse, on s’achemine vers une interdiction, tout le monde est d’accord, mais, comme souvent, ça traîne… Et il est toujours possible de vendre ces biberons en toute légalité). Le bisphénol A n’est pas toxique au sens traditionnel du terme. Ni cancérigène. Mais ses molécules, lorsqu’elles passent dans l’organisme (et c’est malheureusement le cas avec les biberons !), constituent un leurre hormonal : elles servent de clé pour activer les œstrogènes (une hormone féminine) qui à leur tour vont activer des gènes censés être inhibés. « Consommés » dans les premières semaines de la vie ou aux moments critiques (comme la puberté), ces hormones peuvent avoir des conséquences dramatiques sur le développement des organes sexuels, aussi bien une puberté altérée chez les garçons qu’une puberté précoce chez les filles. Et ces caractéristiques sont passées aux générations suivantes!
Et attention, on ne trouve pas le bisphénol A que dans les plastics résistants ! Il y en a même  les boîtes de conserves (la partie blanche à l’intérieur). Certaines études montrent aujourd’hui un lien entre le bisphénol A et l’obésité, qui passe par les mécanismes de l’épigénétique.
J’ai parlé du bisphénol A, mais malheureusement, il en va de même pour les phtalates (bouteilles en PET), le formaldéhyde (càd la colle des meubles en kit), les parabènes (qu’on trouve dans les crèmes solaires et les cosmétiques), les pesticides et fongicides qu’on retrouve partout sur les 5 fruits et légumes qu’on nous recommande de manger chaque jour (le lien entre le « bromure de méthyl » utilisé dans ces substances et la « méthylation » n’est malheureusement pas à démontrer…) Et d’autres substances sont aujourd’hui suspectes comme les édulcorants de synthèse qu’on trouve les sodas light par exemple. Je ne parle même pas de l’alcool à haute dose ni surtout du tabac (Le New Scientist publiait pas plus tard que la semaine dernière une nouvelle étude qui confirme l’impact du tabagisme sur la fertilité, non seulement des fumeurs, mais de leurs descendants) !
Bon j’arrête, je commence à me faire penser à ma prof de sciences de 5e année, complètement à la masse (ce n’est certainement pas elle qui m’a inoculé la passion des sciences) et qui s’était procuré un compteur Geiger après l’explosion du réacteur de Tchernobyl pour mesurer le taux de radioactivité des salades vendues à la Migros avant d’en consommer…
Tout n’est pas encore perdu en ce bas monde !

Aliments recommandés, thé vert et vitamine B9  et B12
Le brocoli, la grenade, l’avocat pour leurs propriétés antioxydantes. Les poissons gras, les légumes verts à feuilles sont particulièrement recommandés pendant la grossesse et durant l’hiver pour la vitamine B12 et les Oméga3. La salade, les céréales, légumes verts pour leur teneur en acide folique (vitamine B9), qui permet de renouveler l’ADN.
Le thé vert, dont on connaissait depuis longtemps les propriétés antioxydantes et anti-cancérigènes (le thé vert est à l’origine du « paradoxe japonais » c’est à dire ce pourquoi les japonais connaissent moins de cancers du poumon alors qu’ils fument plus que les américains et moins de cancers des voies digestives que nous autres alors que les modes de vie sont très similaires!), on a compris aujourd’hui comment ça marche : certains gènes actifs dans la lutte contre le cancer s’inhibent avec l’âge. Le thé vert contient une substance (un polyphénol en bon français) qui fait le ménage dans l’épigénome et désinhibe l’expression de ces gènes, qui peuvent alors à nouveau faire leur boulot et nous protéger du cancer !
Pour ma part, je n’étais pas trop fan de thé vert jusqu’à aujourd’hui, mais je sens que ça va changer 😉
Bref, tout ça pour dire que si on varie son alimentation, qu’on réfléchit un peu à ce qu’on mange et boit (pourquoi par exemple payer très cher pour trimballer de l’eau en camion (ce sont des gaz d’échappement qu’on respire !), l’emballer dans des phtalates toxiques (oui oui, je parle des bouteilles en PET !) quand on a de l’eau quasi gratuite au robinet ?
Ce ne sont tant les grands sacrifices que les petites réflexions et prises de conscience qui feront changer les choses.

L’épigénétique dans l’actualité
Le 6 septembre dernier (donc c’est tout récent), le King’s College de Londres et le BGI, l’une des plus grandes organisations génomiques du monde, à Shenzen en Chine annonçaient la mise sur pied d’un gigantesque projet à 30 millions de dollars intitulé « Epitwin » qui va s’intéresser aux différences d’expression génétiques de quelque 5’000 jumeaux en raison de leur style de vie et de leur hygiène alimentaire. Le but de l’étude est de comprendre quels facteurs précisément produisent quels effets afin de trouver des médicaments permettant de déjouer l’inhibition des gènes impliqués dans les maladies cardiaques, l’obésité, le diabète, l’ostéoporose ou encore la longévité. Jusqu’ici, les études ont toujours porté sur une poignée de jumeaux : l’ampleur de cette étude va multiplier cela par 1’000.
Je n’ai pas trouvé de détails quant au planning de l’étude, mais on peut imaginer que cela va durer un moment. En tous les cas, nous allons suivre le dossier et vous tenir au courant ici des futurs développements.

Liens:

Vidéos d’Arte « Epigénétique, nous sommes ce que nous mangeons » :
1/3 (14min40sec): http://www.dailymotion.com/video/x97qsw_epigenetique-nous-sommes-ce-que-nou_webcam
2/3 (12min42sec): http://www.dailymotion.com/video/x97nhr_epigenetique-nous-sommes-ce-que-nou_webcam
3/3 (15min15sec): http://www.dailymotion.com/video/x97nda_epigenetique-nous-sommes-ce-que-nou_webcam

Lectures ayant permis la constitution de ce dossier :

Epigénétique :

Epigénétique : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique
Gène Agouti : http://en.wikipedia.org/wiki/Agouti_gene
Drosophile aux yeux rouge : http://www.sciencedaily.com/releases/2009/04/090412081315.htm
Méthylation : http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thylation
Méthyle : http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thyle

Histoire :

Thomas Morgan : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Morgan

Famine néerlandaise et épigénétique :

http://www.timesonline.co.uk/tol/news/uk/health/article5029679.ece

Le sujet du Dr Karl, le « Monsieur Science » de la radio-télévision australienne
http://www.abc.net.au/science/articles/2009/10/21/2720208.htm

L’Opération Market Garden http://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Market_Garden

 

Alimentation, phtalates, hormones et épigénétique :

Bisphénol A (BPA) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bisph%C3%A9nol_A
Polycarbonates : http://fr.wikipedia.org/wiki/Polycarbonate
Alimentation : http://epigenome.eu/fr/2,48,996
Thé vert : http://www.bib.fsagx.ac.be/base/text/v12n2/211.pdf

Actualité :

Le projet « Epitwin » (en anglais) http://www.physorg.com/news202974395.html
New Scientist (Tabagisme) http://www.newscientist.com/article/dn19434-smoking-bad-for-your-fertility-and-your-childs.html?DCMP=OTC-rss&nsref=online-news

Podcast Science 02 – Si tu ne peux l’expliquer simplement…

 

D’abord un grand merci aux auditeurs pour les retours et encouragements sur le 1er numéro, ça fait super-chaud au coeur!

Puis un petit mot sur les autres podcasts amateurs sur la science en français:

Les news de la semaine

Le dossier de la semaine

La quote de la semaine

  • Albert Einstein: “If you can’t explain it simply, you don’t understand it” (Ce que tu ne peux pas expliquer simplement, tu ne le comprends pas)

Voilà qui place la barre assez haut 😉

Et enfin, la minute culturelle:

  • Oh My God, expo au Palais de Rumine sur l’évolution. Avec des Tubix et les Cubix. Derniers jours, jusqu’au 25 septembre http://www.oh-my-god.ch/

Une excellente semaine à tou-te-s!

A la semaine prochaine 🙂

(Prochain enregistrement: jeudi 16 septembre 2010)

Dossier: le bonobo

Dossier d’Alan dans l’épisode #2.

Bonobo (Wikipedia)
Bonobo (Wikipedia)

En anglais, il existe deux mots pour désigner les singes… Les singes à queue « Monkeys » et les singes sans queue, « Apes ».
Les grands singes sans queue, « Great Apes » ou « Hominidés » constituent une famille qui compte aujourd’hui 4 genres :

  • Le genre « Pongo », soit les Orang-Outans ;
  • Le genre « Gorilla », le nom parle de lui-même ;
  • Le genre « Pan », les chimpanzés et bonobos ;
  • Et le genre « Homo » : rien à voir avec l’orientation sexuelle… C’est juste le genre humain !

Lançons un nouveau pavé dans la mare : l’HOMME NE DESCEND PAS DU SINGE !

L’homme EST un singe !

Un ami me disait récemment qu’il faut avoir beaucoup d’imagination pour faire le rapprochement entre un homme et un chimpanzé. Vraiment ? Moi, je pense plutôt qu’il faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour ne pas faire le rapprochement.

Si on demandait à un souriceau intelligent et habile de créer un homme ou un chimpanzé en pâte à modeler, il devrait s’y prendre à peu près de la même manière…

Deux pieds, deux jambes, faites d’un mollet, d’un genou, d’une cuisse. Un bassin, un abdomen étroit, un torse, des glandes mammaires pectorales, deux épaules, deux bras, coudes, avant-bras, deux mains de cinq doigts dont un pouce opposable, des ongles, un cou, une grosse tête contenant un gros cerveau, avec des oreilles un peu décollées, deux yeux intelligents installés dans une orbite osseuse, un nez, deux narines, une bouche contenant 32 dents, une langue rose…

Des accouplements possibles tout au long de l’année, des grossesses produisant un seul petit (rarement des jumeaux)…

Et ça, c’est la partie visible… Je ne vous parle même pas de la similitude du squelette, des organes internes, des systèmes nerveux et musculaire…

Au niveau génétique, une gigantesque étude conduite en 2005 par plus de 18 institutions dans 5 pays, consistant à mettre côte à côte chaque gène du génome humain et de celui du chimpanzé et de chercher les différences, a conclu que l’homme et le chimpanzé partagent 99% de leur patrimoine génétique. Les quelques différences tiennent dans un ridicule petit pourcent ! Le chimpanzé est plus proche de l’homme que du gorille ou de l’orang-outan. Ca remet les choses en perspective, non ? (Bon, pour être tout à fait honnêtes, aujourd’hui, ce chiffre de 99% est un peu controversé. On l’a vu, les preuves scientifiques ne vivent jamais bien longtemps… Mais, bon, on se bat sur des zéros après la virgule : l’ADN de l’homme et celui du singe restent extrêmement proches)

Les différences quand on y pense, ne sont pas si nombreuses : on a le museau un peu plus aplati, on a (en général) moins de poils, on s’est parfaitement adaptés à la bipédie, on a un plus gros cerveau et un système phonatoire qui nous permet de parler…. Et même la capacité de se mettre à la place de quelqu’un qui se met à notre place!

Pour autant, nous ne sommes pas plus évolués que le chimpanzé. Mais chacun s’est adapté au mieux aux conditions de son environnement depuis notre ancêtre commun dont on pense qu’il vivait il y a quelque 5-7 millions d’années. Et on peut dire qu’on a eu le temps et l’occasion de changer, en quelque 400’000 générations côté chimpanzé et 383’000 générations côté humain (on estime que depuis un million d’années, une génération humaine dure environ 20 ans. Avant cela, elle était estimée à 15 ans, comme pour les chimpanzés, qui en sont toujours à 15 ans).

Mais bon, tout cela est fascinant, mais l’évolution humaine n’est pas le sujet du jour… Le sujet, c’est le bonobo !

Alors, le bonobo, c’est qui ?

On l’appelle aussi chimpanzé nain (ou pan paniscus) et c’est le cousin germain du chimpanzé commun (ou pan troglodytes). Le bonobo se distingue notamment de son cousin par une face plus sombre et par une bipédie plus fréquente. Le bonobo serait également moins intelligent que son cousin, ce qui serait compensé par un comportement social moins agressif que chez le chimpanzé (lui même moins intelligent et moins agressif que l’homme… Intéressante corrélation !)

Mais bon, je digresse à nouveau… Ce qui est super intéressant, chez les bonobos, et vraiment instructif pour l’homme, c’est leur organisation sociale. L’article de Wikipedia à cet égard, est super intéressant, je cite :

Chez les bonobos, les relations sexuelles, feintes ou réelles, sont plus souvent utilisées comme mode de résolution des conflits, à côté des mécanismes de domination. Les études suggèrent que les 3/4 des rapports sexuels entre bonobos n’ont pas des fins reproductives, mais sociales, et que presque tous les bonobos sont bisexuels. Des scientifiques ont appelé cette méthode d’accouplement le « sexe convivial ». Ils copulent en moyenne 8 fois 10 secondes par jour.

Par exemple, il est courant qu’un membre du groupe pratique des actes sexuels dans le but de plaire à un autre membre ou pour réduire les tensions sociales (par exemple, un individu subordonné peut utiliser des actes sexuels pour calmer un autre individu plus fort ou plus agressif). Mais si cette fréquence des rapports est exceptionnelle dans le règne animal, et supérieure à celle de tous les primates, les accouplements sont rapides et furtifs, sans aucun geste préparatoire, et ne durent en moyenne qu’une quinzaine de secondes. Leur seul tabou sexuel serait l’inceste.

(…)

À côté des pratiques sexuelles variées dont la sexualité orale, le baiser avec la langue et les rapports homosexuels (…) le bonobo serait l’un des seuls à pratiquer, comme l’humain, le coït ventro-ventral (face à face).

(…)

Par ailleurs, l’organisation sociale des bonobos en captivité présente une autre particularité. La paix du groupe est également maintenue par l’existence d’un bouc émissaire (ou pharmakos). Lorsqu’un groupe de chercheursa retiré un bonobo blessé et frappé par les autres membres du groupe, une accentuation de la violence et une baisse de la sexualité ont pu être remarquées. A contrario, lorsque ce dernier fut ré-intégré au groupe, la paix du groupe fut ré-instaurée.

Takayoshi Kano, de l’Institut de primatologie de Kyoto, a commencé, en 1973, à étudier les bonobos dans leur milieu. Dans son livre, The Last Ape (Le Dernier Grand Singe), il oppose sans cesse le chimpanzé brutal et jaloux au bonobo pacifique et libertin. Selon lui, la société humaine serait née d’une liberté sexuelle comparable, et non de l’agression (…). De même, de Waal parle d’une espèce qui « fait l’amour, pas la guerre ».

Bon, l’article met également en garde quant à l’idéalisation des sociétés de bonobos. On en a fait une espèce de mythe d’un modèle social un peu flower-power, et ce modèle ne colle pas toujours à la réalité… Quand les bonobos se battent, ils ne font pas dans la dentelle… Ils visent directement les parties génitales, en particulier les testicules des mâles; ça fait froid dans le dos, mais ça a sans doute le mérite d’être efficace. Et si un mâle étranger à la tribu a la mauvaise idée de passer par là, il se fait tout simplement massacrer par les mâles de la tribu. Leur modèle de politique d’immigration n’est pas franchement peace & love non plus.
Mais bon, modèle intéressant quand même… Ah oui, encore une petite précision… La plupart des sociétés Bonobo observées fonctionnent sur le mode matriarcal. C’est à dire, en résumé, que même s’il existe aussi une hiérarchie chez les mâles, ce sont les femelles qui ont le dernier mot. La position hiérarchique de chaque mâle, d’ailleurs, est déterminée par le statut de sa mère.

Mieux, on vient de découvrir que les mères des jeunes mâles moins bien lottis interviennent pour qu’ils aient leur chance de se reproduire et de s’assurer une dépendance… L’envie d’être grand-mère plus forte que tout… Heureusement que le parallèle s’arrête là, vous imaginez votre mère en entremetteuse ? 😉

Il y aurait encore des centaines de choses à dire sur les bonobos… Leur habitat, leur extinction, les éthologues, les primatologues qui consacrent leur vie à les étudier…

Je voulais juste faire ce sujet 1. pour être un peu moins abstrait que la semaine dernière, 2. car il nous a été soufflé à demi-mot par une auditrice et 3. pour montrer une fois encore que la science, ce n’est pas forcément des maths et de la physique, des trucs super compliqués étudiés en laboratoire, mais que ses champs d’application d’investigation sont plus variés encore qu’on ne peut l’imaginer. La science cherche à expliquer l’origine du cosmos, l’origine de la vie et pour cela elle décortique aussi les petits riens qui font notre quotidien et celui de nos lointains cousins… En observant les sociétés animales, nous en apprenons également très long sur nous, à condition bien entendu de conduire les observations avec patience, rigueur, honnêteté, de manière systématique et, en l’occurrence, avec une sacrée dose de modestie!

http://en.wikipedia.org/wiki/Human_evolution

http://en.wikipedia.org/wiki/Common_descent

http://en.wikipedia.org/wiki/Chimpanzee-human_last_common_ancestor

http://en.wikipedia.org/wiki/Ape

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hominidae

http://fr.wikipedia.org/wiki/Panina

http://en.wikipedia.org/wiki/Human_evolutionary_genetics

http://eskeletons.org/

http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_bones_of_the_human_skeleton

http://www.astrobio.net/pressrelease/1848/chimps-and-humans-on-similar-clock-time

www.pnas.org/content/103/5/1370.full.pdf

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/08/31/AR2005083102278.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Goodall

http://fr.wikipedia.org/wiki/Frans_de_Waal

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bonobo

http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/zoologie/d/revant-de-devenir-grand-meres-les-mamans-bonobos-aident-leurs-fils_25023/#xtor=RSS-8

Podcast Science 01 – Science sans conscience…

Pour ce premier numéro du premier septembre, nous n’avons pas choisi les thèmes les plus simples…

Et… la quote de la semaine: “Science sans conscience n’est que ruine de l’âme” (François Rabelais)

À la semaine prochaine!!

Dossier: la preuve scientifique

 

Dossier de l’épisode #1.

J’espère que les dossiers – que nous allons essayer de produire chaque semaine et qui seront reproduits en intégralité ici – deviendront rapidement l’une des marques de fabrique de Podcastscience. Le but est de décortiquer un des grands thèmes de la science et de le présenter de la manière la plus simple et digeste possible en essayant de ne pas trop le déformer.

Comment choisir les sujets ? Je vois deux options : soit nous attaquer aux sujets qui nous inspirent et que nous avons envie de partager (j’ai d’ailleurs déjà un ou deux dossiers déjà prêts en réserve : l’un sur l’ADN mitochondrial et l’autre sur l’effet Placebo), soit, et ce serait encore mieux, en demandant à nos auditeurs de nous souffler les sujets. En fait, un futur auditeur, Ben, de Niptech Podcast, m’a déjà un demandé un sujet sur la théorie des cordes. Et c’est là qu’on mesure à quel point la vulgarisation scientifique est un exercice difficile… Le sujet est drôlement costaud et je n’ai pas encore trouvé le bon angle pour le présenter, alors, Ben, désolé, ce sera pour plus tard.

Pour aujourd’hui, je vous propose une petite réflexion sur la notion de preuve scientifique.

Véritable mantra, on dirait que la preuve scientifique, à certains égards, est la nouvelle religion. La preuve scientifique a l’air d’être devenue l’argument publicitaire ultime pour vendre pâtes dentifrice, gélules amincissantes et autres poudres à lessive. La preuve scientifique a le dernier mot dans les tribunaux du monde entier. Et pourtant… La preuve scientifique n’existe pas !

La preuve mathématique (ou théorème) est imparable, inévitable, infalsifiable : quelle que soit l’époque, la culture,  le contexte, dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse sera toujours égal à la somme des carrés des cathètes. Toujours. Partout.

Mais la preuve scientifique ? La loi universelle de la gravitation, formulée par Newton au XVIIe siècle, pourtant valide, permettant de comprendre enfin pourquoi les choses tombent, le pourquoi et le comment des marées, les interactions entre les astres, eh bien cette loi a priori « universelle » n’expliquait pas des minuscules anomalies dans l’orbite de Mercure (la planète la plus proche du soleil). La théorie de la relativité générale, d’Albert Einstein, quant à elle explique non seulement la gravité (en se basant sur une approche complètement différente) mais elle permet aussi de prédire et d’expliquer les variations de l’orbite de  Mercure. La preuve scientifique de Newton a donc été supplantée par celle d’Einstein !

D’ailleurs, si la théorie d’Einstein reste la théorie de référence en astrophysique, on sait aujourd’hui qu’elle n’explique pas tout non plus et qu’elle sera certainement remise en question elle aussi tôt ou tard.

Alors si une théorie prouvée peut être remise en question par une autre théorie deux siècles plus tard, peut-on vraiment parler de preuve ?  Pour ma part, je pense que non. Contrairement aux religions, il n’y pas de vérité en science. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la démarche scientifique. Son moteur est le doute, pas la certitude. Il s’agit de questions plus que de réponses.

Une théorie scientifique passe par de nombreux états : au départ, c’est juste une idée, une hypothèse. Puis, si des observations systématiques viennent confirmer cette hypothèse, au point de pouvoir prédire les résultats de l’expérience, elle est érigée au rang de théorie acceptée par la communauté scientifique. Et c’est tout. Elle peut être remise en question à tout moment, c’est toute la beauté de la chose ! Si d’autres observations viennent invalider ou nuancer la théorie (ce qui est possible à tout moment, particulièrement à cause de l’évolution des moyens technologiques qui permettent de conduire les observations), eh bien, l’ancienne théorie est remplacée par une nouvelle comme pour la gravitation et la relativité générale. Bien sûr, la nouvelle théorie doit avoir respecté la rigueur imposée par la démarche avant de remplacer l’ancienne. Il ne suffit pas de venir dire, comme les créationnistes, qu’on ne croit pas à la théorie de l’évolution des espèces par la sélection naturelle pour remettre en cause l’évolution. Il faudrait que cette nouvelle théorie soit vérifiée systématiquement et qu’on puisse en prédire les résultats, ce qui est exactement le cas pour la théorie de Darwin.

Ce qui m’intéresse et me passionne dans la démarche scientifique, c’est justement la simplicité et la modestie de l’approche. On s’attaque aux problèmes les uns après les autres, tout petit bout par tout petit bout, en toute humilité. Tout papier scientifique est soumis à une revue critique par des pairs avant publication, afin de limiter au maximum les risques de dérive. Toute affirmation ou prise de position doit être supportée par des travaux antérieurs eux-mêmes revus par des spécialistes avant publication. Bref, la science fait tout ce qu’elle peut pour constituer sa formidable somme de savoir tout en évitant les biais et raccourcis existant dans d’autres disciplines. Et même s’il y a des dérives de temps en temps, la science prend en compte les faiblesses humaines (le découragement, l’optimisme, l’hyper-généralisation, la paresse, l’asservissement au pouvoir, l’envie d’avoir raison, le besoin de reconnaissance, le besoin de se démarquer) et prévoit dans sa démarche même des garde-fous qui la rendent aussi intègre que possible en soumettant notamment toute hypothèse à une pensée hyper-critique (on sait d’emblée que c’est comme cela qu’elle sera révisée de toute façon). Et dans cet esprit là, si tout peut toujours être remis en question, on ne peut pas en aucun cas parler de preuve !

Alors, à part les publicitaires… Qui parle de preuve scientifique aujourd’hui ? Pas grand monde à vrai dire. En tout cas pas les scientifiques… Tapez « preuve scientifique » dans google, pour voir… Le résultat est surprenant. Il y a de tout, sauf une définition. Même pas d’article dans Wikipédia en version française !

A part les publicitaires, donc, ce sont essentiellement les médias qui parlent de preuve scientifique, par simplification. La justice également, lorsqu’elle commissionne des experts. Mais je pense que c’est encore un abus de langage. Même pour une « preuve » de paternité par analyse ADN ! Tout ce que permet la démarche, c’est d’exclure certaines hypothèses : on peut être sûr à 100% que Maurice n’est pas le père de Benjamin. Mais la démarche peut conclure à une très forte probabilité de filiation, supérieure à 99%, entre Pierre et Benjamin. Même dans ce cas-là, la notion de « preuve scientifique » est un raccourci de langage. Une notion plus juste serait « probabilité statistique extrêmement élevée », qui pourrait toujours être invalidée par une probabilité statistique encore plus élevée…

J’entends parfois dire autour de moi que la science est arrogante, qu’elle seule prétend détenir la vérité. De la part de personnes qui ne sont pas concernées directement par la science mais qui y sont exposées à travers les médias ou la médecine. Le but de ce dossier était de réhabiliter cette pauvre science, souvent malmenée, qui, au fond, n’est qu’une démarche, sans doute la meilleure que l’humanité ait trouvée jusqu’ici, pour capitaliser au fil des générations les sommes de connaissances qu’on ne pourrait pas acquérir en une seule vie. Pas besoin de repartir de zéro à chaque nouvelle hypothèse, on peut s’appuyer sur les travaux existants. Bref, il y a des scientifiques arrogants, ça ne fait aucun doute. Des médecins qui se croient omniscients et vous font bien sentir que vous n’y connaissez rien. Mais, cela n’est pas de la science. Juste de la bêtise humaine. Notions à ne pas confondre, et Mathieu et moi-même allons nous y atteler au fil des numéros du Podcast !

Autres lectures ayant inspiré cet article :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Introduction_%C3%A0_la_relativit%C3%A9_g%C3%A9n%C3%A9rale

http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie

http://en.wikipedia.org/wiki/Scientific_evidence

http://en.wikipedia.org/wiki/Scientific_evidence_%28law%29